Roman : René (épisode 30)
Episode 30 : René essaye… et Maurice emballe !
Ce matin là (ha !, t'as remarqué que ça commence toujours comme ça ?…), l'histoire débute par un coup de bigo de Grigou :
« René ? c'est Grig' !, je viens d'avoir
Jean-Luc MARS, le boss d'Harley France, au fil, la maison mère
le charge de développer des modèles spécifiques pour
les motards européens et il se trouve que dans son staff technique,
y'a trois p'tits malins qu'ont dérivé
un roadster de la V-Road…
Faut l'avis d'un connaisseur pour valider le projet et il
est hors de question de mêler la presse à ça avant
d'être sûr du coup : image de marque oblige.
Y'a personne, au sein de la marque, qui a le talent pour juger en
live les capacités du proto (sont trop américanisés
pour avoir les aptitudes nécessaires…) et le risque de fuite
avec les gens du milieu est trop risqué pour faire appel à
une quelconque compétence s'y rattachant.
Jean-Luc, c't'un pote…, et il m'a demandé
si, par hasard, j'aurai pas la personne adéquate au sein
de mes relations : pas besoin de t'en dire d'avantage…
»
« Mouais…, Harley… J'vois pas très bien c'que j'viendrais faire dans l'univers des gros barbus qui carburent à la bière, mon trip, c'est les bracelets sur l'angle, pas la parade aux troquets des bars… », rétorque René avec sa moue habituelle du gars pas convaincu.
« Justement ! C'est cette image là qu'ils veulent casser en proposant un truc apte à satisfaire le motard de chez nous. Tu te doutes bien qu'ils prennent un risque en faisant ça mais ils ont la volonté d'ouvrir la marque au style européen avec des machines plus en osmose avec notre façon de voir la moto : je ne vois que toi pour les aider et je te le demande en ami… »
« Bon…, puisque tu le prends comme ça, on va aller les voir. Fixe un rencard pour le début d'après-midi et passe me prendre vers treize heures, mais j'suis pas très sûr d'être l'gars qui faut pour ton pote… »
René expose ensuite le projet à Maurice qui l'interroge du regard : celui écoute son frangin sérieusement, comme à son habitude, mais à l'évocation du nom « Harley », le voilà parti dans un fou rire inextinguible :
« Quoooooi ?????????, toi, le grand René associé à Harley-Fergusson ????????????????????, OUARF !, OUARF !, OUARF !!!, j'me doutais pas qu'avec l'âge tu passerais à l'agriculture…, OUARF !, OUARF !, excuse-moi , c'est trop drôle… »
« Ouais ben…, fais l'malin toi, l'père
la morale qui fait l'clown avec sa moto pendant qu'j'lime
la pouliche…
Ha !, l'est moins fier l'frangin qui gatouille sur la route
pour justifier ses propos digne d'un délégué
d'la sécurité routière, quand on lui rappelle
ses exploits…
Alors ouais, j'vais les aider. Toute façon, un René
sur une Harley c'est pas plus bizarre qu'un Maurice en roue
arrière sur un V6 !
Excuse-moi ; c'est toi qu'a commencé…, et pour
ta punition, tu m'accompagnes… »
L'a pas tort le Respectable, t'aurais imaginé le gars Maurice faisant du stunt, toi ?…
Grigou se pointe vers à l'heure dite, ponctuel comme à son habitude. Ils ne perdent pas de temps et les frangins font rapidement chauffer les 1300 pour emprunter l'autoroute les menant vers l'antre de la bécane américaine.
Sur place, des bâtiments ultramodernes ornés du célèbre blason à l'effigie de la firme ricaine. À la vue de l'aigle, Maurice ne peut s'empêcher de rire de nouveau et manque de percuter René qui lui lance un regard noir…
C'est le big-boss qui les accueille en personne et Grigou fait les présentations.
« Jean-Luc, je te présente le fameux René, dont toute la presse a causé…, René ?, voici Jean-Luc MARS, le responsable de l'importation française. »
Serrage de paluches en bonne et due forme, puis Grig' présente… Maurice, lequel ne peut s'empêcher de se marrer une fois de plus en le saluant…
« Qu'est-ce qui ce passe ? » s'étonne Jean-Luc, stupéfait de la réaction de l'Ancêtre…
Le Maurice en question ne peut répondre car il s'étrangle plié en quatre sur le bitume !
C'est René, un peu gêné, qui répond. « Faut pas faire attention, l'est comme ça depuis qu'il sait qu'j'viens voir si j'peux vous aider… J'avoue qu'j'ai rien d'un biker et qu'j'imaginais même pas un jour grimper sur une brèle de chez l'oncle Sam… »
« Haaa !!!, je comprend mieux, voilà l'image qui nous
colle à la peau depuis toujours !
L'usine aimerait que ça change et mes gars et moi avons légèrement
retouché une V-ROAD, histoire de la rendre plus à même
de se fondre dans le paysage motard européen. Suivez moi, je vais
vous montrer… » dit le boss avec un air malicieux…
Ils traversent ensemble divers bâtiments ou les ouvriers s'affairent qui, aux pièces détachées (un truc monstre à gérer quand on livre une moto avec un catalogue d'accessoires gros comme un bottin téléphonique…), qui, à la mise en caisse des machines, pour s'arrêter devant une porte à ouverture codée. Jean-luc tapote rapidement quelques chiffres, une led passe du rouge au vert suivie d'un déclic les invitant à pousser la lourde. Ils pénètrent alors dans la pièce réservée au R&D (recherche et développement) de la filiale française, toute blanche, aseptisée comme une salle d'hôpital et éclairée à la lueur unique des tubes néons installés en batterie au plafond, immaculé lui aussi (aucune fenêtre n'existe dans cette espèce de « bunker »).
Trois personnes en blouse blanche, la trentaine environ, bossent sur des planches à dessin, plus un sur une mécanique truffée de capteurs, laquelle est fixée à hauteur d'homme sur une table élévatrice.
Une bâche recouvre une moto à peu près au centre de la pièce : Jean-Luc s'en approche, puis la retire…
Un magnifique roadster gris métal leur apparaît alors, fin
et élancé, il n'a plus de la V-ROAD que la partie
mécanique, certainement le cadre (et encore, pour ce dernier, y'a
eu du travail de fait, c'est évident) et le réservoir.
Le magnifique tableau de bord qui orne le custom est judicieusement toujours
présent. Par contre, pour tout le reste : rien à voir avec
le modèle originel et on penserait presque à une moto échappée
de la production italienne !
Sa finition est parfaite, rien qui cloche ni le moindre fil qui dépasse…
On sent que des idées ont été reprises aux autres
constructeurs, un peu de Mostro pour le phare et le train avant, la ligne
d'une Guzzi Griso, la selle ressemblant étrangement à
celle d'une Fazer 1000 et un magnifique dosseret arrière
d'ou sortent deux volumineux silencieux dans le plus pur style Ducati
!
Mais l'ensemble est cohérent dans sa fluidité de ligne,
une bien belle moto en vérité…
La transmission secondaire se fait à l'aide d'une…
chaîne !!!
Jean-Luc attend les réactions, un peu inquiet…
« Mouais…, commence l'Ancien après un instant de réflexion, faut avouer qu'elle est plutôt réussie au niveau d'la tronche, j'préfère les trucs plus sportifs, mais là, j'avoue qu'ça donne envie d'grimper d'sus et d'voir c'que ça peut donner en live… »
Maurice rigole plus du tout. « Bon sang, c'qu'elle est belle !!! », lâche t'il très sérieusement.
Grigou reste sans voix : « Espèce de cachottier, finit-il par articuler, tu avais bien préparé ton coup… » dit-il avec un regard admiratif envers son ami.
Jean-Luc semble visiblement rassuré des premières réactions, il commente :
« On est bien entendu parti de la V-ROAD pour le cadre, la mécanique,
le tableau de bord et le réservoir. La géométrie
a été largement revue pour sa nouvelle définition
et on s'est inspiré de la Mostro pour ça, la fourche
inversée et l'amortisseur ont été spécialement
fabriqués par Ölhins selon nos critères. Le freinage
est signé Brembo, de l'éprouvé que l'on
retrouve sur beaucoup de machines. Pour le moteur, par contre, un énorme
travail en profondeur a été effectué, la cylindrée
grimpe à 1300 cc par augmentation de l'alésage (pour
lui permettre de prendre plus de tours), l'injection est inchangée
mais réinitialisée pour s'accorder aux nouvelles spécificités
mécaniques. Les arbres à cames ont des degrés d'ouverture
plus importants et la boîte se contente de quatre rapports.
Vous avez bien sûr constaté la transmission par chaîne
? Une obligation vu la puissance, mais surtout l'énorme couple
développés. De plus, pour une moto destinée au marché
européen, c'est plus dans l'état d'esprit.
Le bras arrière est constitué de tubes mécano-soudés,
plus légers et moins onéreux, pour nous, à produire.
Voilà dans les grandes lignes la définition du projet, lequel
roule parfaitement en développant la bagatelle de cent trente chevaux
à cinq mille tours pour un couple maxi de quatorze mètres
/ kilos à quatre mille tours. Ce dernier en développe déjà
onze à deux mille…
Par contre, même si le régime de puissance maxi n'est
pas très élevé, son allonge se poursuit sans faiblir
jusqu'à sept mille sans perdre plus de dix pour cent de sa
cavalerie… »
Jean-Luc donne alors quelques ordres rapides et aussitôt deux employés attrapent la bête pour la sortir vers l'extérieur.
« On va procéder à deux, trois trucs avant de vous la confier, René. Grig' ? Tu connais la maison ? Fais donc faire le tour du propriétaire à nos amis pendant ce temps. »
Grigou s'exécute et tous les trois s'en vont à la rencontre des employés sur les aires de montage. Ces derniers, avertis de la venue du célèbre Superpapy, lâchent quelques instants leur besogne pour venir serrer la paluche à la vedette du moment. René n'aime pas trop ce genre de vedettariat, mais il est bien obligé d'en prendre son parti (c'est partout comme ça…). Il se plie d'assez bonne grâce à la demande et va même signer quelques autographes sur les blouses de travail, avec une préférence pour le personnel féminin sur lequel il accorde une attention particulière.
Au fait, en parlant de ça, sache que les filles occupent un bon tiers de l'effectif et que certaines mériteraient d'avoir autre chose que des boulons à serrer entre les mains. C'est en tout cas ce qu'a l'air de penser Maurice, lequel s'attarde particulièrement au stand de contrôle des roues (les motos sont sorties de caisse et contrôlées avant de partir en direction des diverses concessions dans les boîtes d'origines), plus particulièrement en s'intéressant à la personne chargée de cette mission…
Elle est blonde, le teint mat et les yeux noisette. La trentaine tout au plus. Assez grande aussi et plutôt bien faite de sa petite personne (arrête de baver, c'est pas pour toi…).
La môme ne semble pas farouche, en tout cas elle se laisse approcher par un Maurice qui ressemble assez dans l'immédiat au loup du célèbre dessin animé !
« Dites-moi, jeune fille que je rêve, commence t'il,
comment faites-vous pour dégager un tel charme avec ce geste si
anodin consistant à serrer les boulons ?
Excusez ma brusquerie de vous aborder ainsi, mais ça me laisse
pantois…
Je me présente : Maurice, le frère du célèbre
animal que vous voyez là-bas.
Serait-il indiscret de vous demander votre prénom ? »
La fille en question semble amusée (toujours les faire rire pour les aborder, retiens bien ça ).
« Vous perdez pas d'temps, vous ! rigole la demoiselle, tant
mieux, j'aime les hommes mûrs et décidés. Je
me prénomme Sophie, je vis seule, j'ai trente trois ans et
roule sur un Sportster 1200.
Je précise ça tout de suite pour éviter les paroles
inutiles.
Mon service se termine dans une heure, si ça vous dit de vous traîner
derrière un bicylindre… »
« Pourquoi pas ? tu sais ? on peut se dire « tu » maintenant
que nous sommes intimes, avant ma 1300, j'avais une YAPAPA VIRAGRO.
Hé bien, ça me rappellera le bruit de mon gros bi qui m'a
fidèlement drivé pendant des années.
J'dois t'dire que j'suis un sentimental à ma
manière, et voilà bien le genre de proposition que je ne
puis refuser. A tout à l'heure, charmante Sophie ! »
Maurice rejoint alors le petit groupe qui n'a rien perdu du manège…
C'est René qui attaque : « Maurice…, à ton age…, est-ce bien raisonnable ? », dit-il avec un air faussement réprobateur.
« C'est comme les trains, y'en a toujours un pour cacher l'autre, enchaîne Grigou en se marrant, décidément chez les Gedeufoitrentans, y'a du tempérament… »
Jean-Luc refait soudain son apparition :
« René ? la moto vous attend : elle chauffe à l'extérieur.
Vous roulez tant que vous voulez, mais faites attention, c'est un
exemplaire unique…
Ha oui, aussi, évitez de trop traîner en ville car on ne
sait jamais qui risque de vous aborder, le projet étant encore
secret… »
René enfile son casque et ses gants pour se diriger vers la Harley qui poume-poume sur sa latérale dans une sonorité feutrée mais grave. Il fait le tour du proprio, teste les commandes, la détaille encore un instant puis grimpe en selle. Les mécanos lui expliquent deux, trois détails avant de partir, il leur fait «OK » de la main, passe la première dont la boîte fait entendre un « Klong » typiquement Harley, puis décolle doucement pour disparaître au coin de la rue.
Jean-luc se ronge les ongles d'anxiété…
Quelques minutes plus tard, René est de retour. Le boss se précipite
vers lui, Pépère lui glisse un truc à l'oreille
à travers le casque et aussitôt, sur ordre du patron, deux
mécanos se penchent sur la fourche, puis sur l'amortisseur
arrière, guidés par le Respectable.
L'ancien semble satisfait et repart de nouveau.
Cette fois, il ne reparaît que trois quarts d'heure plus tard, visiblement content de son essai, béquille la moto face au groupe qui l'attend avec impatience, coupe le contact et retire son casque.
Avant de prendre la parole, René observe quelques instants la Harley, comme cherchant ses mots, puis se retourne vers Jean-Luc et dit :
« Je suis bluffé : elle fonctionne drôlement bien
cette moto…
Le moteur est fantastique : plein partout avec une allonge terrible. Y
m'fait penser à mon 1300 question patate à l'accélération,
j'peux pas dire mieux…
La boîte quatre surprend au début, et la course du sélecteur
est assez longue, mais on s'y fait. Néanmoins, c't'un
point à revoir quand-même.
Elle est lourde mais bien équilibrée : on la balance avec
franchise et elle se place d'un bloc sur la traj', mais faut
pas hésiter sinon elle t'embarque.
Les suspensions sont géniales dans le sens ou elles absorbent toutes
les irrégularités, mais avec une qualité d'amortissement
bluffante, du tout bon !
La position de conduite me semble bonne avec une triangulation comme j'aime
: tout sur l'avant, avec un petit cintre entre les mains et les
jambes pas trop pliées qui enserrent un réservoir très
fin. Encore une fois, c'est bien.
La garde au sol, par contre, est franchement limite : faudra revoir ça
très vite car y'a moyen d'aller fort avec une moto
comme ça, malgré son poids.
Bref, bien joué Jean-Luc, vous pouvez la montrer à la presse
après avoir corrigé ces quelques points. En tout cas, c'est
mon avis… »
L'importateur est aux anges des déclarations de René. Il le remercie chaleureusement d'avoir apporté sa pierre à l'édifice qui risque de marquer un tournant dans l'histoire de la marque américaine… grâce à la France !
Jean-Luc les invite alors à venir prendre un verre à son bureau, situé à l'étage, quand un VADABROUM !, VADABROUM ! se fait entendre ; un Sportster noir est là, à quelques mètres, chevauché par une créature à l'allure féminine tout de noir vêtue elle aussi, casque compris, qui semble attendre en regardant dans leur direction…
Seule une longue chevelure blonde apporte une touche de couleur à l'ensemble, lequel dégage un érotisme torride (le fameux mythe de la fille sur sa moto…).
Maurice enfile rapidement son casque, serre la louche en s'excusant de devoir partir si rapidement, et s'en va rejoindre sa moto, puis la fille en Harley. Le duo disparaît très vite sous l'œil amusé des trois autres, lesquels se regardent en souriant, puis montent à l'étage pour trinquer à la santé de notre passion commune…
Tu sais qu'le Maurice est pas rentré de la nuit ? Ben maintenant t'es au courant…
Je suis sûr que tu te demandais si l'Ancien allait tenir la distance comme le fait son célèbre frangin ou alors revenir rapidement la queue entre les pattes (et je t'interdis de répondre qu'elle est TOUJOURS entre les pattes…). Faut pas oublier qu'étant jumeau avec Pépère, les gènes familiaux sont bien présents.
C'est donc un Gatouillable exténué, certes, mais visiblement content de lui qui regagne le bercail au petit matin. Ses traits portent les stigmates d'un dur labeur accompli à travers un sourire béat et ce regard un peu vague de celui qui n'est totalement revenu à la réalité de la vie.
René l'attend, curieux et amusé à la fois ; lui, ça baigne, comme d'hab'. Il observe Maurice sans dire un mot, comme cherchant à l'analyser, lequel se dandine comme un gosse qui vient de réussir (j'ai pas dis : tiré…) un coup. Au bout d'un moment, Superpapy prend la parole :
« C'est seulement maintenant qu'tu rentres, vieux chnoc
? Tu t'verrais dans une glace, on dirait qu't'as pris
dix ans d'plus…
Vas-y, raconte ! »
« Bon Dieu, René ! C't'un volcan la Sophie, elle m'a pas laissé une minute de répit et j'peux t'dire qu'elle possède un sacré répertoire…
M'a tout fait et j'ai même pas pu prendre la moindre initiative.
On est à peine arrivé à son appart' qu'elle passait déjà à l'offensive en me roulant l'patin du siècle tout en vérifiant si l'Pollux était opérationnel ! Moi, tu m'connais, faut pas m'bousculer, mais là, j'étais inspiré et l'animal commençait à r'dresser la tête.
La môme a vérifié la marchandise à la manière du percepteur épluchant ta feuille d'impôt, poussant ses investigations jusqu'à goûter pour être sûre de la date de validité de l'étendard qu'était maintenant au zénith ; une prévoyante dénotant un savoir faire qui m'a un peu foutu les jetons quand à la suite de évènements…
Mais j'me suis pas déboulonné, elle m'a entraîné dans la salle de bain, s'est désapée – tu sais qu'elles sont choucardes à c't'âge là ? Rien à j'ter et prêtes à l'emploi – et j'en ai fait autant en m'efforçant de maîtriser cette petite appréhension d'être à la hauteur d'une gamine qu'en a visiblement vu d'autres.
On s'est glissé sous la douche et j'ai commencé une reconnaissance du terrain par la face nord, tranquillos, pour pas ouvrir l'calorstat trop vite, elle a répondu très vite en commençant à onduler, a levé la jambe qu'elle a serré contre ma cuisse puis, d'un mouvement souple a rejeté la tête en arrière, ce qui m'a permis une descente en vue de l'exploration du mont Vénus.
Là, elle a passé la s'conde en empoignant l'manche avec vivacité – mais en douceur quand même, hein – pour qu'on entame la marche cosaque, d'abord au pas, histoire de régler la cadence, puis en p'tite foulée pour pas s'endormir sur un faux rythme.
Là, j'te cause du hors-d'œuvre, car sitôt sortis de la cabine de douche et séchés partiellement, elle m'a agrippé avec autorité pour me plaquer au paddock, est venue s'empaler au mat d'cocagne en r'dressant le torse à la verticale, un peu à la manière d'un cobra face au joueur de flûte. Là, Sophie a commencé à onduler comme l'animal dont j'te cause, lentement, très lentement, en m'rappelant à l'ordre dès qu'j'tentais d'mettre un peu d'gaz…
Ben, j'va t'dire : avec cette méthode, on peut jouer
les prolongations sans risquer le hors-jeu !
On a besogné un bon quart d'heure comme ça, à
la langoureuse, avec juste deux, trois accélérations à
son initiative pour vérifier la montée en température.
Ensuite, sans prévenir, elle s'est laissé tomber sur ma pomme en vissant la poignée, t'aurais vu l'accélération !!! pire qu'la V6 !!!!!
J'ai failli êt' désarçonné tellement elle a mis gaz, obligé de viser au loin pour pas risquer l'bac à sable, et j'sentais bien qu'elle me guettait au tournant…
J'ai serré les dents, surtout pas lui donner l'impression d'avoir remporté la partie aussi facilement !
C'est elle qu'a relâché les boisseaux et on a fait une pause, histoire de ménager la mécanique. À son regard, j'ai compris qu'j'avais gagné la première partie…
Ensuite, on a r'pris les affaires d'une façon classique, après vérification réciproque du matériel (ce qui permet une transition en douceur)
Les choses sérieuses ont débuté par l'assaut de la face sud au piolet : elle connaît la technique par cœur, ce qui m'a obligé à penser à autre chose pour pas vidanger trop vite.
Heureusement qu'on est passé rapidement à la culbute de l'empereur, j'ai ainsi pu revenir à un rythme plus en phase de calmer le voyant d'chauffe qui commençait à clignoter.
Toujours elle qui réglait la cadence, m'a pas laissé une seule fois driver !
Voyant qu'je suivais toujours, elle a poursuivi par la traversée du tunnel, mais façon T.G.V. et j'me suis vite retrouvé au taquet. Là, le décrochage était inévitable mais, heureusement pour moi, c'est elle qu'a déraillé en premier…, mais on s'est r'trouvé dos à dos avec la balle au centre !
Comblée, sans aucun doute, mais vexée la minette…
Après une pause pour refroidir, on a r'piqué au plat d'résistance trois fois d'suite, puis on s'est fini à la douche, pour le dessert. J'pensais pas pouvoir tenir autant mais, visiblement, dans c'domaine là aussi, c'est l'expérience qui prime.
On a prévu d'se revoir souvent la Sophie et moi, histoire de peaufiner la technique… »
René regarde son frère, un peu étonné :
« T'as VRAIMENT fait tout ça ?», l'interroge t'il, quelque peu sceptique…
« Ouais ! Plus deux ou trois trucs sans importance, lui rétorque Maurice avec l'air du gars qui fait mine de jouer les étonnés face à une telle remarque, mais j'ai pas grand mérite vu la qualité d'la cavalière… »
Il se regardent un instant avec complicité puis éclatent de rire en se tapant dans les pognes.
« Au fait, reprend René, j'ai r'çu un appel de Grigou : y'm'demande si j'veux l'accompagner à Jerez car la presse est conviée à essayer la meule du p'tit gars qu'a l'numéro 46…
Christian SARRON, au courant d'l'affaire, s'est débrouillé pour appeler l'Japon et leur demander l'autorisation qu'je participe aussi, y z'ont mijoté ça à deux car ils veulent savoir c'qu'un gars comme moi ferait sur une bécane d'usine…
Les jaunes, d'abord réticents, se sont laissé persuader puis séduire par l'idée, c'est même eux qui ont insisté pour qu'ils réussissent à m'décider…, et j'ai dit oui ! »
« Heiiiiiiin ???, on t'a proposé d'essayer la moto d'usine de Rossi ????????????? : c'est pas possible un truc comme ça !!!!!!!!!!!!!!!!!!. Et ON part quand ???… »
« ON part demain, car bien sûr, t'es d'la partie… »
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