Berzingue, mon anti-KTM

J'ai une nouvelle moto

Berzingue est ready-moto-boulot

Elon Musk a fait de moi son unique héritier, je vais commander la mission habitée pour Mars qui part dans six mois et j'ai une nouvelle moto.

Je l'ai prise en blanc, seule alternative au noir-sombre-qui-fait-peur. La chimie des peintures a fait de tels progrès ces dernières années que l'industrie ne produit plus que des nuances de gris, jusqu'au très seyant gris Wehrmacht que je remarque sur certaines bagnoles ces temps-ci.

Maintenant, je vais devoir déployer une ingéniosité redoutable pour arriver à te passionner avec une machine qui fait souvent office de piège à poussière dans les concessions et que les vendeurs voient arriver en soupirant : "il faut que je le vende, ça ? Vraiment ? Allez ! La tournée d'arsenic est pour moi".

Je vois Berzingue comme une anti-KTM. Déjà, ils avaient les sous pour passer une couche de peinture sur le cadre après l'antirouille : c'est un bon point. Ensuite, le tableau de bord ne provient pas d'un vieux stock de consoles de jeu dont la campagne Kickstarter aurait tourné court. Quand une KTM fait GRRRRRRR, Berzingue fait miaou. GRRRRRR, c'est bien, sauf quand tu rentres à 23 heures et que la mouflette des voisins a le sommeil aussi léger que ses cordes vocales sont puissantes et endurantes. Donc : miaou.

Si les Katoches sont ready-to-race, Berzingue est ready-moto-boulot, ce qui la rend compatible avec les retours du taf' en février sous la flotte glacée quand tous les connards roulants de la planète se sont donné rendez-vous dans un rayon de moins de 15 mètres autour de toi.

Le moteur est placide, ne vibre presque pas, ne s'entend guère. Il y a de la place un peu partout pour caser ces accessoires rendus obligatoires comme le gilet jaune et bientôt la ceinture de sauvetage (pour quand il pleut : on peut se noyer dans un caniveau, si, si). Elle est livrée d'origine avec une béquille centrale et le porte-paquet a de quoi visser un top-case, ce que je vais m'empresser de faire. Les rétroviseurs rétrovisent autre chose que mes coudes et les commodos ne sont pas rétroéclairés ‒si tu ne sais plus où est la commande de clicos au bout d'un quart d'heure, tu n'as rien à faire sur une moto.

Berzingue me fait penser à ces véhicules futuristes dessinés par ces sous-Le Corbusier des années 70 qui imaginaient la ville du futur comme une version hardcore de La Défense, où des piétons toujours béats seraient séparés de la noria de voitures-bulles biplaces possiblement électriques par des escaliers et des rampes de béton. Si Berzingue avait existé à l'époque, ils en auraient mis partout, accompagné d'une pointe d'utopie très années '70 du genre véhicule gratuit à la disposition de tout le monde vu que l'essence sera bientôt gratuite.

C'est un peu la version à deux roues de la Bond Bug, mais qui aurait survécu aux années fric (les années 80) pour émerger pile quand il faut dans les années pénuries (les années 20, tu vas voir, ça va être top-fun). Très légère, pas très puissante, mais parfaite pour l'exercice de la remontée de file et du championnat du 0-60 entre deux feux, elle répond à un cahier des charges simple : coûter le moins possible tout en rendant la circulation en ville marrante par son côté tire-bouchon urbain.

Si on avait un gouvernement (au lieu d'une jet-set qui flippe de nous dire la vérité) et que le "climat" était vraiment un problème, j'imagine que les bécanes comme Berzingue auraient une TVA à 0 %, ou je ne sais quelle incitation fiscale qui fait immanquablement sprinter les moutons ‒pourtant, j'ai soudain un doute : je me rappelle que le mouton a prouvé maintes fois par le passé sa stupéfiante habileté à extraire l'épingle futile de la proverbiale meule de foin du raisonnable.

Quand tu liras ces lignes, je serai en train d'en fignoler le rodage ‒oui, je te rassure, elle a un "vrai" moteur thermique. Je serai aussi en train de me recueillir sur la tombe de Freud pour lui poser cette question : "pourquoi, b... de m..., est-ce que j'achète toujours mes motos neuves fin octobre plutôt que début mai alors que je n'aime pas rouler sous la pluie ?".

Plus d'infos sur les chroniques

• Toutes les chroniques