Essai Harley-Davidson CVO Limited "114"
Nouveau moteur Milwaukee-Eight à 8 soupapes pour ce haut de gamme absolu de chez Harley
1870 cm3, env. 100 chevaux, 166 N.m à 3250 tr/mn, 414 kilos à sec, à partir de 41 750 €
Faut-il vraiment 1870 cm3 pour se trainer à 90 km/h sur les highways ? La question peut sembler pertinente vu d'Europe, mais aux States, personne ne se la pose vraiment. La preuve, en auto, ils n'hésitent pas à coller des V8 de 6200 cm3 (voire bien plus, aussi), dans des caisses, pour rouler à la même vitesse. Quiconque critique cet état de faits doit aller d'abord rouler aux USA : la notion de couple moteur et "d'effortless cruising" est profondément ancrée dans la culture. Les distances sont énormes et on a juste envie de les parcourir dans le plus grand confort et avec le moins d'effort possible pour la mécanique. D'où ce slogan qui leur est propre : nothing replaces displacement, soit rien ne vaudra jamais une grosse cylindrée ! On se souvient que pendant longtemps, une grosse Harley-Davidson, c'était une 1200 cm3, mais à l'époque, une très grosse japonaise, c'était une 750. Puis la cylindrée des Big Twin a évolué : 1340, 1450, 1580, 1690 pour la gamme courante et même 1800 (110 cubic inches) pour les CVO, les versions très haut de gamme produites en quantité limitée (souvent de l'ordre de 2500 unités pour le monde) par le département CVO, Custom Vehicles Operations.
C'était donc dans la logique des choses : à l'occasion de la nouvelle génération de moteurs Harley-Davidson, le Milwaukee-Eight, le modèle "normal" de 107 ci (1750 cm3) se double ainsi d'une version 114 ci (1870 cm3) destinée aux CVO. Et au passage, on voit que le concurrent historique, Indian, se fait dépasser, avec ses moteurs 1811 cm3. Le concours de celui qui pisse le plus loin continue...
La gamme CVO est aujourd'hui composée de trois modèles : le Softail Breakout, qui reprend l'excellent bloc 110. Les deux modèles Touring, la Street Glide et la Limited de cet essai inaugurent ainsi le moteur 114.
Découverte
Ne cherchez pas : impossible de faire plus aujourd'hui dans la gamme Harley-Davidson. Par rapport à une Ultra Limited standard, la CVO justifie ses quasiment 12 000 € supplémentaires par, non seulement le moteur, mais aussi la qualité de l'équipement et de la présentation. La peinture est nettement plus soignée, profonde et avec des inserts pailletés. Le soin de la présentation se retrouve dans le tableau de bord, avec des index des compteurs plus travaillés, tout comme l'affichage digital du kilométrage et des autres fonctions, parmi lesquelles on trouve un indicateur de pression des pneus. La généreuse selle arbore, comme sur les voitures de luxe, de jolies surpiqûres. Les roues sont chromées et il y a aussi des repose-pieds "highways" sur les côtés, histoire d'être encore plus relax à son guidon. En plus, le modèle américain peut recevoir une CB, toujours utile pour semer le shérif qui court après vous !
Bref, Harley s'est complètement lâché, quitte, éventuellement, à aller un peu trop loin. Le faux bois sur la console au-dessous de l'orifice de remplissage du réservoir fait quand même un peu toc, tout comme le plastique de couleur qui recouvre généreusement le tableau de bord. Mais il est vrai que dans la culture américaine, l'habillage des automobiles a toujours été un peu kitsch, surtout vu en rapport avec la rigueur des autos allemandes. Bref, c'est culturel.
Pour passer de 107 à 114, le bloc moteur Milwaukee-Eight, dans sa version Twin-cooled, ne s'est pas contenté d'une petite augmentation de la course des pistons. D'abord, parce que l'on ne gagne pas 120 cm3 comme ça, en claquant des doigts et ensuite parce que, s'agissant de gros bicylindres culbutés, l'équilibre, l'inertie, les vibrations du moteur et son encombrement ne sont pas des petits paramètres à prendre en compte.
Ainsi, quand le 107 est un 100 x 111,1, le 114 est un 102 x 114,3 mm. Et ce n'est pas tout : les roulements ont été renforcés et pour gérer le couple supplémentaire, l'embrayage multidisques est passé de 9 à 10 disques. Par contre, les rapports de transmission sont identiques. Contrairement au 107, des inscriptions "114" sont logées sur les culasses des CVO.
En selle
Avec 414 kilos à sec et plus de 431 avec les pleins, la CVO Limited pourrait se révéler impressionnante. Comme sur toutes les machines du genre, on veillera à être prudent lors des manoeuvres à l'arrêt et à ne pas prendre de gite au guidon, ce qui pourrait se révéler assez rapidement fatal. Au contraire, la stabilité étant excellent à basse vitesse, il faut travailler la moto aux repose-pieds et au guidon et la tenir en équilibre par quelques subtils mouvements du bassin. Une fois que l'on a compris cela, le monstre devient facile à manier !
Une fois en selle (760 mm de hauteur, mais elle est bien creusée), on apprécie, comme sur tous les moteurs Milwaukee-Eight, le filtre à air plus étroit permet de mieux tenir la machine, avec les genoux mieux calés contre le réservoir.
Haut-de-gamme oblige, la CVO livre à son pilote pléthore d'information ! Fort heureusement, l'ergonomie des commodos Harley-Davidson est bien pensée et il ne faut que peu de manipulations pour que tout devienne familier. Que ce soit le régulateur de vitesse, la gestion de l'audio ou du GPS, tout est finalement assez facile à appréhender.
Comme le 107, le 114 Milwaukee-Eight se distingue également par son absence de vibrations dans le guidon au ralenti et par sa boîte de vitesse extrêmement douce. Terminé le "klonk" au passage du premier rapport !
En ville
Comme pour les autres modèles de cette génération Milwaukee-Eight, l'essai de cette CVO Limited a été réalisé aux Etats-Unis : faire de la ville là-bas n'a pas la même signification que chez nous, entre les villes nouvelles et les villes médiévales, la perception et la gestion de l'espace n'est pas la même.
Avant de confirmer tout cela par quelques tours du périphérique aux heures de pointe (joie !), ce que l'on peut dire, c'est que même dans sa déclinaison 114, le Milwaukee-Eight est extrêmement souple. Cela n'a rien d'évident, puisque l'on parle là de pistons de plus de 930 cm3 chacun !
Ainsi, on peut avancer dans une grande douceur en passant les rapports à très bas régime, comptant sur la boîte de vitesse nettement plus douce et silencieuse qu'avant et sur un gros V2 capable de reprendre à moins de 1500 tr/mn en troisième sans vibrations ni hoquets et avec une commande des gaz et de l'injection d'une grande douceur. Et le tout dans un grondement sourd assez agréable sans être trop présent pour le voisinage.
Harley-Davidson annonce une réduction des émissions de chaleur du V2, ce qui n'avait rien de superflu en ville. Dans les conditions de l'essai, nous ne pouvons pas être affirmatif sur ce point.
Sur autoroute et grandes routes
La CVO Limited est sans aucun doute faite pour cela. Avec le carénage généreux et les multiples aérations et déflecteurs, la protection est impériale et la stabilité irréprochable, ce qui est une évidence lorsque l'on voit le rythme de roulage aux USA ! De tous temps les Electra Glide et autres Ultra Limited ont constitué une sorte de must pour tailler la route et cette CVO Limited 114 prolonge la lignée de belle manière.
Qu'apporte donc ce nouveau moteur 1870 cm3, donc ? Par rapport à la précédente génération de Twin Cam 110, Harley-Davidson annonce des reprises de 100 à 130 km/h en amélioration de 12 %. Difficile d'être aussi précis sans appareil de mesure, mais ce qui est évident, c'est que la réponse ce gros moteur est immédiate, quel que soit le régime ou le rapport engagé.
Sur départementales
Là encore, la CVO Limited est capable de belles accélérations sur les rapports intermédiaires, avec une puissance qui arrive en permanence, de manière plutôt linéaire et sans aucun pic sensible et ce, jusque 5500 tr/mn. Accélération qui se poursuit grâce à la nouvelle boîte de vitesse, plus rapide et précise dans son maniement.
Et dire cela, c'est négliger de parler de la bande son ! En réduisant les bruits mécaniques, Harley-Davidson a pu travailler sur la perception de la sonorité d'échappement et force est de constater que le 114 sonne juste, avec des intonations graves à bas régime, plus pleines au milieu et un râle profond en approchant de la zone rouge. Tout cela en ayant trouvé le bon calibrage entre plaisir et responsabilité : bien joué ! Il faudra voir ce que cela donne avec les échappements français.
A un rythme balade qui sied mieux à un tel vaisseau de la route, le 114 continue de dévoiler ses qualités parmi lesquelles une grande souplesse. Il est possible de flâner en cinquième ou en sixième à environ 1600 ou 1700 tr/mn (soit à peine 80 km/h en sixième) et de relancer la machine sans effort ni mollesse. De même, sur les petites départementales, le relief n'impose pas de rétrograder. Bref, la CVO Limited est une véritable force tranquille !
N'oublions cependant pas sa masse : plus de 431 kilos avec les pleins, sans équipage ni bagages (qui peuvent être fort nombreux!). On gardera donc à l'esprit qu'il faut éviter de la brusquer, puisque des mouvements amples de suspension peuvent alors apparaître. D'autant que le train avant, avec le carénage tête de fourche fixé justement sur la fourche, est assez lourd (et se sent nettement plus que sur une Road Glide ou même une Road King).
Partie-cycle
La CVO Limited dispose des nouvelles suspensions de la gamme Touring. A l'avant, une fourche conçue en collaboration avec Showa, avec deux nouveaux clapets pour une meilleure circulation de l'huile. A l'arrière, de nouveaux amortisseurs font l'apparition. Celui de droite est classique ; celui de gauche propose un réglage de précharge qui offre jusque 30 % d'amplitude de réglage en plus. Y accéder est facile : deux vis permettent de retirer aisément la valise latérale et il suffit ensuite de tourner la molette, qui dispose d'une vingtaine de crans. Nul doute que quand les deux valises, le top-case et le porte bagage seront chargés, ces attentions séduiront le pilote qui pourra, plus facilement, régler la machine en fonction des circonstances. Pour illustrer le bien fondé de cette amélioration, rappelons qu'auparavant les suspensions des Harley Touring fonctionnaient avec un réglage pneumatique peu accessible et qu'en plus la pompe était mesquinement vendue en option : conséquence, peu d'usagers roulaient avec des réglages optimaux. Harley-Davidson a donc fait preuve de bon sens avec cette amélioration.
Freins
La CVO Limited dispose d'un freinage couplé faisant appel à trois disques de 320 mm tous pincés par des étriers à 4 pistons. Il est difficile de critiquer la puissance de freinage et sa dosabilité, une fois que l'on est en phase avec la philosophie de la machine. Par contre, le poids élevé provoque quelques transferts de masse vers l'avant lors des freinages appuyés. Rien d'anormal.
Confort et duo
C'est simple : c'est le must. Les poignées chauffantes (commande par molette au bout du guidon gauche) sont efficaces, la protection est royale, les suspensions sont moelleuses sans être trop molles. Du velours qui incite à tailler la route sans jamais s'arrêter.
Consommation / autonomie
Harley-Davidson annonce une consommation en baisse grâce au double allumage des Milwaukee-Eight et à une meilleure gestion des flux d'admission d'air. Nous n'avons pas été en mesure de pouvoir mesurer les consommations sur cet essai, mais les 22,7 d'essence dans le réservoir garantissent facilement de 350 à 400 kilomètres d'autonomie. A vérifier ultérieurement, donc.
Conclusion
La CVO Limited 114 s'adresse à ceux qui veulent le top de chez Harley-Davidson. Des clients esthètes ou exigeants, qui ne veulent que le meilleur dans chacun des domaines. La présentation et l'agrément de conduite étant fidèles aux standards de la gamme CVO, rien à dire de côté là.
Qu'apporte donc le moteur 114 par rapport à la génération précédente, donc ? Plus de puissance, plus de reprise, plus de constance dans le fonctionnement grâce à une belle linéarité et une grande foulée. Sans oublier la sonorité parfaitement en phase avec le pedigree de l'engin. Carton plein, donc ? On pourrait le penser, mais pour avoir aussi roulé lors de cet essai sur des Limited non CVO avec le bloc 107 mais équipé en Stage 1 (filtre à air et échappements Screamin' Eagle), on ne peut nier qu'il y a dans le 114 un supplément de générosité, mais il faut admettre que la marche n'est pas si haute que cela. Ceux qui veulent l'absolu n'hésiteront pas ; ceux qui calculent peuvent se rabattre, sans perdre beaucoup, sur une Ultra Limited 107 un rien libérée, car le caractère moteur est très proche, tout comme les performances et l'agrément.
Points forts
- Confort royal
- Qualité de la présentation et de la peinture
- Equipement au top
- Qualité du son
- Moteur 114 souple, plein, coupleux
- Capacité d'emport des bagages
Points faibles
- Poids élevé
- Train avant assez lourd
- Tarif dans les hautes sphères
- Quelques éléments d'accastillage un peu toc (faux bois sur le réservoir)
- Gains en consommation et en meilleure dispersion de la chaleur du moteur à confirmer lors d'un essai en France
La fiche technique de la Harley-Davidson CVO Limited
Conditions d’essais
- Itinéraire: 300 kilomètres de route dans l'Etat de Washington (USA) entre Tacoma et Port Angeles
- Kilométrage de la moto : 2000 km
- Problème rencontré : la Harley aux States, un vrai kif ! Même à 55 mph de croisière
La concurrence : Indian Roadmaster, éventuellement Kawasaki VN 1700 Voyager
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