Le Kudzu et la X900

Le Kudzu est un fléau. Comme la X : elle fleurit sur tous les parkings, envahit les petites annonces

Le Kudzu est un fléau. Comme la X : elle fleurit sur tous les parkings, envahit les petites annonces et étouffe les Hornet et les GSR. Comment éradiquer la X ?

Dans le sud des Etats-Unis, une plante importée du Japon à la fin du 19e siècle envahit tout. Elle a initialement été présentée comme LA solution à la désertification, puisque cette liane aux fleurs odorantes se développe très bien sur un sol pauvre et aride.

Un peu comme la X 900, qui pousse sur le sol aride et pauvre du marché moto post-2008, où l'on atteint péniblement des niveaux de ventes catastrophiques. Les constructeurs ont donc cherché LA solution -et dans la tête de pioche du marketeur de base, il ne doit y en avoir qu'une : deux, c'est trop compliqué. Tout doit finir en monopole.

Yahosushi a déshabillé une sportive, lui a mis un phare "mouais", des pots "bof", l'a peinte en orange DDE et hop ! Succès. Quinze ans plus tard, sa petite sœur, née 750, passe à 900 cm3 -comme quoi la cylindrée suit toujours l'exemple de la CSG. La X 900 est une moto à tout faire. Suffisamment de chwô pour servir de gonfle-sexe, un pot suffisamment moche pour faire la fortune des vendeurs de tuyaux de poêle au prix du quatre pièces avec vue sur la Seine, une selle passager à te faire regretter celle du 103 RCX et un dessin apte à déchaîner des tempêtes dans le dé à coudre d'eau d'un forum. Dans la presse moto, on appelle ça une "esthétique polarisante".

Le kudzu n'a pas toujours été vu comme une saloperie importée de l'étranger, un peu comme les motos japonaises dans les années 60. Initialement, la plante a été choisie pour sa capacité à lutter contre l'érosion des sols ravagés par la culture intensive du coton et du café. Sans réelle concurrence, sans prédateurs, sans parasites, le kudzu a ensuite échappé à ses laudateurs [personne qui fait un éloge] pour s'infiltrer partout.

Un peu comme la X 900. Elle fait partie de ces motos anti-crise, vendues avec des marges rikiki, certes, mais il vaut mieux ça que de mettre la clef sous la porte et au pire on se rattrapera sur les révisions et les accessoires. Dans la presse moto, on appelle ça un "achat malin", parce que la licence du dictionnaire des synonymes a expiré.

Le kudzu, lui, a été déclaré ennemi végétal numéro un dans plusieurs Etats, ces mêmes Etats qui subventionnaient sa plantation il y a 70 ans. Il étouffe les autres plantes, crée un couvert végétal complet qui empêche la repousse d'espèces locales -c'est la rançon de son efficacité quand il s'agit de ré-ensemencer des zones détruites par l'érosion et l'alcalinisation.

Comme les Xède, qui étouffent le marché de l'occaze et empêchent les Hornet, GSR, 675 Street ou F 800 R de fleurir peinard. Sur la lande rabougrie des ventes de motos neuves, la X s'accroche et tient bon. Comme le kudzu : sitôt arrachée, elle repousse. Un vrai chiendent à injection multipoints et pneu de 180. Dans la presse moto, on appelle ça une "success-story", parce que "phénomène sociétal majeur" ne s'applique qu'aux napperons en lin à tissage manuel et à la scène cinématographique ouzbèke post-gorbatchévienne.

Mais comme disait le célèbre philosophe français Claude François : "ça s'en va et ça revient". Le kudzu fait un timide retour en grâce aux Etats-Unis. Après avoir regardé ce que les Japonais en faisaient, certains se sont aperçus qu'il était possible de le voir autrement que comme une cochonnerie à éliminer au lance-flammes. Le botaniste Okura Nagatsune le décrit ainsi joliment comme "une plante utile pour des terrains inutiles" -profite : c'est la seule phrase censée dans cette Kronik.

Certains se sont aperçus, en relisant de vieux livres, que le kudzu sert à plein de trucs et pas seulement de nourriture à débroussailleuses. A l'image de pas mal de bidules plein de chlorophylle, ça se mange -attention, je n'ai pas dit "comme la X 900" ! Les fibres peuvent être tissées puis vendues très cher le m2 parce que c'est "local" et d'un blanc douteux. Enfin, je suis à peu près sûr qu'on peut faire de la gnôle avec les fruits, même si le processus est long, lent, bizarre et donne un liquide à faire tousser un Tonton flingueur.

Il est donc plus que temps de reconnaître les vertus des X 750-800-900. Elles n'ont pas seulement pourri le marché de l'occaze, rendu déprimant la fréquentation des concentres envahies par d'innombrables Xède, séché sur leur latérale en concession en attendant qu'un deuxième propriétaire veuille bien s'enflammer pour son dessin pas du tout indémodable et ses vibrations agaçantes à allure normale. Les Xède font partie de ces quelques modèles de moto qui ont permis à la petite poignée de constructeurs qui restent de survivre malgré la crise et de trouver des débouchés pour les chaînes de fabrication de quatre-en-ligne malmenées par l'invasion des radars et des flingolasers.

Pour rester chez Yahosushi, la X 750, c'est un peu un moteur de X-7R (la Vraie, la Belle) boulonné bien serré dans un cadre d'ER-5 et avec ça ils ont sauvé le marché moto. Rétrospectivement, c'était bien joué.

Faudrait que j'essaye une X 900, un jour.

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