Des kilomètres de bits

Quand la moto devient connectée et socio-reliée

Du monde automobile, la moto ne récupère pas forcément le meilleur, d’où le début de l’invasion des merdouilles à papouilles et des logiciels pour se frotter l’ego.

Il y a quelques semaines, un constructeur dont je vais taire le nom, car il sera fâché que je sois moins qu’extatique à propos de ce qui sort de ses usines, a présenté un tableau de bord à relier à une de ces merdouilles à papouilles qui encombrent les poches du contribuable connecté. Ledit constructeur avait pourtant l’air tout youpi-content d’annoncer que ton compteur affichera par exemple la météo. Pile au moment où tu approches d’un radar à une vitesse que tu pressens un chouilla trop élevée. Ou alors il étalera au grand jour la médiocrité de tes préférences musicales quand tu es sur le point de pécho le numéro de téléphone de la petite blonde/le beau ténébreux en décapotable arrêté(e) au feu rouge.

Il sera ainsi possible de… de quoi, au fait ? La météo, une fois en selle, on l’a en levant le nez. Les stations d’essence ? Ya pas une jauge, sur cette meule ? Et puis tout le monde sait qu’avec moins de 100 chwo, seuls les suicidaires radicalisés s’aventurent au-delà des rocades vidoéprotégées avec ses pompes toutes les 20 bornes.

Comme il est d’usage sur les sites de sociofinancement, ce tableau de bord se doit d’associer à un protocole radio au nom ridicule une passerelle vers ‘lérézosoçio’ dont le nom même est l’illustration limpide de ce qu’Orwell entend par ‘double discours’ : ce ne sont pas des réseaux mais des agrégateurs de pages personnelles et leur part sociale se limite à un étroit périmètre autour du nombril de leurs contributeurs.

Qu’importe : le tableau de bord, par le relais de la merdouille à papouilles, fait ding-ding-fessebouque quand un poisson rouge fait prout quelque part dans l’hémisphère sud. Mais seulement quand la bécane est à l’arrêt, parce que le CSA veille. Qu’une telle ‘sécurité’ rende le tableau de bord ‘connecté’ inutile puisque dès lors l’utilisateur peut sortir la merdouille à papouilles de sa poche n’a pas été jugé important. Je constate cependant qu’un voile pudique a été jeté sur la possibilité techniquement triviale d’afficher de la pub sur le tableau de bord. Tout y est : identité du propriétaire, position géographique, historique de navigation et donc indirectement des achats, état du compte en banque, liste d’amis et ainsi de suite.

Tu as sans doute constaté que ‘personnalisation’ est une tarte à la crème qui a la vie (très très) dure : elle ressort ici sous la forme d’un dispositif qui permet d’afficher sur le compteur une photo de son choix. Ce qui donnera l’occasion à de petits plaisantins de substituer de manière définitive le bucolique paysage initialement téléchargé par le propriétaire par un gros plan d’organe génital affecté par une maladie curieuse et peu photogénique.

J’ai des doutes sur la bienveillance de la mission civilisatrice de la Silicon Valley quand il s’agit de nous greffer des puces. Ma main se rapproche instinctivement de mon fusil à pompe favori quand la tête à claques sur scène sort de sa poche un bidule ‘révolutionnaire’ qui arbore le faux-nez du flicard en silicone. Je chatouille la sûreté quand je lis qu’il est prévu de géolocaliser la bécane et je songe à oublier les sommations d’usage quand il est précisé qu’il sera possible de créer des ‘groupes de voyage’ pour se repérer entre potes. Ce système pue vraiment la flicaillerie sournoise. Je redoute le moment où il deviendra obligatoire, après avoir franchi une à une les étapes de la fabrique du consentement.

Plus d'infos sur les kroniks

• Toutes les Kroniks