Comment bien débrider ses freins moto

ou avoir enfin un freinage qui tue

C'est comme dans la vie : il n'y a pas que des lumières sur Youtube. Il y a aussi de parfaits génies qui se mêlent de moto... avec des résultats calamiteux.

Si Internet est le café planétaire, Youtube en est la scène ouverte, à toute heure. Le meilleur y côtoie le pire, de l'encyclopédie sur pattes qui remonte une vieille italienne au traitement de surface près, au petit con en nette carence d'autorité parentale. Il y a les essayeurs incompétents, ceux qui pensent que raconter leurs trajets boulot-dodo va passionner l'univers, ceux qui conjuguent les qualités optiques et sonores exécrables de leur téléphone avec le peu de vocabulaire qui leur reste de leur CE1 pourtant pas si lointain et ceux qui partagent leur passion pour un modèle ou une époque avec enthousiasme et un grand sens de la mise en scène.

Puis il y a les apprentis-mécaniciens. Tous ceux avides de partager leurs trouvailles qui visent le plus souvent à faire avancer leur machine "plus vite". Ceux qui ont un carnet de chèques à la place du cerveau font confiance au catalogue de pièces labellisées "performance" (rétroviseurs, embouts de valve, cale-pieds, voire leviers de frein pour les plus têtes brûlées). Les autres sont obligés de se rabattre sur la lime, la meuleuse d'angle et l'outillage de récup'.

Par je ne sais quel caprice de l'évolution, ces mécaniciens de comptoir tiennent à afficher au grand jour l'étendue de leur ignorance en direct de leur cuisine ou de leur cabane au fond de la cour. Les plus roublards disposent d'un atelier dont l'équipement peut faire illusion, mais seulement jusqu'au moment où ils commencent à dérouler leur propos.

Je prends un exemple parmi d'autres : celui-ci s'attaque aux frottements parasites. Noble tâche qui occupe beaucoup les (vrais) ingénieurs motoristes. Lui a décidé plutôt de s'intéresser à sa roue avant qui selon lui frotte beaucoup trop, "test" du lancer à la main de roue avant sur béquille centrale à l'appui. La roue fait à peine un tour : funérailles ! Ce futur nominé aux Darwin Awards s'attaque donc au problème en deux temps. Premièrement, il remplace les roulements d'origine par des roulements en "céramique". Rien à dire sur la procédure : il sait déposer et reposer des roulements. Moi, à sa place, j'aurais perdu une petite dizaine de kilos par la combinaison d'un régime alimentaire plus sain et d'une activité physique à peine plus intense : ça m'aurait coûté moins cher et pour un résultat carrément plus sensible que la pose de roulement à très cher, mais passons…

Nouveau test "scientifique" : la roue avant fait un tour et demi. "C'est mieux", selon notre génie du jour.

Ensuite, il s'intéresse au frottement des plaquettes sur les disques. Son raisonnement a cette forme de lucidité tordue que l'on ne trouve que chez les très sévèrement atteints : puisque les plaquettes frottent, il faut réduire leur surface de contact avec les disques en... meulant les garnitures.

Oui, oui.

Tu as bien lu : en meulant les garnitures.

Il empoigne donc sa perceuse sur piles et attaque à la meule (à la meule!) un jeu de plaquettes neuves. Il taille laborieusement une série d'encoches qui réduisent de moitié la surface de contact, puis remonte les étriers ainsi équipés. Nouveau "test" : la roue avant fait effectivement six tours avant de s'arrêter. L'essai est concluant. Le génie est satisfait.

A ce moment, notre mécanicien à poils mous hésite : avec une pointe de regret, il concède que cette modification "ne conviendra pas à tous les motards". Nan ? Sans dec' ? Il ajoute qu'il ne saurait être tenu pour responsable des "incidents" qui pourraient survenir. D'un point de vue légal, cette déclaration mériterait d'être débattue pour de vrai devant un authentique juge de tribunal.

Je précise pour les naïfs que sa méthode d'évaluation de la pertinence de sa modification est bien évidemment tout sauf rigoureuse : il n'a pas resserré l'axe de roue avant, les plaquettes sont repoussées dans leur logement et pas au contact disque, la machine est neuve et donc les disques ne sont pas rodés, etc.

Pour les très bas de plafonds, je souligne que c'est une idée parfaitement débile : les garnitures vont chauffer deux fois plus, travailler en porte-à-faux, bousiller le disque et certainement plus que doubler la distance de freinage sur une machine capable d'aller très très vite puisque ce crétin fait ça sur une R1 même pas rodée (et pas sur la 51 Magnum Racing de son grand frère).

(Soupir)

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