Essai KTM 1290 Super Adventure S
V2, 1301 cm3, 160 chevaux à 8750 tr/mn, 140 Nm à 6750 tr/mn, 215 kilos à sec, 16 690 €
Feux à LEds avec fonction virage, tableau de bord TFT, électronique de pointe pour ce gros trail sportif
S'il est bien un segment de marché en croissance, c'est celui des gros trails. Et s'il est bien un segment qui est porteur pour KTM, c'est également celui des gros trails. D'ailleurs, les ventes du constructeur autrichien, qui est aussi le premier fabricant européen de motos, avec plus de 200.000 machines construites l'an dernier, se portent bien aussi grâce à cette catégorie de machines. En 2003, la 950 Adventure a commencé à occuper le terrain, un peu symboliquement. La 990 Adventure à injection a continué de représenter l'offre et de développer l'image. Mais selon nos amis autrichiens, c'est vraiment avec l'apparition des 1190 Adventure que le marché a commencé à décoller, en s'autorisant en plus quelques prises de guerre du côté des clients munichois, juste au nord de la frontière.
Petit rappel stratégique : si l'offre "gros trail" de KTM a pu manquer de lisibilité, entre les 1050, 1190 et 1290 Adventure, ce millésime 2017 gagne en clarté et en positionnement. Chez les 1290, le client a désormais le choix entre trois déclinaisons : la R, avec sa roue avant de 21 pouces et son appétence ouvertement déclarée pour le tout-terrain, la T, avec ses roues à rayons et son accastillage grand raid (protections, pare-brise gigantesque, crash-bars) et la S qui nous concerne, avec un positionnement plus polyvalent. KTM annonce que cette machine se destine à l'amateur de trails performants, qui ne dédaigne pas aller taquiner des possesseurs d'hypersportives dans une montée de col tout en s'autorisant, une fois en haut, à redescendre dans la vallée par les chemins. Pour cela, la 1290 Super Adventure S compte sur son gros moteur LC8 de 160 chevaux et 140 Nm de couple, ainsi que sur une électronique sophistiquée. Sans oublier la nouvelle signature visuelle.
Découverte
Et d'ailleurs, c'est par cela qu'on aborde cette moto. Car si les lignes anguleuses, signées Gérald Kiska comme de bien entendu, ne tranchent pas avec l'univers esthétique de la marque, on ne peut pas rater les nouvelles optiques de phares et ces deux "dents de tigre polaire" toutes de LEDs revêtues et qui donnent une face très agressive à cette moto. Cet avant ressemble à celui de la 1290 Super Duke R et le refroidissement nécessaire des LEDs a défini cet espèce ce tunnel au centre de l'optique. Il est certain que cela doit diviser, mais depuis toujours les KTM routières ont compté sur cette esthétique qui sous-tendait l'approche "ready to race" de la machine. Entendez par là que l'on pourra éventuellement reprocher à ces motos des plastiques de qualité moyenne ou des traitements de surface qui ne sont pas les plus valorisants du marché, mais les choses évoluent et ce que KTM voit comme plus-value, c'est d'abord la qualité des composants et des périphériques. Le châssis ne peut être qu'affuté (Brembo, WP et des pneus performants, en l'occurrence des Pirelli Scorpion Trail sont de la partie) et, puisqu'il faut bien vivre avec son temps, l'électronique est à la pointe.
On se rend vite compte que cette machine est très moderne : le nouveau tableur de bord à écran TFT permet de naviguer de manière très intuitive dans les menus, secondé par un pavé de 4 commandes (rétro-éclairées, c'est très chic la nuit !) sur le commodo gauche et une interface facile de prise en main de manipulation. Certains constructeurs devraient en prendre de la graine.
Avec les valises optionnelles (notez que leur système de fixation est "souple", ce qui signifie qu'un peu de mouvement latéral est possible, ce qui permet à cette machine de moins souffrir des effets du vent) et compte tenu des codes propres à la marque, la 1290 Super Adventure S est conforme au genre : bulle généreuse, selle qui l'est tout autant, y'a de la protection, de l'épaisseur de selle. Et de la patate, aussi !
En selle
Une fois à bord, il va falloir faire des choix. Après avoir décidé de mettre la clé (la 1290 démarre sans contact) dans sa poche ou dans la petite cavité située à droite du tableau de bord, qui est quasiment étanche et dont le port USB permet de recharger un téléphone. Voire plus, car si votre casque est appairé Bluetooth, la KTM peut vous envoyer du son ou des communications téléphoniques. Trop moderne !
Cela dit, avec 160 chevaux sous le capot, on peut et sans trahir le suspense des prochains paragraphes, vous suggérer de rester concentré. Ainsi, on peut choisir 4 cartographies : street, confort, sport ou off-road. On peut aussi choisir le fonctionnement des suspensions semi-actives, voire tout paramétrer à la carte, notamment au niveau de l'affichage du tableau de bord. Celui-ci, inclinable, fait tout pour faciliter la lecture et il faut reconnaitre que le TFT et son adaptabilité à l'éclairage ambiant (fonction jour / nuit automatique et très réactive) sont un régal pour les yeux.
Avec 860 mm, la selle est relativement haute et va priver quelques gabarits chétifs des joies du gros trail autrichien. C'est la vie. Cependant, la selle n'est ni trop large ni trop saillante au niveau des arrêtes, tandis qu'avec 215 kilos à sec, ce gros bébé du voyage rapide est l'un des plus légers de la catégorie. Bien entendu, les leviers sont réglables pour peaufiner l'ergonomie. Idem pour la bulle, grâce à deux grosses molettes (un peu rêches dans leur fonctionnement), ainsi que le guidon et les repose-pieds.
En ville
Un gros V2 de 1301 cm3, qui développe 160 chevaux et 140 Nm de couple n'est pas a priori conçu pour les évolutions urbaines. Cependant, on ne peut que louer la souplesse de ces grosses gamelles ainsi que la douceur et la progressivité des commandes. Ce gros trail taillé pour les grands espaces se retrouve finalement assez facile à dompter dans des villes étriquées, ne serait-ce la largeur des valises (optionnelles) qui dépasse de peu celle du guidon.
Malgré les grosses gamelles, la souplesse est aussi au rendez-vous. 50 km/h en 4ème à environ 2500 tr/mn, la 1290 Super Adventure S se balade tranquillement dans la cité. Quand le shitfer optionnel est monté, le passage des rapports sans embrayage reste un peu rêche à bas régime. En tous cas, la position de conduite est naturelle et permet de dominer un peu le trafic. Tout bon.
Sur autoroute et grandes routes
La bulle réglable permet, en position haute, de soulager les épaules et le haut du casque, s'agissant d'un "pilote" de grand gabarit. Les plus petits devraient donc être vraiment à l'aise et dans tous les cas, la bulle de la version Super Adventure T mettra tout le monde d'accord.
Est-ce utile de préciser que le gros V2 a de la ressource ? A 130 km/h, il tourne à peine à 4500 tr/mn et est relativement exempt de vibrations. Dans l'absolu, la valeur de couple est déjà impressionnante : avec 140 Nm, on n'est jamais embêté pour doubler, même sur le dernier rapport. CE qui l'est plus, c'est de savoir que 108 Nm de couple sont déjà disponibles dès 2500 tr/mn. Les reprises sont du genre copieux, d'autant que pour un aussi gros bloc, la faible inertie à grimper dans les tours est juste saisissante. De fait, sans y prendre garde, on se retrouve vite à des vitesses répréhensibles. Heureusement, le régulateur de vitesse permet de veiller au grain.
Ainsi, l'équipage semble pouvoir aller jusqu'au bout du monde, du moins si l'on s'en tient au peu d'efforts produits par la mécanique et la protection de haut niveau. De série, les poignées chauffantes se chargent d'agrémenter le voyage. Bref, la 1290 Super Adventure S est conforme à sa vocation de gros trail, qui consiste aussi à pouvoir avaler des kilomètres par centaines. Voire milliers... Mais de cela, on en reparle dans les chapitres confort et consommation.
Sur départementales
Néanmoins, c'est là que la KTM est le plus à l'aise et nous serons nombreux à déclamer que la vraie vie de la moto se déroule à la campagne.
La grande force de la Super Adventure S est de pouvoir jouer sur tous les compartiments du jeu. L'esprit relax ? Elle suit, grâce à un moteur assez doux à très bas régime, un équilibre assez naturel de trail (même si le gabarit est intimidant au début), des pneus aux dimensions relativement contenues (110/70 ZR 19 à l'avant, 170/60 ZR 17 à l'arrière) et une certaine facilité à se laisser emmener tranquillement d'un virage à un autre.
Mais avec une telle cavalerie et un tel châssis, on pourrait être tenté de mettre du gaz. Du gros gaz. Et là : aie aie aie !! Ce truc est un avion. Un avion de chasse, pas un vieux coucou. Dès 2500 tr/mn, on se retrouve déjà avec plus de 108 Nm de couple. A mi-régime, en passant sur des bosses, la machine se lève sur la roue arrière en seconde et en troisième et l'électronique sophistiquée laisse les choses se passer naturellement, tandis qu'au guidon, on se sent en parfaite confiance pour rester gaz en grand. Le tout, dans le grondement sourd et carrément addictif du gros V2.
A ce stade de la discussion, rappelons le contexte : des petites routes corses, pas de dégagement, des locaux qui conduisent des Clio en dérive des 4 roues et une topographie qui laisse peu d'occasions de passer la 4ème. Et dans ce cas de figure, on découvre une machine qui dépote salement ! Nul doute que les 160 chevaux sont bien là, les accélérations vous tirent carrément sur les bras et le paysage défile vite en mode "hyperspace". Dans ces conditions, on ne voit pas tellement quel genre de machine pourrait lui tenir la dragée haute. Une sportive, assurément pas. Un gros roadster, sur du bosselé, ce serait difficile.
Mais ce qui est le plus étonnant dans l'histoire, ce n'est pas tant la polyvalence absolue de ce type de machine, capable de vous emmener traverser la France ou tout autre pays, tranquille, en duo et avec bagages, que de se montrer féroce et incisive. Le constat est simple : peu de machines peuvent résister devant un tel assemblage de polyvalence et de performances. Il y a assurément des gênes de Porsche Cayenne Turbo S dans cette KTM !
Confort & duo
Louons les suspensions pilotées qui, entre le mode "confort" et le mode "sport" délivrent des prestations complètement différentes. Avec en plus une sensibilité de fonctionnement qui ne se contente pas de durcir ou de ramollir. Non : les suspensions WP semi-actives vont au bout de l'idée et respectent la "philosophie" du moment. Ainsi, en mode "sport", la fourche avant n'actionne pas l'anti-plongée, car le transfert de masses important raccourcit temporairement l'empattement et aide à s'inscrire en virage. A l'opposé, le mode "confort" met de l'anti-plongée pour stabiliser l'assiette.
Les suspensions semi-actives se paramètrent au tableau de bord, avec toujours cette ergonomie très intuitive. On peut régler facilement en fonction de la présence éventuelle d'un passager et de bagages.
Même si le kilométrage de cet essai a été relativement correct, il a été effectué sur des routes corses souvent défoncées et ponctué de beaucoup d'arrêts. Ainsi, il est difficile de se prononcer sur le moelleux de la selle, mais il semble que cette dernière se révèle un rien ferme. A confirmer sur un éventuel essai ultérieur. Idem pour le sort réservé au passager, même s'il aurait bien moins de raisons de se plaindre ici que sur 80 % des machines du marché.
Partie cycle
On l'a dit, la 1290 Super Adventure S reprend les suspensions semi-actives déjà vues sur la 1290 Super Adventure. Elles fonctionnent grâce à deux accéléromètres, un boitier de commande et un capteur d'assiette du bras oscillant. Ca sent l'usine à gaz, mais ça fonctionne : dans tous les cas, le compromis entre confort et efficacité est juste bluffant et les différences de réglages sont nettement perceptibles.
Freins
Confié à Brembo et se traduisant par des étriers radiaux à 4 pistons, le freinage de la 1290 Super Adventure S est identique à celui de la 1090 Adventure. Cependant, il donne un peu moins satisfaction ; la 1290 est plus lourde et arrive nettement plus vite dans les virages serrés, ce qui donne parfois le sentiment qu'on aimerait un peu plus de freins. Par contre, mentions spéciales à la centrale ABS qui, malgré quelques entrées de virage optimistes et sur les bosses, n'a pas souhaité intervenir. La fonction "virage" de l'ABS pourra vous sauver la mise en cas de surprise.
Consommation / autonomie
Avec 23 litres, le réservoir permet de voir venir. Cependant, en roulant vite lors de cet essai, les 1290 Super Adventure S essayées affichaient des consommations de 8,1 à 8,6 l/100 sur le tableau de bord, mais il faut reconnaître que le rythme n'avait rien de raisonnable. La jauge à essence et l'indicateur d'autonomie sont précis.
Et de nuit ?
Un roulage de nuit nous a permis de tester l'efficacité des feux à LEDs et de la fonction virage. Le système est lié à la cellule d'éclairage du tableau de bord TFT : en gros la machine sait quand il fait noir ou nuit. Et là, on découvre que les 3 LEDs du bas s'allument progressivement au fur et à mesure que l'on prend de l'angle. Voir à l'intérieur des virages est une expérience inédite et surtout très sécurisante. Par contre, on découvre aussi que la nuit, les mouvements d'assiette sont conséquents et que peut-être, sur les gros freinages, KTM pourrait penser à un éclairage qui remonte devant soi.
Conclusion
L'ADN de KTM n'a pas été trahi : cette 1290 Super Adventure S est bien "ready to race" ! D'ailleurs, on ne peut qu'être époustouflé devant le package global proposé par cet engin. La 1290 Super Adventure S est suffisamment confortable pour pouvoir envisager des voyages au long cours avec armes et bagages. Et elle en remontrera à bien des sportives sur une montée de col, grâce à un équilibre surnaturel et une électronique bien calibrée et jamais intrusive. On se surprend alors à réaliser des trucs improbables au guidon de cette grosse machine, comme trajecter comme en spéciale de rallye ou passer la bosse d'un pif-paf sur la roue arrière, avec l'électronique qui jugule tout ! Néanmoins, que le niveau de performances et le gabarit ne vous trompent pas : elle demande un peu de savoir-faire pour être taquinée sur petites routes, tandis que le freinage aurait pu être un peu plus mordant, mais il est vrai que l'on arrive vite. Très vite.
Néanmoins, elle ravira ceux qui sont un peu à la recherche du mouton à 5 pattes, de la machine voyageuse et capable de péter les plombs.
Et ce d'autant qu'à 16 690 €, elle est plutôt bien placée par rapport à la concurrence de chez BMW et Ducati. Certes, on pourra opter en plus pour le Travel Pack (qui inclut l'aide au démarrage en côte, la régulation du frein moteur, le shifter up & down et l'application connectée KTM MY RIDE). Ces options sont disponibles séparément : 392,50 € pour le shifter, 179 € pour le HHC, 142,80 € pour le régulateur de frein moteur et 97,50 € pour l'application KTM MY RIDE.
Points forts
- Moteur hyper pêchu !
- Performances stratosphériques
- Polyvalence de haute volée
- Electronique de pointe
- Eclairage de virage efficace
- Convivialité des réglages électroniques
Points faibles
- Mordant du freinage (faut dire qu'on arrive vite !)
- Selle ferme ?
- Demande un peu de métier pour être exploitée pleinement
- Quelques faux points-morts avec le shifter (up uniquement)
La fiche technique de la KTM 1290 Super Adventure S
Conditions d’essais
- Itinéraire: 220 kilomètres en Corse avec une majorité de petites routes autour d'Ajaccio
- Kilométrage de la moto : 1000 km
- Problème rencontré : aucun
La concurrence : BMW R 1200 GS Rally, Ducati 1200 Multistrada Enduro
Commentaires
Bonjour
26-02-2017 21:07Êtes vous sur que les poignées chauffantes et la connexion Bluetooth font partie de l'équipement standard?
BOnjour,
20-05-2017 08:18pour répondre a ta question, non aucun des deux n'est en série, ce sont des options.
Les poignées chauffantes peuvent être rajoutées soit individuellement ou dans le pack confort, ainsi que le bluetooth dans le pack travel.
Très belle moto qui me tenterait bien !
17-11-2017 18:30... mais le prix me refroidit, surtout quand je pense à la grosse décote pour une éventuelle revente !