La Chronique de Koud'pied o'Kick
Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto.KroniK de mai : où l'on fixe les idées sur la loi des 100 bourrins
Puissance à la roue, en sortie de boîte, au vilebrequin, c'est une joyeuse pagaille, d'autant que bon nombre de magazines mélangent allègrement ces trois valeurs. On fait donc ici le point sur ce sujet éminemment épineux, et qui alimente bien des discussions de comptoir. Pour les fatigués de naissance, une synthèse en préambule: la loi autorise 100 ch à la roue arrière ; les bancs à rouleau ne sont pas fiables ; et enfin la puissance on s'en tamponne: c'est au motard de l'exploiter... ou pas.
Le sujet avait déjà donné lieu à d'enflammées discussions le mois dernier, autour d'une PlayStation2 en échappement libre. Très occupé à péter des chronos à Gran Turismo 3, j'ai suivi au début d'une oreille distraite un enflage de polémique amicale mais ferme sur cette fameuse loi, autour du graphique résultant du passage au banc d'une TL 1000 S, vendue évidemment comme débridée par le concessionnaire (miam! arriver à ce moment-là avec un pote de la DGCCRF). Las! Une courbe de puissance qui s'affaisse dès 8.000 tours n'était pas un bon signe. Dépité, le pauvre pote penche depuis pour une Aprilia.
Comme de juste, la discussion s'échauffe, et on empoigne qui un MJ, qui un Moto Technique pour répondre à cette épineuse question: les 100 chevaux sont-ils mesurés à la roue ou au moteur ? Aïe aïe aïe. On y a passé 3 heures, montre en main. Ultime recours: le ouèbe, où on trouve décidément tout, sauf ce que l'on cherche. Champions incontestés du réglage de suspattes ou de la carburation aux petits oignons, on était salement paumés devant une avalanche de lois, de règlements et de décrets dès que nous interrogions un serveur se terminant par l'inévitable .gouv.fr, gage de sérieux et de fonctionnarité (ça se dit, ça ?).
Finalement, nous trouvâmes notre bonheur ici sur le site du permis, dans l'annexe II, apparemment incontestable: "puissance conventionnelle maximale à la roue (5)". La note (5) renvoyant à ceci: "Conformément à la directive 95/1/CEE et à l'article R. 169 du code de la route, la puissance d'une motocyclette ne doit pas excéder 73,6 kW". Donc 100 bourrins maxi à la roue. Et d'une.
88 chevaux pour une GSX-R 1000 ?
Et là, dans un des derniers MR, que vois-je ? Une courbe comparative des puissances d'une R1, d'une GSXR 1000, d'une ZX9R et d'une CBR 900. Créditées respectivement de 96, 88, 91 et 87 chevaux (je vous fait grâce des décimales). Comment se fait-ce ? Alors que la limite se situe à 100 chevaux à la roue arrière, comment est-il possible de relever une GSX-R 1000 à "seulement" 88 bourrins à la roue? Entre mon roadster bleuté qui cube fièrement 650 cm3, seulement 24 chevaux de différence à la roue arrière face au "monstre" made in Susskiki ? 28 chevaux seulement pour prendre quasiment 70 km/h de plus ? 28 chevaux pour me coller un tel zeph' à l'accélération, lui en 6 et moi en 4 ? On nous mentirait ?
Du coup, j'empoigne mon plus beau téléphone et la Quête de la Vérité commence. D'abord la DRIRE, pour vérifier les textes. L'article R 169 du code de la route, qui en parle, a été modifié. Il s'appelle désormais R 311, bidouillé pour s'accorder avec la législation européenne. Et là, c'est clair: pas plus de 73,6 kW à la roue, calculé comme suit: puissance au vilo x rendement de la boîte - 1,5 kW = puissance à la roue. Donc kesskifoot' chez les constructeurs ?
Honda, pour commencer. Ils me disent que leur CBR 900 2002 a été annoncée lors de son homologation à 78 kW (donc 106 ch.)... au vilebrequin. Z'êtes sûr ? "Absolument". Bon, bon. Voyons un deuxième. Suz ? Va pour Suz. Luc Motos me file gentiment les coordonnées du directeur technique de la filiale française. B'jour, moi y en a chercher infos sur le bridage à 100 bourrins de vos bécanes. La GSXR 1000, par exemple. Alors ? 78 kW, ouais ouais. Mais où ? Au vilo ? Ben alors, pourquoi au vilo alors qu'on peut avoir 78 kW à la roue arrière ? Houlala, je sens qu'à l'autre bout de fil ça se bagarre avec les docs techniques. On m'explique comment ils font la mesure à l'UTAC: un moteur seul, freiné par un système hydraulique. Mesure faite au pignon de sortie de boîte. De là on extrapole une puissance au vilo, en connaissant les déperditions au niveau de la boîte. Et on calcule la puissance à la roue en retranchant 1,5 kW (2 bourrins et des bananes) pour figurer les pertes par frottement dus à la chaîne et au pneu sur la route. Hébé. Et pas sur un banc à rouleaux? Comme quand je me pointe tout frétillant chez mon concessionnaires pour savoir ce que ma chiotte crache depuis que je lui ai mis des embouts de guidon en crad'bone-Boulevard et les cale-pieds Nodizé Replica* ? Ben non. Moteur seul, puissance au pignon de sortie de boîte. Ah bon.
Mais alors, mais alors... Si l'UTAC mesure au pignon de sortie de boîte et que les constructeurs limitent la puissance de leurs chiottes à 78 k W au vilo, ya une bonne marge de manoeuvre. Parcequ'entre le vilo et la roue, je me suis laissé dire qu'il y avait pas mal de chevaux qui sautent, dans l'opération. C'est zarrebi, ce truc: on légifère autour d'une puissance à la roue, et on mesure en sortie de boîte pour calculer une puissance au vilo, elle-même limitée à 78 kW ? Doute, doute. Allez, coup de bigo ce coup-ci à l'UTAC, pour en avoir le coeur net.
Les bancs à rouleaux ne valent pas grand chose
Là, ya pas photo, l'UTAC est chargé des mesures de puissance de moteurs de tous types, pour tout un tas de véhicules: ils doivent savoir de quoi ils causent. Et on n'est pas déçu: "les bancs à rouleau ne valent pas grand chose. La seule manière d'évaluer correctement une puissance est de disposer d'un banc freiné. On calcule la puissance en fonction des mesures effectuées via un couplemètre, positionné entre la sortie de boîte et le frein du banc. La mesure est faite à régime moteur fixe, à température stabilisée, et sur une période de 20 à 30 secondes". Et toc ! Le verdict est sans appel: la mesure sur des bancs à rouleaux est tout, sauf fiable, vu leur mode de fonctionnement: régime variable, température variable. Elle est utile seulement quand on veut faire des évaluations comparatives, par exemple avant et près montage d'une ligne ou d'une modification de carburation sur un même moteur. Donc... donc... j'hésite à l'écrire...
Donc les journaux publient n'importe quoi. Hop ! ça y est, je l'ai écrit ! Le calcul est simple: le rendement d'une boîte de vitesse tourne aux alentours de 96% (norme retenue, légèrement sur-évaluée, une bonne boîte entraîne généralement 2 à 3% de pertes), et la transmission secondaire bouffe environ 2 chevaux (1,5 kW est la norme retenue). Donc MR s'est planté en effectuant ses mesures dans ce comparatif: une GSX-R ne fait PAS 88 bourrins à la roue, mais au moins 10 de mieux. Toujours dans ce même comparatif MR, la puissance de la R1 et nettement supérieure aux autres, ce qui n'est pas un bon point pour Yam' qui leur a peut-être refilé un moteur un peu moins "français" que les autres pour parler pudiquement. Difficile de savoir vu qu'on ne connaît pas les conditions de prises de mesure.
Pour résumer, les bécanes qui arrivent en France sont annoncées à 78 kW au vilo par leurs constructeurs respectifs. L'UTAC vérifie cette donnée sur un banc freiné en partant de la puissance à la boîte. Comme les déperditions à la boîte et à la transmission sont connues et fixées par la loi (4% et 1,5 kW), 78 kW au vilo correspond peu ou prou à 73,6 kW à la roue, limite de la loi française. Facile, non?
Je suis tout de même obligé de réviser un à priori selon lequel les pertes entre le vilo et la roue arrière sont très importants. Faux: 4% pour la boîte, 2 ch. pour la chaîne. Mettons 6-8 chevaux pour une sportive "100 chevaux", et tout est dit. 106 cannassons au vilo= 100 chevaux à la roue arrière, CQFD. Notez que pour les déperditions boîte et transmission, il s'agit de coefficients fixes, définis par la réglementation, et qui dépendent notamment, pour les boîtes, du nombre de "points de contact" (je ne sais pas trop à quoi ça correspond) et pour la transmission à son type (une transmission par arbre consomme plus de puissance qu'une chaîne à cause de ses 2 renvois d'angle).
Sur les versions "libres", en revanche, les constructeurs n'y vont pas de main morte. Comme ils n'ont pas l'UTAC sur le dos, ils font effectivement leur mesure au vilo, mais pour sortir le plus de puissance possible, il n'y a pas de boîte accouplée. La pompe à huile et la pompe à eau ne sont pas entraînées par le moteur (elles bouffent un peu de puissance) et zou ! Un ensemble culasse-cylindre-bas moteur-pot d'échappement-carbus (ou injection), sans rien autour, et roule ma poule. Comme personne n'ira vérifier... Ce qui fait que les 150 bourrins annoncé ici et là me font bien rigoler. Ya qu'Edouard Bracame pour déposer tout le monde le cul posé sur un moteur. Et pourtant le motardus simplex gobe.
Pour en ajouter une couche, déjà épaisse, on passera sans trop insister sur les puissances données à la virgule près. Changez d'essence, changez d'huile, faites chauffer un peu plus le moteur, graissez la chaîne avec de l'huile très fluide, et je suis sûr qu'il y a moyen de grappiller quelques dixièmes de chevaux sans trop forcer. On notera aussi que les mesures de l'UTAC sont faites sur un moteur neuf, où les jeux de fonctionnement n'ont pas encore atteint leur cote optimale (pertes par frottement). Elles ne tiennent pas non plus compte des alimentations à air forcé. Ce qui fait qu'après rodage et sur la route, on doit largement flirter avec 105, peut-être 110 ch. à la roue, sans autre modification qu'un bon rodage et une maintenance soignée (graissage de chaîne, huile moteur de bonne qualité et pression des pneus adéquate).
Moralité : la puissance moteur, on s'en tamponne puisqu'elle n'est mesurable que dans des conditions de laboratoire, tout comme la puissance à la roue, trop difficile à mesurer correctement malgré les allégations des fabricants de bancs à rouleaux.
Pour le mordus de physique, jetez un oeil sur le dossier concocté en avril par Moto 2, qui explique tout sur la puissance et le couple. J'ai pas bien lu, j'ai pas tout compris, mais c'est sans doute instructif.
Y avait pas besoin d'aller chercher bien loin pour trouver le poisson d'avril dans MJ. Paraîtrait que Honda fait des vétouines. Mouarf mouarf. Allez, on vous a repéré, la SP-2 est un vague photomontage sur base de MZ mazout. Ya que les italiens ou les teutons pour faire des touines. Quelques pages plus tard, on apprend d'ailleurs que BMW lance sur le marché un nouveau trois pièces cuisine salle de bain roulant. Là encore on nous la fait pas, qui serait prêt à payer 90.000 balles pour se payer un tréteau comme ça ? Par contre, on a droit aux très utiles codes de débridage des motos. Mais ils ne sont pas allés assez loin, aussi je vous livre le code ultime de débridage, commun à toutes les bécanes: entrer "10-O-revwar'a-toN-açuranç", et démarrez. Là l'afficheur renvoie un message d'alerte "Kar-Twa-T0n-permI-0-ku", mais passez outre. Passez la première et hop! quarante-douze bourrins de plus au rétroviseur droit. Magique, non ? Dans le même trip PlayStation, Kawa nous afflige encore une fois avec sa sale pub pour la ZR-7, toujours aussi nulle et assommante au bout de la 3e semaine. Les pubs, c'est pas comme le pinard, ça ne se bonifie pas au cours du temps.
Ah! la ZR-7, puisqu'on en parle. Les camarades de chez Moto2 se font encore des potes en publiant ce mois-ci un article sur le thème: faut-il changer pour une plus grosse? Ou comment confronter une innocente GPZ, une pauvre GS-E et une infortunée Diversion face à l'hégémonique Fazer 600, la redoutable SV 650 et la "radicale" ZR-7. Le match GS-SV est sans surprise, le vétouine enterre le malheureux parallèle touine, à qui il colle une vingtaine de bourrins (au moteur) et 2 mkg. On ajoute des suspattes pas trop mauvaises sur la SV, un cadre plus rigide, un petit coffre sous la selle, et la GS-E ne peut que s'incliner malgré son confort supérieur (surtout pour le passager) et son budget d'entretien plus faible. Entre la Diversion et la Fazer 600, pas de doute non plus, la première ne se distinguant là encore que par son confort.
En revanche, le match GPZ-ZR-7 recèle quelques surprises. Si ce n'est pas aussi net qu'avec les 2 précédentes, le touine arrive à en remontrer au quatre pattes, au point de lui pourrir la vie et de remporter la confrontation. Et ce malgré sa partie-cycle ondulante et les cognements du moteur en-dessous de 3.500 tours (je suis bien placé pour confirmer). Et puis, de vous à moi, une GPZ avec une ligne Micron, c'est autre chose qu'une ZR-7 avec le premier Yosh' venu. J'en veux pour preuve supplémentaire l'avis d'un pote, pourtant dingue de GSX-R 11, qui l'essaya un jour et fut bien surpris par l'efficacité du demi-litre Kawa. Deux choses tout de même à savoir sur la GPZ: avant 1996, les aimants de l'alternateur ont tendance à se décoller (pas bon du tout), et la transmission primaire se fait via une chaîne qui claque très vite (dès 10.000 bornes parfois), ce qui occasionne au ralenti un bruit assez désagréable, sans incidence apparemment quant à sa longévité. Sur la mienne j'ai eu des ennuis sans nombre (refroidissement, tenue de route, disques de freins voilés à 15.000 bornes, roulements de direction morts à 12.000), mais j'avais apparemment tiré un mauvais numéro.
Ca va vraiment pas ces temps-ci pour Ducat'. A en voir la 4eme de couverture de MJ n°1515, Nicole Hofmann, vendue comme une marketoïde-woman allemande, ne sait même pas comment on monte sur une meule. Assise le cul dans les compteurs, la frangine. ça a peut-être des vertues aérodynamiques, après tout. La selle prend des vacances, mais j'aimerai pas être un radiateur d'eau. Un neiman, à la rigueur, histoire de sacrifier à la réputation machiste du motard moyen. Halala, ces pubards!
Après cette longue et pénible enquête pour rétablir la Vérité Toute Vraie sur la puissance de vos meules, je vais souffler un peu. Rendez-vous donc le mois prochain, si les rails de sécurité ne m'ont pas mangé.
Koud'pied o'Kick - le 1er mai 2002
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* Jean-Pierre Nodizé est un pilote qui s'est distingué au milieu des années 70 en battant Agostini lui-même après avoir seulement changé ses cale-pieds pour des modèles retaillés et de couleur, les fameux cale-pieds à Nodizé, qui comme chacun sait font gagner au moins 5km/h à fond de 6 (sinon je ne vois vraiment pas pourquoi on en mettrait sur nos meules).
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