Un rêve

Je rêve rarement de motos. Il y a quelques jours, j'ai cependant chevauché un engin des plus extraordinaires, croisement d'une roue à godets et d'une planteuse à poireaux à moteur MGC.

Il est des nuits magnifiques où je me réveille après avoir voyagé loin, longtemps et vécu d'admirables aventures parfois difficiles à mettre en mots tant elles sont étranges.

L'autre nuit, je me retrouvais à chevaucher un bien étrange véhicule monoroue qui ressemblait à une de ces planteuses mécaniques de poireaux à atteler derrière un petit tracteur de maraîchage.

Sous la direction d'une personne non identifiée, je suivais un parcours compliqué sur une voie ferrée édifiée sur une sorte de pont métallique. Je roulais en direction d'une caverne où j'avais quelque chose d'important à faire. Simultanément, je me trouvais à bord d'une rame de métro parisienne de type Sprague en direction de la Porte de Montreuil. Cette rame avait pour particularité d'être dotée d'un toit panoramique transparent qui permettait de ne rien rater de mon périple sur l'étrange monoroue. Dans la rame, une foule suivait avec intérêt ma progression, multipliant les commentaires.

A bord de l'étrange engin, je me familiarisais rapidement avec les commandes, composées de plusieurs guidons superposés, tous bardés de nombreuses manettes métalliques comme celles que l'on trouve sur les vieilles motos pour régler l'avance à l'allumage ou la richesse du mélange. Je manipulais l'ensemble avec dextérité. La roue, précédemment bandée de caoutchouc, se retrouve soudain dotée de godets. Ces godets sont en fait des pistons, reliés à la roue par du fil de pêche passant par l'axe du piston.

J'arrivais dans la caverne. Me voilà roulant sur un réseau de tubes en plastique de section carrée de couleurs différentes. Ils forment un véritable labyrinthe. Ma tâche est d'y déposer des billes métalliques recueillies par les pistons. C'est une opération très importante, parce que la caverne donne sur un volcan éteint où je suis prisonnier avec d'autres personnes et il faut signaler notre présence. Pour cela, j'envoie ces billes dans de gros chaudrons de fer situés au bout du réseau de tubes plastiques. Au fur et à mesure qu'ils se remplissent de billes, les chaudrons vont s'échauffer ; aspergés d'huile, ils vont se mettre à fumer, donnant l'alerte.

Dans la rame de métro, l'assemblée s'est coiffée de ces chapeaux pointus à paillettes que l'on met dans les fêtes. Tous se tiennent prêts à crier quand le premier panache de fumée s'échappera du volcan. Sur mon étrange engin, je fais de mon mieux pour éviter les tubes jaunes et pour ne remplir que les tubes verts et bleus. Au fur et à mesure que mon chargement s'allège, l'arrière de l'engin commence à tressauter : il est plus délicat à conduire. Les chaudrons se remplissent. Quelques étincelles jaillissent.

Enfin : l'un des chaudrons prend feu. Dans la rame de métro, c'est le soulagement. A la fois sur mon engin et dans la rame, me voilà félicité. Vu du métro, le volcan fume effectivement beaucoup. Je fais demi-tour et mon engin est maintenant doté de deux roues. Je reconnais sans doute possible le moteur : c'est un 4 cylindres longitudinal GMC, ce moteur très caractéristique par ce qu'il a la tête en bas, littéralement. Les roues ont changé : ce sont des pneus classiques, mais avec une roulette inférieure qui pince le rail tubulaire sur lequel je roule, un peu à la manière des trains roulants de manèges de fêtes foraines. Je m'éloigne du volcan. A bord du métro, les gens se sont rassis et lisent leur journal.

Avec moi, il n'y a plus que le personnage inconnu du début, qui me dit de descendre de la moto, redevenue presque normale. Je dois continuer à pied pour prendre le métro.

J'ai dû me réveiller peu après.

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