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Comme à Vincennes un vendredi soir

Je passais mes vendredis soir sur l'Esplanade du château de Vincennes

avec d'autres motards

Au tournant du siècle, je passais mes vendredis soir sur l'Esplanade du château de Vincennes avec d'autres motards. Je retrouve la même ambiance ici, sur ce bout de place.

Comme à Vincennes un vendredi soir (c) photo : Pixabay
Comme à Vincennes un vendredi soir (c) photo : Pixabay

Si tu n'y étais pas, il s'agissait du lieu de rendez-vous pour 20 (en février) à 600 (en juin) motards de la région parisienne. Nous passions de longues heures à battre la semelle, taillant le bout de gras avec les potes avant de décider d'aller boire un verre quelque part (chez Mickey, à Lognes, chez Untel, chez Machin) à une allure largement prohibée.

On causait moto, moto, gamelle, voiture, moto, bagnole, chute, moto, flics, voiture, moto, pluie, moto, neige, moto. Tu vois le truc ?

Je ne sais plus trop quand ni pourquoi j'ai cessé d'y aller. Peut-être l'arrivée des premiers bébés qui ont fixé certains couples. Peut-être les téléphones mobiles qui ont rendu désuet un lieu de rendez-vous commun puisque nous pouvions, en quelques SMS, savoir qui allait où -loin de rapprocher, les GSM ont creusé des fossés. Peut-être aussi que j'ai fini par en avoir marre de rouler comme un dératé pour suivre le groupe.

Étrangement, je retrouve ici la même ambiance, ce soir. Les minorités ont une tendance naturelle à faire bloc, qu'il s'agisse de motards ou d'autres.

À Vincennes, à l'époque, je regardais d'un oeil incrédule les motards de cinquante ans et plus, sur leurs motos de vieux, leurs Pan European, leurs Diversion 900, leurs K100, leurs 1200 FJR. Aujourd'hui, c'est moi le quinqua qui évolue au milieu de mômes qui hésitent un peu à me dire "tu".

Ça cause bécane, bécane et bécane. Voiture, chute, pluie, bécane, pneus, bécane, flics, gamelle, bécane. Mais aussi autonomie, ampérage, swap de batterie, firmware, soudure, Watt-heure, piétons, poussette, voiture, chiens et ainsi de suite.

Oui, je suis à un rendez-vous de trottinettes électriques. Tout comme à Vincennes, on se demande où on va aller en balade. Certains proposent des destinations lointaines. Ceux avec les "petites", qui tiennent à peine les 30 kilomètres avant que leurs batteries ne soient à plat, font la gueule -comme ceux en 125 quand on décidait d'aller chez Mickey par l'autoroute. Les "grosses" s'en foutent : elles tiennent 80 kilomètres facile.

Nous partons. À 'fond' : les 25 km/h légaux. Les "grosses" sont revenues en mode bridé pour rouler avec le groupe. Nous sommes une douzaine. Premier dimanche d'octobre : nous profitons d'un soleil qui se croit encore en été alors que l'air respire l'humidité de l'automne. Sous nos roues, les feuilles mortes trempées par les averses d'hier font "flouitch-flouitch". Heureusement qu'une G30 se nettoie plus facilement qu'une SV.

Comme à Vincennes, certains font des wheels -oui, oui, ça wheele, une trott'- et sautent les trottoirs en faisant des figures. J'ai fait pareil en roller, j'ai vu mes potes faire pareil en skate au Trocadéro. En quarante ans, finalement, rien n'a changé : il s'agit de faire le zazou pour se faire remarquer et d'enfreindre quelques interdits pour se donner l'air viril. Quand une société n'a plus de rite de passage, le groupe invente les siens.

Au troquet, arrivé à destination, ça cause bécane, bécane et bécane : c'est notre dénominateur commun. Comme avec la loi des 100 chevaux, la question du débridage revient souvent. Certains ne veulent pas en entendre parler et ont débridé dès l'achat. D'autres, comme moi, pensent que 25 km/h c'est déjà bien. L'assemblée compte deux bidouilleurs fous dont les trott' sont régulièrement démontées : en BTS d'électricité, ils ont changé tous les connecteurs et certains câbles qu'ils jugeaient de trop faible section, puis ont construit leur propre bloc de batteries à partir de cellules ; un peu comme le gars qui, à l'époque, dans son garage, changeait les arbres à cames de sa sportive '100 chevaux' pour des modèles venus d'Italie ou d'Allemagne après avoir complètement modifié la rampe de carbus. Rien n'a vraiment changé, ch'te dis.

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait... le sentiment d'appartenir à un groupe partageant un centre d'intérêt commun -ouais, ouais, 'l'ivresse' c'est plus court et plus classe.

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Attention Kronik ! 100% mauvaise foi ! Ceci n'est pas un article ni une brève (voir historique si nécessaire). L'abus de kronik peut être dangereux pour la santé de certains. Ne pas abuser.

Commentaires

seb-xx

Du siècle? Du millénaire plutôt même

Ça nous rajeunit pas 🤣🤣🤣
Le troquet de l'avenue Daumesnil avec plein de jolies motos

01-11-2022 08:47 
Picabia

Rassemblement de trottinettes quelle misère, pour une hivernale vous choisissez quel lieu? La forêt de Meudon? Les halles de Rungis?

01-11-2022 08:56 
jojooo

Timbre poste, carte Pokémon, youngtimer, échec... peu importe ce qui réuni des personnes. Elles échangent en chair et en os, ce qui est déjà pas si mal dans notre société hyper connectée.

01-11-2022 09:33 
aximum

Touchante nostalgie sur l'évolution des passions dans le temps

01-11-2022 09:34 
cajo

Rien n'a changé, vraiment menteur...? Tu fais des concentres de trot' à l'aut' bout de l'hexagone, voire bien plus loin, et tu la mets où ta guitoune ...?

01-11-2022 09:40 
Goupil62

Il y a un mois, nous avons eu un rassemblement de motards : les mêmes discussions, motos, voitures, motos, bonne bouffe, motos, etc.
Avec pour obligation de ne pas sortir son portable : pari réussi, ce qui prouve qu'entre jeunes & vieux, le contact via la passion est toujours là 😁

01-11-2022 09:59 
Meuldor

C’est cool à l’Ehpad on pourra faire des rassemblements de fauteuil au fond du parc. Y aura les électriques, les manuels, bridés, à trois roues etc…

01-11-2022 20:38 
Lordfuryo

Bon, j'essaye de me faire croire que ce n'est qu'une vague histoire inventée pour cracher de la ligne...mais quelque chose me dit le contraire...
Sérieux...déjà le Burg c'était limite mais là...
Quelle misère mon p'ovre

02-11-2022 13:59 
inextenza

Ah tiens, je me suis posé la question moi aussi: quand ai-je été de moins en moins assidu à Vincennes, jusqu'à un jour ne plus y aller?
Je ne saurais pas dire... la dilution du groupe peut-être. La municipalité qui a restreint de cliquet en cliquet la surface de stationnement délimitée par les barrières, jusqu'à arriver à se mettre sur le trottoir en terre devant la Garde Républicaine.
Il y en a aussi pas mal qui sont partis parce que les Forces de l'Ordre passaient en scrutant, avec une dépanneuse dans leur cortège (bizarrement, la "team aquarium" comme j'aimais à les surnommer, ceux qui se pointaient avec une brêle scintillante de néons et autres trucs clinquants et bruyants) leur faisait peur.
Chai pô en fait.
Juste, une fois, j'y suis retourné, au hasard, il y a une 10-15 aines d'années: c'était fini, plus une seule moto.
KPOK, on s'est forcément croisé: nous aussi allions à Disney, ou au port de Cergy, ou à St Germain, ou dans Paris. Nous aussi avions des 125 dans le groupe. Amusantes ces similitudes! V

02-11-2022 14:19 
 

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