Radio Scoopie : Bobo Néo Rétro

Journaliste, reporter, grand reporter, chroniqueur radio et Rédacteur en Chef sur France Inter...

Serge Martin signe chaque 1er du mois une chronique radiophonique sur Le Repaire

Au-delà de l’objet ou bien de la discipline, la moto est à elle seule un véritable art de vivre.

Raison pour laquelle, une fois descendu de sa monture, le motard s’est longtemps différencié du commun des mortels par sa démarche, son attitude, sa manière d’évoluer dans ce monde de « liberté » qu’il avait décidé d’appréhender. Aujourd’hui plus encore, le motard moderne tient bien souvent à afficher son appartenance à cette grande famille au travers de la tenue vestimentaire qu’il s’est choisie.
Et c’est donc avec l’engouement pour le vintage et la folie du custom qu’est réapparu ces dernières années le style « hipster » plus communément appelé d’une manière général « lifestyle ».

Facile à identifier, ce motard « new age » ou pour parler français « nouvelle génération » se reconnait immédiatement à sa panoplie, pardon à sa tenue. Chemise de bûcheron à grands carreaux, jean brut toile selvedge avec revers sur la cheville, cela va de soi, chaussures « workwear » et gants du même acabit, gants qu’il aime porter, une fois descendu de moto, repliés dans la poche arrière du pantalon, tout comme la casquette accrochée à la ceinture, sans oublier une pilosité généreuse et quelques tatouages « bad boy » mis en évidence, on ne peut pas et c’est voulu, le manquer. On y ajoutera, pour parfaire l’ensemble, la veste jean ou bien en cuir défraichi, la besace et enfin, pour couronner le tout, le jet bien ouvert, bien rétro, avec pour seules protections du visage le bandana et les lunettes. Pas très « safe » tout cela à l’époque où les tenues vestimentaires dotées de toutes les coques de protection ont fait d’énormes progrès tant au niveau de l’efficacité que du style. Mais j’arrête là car ça commence à faire vieux con…

De toute façon, vous me direz, ce n’est pas très grave car à l’exception de quelques irréductibles et indécrottables bikers de la génération custom vous ne trouverez pas beaucoup de ces « hipsters » sur les routes. Non vous aurez beaucoup plus de chance de les rencontrer dans des rassemblements tels qu’Iron Bikers, Bike Shed (littéralement « abri à motos ») ou autres Wheels and Waves. Une concentration basque, fort sympathique au demeurant, où le lifestyle est de rigueur tout comme d’ailleurs le surf accroché sur le côté de la moto. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de rouler avec ce dispositif mais, hormis pour se rendre sur la plage toute proche, ce n’est pas si simple. Mieux vaut pratiquer le skate, c’est moins encombrant…

Quoi qu’il en soit cette mode ou cette tendance, comme vous voulez, cette vague de fond pour reprendre l’une des métaphores du patron de Triumph France, Jean-Luc Mars, très loquace sur ce courant lors du dernier Salon de Paris, semble s’être profondément enracinée dans le monde du deux- roues « branché » ces dernières années.

Un phénomène accompagné aujourd’hui de coups de marketing, saupoudrés d’anglicismes, qui font de ces fans de la moto customisée new wave une catégorie de motards à part, persuadés, peut-être à juste titre d’ailleurs, d’être dans l’air du temps et de l’avenir, fiers et orgueilleux d’appartenir à la « custom culture ».

D’ailleurs, soucieux de ne pas rater un train en marche, les constructeurs, les équipementiers et les fabricants de casque n’ont pas tardé à manifester leur intérêt pour ce courant. Il suffit pour s’en convaincre de voir leur empressement à venir s’afficher lors du dernier Wheels an Waves de Biarritz par exemple aux côté du britannique Triumph, depuis longtemps en pointe dans ce domaine, ou bien encore de l’américain Harley Davidson. L’occasion de voir apparaître ou réapparaitre sur le marché de délicieux Scrambler déclinés à volonté chez Ducati, revisités à partir de la R Nine T chez BMW ou bien tout droit sorti de la délirante imagination du célèbre préparateur japonais Shinya Kimura chez Yamaha.

Alors pour ou contre cette tendance lifestyle, pour ou contre ces « bobos » du néo rétro comme aiment à les appeler, peut-être un peu facilement, les « roule toujours » purs et durs qui se considèrent, eux, comme de vrais motards ? Difficile, pour le moment, de répondre. Il est vrai que l’on peut craindre ou imaginer que l’appétence de ces « bobos de la moto » et autres « citadins rouleurs du dimanche » (pour reprendre tous les clichés) puisse un jour disparaître au profit d’une autre tendance…

Mais il n’empêche que les courants « vintage » et « custom » existent eux depuis longtemps maintenant et qu’ils n’ont aucune raison de ne pas perdurer. Il est vrai aussi et il faut en être conscient par les temps qui courent, que ce « lifestyle » draine dans un monde de la moto, qui en a bien besoin à l’heure actuelle, une nouvelle clientèle potentielle de trentenaires et autres quadras au moment où le deux-roues ne semble toujours pas susciter beaucoup de passion chez les plus jeunes.

Une clientèle dont certains deviendront peut-être des motards « purs et durs »… Si le néo rétro peut nous épargner quelques bobos (au sens propre du terme cette fois-ci) dans un monde de la moto encore bien affecté et trop souvent dépassionné, alors… Banco !

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