Essai Yamaha Niken GT
La voie de la sérénité
Moteur CP3 de 847 cm3, 115 ch et 87,5 Nm, multi-essieux directeurs, 267 kg pleins faits, 16.299 €
Depuis 2006, le Piaggio MP3 a magistralement imposé le trois roues dans l'univers urbain. Décliné en 125, 250, 300, 400 et 500 cm3, l'engin est devenu particulièrement populaire en France. Notamment et surtout, du fait de pouvoir être conduit par tout possesseur du permis voiture (B). Face au monopole Italien, Yamaha commercialise en 2014 son Tricity 125. Une machine performante et légère, dotée d'un train avant plus raffiné techniquement. Mais la marque au diapason en avait encore sous le gant…
Surgie en 2018, la Niken impose son esthétique et son train avant improbable au secteur moto. Efficace, étonnante et même convaincante pour qui l'essaie, elle donne de nouvelles sensations motocyclistes. Mais certains pensaient que cette première version pêchait par manque d'aboutissement. Sa conception la destinait en effet naturellement aux longues sorties, voire aux voyages. Problème, la Niken n'avait rien d'une routière. Bulle extra courte, valise absente et confort de selle largement perfectible pour le passager grevaient sa polyvalence.
Un an plus tard, Yamaha revoit sa copie et propose une version GT de sa créature technologique. De plus, la firme japonaise a su convaincre l'A.S.O. et RCS Sports, organisateurs des trois Grands Tours cyclistes européens (Tour de France, Giro et Vuelta) de faire de la Niken LA moto d’assistance officielle de ces épreuves jusqu’à la fin de la saison 2021. Et ce ne sont pas moins de 30 machines reliées par radio qui arpentent l'épreuve italienne. Ainsi, 12 Niken GT en amont ouvrent la route, 4 suivent à fin publicitaire, 4 autres emportent les inspecteurs, 2 les panneauteurs et 2 encore les régulateurs de trafic autour des coureurs. 4 machines se mêlent au Giro pour les comptes rendus presse en direct et 2 tri-roues emmènent un informateur radio général et un autre pour la course. Enfin, un Niken GT sert de porte-pièces et le dernier, machine de remplacement, est sur un camion plateau.
C'est donc en suivant une étape de l'épreuve transalpine, entre Lovere et Ponte di Legno, que nous emmenons le millésime 2019 version GT du tri-roues confort Yamaha que l'on avait déjà essayé à sa sortie.
Découverte
Les lignes agressives suggèrent une sportivité propre à la gamme des MT. Mais rien de nouveau en esthétique, ni mécanique sur cette déclinaison. Toutefois, la bulle affiche désormais une taille appréciable. On regrette par contre que celle-ci ne soit toujours pas ajustable… Bien que désormais un peu mieux connu du public, l'engin interpelle toujours les béotiens. Il faut dire que les deux bras directeurs à double fourche en imposent. Et leur couleur bleutée à l'éclat électrique renforce cette présence visuelle peu commune. Les larges épaulements du carénage évoquent toujours des passages de roue type automobile. C'est qu'il faut bien loger la technologie multi-essieux directeurs (LMW : Leaning Multi Wheel) à parallélogramme. Pour rappel chaque roue est équipée de deux tubes de fourche inversée juxtaposés et placés, sur la Niken, à l'extérieur afin de maximiser les prises d'angle (jusqu'à 45°).
Le long réservoir en aluminium de 18 litres devance des assises largement plus avenantes sur cette version GT, notamment pour l'accompagnant. Celui-ci dispose maintenant d'une vraie selle, large et épaisse, encadrée de larges poignées de maintien. Deux valises semi-rigides de 25 litres équipent également la machine. Dommage, un casque intégral ne s'y loge pas. Le pilote bénéficiera de poignées chauffantes, ajustables sur trois niveaux de puissance. Enfin, la béquille centrale est de série.
Dédié à la Niken, le cadre tubulaire acier de forte section supporte le bloc CP3 CrossPlane équipant les Tracer et MT09 dont il reprend les caractéristiques majeures. Ce trois cylindres de 847 cm3 (78x59,1 mm), double ACT et 12 soupapes, n'est pas avare en sensation. Ses cartographies d'injections sont optimisées pour dynamiser au mieux le trois roues japonais. Avec ses pistons et bielles en aluminium forgé, il renferme également une mécanique de haute volée partiellement modifiée pour la Niken. Il développe 115 ch à 10.000 tr.mn (84,6 kW) et 8.75 da.Nm à 8.500 révolutions-minute.
Pour découvrir en détail les spécificités du train avant et retrouver les caractéristiques techniques de la Niken, accédez à la section dédiée.
En synthèse, l'engin trois roues propose, comme les MT09 et Tracer, un accélérateur électronique (Ride by wire) offrant trois cartographies d'injections (D-Mode). Elles permettent d'ajuster la réponse moteur aux conditions de roulage ou envies du pilote, tout en conservant les performances. Sur le Niken, Yamaha renomme ces modes. Plus de lettres, mais des chiffres : le 1 donne le plus vif caractère. Le 2 est le profil "Standard" ménageant sport et touring, le mode 3 réduit la réponse à l'ouverture des gaz.
La Yamaha s'équipe aussi, de série, de l'ABS, d'un embrayage anti-dribble et assisté (A&S), d'un système de passage rapide des rapports à la montée (Quick Shift System, QSS) sans actionner l'embrayage, d'un contrôle de la traction TCS (Traction Control System) à deux niveaux d’intervention et désactivable et d'un régulateur de vitesse. Ce dernier peut être actionné à partir de la 4e et plus de 50 km/h pour les longs trajets et sur autoroutes. Le système est automatiquement désactivé en freinant, en embrayant ou en accélérant. De plus, il dispose d'un bouton « Resume » (Reprise) qui permet de réinitialiser le système au réglage précédent.
Si la construction est globalement qualitative. On note toutefois pas mal de gaines électriques qui se concentrent au niveau du té de fourche et le levier d'embrayage n'est pas réglable en écartement. Des câbles apparaissent assez nettement aux côtés du moteur dont les carters n'ont pas l'élégance de ceux des MT09. Et l'on souhaiterait des caches masquant les durites de frein arrière et celles du radiateur, les espaces entre le moteur et le cadre et le bas moteur. Heureusement, la finition des éléments du train avant atténue ces quelques points.
En selle
Avec 820 mm de hauteur, l'assise est accessible, même si un conducteur d'1.70 mettra tout juste les pieds à terre. Et quel confort ! La différence de selle avec le modèle standard est impressionnante. Boulonnée sur ses platines et non ajustable, celle du pilote est particulièrement vaste et longue et permet beaucoup de recul, idéal pour les très grands.
Comparées à leurs cousines MT09 et Tracer, les Niken affichent une position de pilotage différente. Poignées et assises sont sensiblement reculées et plus basses, les repose-pieds se décalent aussi vers l'arrière. Les jambes restent raisonnablement fléchies et le corps bascule en appui léger sur le large cintre aluminium à diamètre variable. Sa largeur de 885 mm, soit 35 mm de plus que celui des Tracer 900, permet de meilleurs appuis encore. En revanche, le réservoir écarte toujours sensiblement les jambes.
Dominant le poste de pilotage, le bloc instrument est une large fenêtre LCD à affichage négatif. Il regroupe, sous le compte-tour type barregraphe, tachymètre et indicateur de rapport engagé, mode de conduite retenu (par poussoir à main droite), niveau de TCS, horloge et jauge de carburant. Au commodo gauche un basculeur fait défiler successivement deux partiels, odomètre, consommation instantanée, moyenne, température moteur et extérieur. Le tout, sans fioriture, s'avère des plus lisibles. Notez que l'anti-patinage TCS ne se déconnecte qu'à l'arrêt.
On apprécie la présence d'une commande de warning et d'un levier de frein réglable en écartement. Pratique, une des deux prises 12 volts jouxte le tableau de bord. L'autre est au côté gauche de la selle pilote.
En ville
Et l'on ne passe pas inaperçu au guidon de cet engin. La structure frontale est source d'interrogations quasi métaphysiques des autres usagers et des piétons. De quoi renforcer l'impression de piloter un vaisseau futuriste.
La largeur de l'avant demande une certaine anticipation pour circuler dans le trafic, mais pas plus qu'aux commandes d'un maxi-trail. Hormis donc son gabarit supérieur à celui d'une moto conventionnelle, la Niken GT s'emmène avec le même naturel. Aucune lourdeur dans ce train avant double qu'on croirait unique. L'équilibre des masses de la structure mobile et son fonctionnement intuitif témoignent d'une parfaite maîtrise de la technologie.
Vive et ample, la mélopée du bloc trois cylindres est toujours séduisante de sportivité. Et sa disponibilité confère à la Yamaha beaucoup d'aisance au quotidien, autorisant les évolutions urbaines sur le dernier rapport à moins de 2.000 tr.mn. D'une docilité sans faille, elle manoeuvre également dans un espace plutôt réduit. Sa géométrie spécifique facilite bien sûr sa stabilité à très basse vitesse. Les demi-tours se font ainsi sans effort.
Cette facilité de prise en main est à mettre également sur le compte de la douceur et la précision des commandes. La pression à effectuer sur le levier d'embrayage assisté est minimale et les vitesses verrouillent précisément. Toutefois, en ville, le quickshifter parait réfractaire au travail… Enfin, les larges rétroviseurs renvoient un champ clair et efficace. Efficace en ville, les prestations de la Niken GT demandent vite à être testées vers le large horizon.
Autoroute et voies rapides
Bulle haute et valises n'entament aucunement la stabilité de la routière. Bien campé sur ses deux roues, l'engin file à 200 km/h sans le moindre mouvement. En courbe rapide, la sensation d'une sécurité supérieure est sensible. Et sur la version GT, la tenue de cap semble étrangement meilleure. On peut désormais lâcher le guidon sans apporter de corrections permanentes. Inexpliqué mais bien plus agréable.
Le nouveau pare-brise apporte une bien meilleure déflexion, tant en largeur qu'en hauteur. Mon mètre quatre-vingt-quatre s'abrite sans mal derrière la bulle. Seuls les bras restent un peu plus exposés. Les dimensions de l'avant délivrent une protection appréciable face aux intempéries. Le bas des jambes est aussi davantage humide, en dépit des larges garde-boue. Par beau temps, la Niken GT assure donc désormais un confort impérial.
Au légal autoroutier, la mécanique tourne à 5.300 tours. Il convient de rentrer un ou deux rapports pour des relances dynamiques. Sur voies tarifées, le régulateur de vitesse sera alors bienvenu. Autre solution, filer vers le réseau secondaire, terrain de jeu revendiqué du maxi tri-roues japonais.
Départementales
La pluie battante, cinglant les routes de montagne où se faufile le Giro, permet de jauger l'intérêt du double train avant. Aux commandes, la sérénité est totale tant l'on investit son capital confiance dans l'adhérence des deux roues avant. Et comme lors de notre premier essai, l'effet ressenti est étonnant : à moto on bascule sur l'angle, sur les Niken on s'y incline… Et ce mouvement est nettement perceptible, apportant véritablement des sensations inédites sur une grosse cylindrée. La progressivité de prise d'angle participe à cette sensation d'assurance.
Quand la route sèche un peu, les 45° d'angle maxi sont d'ailleurs atteints sans mal. On peut alors rentrer fort en courbe, en maintenant un peu de frein assez tard. On relâche ensuite progressivement pour laisser la direction s'incliner totalement, tout en remettant du gaz très tôt… Les dérives de la roue arrière permettent alors un nouveau jeu lorsque l'on flirte avec les limites de l'adhérence sur l'angle.
D'autant que la mécanique est au diapason de cette aisance de partie cycle neutre et franche. Le bloc CP3 révèle une autre face de sa personnalité quand le compte-tour part à l'attaque de sa seconde moitié de cadran. Car le trois cylindres aime à prendre des tours pour laisse galoper à l'envie ses 115 chevaux. Certes, ils ont plus à faire avec les 267 kilos de la Niken GT. Mais ce moteur est plein à tout régime. Le couple disponible sur une large plage moteur permet de dynamiser les relances sur les intermédiaires, dès 5.000 révolutions/mn jusqu'à sa crête maximale à 8.500 tours . La puissance prend alors assez idéalement le relais pour bombarder efficacement. En cas de besoin, rentrer un rapport laisse s'exprimer la fougue du trois cylindres. Ainsi, les épingles serrées demandent à passer en 1 pour s'assurer des sorties de virages sportives. Et, jouant du shifter, on monte alors les vitesses à la volée dans le vrombissement de turbine de l'échappement.
La Niken GT est un excellent outil dans le sinueux. Bien paramétrées, ses suspensions ajustables permettent facilement d'optimiser son comportement. Notamment pour limiter les transferts de masse. Menée à bon rythme, la nouveauté assure un comportement dynamique de haut niveau. Ainsi, quel que soit l'état de l'asphalte, sale, humide ou dégradé, on passe en courbe avec aisance. Sans appréhension, mais en gardant tout de même en tête que l'engin est soumis aux lois de la physique.
Partie-cycle
Remarquable de franchise et de neutralité, le train avant des Niken se révèle d'une efficacité étonnante. Couplé à un châssis parfaitement rigide, l'engin associe précision, confort et agrément permanent. Remarquablement suspendus en version GT, les éléments semblent avoir bénéficié d'ajustement tant à l'avant qu'à l'arrière. Ce qui expliquerait aussi une tenue de cap meilleure.
Freinage
Progressive, la mise en œuvre des étriers radiaux assure une bonne maîtrise des décélérations, laissant au pilote la possibilité de moduler sa pression sur le levier. Avec ses disques avant de dimensions plus réduites qu'à l'accoutumée, le maxi trois roues manque peut être un poil de mordant en usage très sportif. Le surpoids en est aussi la cause.
Spécifique, la géométrie de la Niken GT offre une stabilité peu commune au freinage. Sur l'angle, on sent la direction se verrouiller légèrement et l'on compense alors au frein arrière pour laisser la direction s'incliner librement et lisser les trajectoires. Bien calibré, l'ABS ne se déclenche qu'à bon escient et le meilleur ajustement des suspensions limite les transferts de masse et donc les blocages de roue arrière.
Confort/Duo
La déclinaison GT résout nettement les points d'achoppement de la version première. Sellerie et équipement progressent largement et le passager est enfin à la fête. Etrange toutefois de ne pas avoir fourni des valises plus volumineuses. Des top cases optionnels augmenteront votre capacité d'emport.
Consommation
Sur notre parcours varié, la Niken GT a consommé 6,5 litres au 100 km, en conduite mixte. Une valeur appréciable pour une machine de 267 kilos au caractère bien trempé.
Conclusion
Dans sa version GT, la Yamaha Niken fait un bon pas vers sa destinée de voyageuse. Plus homogène en dynamique et plus confortable en tout point, mieux équipée, le maxi trois roues séduit au fil des kilomètres.
Ses mots d'ordre restent adhérence, stabilité et efficacité, base de la voie de la sérénité selon les diapasons japonais. L'appui et le guidage supplémentaire conférés par les deux roues avant sont un vrai plus à tout moment, sans grever l'agilité. Ce point est sans doute fondamental pour de nombreux motards qui roulent sans réelle confiance dans l'adhérence de leur roue avant. Un sentiment qui engendre stress et frustration; c'est souvent une des causes de l'arrêt de la pratique moto. Ceux-là trouveront ou retrouveront le plaisir d'évoluer en toute sérénité, à tout moment. En ayant peut-être même accès à des sensations qu'ils n'avaient jamais eues sur un deux roues.
Tarifée 16.299 € (1.200 € de plus que la version standard), la Niken GT vous offre le zen moyen courrier. En attendant, encore, des valises plus volumineuses pour allonger les distances… Indubitablement à tester pour s'incliner vers de nouveaux horizons en toute confiance. Et çà tombe bien, Yamaha organise des essais dans toutes ces concessions en ce moment.
Points forts
- Géométrie avant originale et efficace
- Agrément du train avant
- Caractère et disponibilité moteur
- Equilibre agilité/stabilité de la partie-cycle
- Confort et protection
- Ergonomie
- Lisibilité des instruments
Points faibles
- Pas de bulle réglable
- Détails de finition perfectibles
La fiche technique de la Yamaha Niken GT
Coloris Niken GT
- Phantom Blue
- Nimbus Grey
Equipements de série
- Bulle haute
- Poignées chauffantes
- Selle confort
- Valises latérales
- Béquille centrale
- Deux prises 12 V
Accessoires
- Selle confort chauffante : 503,00 €
- Selle sport design : 286,00 €
- Top case City de 39 litres : 162,00 €
- Top-case City de 50 litres 3 : 223,00 €
- Platine de fixation pour top-case « City » : 87,00 €
- Sacoche de réservoir City : 172,00 €
- Anneau de fixation pour sacoche de réservoir : 55,00 €
- Sacoche de réservoir Tour : 182,00 €
Commentaires
Je l'ai testée aux JNMM, c'est vrai que c'est haut... Le moteur est sympa.
23-06-2019 13:02Mais c'est surtout le grand cintre qui m'a déplu.
Avec la Niken, fini le 《si j'avais su je serrais rentré plus fort dans la courbe》
23-06-2019 20:31Ce qui me bloc sur cette machine c'est absence de cardan et les valises trop petites. En fait, un Fjr Niken j'achète tous de suite.
J'ai ma Niken GT depuis 2019. Rapidement bonifiée avec de vraies valises, un top-case adapté, bulle haute, divers petits éléments de confort et de sécurité. Le reste est déjà dit dans les tests et essais, tous positifs J'ai un demi-siècle de moto, des raids en Amérique du Sud. La Niken est quelque chose d'unique, indépassable. Mais les motards étant souvent d'un naturel conservateur, ils auront toujours besoin des constructeurs pour voir plus loin que l'horizon. L'engin va rester rare, unique, et devenir un collector.
07-11-2021 22:53