La Chronique de Koud'pied o'Kick
Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour aussi immodéré de la controverse, à nul autre pareil.KroniK de septembre : Moi et mes idées stupides
Ne cherchez pas, ce dimanche-là, je me suis réveillé avec des envies de piste. Et des envies de piste, ça ne se discute pas. Coup de bol, je me suis levé tôt, il est à peine midi, j'ai largement le temps. Faut dire que depuis 3 jours, j'ai une nouvelle moto qui pousse. Enfin... j'ai graissé la chaîne et les câbles de gaz et d'embrayage. C'est fou comme trois gouttes d'huile là où il faut suffisent à te transformer une bécane. Depuis j'ai une poignée de gaz sensible, mais sensible... Parole, j'ai au moins 5 chevaux de plus.
Dimanche: la route, l'horreur comme d'habitude, avec des tas de caisseux qui découvrent la priorité à gauche et les motos. HO! Gare-toi de là avec ta poubelle ! On m'attend en pré-grille !
Comme je suis particulièrement efficace et rapide, j'arrive d'emblée à me qualifier en 4e position en pré-grille. Bon... disons que je suis la 4e moto à me glisser entre les chaînes parce que j'étais persuadé que le circuit ouvrait à 13h30, alors qu'on ne peut tourner qu'à partir de 14 heures. Devant moi, une RSV donne de la voix. On discute trajos, carburation, tout ça. Saine ambiance motarde. Sur la 4e file, un type avec une R6 change sa couronne arrière. Pour montrer à tout le monde que je suis moi aussi un pro, j'emprunte une pompe pour faire une pression des pneus tip-top. Je suis en effet en configuration "autoroute à deux chargé comme un mulet", avec 2,7 à l'avant et 2,9 à l'arrière. Pas génial pour la piste. J'arrive même à faire semblant de savoir comment la pompe fonctionne. Par contre, est-ce qu'il reste de l'air dans mes pneus après cette mise au point ? Mystère.
13h55, les grilles s'ouvrent. Merle! oussé k'jémi mes clefs ? Poche, poche, palpe... Nan, ça c'est les antivols. Merle merle merle, le type devant moi a déjà démarré. Nan, ça c'est les clefs de la baraque. Mais oussé kè sont, mordel de berde ? Ah! elles sont déjà sur le contact. Vroup ! J'entre enfin dans le saint des saints (tata tsoin). Je me range, coupe le moteur, présente mes papiers.
Et c'est là que j'ai fait une monumentale erreur. Une faute impardonnable. Une incommensurable bourde.
Je me suis retourné.
HOULA !
Y z'étaient tous là. La bande à freinetard, la tribu grosgaz, le gang des frotteurs de coude, le club des "R1 killers" et leurs ennemis jurés les "GSX-R atomizers". Derrière moi c'est une térachiée de carénages en poly avec des plaques à numéros partout. Des pneus brûlés par les tours qualifs à donf'. Des écrous freinés à tous les étages pour retenir les canassons dans le moteur. Des freins bleuis par des freinages de fin du monde. Des roulettes de protection même sur les radiateurs. Des plaques de carbone sur les carters. Toute une meute de fondus en combarde râpée. Pas un seul rétro, pas le moindre petit clicos, pas l'ombre d'une plaque d'immatriculation dans ce troupeau de furieux.
Grouïïïkk ! fait mon estomac.
En un éclair, je mets au point ma stratégie: démarrage canon sur la grille elle-même, suivi d'un freinage de fondu au ras des barrières. Stupéfaits par cette performance, ils vont tous se précipiter, et logiquement se bourrer avant le premier virage. Hurk hurk hurk, je vais tous les posséder. Je démarre mon moteur. Je dé-marre mon moteur. Je dé-mar-re mon mo-teur. Ah zut, il tournait déjà. C'est que je ne l'entend plus entre l'Akra de la RS-V devant, le Yosh de la R1 d'à côté et les Termis de la 996 de derrière. C'est leurs échappements qui font vibrer mon guidon. J'me disais bien, aussi. A ma droite, une R1 toute noire avec un type qui teste la suspension arrière. Eh! moi aussi j'peux l'faire ! Crâââneur !
Faisons chauffer à coup de gaz comme les autres, pour qu'ils ne se doutent de rien. Faisons semblant d'être calme et détendu. Je resserre mon harnais, relève les pieds sur le palonnier de combat, arme canons de mitrailleuses, allume le viseur tête haute et me recroqueville derrière ma plaque de blindage dorsale. Mon unité D2 m'indique que tout est paré, hyperdrive en température. Heu... en fait j'ai allumé la veilleuse, on sait jamais, des fois qu'il y aurait aussi des myopes dans le tas de barges derrière moi. Et j'ai réglé mes rétros pour prévenir les attaques venant de l'arrière.
ça démarre. Hé! mais attendez moi ! Et ma super stratégie de départ ! Trop tard ! ils sont déjà sortis de la grille. Là, un miracle m'a sauvé. Devant moi, ya 2 plaques d'immatriculation et des clicos. Un type en B12 et une Hornet 9 qui devaient être planqués au fond. Mes sauveurs ! Le B12 doit connaître son affaire. Je l'ai repéré à sa manière d'enchaîner sur le couple les deux premiers virages pour laisser aux pneus le temps de chauffer. Il doit connaître la piste et ses pièges. Un vrai pilote, en somme. Prenons sa roue arrière et tâchons de ne pas le lâcher. Il doit salement bien connaître la piste et ses pièges, parce qu'il roule très doucement. Heu... réflexion faite, il se traîne grave. Même avec un vieux clou d'avant-guerre on passerait plus vite ici. Pourtant, sa combarde toute râpée... Bof, si ça se trouve, il a emprunté la moto de sa femme et ne veut pas l'abîmer. Sans hésitation, je lui fait un exter' magistral dans la parabolique. Enfin... je suis obligé de passer à gauche parce qu'il a pilé au MILIEU de la parabolique. Ouais, réflexion faite, c'est un poireau classe pied-tendre. Il ne mérite même pas mon mépris. Un tour. Deux tours. Je rentre dans le rythme, mes trajos commencent à s'affiner. Ya des chronos qui vont demander grâce sur le bord de la piste.
C'est à ce moment-là que j'ai fait une 2e erreur. La même que la première. Je me suis retourné.
En passant le gauche après le Dunlop. Damnède ! Y sont déjà là ! En bout de ligne droite. Une demi-douzaine de trépanés qui ont sorti les masses d'armes et les grenades et qui s'arsouillent à qui mieux mieux. Enfer! J'ai perdu trop de temps à doubler l'attardé. J'm'en vais te lui coller un réclamation pour obstruction, y va entendre parler du pays. Compromettre ainsi une position au championnat !
Gaz ! Il faut que je contienne courageusement leur remontée. Double gauche, personne derrière moi. Petit bout droit avant la parabolique, encore personne derrière moi. Sortie de parabolique, toujours perso... WRAAAA ! ROAAAA ! RABROOO ! Trois Spoutnik viennent de me passer avec quarante km/h de mieux. Pas possible! Chuis à fond! Ils doivent avoir monté en loucedé des kit nitrous, ces traîtres. Mais que font les commissaires de piste et la direction technique ?! Je me plaindrai. Y vont m'entendre à la fédé ! Devant moi, les petites taches de couleur enquillent la ligne droite alors que je suis encore à négocier mon freinage.
Légende : Bon, d'accord, c'est pas moi, c'est une photo piquée sur le site. Mais on s'y croirait, non ? Non ? Z'avez raison après tout: j'angle plus que ça. Pis l'aut' avec sa sportive, y serait jamais passé: dans les virages, je sors les pieds ET les poings. Non mais !
Mais ça va pas se passer comme ça. Ce coup-ci, sawachié. Attendez un peu, mes gaillards. Jusqu'à présent, je passais mes rapports à 9.500 tours, à partir de maintenant, je les passe 1.000 tours plus haut, juste pour commencer. Vous me direz, plus haut, je peux pas, ya le limiteur, mais bon. Allez, je... VROIIIMMMM ! Une RS 250 vient de me faire l'intérieur dans l'épingle. Il joue de sa légèreté, le lâche. Attend un peu, je vais faire parler la poudre, tu ne pourra rien avec ton 2 temps poussif à bas régime. Et hop ! rétablissement, et gaz ! Putai*, y marche son RS. Si ça se trouve, c'est une GSX-R maquillée. Ouais ouais, ça doit être une GSX-R maquillée. Je reste concentré, collé à sa roue, dans son aspi à environ 15-20 mètres (on est jamais trop prudent avec les distances de sécurité). Et... oups ! Il tourne. Aïe aïe aïe, le gauche ! J'l'avais oublié ! Ouf ! grâce à ma maîtrise, je suis passé en évitant presque l'herbe. Coup d'oeil dans le rétro. Zut ! un autre fondu. Je m'écarte. Du coup, le lâche en GSX-R maquillée en RS en profite pour me piquer au moins 5 millièmes de seconde. Pas grave, je le boufferai au prochain ravitaillement. Mes mécanos se sont entraînés tout l'été pour faire des ravitos-éclair. Et puis au rythme où il va, ses pneus vont commencer à glisser dans les derniers tours, et alors à moi le podium ! La stratégie de course, ça me connaît, moi !
'Dedieu ! Que vois-je devant moi ? La Hornet 9. Je remonte sur lui inexorablement, grapillant mètre par mètre. Pas à dire, son style est des plus brouillon: il ne sort même pas le pied dans la parabolique. Au lieu de ça, il sort le genou. Ridicule. Je m'en vais le bouffer, lui et son paquet de cylindres. Au moment de lui faire l'exter dans la parabolique, je jette un oeil à sa plaque: il est en WW. Ben... il est en rodage ? Quel inconscient ! Faire un rodage sur un circuit !!! Je le taxe proprement en ouvrant comme un sourd pour éviter qu'il ne me repasse dans le ligne droite. Mais j'lai taxé. Lui et son machin. Pas à dire, je maîtrise: j'ai fait l'exter' à une Hornet 9 à peine en rodage.
Drapeau rouge, Biaggi vient d'accrocher Rossi au freinage en essayant de remonter sur moi et la direction de course a enfin reconnu ma suprématie. Je sors bon premier de la piste, sous les ovations du public. Zut ! J'ai claqué une ampoule de clicos. Ah! moi et mes idées stupides.
Koud'pied o'Kick, pilote d'un dimanche - le 1er septembre 2002
PS sérieux, à l'attention du pilote de la B12 et du Hornet 9: merci de m'avoir soutenu dans cette épreuve en me donnant l'occasion de ne pas me ridiculiser complètement. Et le type en B12 ne m'a pas fait de coup de crasse dans la parabolique: c'était juste pour les besoins du récit. Par contre, le Hornet, n'était pas en rodage. Niark niark. A tous les autres: désolé d'avoir tant trainé sur la piste. Vu de derrière, pendant un court moment, c'était beau vos carénages au ras du sol.
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