Radio Scoopie : Essais d’hier et d’aujourd’hui, transformation réussie ?
Journaliste, reporter, grand reporter, chroniqueur radio et Rédacteur en Chef sur France Inter...
Serge Martin signe chaque 1er du mois une chronique radiophonique sur Le Repaire
Il fut un temps, pas si éloigné que cela au demeurant, où lors d’essais de nouveaux modèles il était presque plus important de savoir lever le coude que de le poser à terre, après le genou cela va de soi.
Un temps où ces essais se partageaient entre la balade touristique pour les uns, qui n’hésitaient pas à s’arrêter sur le bord de la route pour faire une photo…du paysage quand ce n’était pas au bar et l’arsouille pour les autres.
Un temps béni des Dieux où les points étaient acquis à jamais, où les « boîtes à image » n’avaient pas encore fleuri le long des routes, un temps où la Maréchaussée était plus prompte à vouloir partager les impressions ressenties au guidon de modèles pas encore commercialisés que de penser à la verbalisation.
Un temps où le PDG d’une marque, J.C.O. pour ne pas le nommer, n’hésitait pas à se tirer la bourre avec son pilote maison, Stéphane Peterhansel à l’époque, lors d’un essai Yamaha sur les petites routes du Pays Basque oubliant totalement qu’une meute de journalistes essayeurs tentait vainement de ne pas se laisser trop distancer.
Un temps où le rendez-vous de départ ne se situait pas dans le terminal low coast d’Orly, mais sur l’aéroport des avions d’affaire du Bourget pour un vol…en jet privé. Si si véridique !
Un temps où les rares essayeurs « professionnels » de la presse spécialisée se retrouvaient isolés (n’est-ce par Christian Lacombe), perdus au milieu des figures, que dis-je des ambassadeurs de la PQR (Presse Quotidienne Régionale) et autres barons de la Grande Presse Nationale tous facilement identifiables à leur tenue pour le moins disparate.
Une époque où l’essayeur maison de L’Humanité, aujourd’hui reconverti dans le Cognac (comme quoi il peut exister des portes de sortie honorables…), bacchantes au vent, n’avait de cesse de tenter de « faire la nique » à son confrère du Figaro (qui lui finira mal, essayeur sur quatre roues, le traitre !).
Une époque où le journaliste de Nord Eclair, surnommé le Mamola de Béthune en raison de quelques exploits spectaculaires (achevés parfois par terre) arborait fièrement sur les essais des nœuds papillon de toute beauté, symbole d’une classe innée, alors que son ennemi et néanmoins camarade de la Voix du Nord usait de sa verve bérurienne pour ramener à la raison tout élément du groupe ayant envie de se prendre pour un cador.
Un temps où fleurait bon les accents du sud, ceux des représentants de la Dépêche du Midi, de Sud-Ouest, du Provençal ou encore de Nice Matin compensés par ceux non moins connotés du Dauphiné, de la Montagne, de l’Est Républicain ou bien encore de Ouest France.
Une époque enfin où la critique (positive voire négative) du modèle testé dans la journée s’estompait pour laisser place à ce que je qualifierai gentiment de 3eme mi-temps pour rester dans la métaphore rugbystique. Une période qui vit même la mise en place des fondements du KGB, le Klub des Gros Bikers, histoire de faire la pige au CIA des essayeurs auto (le Cercle des Initiés de l’Automobile).
Fini aujourd’hui cet « amateurisme » coloré et débonnaire. Fini le coup de « jaja » (pour les plus jeunes, le pinard) le midi au déjeuner, interdit la petite mousse, de l’eau et encore de l’eau ou alors des boissons sans alcool, telles sont les nouvelles règles désormais fixées, non sans prudence, par les constructeurs.
Les journalistes essayeurs se répartissent désormais en trois catégories, ceux de la presse écrite spécialisée, plus nombreux que par le passé mais représentant un secteur de plus en plus menacé, les essayeurs du net (que vous êtes visiblement très nombreux à venir retrouver dans ce « Repaire ») et enfin quelques dinosaures, vestiges du passé dont je me targue de faire partie pour quelques temps encore j’espère.
Des essayeurs dont le temps est aujourd’hui de plus en plus compté. Il faut dire que les périodes d’essai ont été très resserrées se décomposant, dans la majorité des cas, d’une après-midi de voyage puis d’une présentation du produit le soir avant la journée test le lendemain puis le retour le soir-même. Seuls certains magazines ou certains sites s’octroient le luxe de comparatifs plus long en province ou bien alors de tests plus approfondis lors de découverte de régions ou de pays qui donnent ensuite lieu à des idées de balades.
En tout cas fini la gaudriole, enfin presque. On assiste désormais à une prise du véhicule par des journalistes le carnet à la main pour noter les premières impressions, les premiers détails avant même d’être monté dessus, quand ce n’est pas l’appareil photo. D’autres, les « geeks du deux roues » sont déjà en train de « tweeter » ou bien alors d’envoyer sur leur facebook La photo et leurs premières impressions pour permettre à leurs followers de partager ce moment, cette exclusivité.
Des essais dont la journée se partage entre séances de roulage, photos, vidéos, interviewes… Certains n’hésitent même pas à sacrifier leur heure de déjeuner au profit d’une vidéo personnalisée voire d’une présentation enregistrée devant la nouveauté.
Ceux-là même qui dès le soir dans l’avion seront en train de rédiger leur article afin, rapidité du net oblige, d’être parmi les premiers à faire connaître leurs sentiments et leurs commentaires.
Il n’y a pas à dire un climat pour le moins sérieux s’est peu à peu emparé de ces essais même si de temps en temps les séances de roulage sont l’occasion d’une bonne blague ou…d’une petite bourre. Un sérieux qui se retrouve jusque dans les dîners en compagnie des ingénieurs, concepteurs et autres responsables de la marque invitante soucieux de connaître en avant-première les impressions de ces essayeurs d’une journée. Que l’esprit de la troisième mi-temps est loin…
Alors quel est le résultat de cette « transformation », les essais d’aujourd’hui sont-ils plus pointus, plus professionnels et donc plus élaborés que ceux du siècle dernier ? Je n’irai pas jusque-là et me contenterai de dire qu’ils sont différents et quoi qu’il en soit toujours sanctionnés par l’avis connaisseur et sans compromis des lecteurs, auditeurs et internautes que vous êtes.
Pas difficile de comprendre en lisant vos commentaires que vous ne laissez rien passer et tant mieux d’ailleurs, avec parfois il est vrai (pour vous aussi) une petite dose d’a priori voire de partialité… Mais c’est aussi ce qui en fait le charme.
De notre côté je puis vous assurer qu’il devient de plus en plus difficile de faire notre analyse sur des deux-roues de plus en plus performants, de mieux en mieux équipés, de plus en plus complets, dotés des dernières sophistications tant en matière de sécurité, d’assistances à la conduite que de motorisation.
Raisons pour lesquelles les critiques portent bien souvent plus sur l’esthétique, les détails, l’impression de chacun au guidon, variable en fonction des gabarits, voire le prix que sur des aspects négatifs de plus en plus corrigés au fil du temps.
Une certitude les essais ont changé, se sont transformés, le posé de genou est devenu obligatoire sur circuit mais cette évolution ne me fera pas oublier pour autant le plaisir de lever… le coude de temps en temps.
Commentaires
Tout est dit ... les essayeurs n'ont plus rien à dire (donc le dossier de presse est bien utile pour remplir le vide ...?) tant les bécanes sont nikel !
01-02-2016 09:23Encore un métier qui disparaît, sauf si l'essayeur-critique-journaliste se permet d'interroger les constructeurs sur les orientations de leurs gammes électronisées et aseptisées à outrance ...
Encore un métier qui disparaît, sauf si l'essayeur-critique-journaliste invite le lecteur-consommateur à s'interroger sur ses capacités à suivre un autre chemin que le business-plan qu'on lui impose (la mode et les réplicas, le confort, l'assistance, la vitesse, le volume et la puissance, une pseudo aventure) comme un rêve après lequel il faut courir sans cesse...
Bon, ben j'lève le coude au métier bientôt disparu
M'enfin la disparition, c'est une porte de sortie honorable aussi ...
Monsieur le rédacteur en chef,
13-02-2016 18:09Contrairement à ce que tendrait à faire accroire votre pseudo spécialiste, j'ai nommé M. Serge Martin, les essais moto d'antan n'étaient pas une partie de plaisir. Que nenni. Nous avons souvent été traînés dans des gargotes infâmes, que ce soit en Afrique du sud ou en Californie, au point que le confrère du Figaro devait protester véhémentement auprès du service presse pour qu'on lui donne enfin un lit à sa taille et un room service digne de ce nom.
Quant aux prétendues tendances et appétences alcooliques dont on accuse ma génération, elles sont légende. Jamais on a vu l'un d'entre nous tituber pour rentrer à sa chambre ou demander à des amis comme Jack et Daniel de le soutenir pour sortir des canapés du bar. Jamais, Monsieur.
Quant au roulage, certains des jeunes blancs becs qui ont voulu se mesurer à nous en gardent un cuisant souvenir. Ils sont peu nombreux, c'est vrai mais il y en a au moins un.
C'est pourquoi je regrette le peu de sérieux de cette chronique et m'étonne qu'un support comme le votre laisse autant de crédit à un affabulateur patenté.
A votre bonne santé.
"Terminal low coast " au lieu de "low-cost "
14-02-2016 03:07On ne laisse rien passer ;)
Et bien je vois que mes anciens, très très anciens camarades de virées à moto n'ont toujours pas perdu ni leur sens de l'humour, ni leur plume!
14-02-2016 17:41Toujours est-il que j'ai les noms des amateurs de gymkhanas nocturnes que je révélerai en tant et en heure si nécessaire. Non mais!!!
Quant à "low cost" bien vu mais bordel les "fôtes" de frappe ça existe Môssieur, même sur ordinateur...
Enfin le principal c'est que je ne perde pas la "coast" auprès de ces Prix Pulitzer de la PQR...
Alors l'ex de l'Huma qu'a fini dans le Cognac, c'est peut-être Christian Brackers d'Hugo ??
14-02-2016 18:04Tous les deux, j'ai quand même l'impression que vous nous évoquez finalement une période où les gosiers étaient rarement secs...
Tiens à propos de l'Huma, je cherche des renseignements sur l'Elan, la concentre de la fête annuelle du journal, si quelqu'un peut témoigner ... ?
Perdu. L'ex de l'Huma,c'est Christian Ferrand (une excellente adresse pour le Cognac à La Rochelle). Quand à Bracker d'Hugo de La Voix du Nord, Grand Biker devant l'Eternel, il va être ravi...
15-02-2016 00:06Pour le reste tout est vrai, du gosier et...de la gueule!
Où est-il le temps où l'on n'employait pas de termes comme : produit, segment, cible, marketing....
28-02-2016 19:06