La ZT-700 R, c'est quand même une sacrée merde

Comme quoi, on peut mettre sur le marché un foutu piège et en vendre par brouettes entières.

Essai-vérité

Raud'staire à succès, la ZT-700 R a pourtant des suspensions infâmes et un freinage de pouilleux en plus d'être vendu à un tarif ridicule. Comme quoi, on peut mettre sur le marché un foutu piège et en vendre par brouettes entières. Essai-vérité.

Tu as remarqué ? Quand un motard te prête sa bécane, tu as droit à deux types de commentaires : les positifs (ça pousse grave, ça freine à mort et c'est un vrai rail) ou les négatifs (les suspensions sont à chier, les freins c'est pas ça et elle louvoie dès qu'elle est relevée de la béquille). J'imagine que c'est la version pour deux-roues du verre d'eau de Schrödinger, à la fois vide et plein.

L'autre jour, nous nous rendions en convoi à Tours, sans trop de temps à perdre. Donc pas question de prendre Lapin-Lap1, qui appartient à la catégorie "parfaite jusqu'à 120". Pas chien, j'avais proposé d'y aller quand même avec Lapin-Lap1, de mon côté, en tirant tout droit par le Morvan, mais l'organisateur semble tenir à ce que nous évoluions en groupe pour être sûr d'avoir tout le monde sur place en même temps. Soit.

Le salut arrive sous la forme de la ZT-700 R de la femme d'un participant que je ne rencontre pas pour la première fois, mais que je ne connais que vaguement.

Afin d'éviter un procès avec le constructeur de l'étron en question, tu as peut-être remarqué que j'ai habilement camouflé son nom. Enfin... étron... selon le mari de la propriétaire qui, avant de nous mettre en route, multiplie les mises en garde :

‒ Tu fais gaffe, hein ? Les suspensions sont une catastrophe : la fourche est trop molle et l'amorto arrière fait que ça bouge grave en courbe. Les freins sont pas top. Ya rien en bas dans le moteur. Heureusement, on a changé les pneus d'origine qui sont de vraies savonnettes sous la pluie. Elle voulait celle-là parce qu'elle la trouvait jolie, mais je suis dégoûté qu'on ait payé si cher. Je ne comprends pas que les journalistes en disent du bien. Franchement, c'est une grosse daube.

Okèèèèè... Moi qui n'aime pas rouler sur les bécanes des autres, ça commence bien. Heureusement, la selle n'est pas trop haute pour moi. Le tableau de bord est quelconque ; je déteste les compteurs numériques qui donnent la vitesse au km/h près alors qu'ils sont faux. L'embrayage est très doux, ce qui compense la boîte qui claque ‒,mais sans doute est-ce moi qui n'y suis pas encore habitué.

Je suis soulagé de sortir de la ville, mais je roule quand même sur des oeufs, après les avertissements du proprio. Nous évoluons en deux groupes de six motos. Je suis n°3 dans le peloton de tête. Pour l'instant, ça va. Avec cinquante chevaux de plus que Lapin-Lap1 pour un poids équivalent, logiquement, c'est un missile à la remise des gaz. Je trouve le châssis neutre et la direction facile à balancer dans les ronds-points malgré le gros pneu arrière. Je sens quelques vibrations dans le guidon à allure légalo-légale sur le dernier rapport et c'est tout. Le pot, qui a le bon goût d'être resté d'origine, fait un bruit somme toute agréable dans la deuxième moitié du compte-tours. Bon. Jusqu'ici, tout va bien.

Nous abordons une série de courbes en montée, tantôt très larges, tantôt serrées. Le bitume est déformé, donc je tâte la route du bout de la direction avec circonspection, m'attendant à sentir l'arrière gigoter ou l'avant frétiller sur les rides de la chaussée. Mais rien : ça passe nickel, très facilement même, juste en appuyant légèrement sur le guidon. Moins méfiant, j'ouvre un peu plus dans le quatrième virolo. La moto répond d'un bloc ; j'ai le sentiment d'être très très loin des limites à la fois des pneus et du châssis. J'en serais presque frustré. Seul, j'aurais cherché à passer plus vite pour trouver le point d'équilibre entre angle et vitesse. J'aime beaucoup comme le moteur se met à gronder sans même avoir besoin d'approcher la zone rouge.

Peut-être que les suspensions de ZT-700 R sont d'infâmes daubasses, que ses freins sont à peine dignes d'une mobylette et son moteur bon à jeter à la benne. Mais de mon point de vue et par rapport à ce que je connais, ça s'emmène d'un bord à l'autre sans réfléchir à rien, le moulin est rigolo ‒même si, comme tous les moteurs modernes, je regrette le côté "gras" des anciens gros cubes à carbus : là, j'ai l'impression de rouleur sans huile‒ le freinage suffit largement quand je chope le levier à deux doigts et la selle fait mal au cul lorsque c'est le moment de ravitailler.

C'est bien tout le paradoxe de ces motos faciles à emmener vite : une petite vieille d'il y a 25 ans, façon Fazer, Bandit, ZR7 ou SV, prévient bien plus tôt que ça commence à aller vite-vite. Aujourd'hui, la moindre 700 cm3 "pour débutant" (je ne suis pas d'accord du tout, mais admettons) passe peinard avec 20 ou 30 km/h de mieux. Quand elles avertissent que ça va vite, c'est bien plus tard. Est-ce un bien ou un mal ? Je ne sais pas.

Quoi qu'il en soit, nous sommes arrivés à Tours sans encombre. Retrouvant le proprio de la ZT-700 R, celui-ci m'a demandé :

‒ Ça va, tu ne t'es pas fait trop peur ?

Ici, il ne faut surtout pas répondre :

‒ Tu avais raison, c'est une foutue merdasse, c'te chiotte. On y fout le feu ?

Ce serait une énorme erreur. Dans le petit jeu de la moto de Schrödinger à moitié vide, l'étiquette veut que l'on se récrie :

‒ Moi je l'ai trouvée bien. Pas de soucis.

Ceci afin que le proprio puisse glisser :

‒ Bah, oui : en même temps, on n'attaquait pas.

Comme ça, l'honneur est sauf.

Seuls les proprios de ZT-700 R ont le droit de dire que c'est une immonde bouse. C'est comme ça.

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