La Chronique de Koud'pied o'Kick
Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.KroniK de décembre : Arnovincenréplica (J'vous mets minable !)
J'vais me marrer un grand coup la première fois que je vais voir une CBR 600 2002 dans la rue. Je vais me marrer. Parce que lui, sous son casque, ne se doutera même pas un seul instant que le brêlon à côté de lui au feu rouge est la même que celle d'Arnaud Vincent. Oui, gars, avec ta CBR, tu fais pas le poids à côté de mon mono 125 2T. Le même moulbiffe que Vincent (à quelques chevaux près tout de même). C'est magique, la 125: du jour au lendemain, tu te retrouves avec la réplique du pisse-feu de notre tout nouveau champion du monde. Elle est pas belle, la vie ?
Regarde bien: monocylindre, deux temps, admissions dans les carters, valve à l'échappement, le petit radiateur sans ventilo, les durits un peu partout, pas de démarreur électrique. C'est la même, ch'te dis. Le plus jouissif dans l'histoire, c'est que je lui ai même ouvert les tripes à ma 125. Trop fort: je suis à la fois dans la peau du champion du monde, mais aussi dans celle de son chef mécano. Terrible. Et je ne te parle même pas du tarif... Houlala, misère. Ce qu'il va falloir débourser pour s'en payer une comme Barros, ou une comme Jacque, l'année prochaine. Moi j'en ai une comme Vincent, là, dans la rue. Magique. J'm'en vais te coller une paire de plaques à numéros un de ces quatre, ça va pas traîner. Honda a beau le claironner sur ses pubs (Excès de victoires), et de coller en-dessous les photos de la Bécanarossi, de la pseudo-Edwards ou du simili-Foret, je n'y crois pas. L'arnovincenréplica, c'est moi qui l'ai. Na !
Bien mal inspiré, MR s'essaye au comique. Sans doute un peu débordé par le succès de Motos et Motards, ils font dans le guignolesque. J'en veux pour preuve leur essai gros scoobite, mi-novembre. La photo d'ouverture donne le ton. Bien essayé, les gars, mais on n'y croit pas. Le premier paragraphe sur les forces en présence, c'est du vu et revu dans le mensuel déjà cité. On a presque l'impression qu'il font semblant de rigoler pour faire passer un article sur des machines honnies par le motardus simplex qui ne jure que par la boîte mécanique et le châssis double poutre en alu. On n'assume pas des masses. Pourtant...
Pourtant j'ai vu dans la rue mes premiers scoobites à échappement prout prout: un T-Max avec un Akra, et un Burgman avec un machin non identifié (je suis passé trop vite, hurk hurk). Je me demandais combien de temps ils tiendraient. Faut dire qu'ils ont une sérieuse excuse: le praaattt ! au démarrage de ces machins n'est pas des plus flatteurs. Je ne parle même pas du C1 de béhème, qui fait carrément un sale bruit. Je trouve ça marrant de voir du cadre sup' en mocassins se la jouer bornetoubiouaïlde avec une cartouche non homologuée.
Il me faut aussi évoquer la « chose » sur les antivols, parue une semaine plus tard, toujours dans MR. On ne présente que de l'homologué SRA, on ne se mouille pas trop, à l'inverse d'un Moto Mag qui, il y a quelques temps, c'est fendu d'une enquête sérieuse sur le sujet, et a surtout mis les projos sur les antivols Fisher Price (ou Canada Dry, comme vous voulez) qui lâchent en quelques secondes. Mention spéciale aussi à l'antivol électronique qui coupe le moteur quand le proprio est trop éloigné de la machine: si tu te fais braquer ta moto, les types vont revenir te voir illico pour te demander « gentiment » la carte émettrice. 260 euros pour avoir le plaisir de se faire pêter la gueule deux fois de suite: un grand bonheur. Bien essayé, le coup du labo de tests de résistance des antivols, mais ils ont oublié une chose: les voleurs ne s'attaquent plus aux antivols à la masse, mais à la disqueuse. Balancer 13,5 tonnes de pression sur un U pour en vérifier la résistance est inutile: aucun être humain n'est capable d'exercer une telle pression sur un U sans matériel intransportable, et surtout inutilisable quand une bête moto est accrochée au bout du U. Un deuxième coup pour rien, donc, qui a juste le mérite de rappeler qu'on ne choisit pas son U ou son casque comme un achète une RC-V... heu... une baguette chez le boulanger.
Les casques, justement. J'ai trouvé hautement suspect l'enthousiasme de Franck Péret, le correspondant de MJ au Japon, à la visite des usines Shoei: « ouvriers studieux », « amour du travail bien fait », « cocon cultivant confort et sérénité ». Je suis à deux doigts de me demander ce qui a été négocié en échange. En tous cas, j'ai été ravi d'apprendre que les 4/5e des employés de Shoei travaillent sous la flotte: seulement 15.000 m2 sur les 76.000 que comptent les 2 sites de production sont « couverts par des bâtiments* ». Pauvres gens. Un certain passage, au moins, m'a bien fait rigoler: la méthode d'empilement des couches de fibre de verre (1ere étape de fabrication) « pour cause de secret à préserver » n'a pas droit d'être photographiée. Hurk hurk hurk. T'as raison ma cocotte, c'est hyper-stratégique. M'enfin Shoei n'a pas le monopole de la communication à demi-mot: pas plus tard que tout à l'heure, je me suis fait répondre au téléphone que le nom du (ou de la) responsable communication d'une boîte (une société d'ingénierie informatique en l'occurence) était classé secret-défense. C'est fou ces gens qui pensent que ne dire que du bien d'eux va passionner le lecteur. Faux. On veut du saignant, du crade, du qui pue, de la malversation fiscale, du scandale fessu, du sexe, de la drogue et du rock'n roll.
Petit jeu-concours: devinez ce qu'est en train de dire le grande dépendeux d'andouille sur son épave de GSX-R, sur la couverture de ce même MJ qui ouvre sur le stunt ? « C'est bon, venez enlever l'escabeau de sous ma roue arrière, j'ai le vertige » ou « la vache j'ai encore oublié d'enlever mon bloque-disque » ? L'article n'est guère plus glorieux. Légende de la première photo, page 26: « notez l'équipement soigné des participants et le peu de modification de leurs machines ». Mouais. On doit pas parler de la même photo. Oh, ça, ya du blouson flashy. Mais de la basket, aussi. Je n'ose même plus compter le nombre de fois que mes bottes m'ont sauvé chevilles et tibias. Ces types-là n'ont jamais dû tomber de leur vie, c'est la seule explication possible. Quant aux machines « peu » modifiées, juste au premier plan, je vois une GSX-R décarénée, avec une ligne Akra, sans clicos et sans plaque. Peu modifiées, mais oui, mais oui. L'article en lui-même ne nous apprend pas grand chose, c'est du style télévisuel (lieux communs, approximations et raccourcis) genre consensus mou: « c'est pas bien mais les stunters le savent et ils sont gentils: ils font attention de se tuer tout seuls ». Heureusement, je tourne la dernière page pour tomber sur La Canardière du camarade Bidault. Une révélation: au beau milieu de la page: un âne en wheeling. Tout est dit. Et que les amateurs de stunt ne viennent pas me les briser: toutes leurs excuses à la mord'moil' ne ressusciteront pas un seul de leurs potes.
La dernière semaine de novembre, je me suis fait avoir. Oui oui, ça m'arrive aussi. Comme quoi on devrait toujours ouvrir les magazines avant de les acheter, sans trop se fier à la couverture. « Les supersportives dans le détail ». Oui, certes. En septembre-octobre, on a eu droit à du resucé de dossier de presse sur toutes les 600 sport, et maintenant on nous sort... la compil'. Bien vu. Et c'est culturel: on cite même ce pauvre Lavoisier: rien ne se perd, tout se facture. Dès l'ouverture, je suis comblé: « Apposez-lui le N°46 et la nouvelle Honda 600 devient une quasi-réplique esthétique » de la Bécanarossi. Sinon qu'il lui manque un cylindre, 80 chevaux, et qu'elle traîne 40 kilos de trop. Une paille. Enfin... le principal c'est que le client mouille comme un fou la première fois qu'il monte dessus, pas vrai ? En tous cas, je bave d'enthousiasme à l'idée que les feux arrière à diode (j'en avais sur mon 51, mais là c'était parce que les ampoules grillaient trop souvent) « assurent un gain de poids de 50% ». Fon-da-men-tal ! Je note au passage que le ralenti de la R6 se situe aux alentours de 6.000 trs/min: bon pour la longévité du moteur, ça. Toutes sont équipées de la petite loupiotte qui clignote à l'approche de la zone rouge. Et elle est pro-gramm-able. Oui, monsieur. A part ça les rétros sont nuls. Interdit, je relis plusieurs fois ce passage: « ici, on vous parle de sportives. Une race à part qui semble se mériter (1). Ce qui doit transpirer, c'est la performance extrême, la vitesse maxi (2), le 400 DA (3), l'image (4), la passion (5), la compétition (6) ».
Traduction, après avoir bien ventilé la pièce pour
évacuer les odeurs de testostérone :
(1): effectivement, à 10.000 euros le bout, faut s'endetter pour
longtemps. Un découvert qui se mérite
(2): 130 km/h en France, pas la peine de payer aussi cher. Fait le calcul
c'est des bécanes à 77 euros le km/h.
(3): FLASH ! à 150 mètre de la ligne d'arrivé, yavait
3 pénibles à képi et flingolaser. Dommage. Recule
de 6 points sur ton permis
(4): la seule vraie raison pour acheter ce genre de meule: t'as vu, j'ai
la Bécanarossi, chuis 'âchement plusse bô keu toi
(5): avec des moteurs moulinex où tu t'emmerdes en dessous de 14.000
tours/min, on va causer passion, c'est sûr
(6): en ce moment, la seule compète que je vois c'est de jouer
à saute-radar avec les types en bleu et leur chef le nabot malfaisant.
Ce qui me rassure quelque part, c'est que d'ici 3 ans, ces machines rentreront petit à petit dans la famille des « routières ringardes », détrônées par le monsieur « plus » de ces constructeurs. Qui accorde le moindre regard aujourd'hui à une Thundercat ou une ZZR 600 ? Par contre, on se retourne sur une CB 750 nickel. Cherchez l'erreur.
Heureusement que Motot Mag veillait. Jawa 350 attelée. Elle est pas terrible, c'te meule ? 90 km/h à toc, du bon gros bloc moteur dégrossi à la lime, du pot d'échappement d'époque, du pneu « made in RU », une zone rouge à 6.000 tours, rien en-dessous de 3.000. Que du bonheur. Une clef de 10, une chambre à air de rechange et hop ! Aller-retour Paris-Vladivostok "fingeur in zeu nauze". Quitte à rouler à 60, autant que ça soit dans les steppes de l'Oural qu'au cul des bagnoles sur le périph'.
Allez hop ! Tous en coeur:
C'est la Jawa bleue
La Jawa le plus bêlleuh
Celleuh qui ensorcelleuh
Et qu'on démarre à grand coup de kickeuh !
Allez, enregistrez-moi ça, et on se retrouve dans 15 jour au top du Toc 50. Je vous fais grâce des droits, tas d'veinards.
* je sais, ce calcul est faux, c'était juste pour alimenter un de mes hobbies: faire dire n'importe quoi aux chiffres.
Koud'pied o'Kick, ka ben du malheur à démarrer en ce moment son Arnovincenréplica avec ce temps pourri. - le 1er décembre 2002
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