Cinquante nuances de parkings
Je fréquente plusieurs parkings. Tous sont différents
Je fréquente plusieurs parkings. Tous sont différents : dans la symphonie urbaine, ils jouent en mineur la partition de la mélancolie et du vide.
Nouvelle entreprise, nouveau parking. Celui-là est ceinturé d'arbres pour cacher le haut grillage. Les rangées de voitures sont séparées par des buttes gazonnées. Des massifs de fleurs délimitent l'entrée. L'équation est simple : gazon + arbres + fleurs = fric ; les boîtes qui sont toujours à chercher soixante-quinze centimes pour faire un euro se contentent de béton, de bitume rapiécé et de plantes en plastique poussiéreuses à l'entrée.
Il y a quinze jours, j'ai séjourné dans une société au parking particulièrement mal foutu : en dévers, trop étroit, sans visibilité pour sortir, farci de nids-de-poule mal réparés... la misère. J'ai fini par béquiller dehors, sur un de ces trottoirs sablonneux où ne passe jamais un piéton.
J'en apprends beaucoup sur une entreprise rien qu'à observer son parking. Je méprise celles où le patron s'est aménagé un emplacement perso tout près de l'entrée, voire de l'autre côté de la barrière, pour lui épargner 50 mètres de marche ‒pauvre chou ! Je donne un bon point à celles qui ont des guérites pour vélos et motos. Quand l'entrée des véhicules est bien séparée des voies de circulation des piétons, je subodore un CHSCT tatillon : tant mieux.
Chez les plus friquées, une balayeuse passe pour vider les caniveaux des cailloux et des débris végétaux. Devant les hangars à avions, ils le font aussi, mais pour une raison très prosaïque : le vent des hélices soulève des gravillons qui frappent les carlingues, percent les entoilages et détruisent les verrières : c'est une nécessité, pas un luxe. Quand ils démarrent les 2.500 chevaux du Sea Fury F-AZXJ, t'as pas intérêt à être garé trop près : même au point fixe, balayeuse ou pas, le vent de l'hélice au sifflement si caractéristique arrache encore du gravier au bitume.
Hier matin, j'ai atterri dans un parking visiblement refait à neuf il y a quelques semaines seulement : bitume encore bien noir, signalisation éclatante, panneaux plantés droits... j'hésiterais presque à y mettre les pneus. Il doit y avoir un motard à la direction : les emplacements motos sont matérialisés au sol et séparés des places pour voiture par un petit dos-d'âne peint en jaune. On a beau être en province, une barrière métallique en fait le tour pour pouvoir passer des antivols. Le système est bien foutu : des anneaux façon amarrage pour bateaux coulissent sur un rail, ce qui permet de poser un "U" à peu près où on veut ‒jante, fourreau de fourche, cadre... Pas mal du tout. Sinon qu'on est en province et que je roule sur la 214e moto la moins volée de France, donc bof... Mais je salue l'effort.
A l'inverse, certains parkings ne me mettent pas à l'aise et me font regretter d'avoir laissé l'antivol au garage. Un je-ne-sais-quoi dans son agencement et dans le type de véhicules qui y stationne me font froncer le nez. Les pires sont ceux où restent attachés aux barrières des cadavres de bicyclettes aux roues voilées, aux selles absentes et aux guidons tordus. Autour de ceux-là poussent ces infâmes buissons qui produisent des petits fruits rouges ou orange en grappes. La terre où ils poussent, collante et glissante, est couleur caca d'oie. Beurk.
Mais de loin, mon parking préféré reste celui chez mes parents, où je béquille la moto sur une dalle de schiste à droite de la fenêtre de la cuisine, à l'abri du préau. Je peux laisser les clefs sur le contact : ce n'est pas demain la veille qu'un inconnu se tapera les huit bornes de chemin à peine carrossable pour arriver jusqu'à la maison. Toutes mes motos sans exception se sont garées ici un jour. En sachant où regarder, je peux retrouver la balafre laissée dans la pierre par la béquille centrale de la GPZ et l'encoche où je logeais toujours la latérale de la SV après l'avoir engagée pile où il faut ‒mheunon, je ne suis pas maniaque.
J'éprouve une satisfaction particulière à savoir ma moto garée au bon endroit, à peine en pente pour qu'elle soit calée sur sa béquille, prête à partir. Je ne sais pas bien pourquoi, c'est la 650 SLR qui me paraissait la plus à sa place dans ce décor, celle qui correspondait le mieux à cette impulsion de grimper dessus pour aller faire un tour. C'est celle que j'ai préféré détailler depuis la porte-fenêtre du salon, comme un bon cheval patient.
Une bonne place de parking, c'est la cerise sur le gâteau, un peu de tranquillité d'esprit en plus et un autre moyen de profiter de sa moto, sagement garée en attendant la prochaine balade.
Commentaires
moi non plus je ne suis pas maniaque: tous les matins j'arrive au boulot en garant mon scoobite dans le renfoncement de l'immeuble qu'on croirait fait pour, il y a des vitres partout alors je teste les warning, feux stop, feux de route, puis je fais un quart de tour arrière droit, je béquille sur la centrale à 80cm du mur pour passer avec le sac à dos sans dérégler le rétro (et les fientes de piaf tombent à côté, aussi). prêt pour repartir le soir, ça c'est fait!
01-03-2022 08:42Lorsque j'habitais encore Paris, la municipalité (il y a presque une vie de cela) a refait la chaussée. Tout en supprimant des places auto.
01-03-2022 09:05Elle en a néanmoins profité pour installer des places moto.
Bien.
Ces places sont regroupées en duo, avec des points d'attaches entres chaque doublet.
Bonne idée. Même si ces systèmes sont particulièrement mal foutus, voire inutilisables si l'on a pas la chaine suffisamment longue et la moto qui s'adapte.
Sans oublier que pour que deux motos y passent, l'une doit être une petite cylindrée.
Sauf que...
La rue étant en pente (le haut de la Butte Montmartre...), la chaussée est (très) pentue. Donc, pour que la moto puisse reposer sur sa béquille, il faut impérativement la mettre le nez contre le trottoir. Sion, selon la machine, elle est au mieux dans une position quasi-verticale très précaire, voire simplement inclinée dans le mauvais sens...
Et comme il faut conserver le "charme" de la Butte, la chaussée est... bombée !
Attention. Pas le léger renflement à peine visible afin de faciliter l'écoulement de l'eau. Non.
Une chaussée vraiment bombée, comme si un torrent devait s'évacuer dans le caniveau.
Donc, pour ceux qui ont autre chose qu'un 50cc, la moto est bien en appui sur la bordure du caniveau. Ça, elle est bien calée, entre la béquille qui avec l'inclinaison de la rue met la moto à une bonne trentaine de degrés d'angle, et la roue collée le caniveau.
Donc, seul Swartzy-Terminator pourrait sortir sa Fat Boy du piège (et encore...) de la fatale trilogie "Place étroite + rue fortement inclinée + caniveau profond".
Bref, depuis des lustres, il n'y a plus de moto qui utilisent ces emplacements. Sauf de temps à autres un "non résident" qui tombe dans le piège.
Comme quoi, l'enfer motard est pavé des meilleures intentions d'installations faites en dépit du bon sens.
Echanger le côté de la rue du stationnement des voitures et des motos eut été évident pour tout aménageur qui aurait une fois dans sa vie roulé à moto. Mais je réfléchis "logique", et non pas "aménagement public"...
Ah oui. L'aménagement des places de stationnement motos dans une zone en pente n'est pas une fatalité.
01-03-2022 09:18Durant mes 13 années en Suisse, je n'ai jamais rencontré un parking moto aussi mal foutu que celui de la Butte Montmartre (Rue du Mont-Cenis pour les curieux).
Le plus beau parking a moto était celui de l'ancien siège du Groupe Danone. 1er sous-sol (donc sec, chauffé et parfaitement sécurisé), directement devant l’ascenseur !
Mais peut-être étais-ce lié au fait que souvent était garé à côté de ma moto le scoobite "grande roues" du PDG ???
Il faut se remettre à la page !
01-03-2022 11:29On ne dit plus CHSCT, mais CSSCT depuis quelques années maintenant.
Le dernier parking que j'ai fréquenté était tapissé de gravillons et heureusement que j'ai trouvé une pierre un peu plus large pour y appuyer ma béquille sinon, je pense que j'aurais fait tomber toute la rangée (40 motos en ballade)
Les abris vélos (et donc motos) sont obligatoires désormais il me semble, au moins quand il y a des travaux de réaménagement
01-03-2022 12:10J'ai beau essayer de me souvenir, je n'ai jamais vu en IDF de jolis parkings tels que décrit en introduction par KPOK
Peut être aurez vous la joie de connaitre un jour un parking Hollandais ou Allemand parfaitement carrossé et plat avec auvent pour les motos, vélos et planté d'arbres pour l'été être à l'ombre.
01-03-2022 12:49Une dépense inutile de ce coté ci car le parking ne rapporte rien, pire il coute et le plus souvent il est moche de chez moche. Sauna assuré l'été en voiture et selle chauffante gratuite pour les motos.
L'accueil est le premier contact d'une entreprise, la gueule de certains parking en dit long sur la philosophie de la boite.
Vous avez de la chance quand un parking moto existe et souvent il est à perpette comme celui de l'hyper du coin. En bref le motard n'est pas un client sérieux, il ne repart pas avec un plein caddy. On m'a rétorqué que la livraison à domicile ça existait, mais payant. Et pourtant le boss est motard mais lui il a sa place réservée. Normal c'est le boss.
Le meilleur parking, c'est mon garage, là protégée des vues et des coups je l'oublie jusqu'au lendemain où je la retrouve parée d'une couverture que j'enlève avant de la faire chauffer le temps d'une clope......
19-09-2022 12:57Je ne l'ai jamais dit a personnes, mais c'est un des meilleurs moments de la journée.