La Chronique de Koud'pied o'Kick
Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.KroniK de novembre : Tollé-rance, Zéro (de conduite) !
Ah! Le doux parfum de la répression, le matin, au coin du périph'. La chaude ambiance sécuritaire (à terre) des salons. Le calme gazouillis de la propagande d'Etat. Qu'il est bon de se sentir aimé, consulté, considéré, contraventionné par nos chères (très chères) forces de l'Ordre qui, comme d'autres, ne font « qu'exécuter les ordres ». Exécuter. Le mot est juste.
Constatation essentielle: quand un gouvernement ne sait pas quoi faire devant une situation, il réprime. Réflexe atavique hérité d'une certain mode de gouvernance primitif (voire néanderthalien) qui consiste à cogner d'abord, et à recogner ensuite des fois que l'argument (forcément « massue ») n'aurait pas porté la première fois.
Je tiens à rappeler aux ignares que « tolérance zéro »* se prononce, en Français « Tolérännsse Zérrau » avec l'accent pasquaïen de rigueur. Et on est prié de rectifier la position en présence d'une Tolérännsse Zérrau. 'Dedieu ! J'vous materai moi, tas d'motards !
En voyant dès juillet not'Chichi National décréter que la sécurité routière allait passer du statut de « petit cailloux dans la chaussure du Ministre des Transports » à « Grande Kauze Natzionale », l'ensemble de mes dispositifs de sécurité internes sont passé au rouge vif, avec un message-flash: « DANGER ! DANGER ! ALERTE ! BULLSHIT EN VUE ». Parce que là, ça allait être grandiose.
Et on n'a pas été déçu. Déjà l'entretien accordé par Gilles de Robien (not' ministre de la boucherie sur route) au Journal du Dimanche en juillet avait donné le ton: police de la route, boîtes noires, tickets de péage mouchards, régulateur de vitesse, abaissement des vitesses limite. Bref, tout le bazar agité de temps à autre (mais pas trop souvent, faut entretenir le suspens) par les ultras de la sécurité routière. Repris bien évidemment en choeur par la presse bien-pensante.
Après quelques jours d'agitation, on revient à des dispositions moins belliqueuses: d'abord on n'a pas de sous (donc pas de police de la route spécifique, qui d'ailleurs existe déjà sous une autre forme), ensuite, les boîtes noires ne sont pas encore développées (et puis il faudrait équiper le parc existant), les tickets de péage, pourquoi pas, mais ce n'est pas pour demain la veille, les régulateurs de vitesse, même problème que pour les boîtes noires. On revient donc à la case départ, avec comme seul moyen d'action les contrôles routiers et les sanctions sur les vitesses limites et autres fariboles.
Mais c'est une stratégie classique: commencer par dire qu'on va t'amputer d'un bras pour que tu sois soulagé à l'idée qu'au final on va juste te couper l'index. Devant l'ampleur de la menace, tu es soulagé que l'on ne te coupe « que » le doigt. Quelle victoire!
En septembre (où, je vous rappelle, on nous avait déjà promis un « Plan d'Action » qu'on attend toujours) ben on continue d'attendre. Ca a gesticulé un temps à des tribunes. On a convié la Grande Presse qui est restée sans voix, rédigé quelques articles ressassant les mêmes rengaines un poil plus sécuritaire qu'il y a un an, et guère plus.
Quelques opérations « coup de points » (en moins sur le permis), la téloche, les journaux, gnagnagna sur la BAU, quelques silencieux, quelques plaques. Ouais. Bilan ? Heu... Quelques milliers d'euros de plus dans les caisses de l'Etat (il n'est même pas dit que les coûts de traitement des amendes ne soient pas supérieurs à l'amende elle-même). Et c'est à peu près tout; je suis prêt à le parier. Ho, ça, pour sûr, on en a causé dans les journaux. C'est d'ailleurs ça l'important: montrer à l'électeur de base que l'on peut effectivement faire semblant de s'occuper de lui.
Laissons donc passer quelques semaines, et tout redeviendra comme avant. Pourquoi ? Parce que les flics sont des êtres humaines (si si) et que ça les gonfle de faire la chasse aux contrevenants les pieds dans la flotte sale du bord des autoroutes. L'important, ce n'est pas de faire en sorte de réduire le nombre d'accidents, c'est de bien passer à la télé, de faire passer les messages de circonstance, et d'obtenir de bons scores d'audience. Que l'on parle de marées noires, d'usines dangereuses, de sécurité routière ou de mayonnaise en tube.
J'écoutais tout de même d'une oreille distraite les « résultats » d'une de ces opérations. Une quarantaine de pochtrons arrêtés. Toujours ça de pris. Mais ils s'y sont mis à 400 pour ça. Admettons que la France soit un pays très sobre et que la population de bourrés au volant ne dépasse par les 2 millions de conducteurs (mon optimisme et ma gentillesse me perdront), il faudrait... 20 millions de flics pour les arrêter. On n'est pas rendu.
J'avais pensé un moment faire une petite lecture critique de l'interview de ce même « ministre » dans MR, mais j'y renonce: il faudrait passer au hachoir à viande chaque ligne, presque chaque mot. Quand je pense qu'à la place de ces deux pages on aurait pu avoir un petit essai sympa de la DRZ 400, ou d'une trial de randonnée. Histoire de nous aérer un peu la tête. Pour lire ce genre d'interview, merci, il y a déjà le Figaro.
Pour finir, je tenais à signaler cet « article » paru dans Le Journal du Dimanche (encore lui) daté du 27 octobre et intitulé « Motos, scooters: les raisons d'une hécatombe ». On y cherche en vain la moindre « raison » sur ces 2 colonnes. Un ramassis de chiffres, et quelques phrases stupides sur une « cohabitation » censée devenir « de plus en plus difficile » entre les motards et les voitures. Personnellement, je ne compte plus les automobilistes qui prennent la peine de se décaler au feu rouge, ou qui s'écartent sur le périph.(merci à eux). Encore un journaliste qui maîtrise son sujet, ça se voit.
On n'est pas vraiment aidé par la presse, qui se « doit » de faire passer un message « politiquement correct ». Et en matière de politiquement incorrect, il n'y a jamais que ceux qui n'ont pas grand chose à perdre (ou pas grand chose à craindre comme moi qui écris sous pseudo) qui peuvent avancer quelques idées.
Voyons un peu ce que l'on pourrait dire de méchant sur le sujet...
Version tueur en puissance...
"D'abord, l'intégralité de l'humanité est composée de crétins individualistes incapables de voir plus loin que le bout de l'éponge qui leur sert de cortex. Mets-toi ça dans le crâne, gars ! Tu fais pas crédible sur ta grosse moto qui fait vroum vroum. Pas plus qu'il y a dix ans quand tu faisais wiin wiin avec ta 103 kitée. Quoi ? Tu râles ? Va donc servir tes exploits à un type dans un fauteuil roulant, à Garches. Tu vas voir ce qu'il va en faire, de tes histoires à la Joe Bar Team. Tu veux une vérité gars ? Dès que tu as mis la clef dans ton contacteur, t'es un tueur en puissance, maniant avec plus ou moins d'adresse entre 150 et 300 kilos de ferraille. Et du triple au décuple si tu roules en caisse. Passé 5km/h (et encore) tu peux passer en une demie seconde du statut de citoyen lambda à celui d'assassin avec permis. Et que tu aies 20 heures ou 20 ans de conduite. Personne n'est à l'abri de la petite demi-seconde d'inattention qui transforme une vie (la tienne ou celle d'un autre) en plus rien, ou en un petit tas ratatiné sur une chaise roulante. Ce que je me dis toujours, c'est que mon phare est pile-poil à la hauteur de la tête d'un môme de 6 ans. Moi, ça me fait réfléchir. Pas toi ? "
Mais si j'écris ça, le forum va m'exploser à la tête. Surtout si c'est vrai.
Bon, je recommence : version désabusée et sans espoir...
"8.000 morts par an, on pourrait voir cela comme l'inévitable dommage collatéral, le coproduit de la circulation routière, le mal nécessaire. Rien de plus. 8.000 morts sur combien de conducteurs ? 17 millions ? Faite la division, ça ne pèse pas bien lourd. C'est même miraculeux qu'il n'y ait que 8.000 morts par an avec ces 17 millions de chauffards nombrilistes en circulation. Assumons un peu notre condition de chauffard potentiel et continuons de jouer chaque matin à la roulette russe. 8.000 cartouches réelles sur 17 millions à blanc, les statistiques sont nettement en faveur du maintien de la situation. On appellerait ça des « pertes acceptables » si on était des militaires.** "
Mais si j'écris ça, c'est les associations qui vont demander ma peau.
Surtout si c'est vrai.
J'essaye encore un fois : version politique et mauvaise foi...
"A élire un gouvernement de droite, faut pas s'étonner de les voir renouer avec leur bons vieux réflexes répressifs. Même quand on aura tous une puce dans le crâne et qu'on roulera dans des véhicules asservis, ils trouveront encore le moyen de nous les briser. Penser que les motards sont leur seule visée par leurs décisions serait nous faire trop d'honneur. Tu veux rouler peinard, comme bon te semble ? No souci. Circule avec une masse d'armes et tape sur tout ce qui bouge. Et quand un type en bleu se fout devant toi en travers de la route, tombe deux rapports et met gaz en grand. Les radars fixes, ça se repère et ça se soigne à la barre à mine. Si on y fait pas gaffe, dans quelques années il n'y aura plus d'individus sur cette planète, mais des administrés (pour moi c'est une insulte, toi tu en penses ce que tu veux)."
Mais si j'écris ça, c'est de derrière des barreaux que je vais pondre ma prochaine kronik. Surtout si c'est vrai.
Alors ? Retour à la réalité...
Alors c'est un problème sans solution. Sauf à vouloir interdire la circulation de véhicules de tous types (et demain on a une guerre civile sur les bras), je ne vois pas trop comment on va y arriver. Parce que la solution n'est nulle part sinon dans ta tête, gars. Et là, c'est foutu, parce que ton ego n'en a rien à cirer de ces histoires. Rappelle-moi combien tu prend avec ton B6? Allez! Fais un effort! Tu l'as écrit il n'y a pas bien longtemps sur le forum.
Tu t'imaginais quoi ? Que j'allais râler après le gouvernement ? Ben non. Il a raison quelque part. Il s'y prend comme un manche, mais il a raison. Et tu pensais que j'allais râler contre les morveux qui bataillent sur le forum à grands coups de km/h et de roues arrières ? Ben non, tu fais ce que tu veux de ta vie, gars. Et tu pensais que j'allais trouver une solution à tout ce cirque ? Ben non. Je me suis contenté de faire ce que j'aurais dû faire depuis quelques mois, au moment où j'ai commencé à prendre plus de risques qu'avant: j'ai revendu ma 600, et je roule en 125. C'est pas sport ? Peut-être. C'est un renoncement ? Tu peux voir ça comme ça. N'empêche que maintenant, quand j'atteins 130, c'est un pur exploit. Pour rester à 120, j'attaque comme un fou, cramponné à mon moteur qui tient à l'aise dans le top-case de la moindre béhème. Et en ville, elle est tellement petite que c'est les coudes que je rentre pour passer entre les voitures. Pas les rétros. Le jour où je me fais arrêter par les roussins sous un prétexte quelconque, je payerai sans discuter ma prune: c'est bien peu cher payé pour prendre autant de plaisir. A 120.
M'enfin si tu tiens absolument à garder ta GSXR 1000, ça ne me pose pas de problème. Si tu veux qu'on arrive ensemble, laisse-moi juste partir dix petites minutes avant toi.
Koud'pied o'Kick, qui n'en pense pas moins. - le 1er novembre 2002
* cette manie de la « formule choc » me fait vomir. On vit vraiment dans un monde de publicitaires. Tout dans le slogan, rien dans la tête.
** ouais, ouais, je sais, c'est bidon comme calcul. Mais quitte à faire dire des âneries aux chiffres, autant que ça fasse sourire, non ?
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