Limitations de vitesses : l'abaissement ne serait pas rentable
Le réseau secondaire à l'abandon, la somnolence gagne du terrain, l'alcool toujours aussi meurtrier
"Il en va de l’intérêt général de remettre à plat cette politique qui a 40 ans"
Après le tollé créé par la proposition d'abaisser les limitations de vitesse, l'ACA organisait une table ronde avec différents acteurs du secteur de la mobilité pour débattre autour de ce sujet.
Parmi les différents intervenant présents on notait la présence de Christian Gérondeau, premier délégué interministériel à la Sécurité Routière et Rémy Prud’homme, professeur d’économie à Paris XII. Etaient également présents, Gilles Mathelié-Guinlet, Secrétaire Général de l’OTRE, Christophe Boutin, Adjoint au Délégué Général de l’ASFA ainsi que Marc Bertrand, Chargé de Mission Sécurité Routière à la FFMC et membre du CNSR.
Didier Bollecker, Président de l’Automobile Club Association
Il faut aborder la question de la Sécurité Routière d’une tout autre manière. Affirmer que la réduction de la vitesse n’a pas d’impact sur la baisse de la mortalité est impossible. Il n’y aurait alors plus aucun mort sur les routes en supprimant purement et simplement la voiture.
Une situation pour le moins aberrante pour le président de l’ACA qui a comparé la situation avec le milieu hospitalier.
Il y a aujourd’hui 5 000 personnes qui meurent chaque année dans les hôpitaux des suites d’une infection nosocomiale. Ce n’est pas pour autant que l’on ferme des lits dans ces structures. On forme le personnel, on cherche des solutions ailleurs. Il devrait en être de même dans l’automobile.
Rémy Prud’homme, premier participant à prendre la parole est lui revenu sur les possibles conséquences d’une baisse de 10 km/h de la vitesse au volant. D’après ses calculs, cette mesure permettrait de rapporter 1,3 milliard d’euros (800 millions d’euros pour la baisse des accidents et 500 millions pour la réduction de consommation de carburant). Un chiffre considéré comme maigre face aux 5,2 milliards d’euros qu’elle coûterait. Un chiffre correspondant à la perte de temps en voiture et le manque à gagner qui en découle. Pour l’économiste :
La sécurité routière et plus largement la politique de transport ne doit plus être regardée par l’oeillet de la répression, mais plus globalement, afin de favoriser l’économie.
Des autoroutes désertées
Un chiffre que Christophe Boutin, Adjoint au Délégué Général de l’ASFA, confirmait quelques minutes plus tard. D’après les chiffres communiqués par ce denier, une baisse de la vitesse de 10 % (et non 10 km/h) sur le réseau autoroutier entraînerait une baisse de 2 milliards d’euros du PIB par an.
Mais au-delà des conséquences économiques, M. Boutin est également revenu sur l’impact qu’aurait cette mesure sur l’aménagement urbain. En effet, si le gain de temps sur autoroute n’était plus aussi avéré, les usagers de la route "délaisseraient alors le réseau qui est pourtant celui qui offre la déserte géographique la plus fine du pays et entraînerait la mort de certains territoires."
Plus de pragmatisme du côté de Christian Gérondeau. Premier homme à avoir occupé les fonctions de Délégué Interministériel à la Sécurité Routière, il fût à l’origine des premières limitations de vitesse en 1973.
Mais aujourd’hui, il en va de l’intérêt général de remettre à plat cette politique qui a 40 ans. Une baisse de la vitesse sur autoroute [qui représente 25 % du trafic en France mais « seulement » 143 décès], n’aurait aucun impact. L'abaissement des vitesses est avant tout une question d'acceptabilité sociale.
Une répression permissive
Du côté de Marc Bertrand, de la FFMC, c’est l’incompréhension qui règne. Membre du CNSR, il est notamment revenu sur l’évocation de cette idée lors de cette réunion. En effet, alors qu’il interrogeait les experts à l’origine de cette mesure sur son application aux poids lourds, "ils n’avaient aucune réponse à fournir. Ils ont tout simplement oublié de les prendre en compte".
Par ailleurs, il remet également en cause cet acharnement sur la vitesse quand d'autres facteurs à risques se développent de plus en plus
La baisse de la mortalité est un phénomène conjoncturel et généralisé en Europe depuis 40 ans. Un domaine dans lequel les hommes politiques n’ont finalement aucun impact mais dont ils se servent. La multiplication des aides à la conduite pose aujourd’hui le problème de la responsabilité du conducteur. On déculpabilise les utilisateurs avec de nombreuses aides à la conduite avant de les culpabiliser. C’est une catastrophe.
Un axe repris par M. Bollecker qui souhaite une « plus grande modularité des vitesses sur les routes françaises, » s’appuyant notamment sur des exemples de pays comme l’Allemagne, la Suède ou l’Autriche. En effet, l’ACA considère aujourd’hui que de trop nombreux accidents surviennent « non pas à cause d’un excès de vitesse mais par une vitesse excessive ", autrement dit en dessous des limitations de vitesse mais inadaptée à la situation.
Présent dans la salle en qualité de spectateur, Philippe Houillon, député UMP du Val d’Oise et membre titulaire du CNSR intervenu pour dénoncer les errements répressifs :
La politique actuelle est d’une logique imbécile et traite les réalités faussement. Nous sommes arrivés à un équilibre acceptable en terme de limitation de vitesse. Il faut s’opposer vigoureusement à la baisse de la vitesse sur les routes.
Le réseau secondaire à l'abandon
Si le débat autour de cette limitation de vitesse a été animé, les participants ont également rappelé quelques mesures qui pourraient être prises en amont de cette décision afin de poursuivre la baisse du nombre de morts sur la route. Première piste évoquée, la réhabilitation du réseau routier français.
Tous les participants ont unanimement regretté que l’état des routes se détériore d’année en année sans qu’une politique globale de remise à niveau ne soit effectuée. Gilles Mathelié‐Guinlet expliquant que « le réseau secondaire français est tombé en décrépitude. » Marc Bertrand de son côté a expliqué « que la France était le seul pays développé dans lequel aucun audit indépendant sur l’état des routes n’existait. »
Christian Gérondeau :
Tous les jours il y a un drame comme celui que la SNCF a connu à Brétigny sur les routes. Pourtant nous ne voyons aucune annonce de création d’une commission d’enquête à l’Assemblée Nationale et d’investissement d’un milliard d’euros pour le réseau routier comme cela a été le cas après ce drame sur les rails.
Présente dans la salle, la représentante de la Ligue de Défense des Conducteurs a indiqué que les automobilistes avaient massivement signé la pétition s’opposant à la baisse des vitesses maximales autorisées. Afin de conclure cette matinée d’échanges, Didier Bollecker a notamment rappelé la nouvelle campagne de l’ACA sur la « Juste Vitesse », un pari sur lequel l’association mise beaucoup dans l’optique du débat à venir.
Commentaires
Je suis bien d'accord que le problème de la vitesse (si problème il y a, ce qui n'est pas "prouvé.) tient à la vitesse inadaptée. Des autoroutes (ou routes) surchargées à certaines heures (ou périodes) présentent une dangerosité lorsque des conducteurs s'obstinent à y rouler à vitesse maximum autorisée, alors qu'à d'autres heures (ou périodes) moins denses en terme de flux on a vraiment l'impression de s'y "trainer" et la vitesse maximum autorisée semble bien trop basse à tel point qu'on s'y endormirait (voir cause d'accident "endormissement).
31-10-2013 14:12En outre abaisser la vitesse dans les proportions évoquées insère les voitures et les motos dans le "flux des poids lourds" ce qui les met en danger bien plus grand que 10% de vitesse en plus ou en moins.
Et le fait de légiférer aussi sur la vitesse des poids lourds n'y changerait rien. Les conducteurs routiers, sollicités par leurs employeurs, continueront à rouler au max de leur possibilités.
Imaginez-vous au volant d'une Twingo ou sur un 500 GS à 80 km/h avec un 44 tonnes qui vous talonne à trois mètres derrière parce qu'il voudrait bien se faire un 90 km/h .... Stressant ! Non ? Et le stress est facteur d'accident....
Maintenant méfions nous aussi, à vouloir moduler les vitesses en fonction de la route.... Ça me gênerait de devoir me faire les virolos de la route des Cévennes à 50 km/h parce que celui qui est chargé de moduler les vitesses considère que 50 km/h c'est la vitesse adéquate.....
Oui, occupons nous donc des vrais facteurs accidentogène difficiles à résoudre. De formation, on s'en tape de ne pas savoir faire un créneau, on ira se garer plus loin en épis... En revanche, le freinage d'urgence, la conduite sous la pluie, la neige et de nuit et bien d'autres aspect favoriseraient sans aucun doute la réduction des accidents. Mais ça .... encore faudrait-il que les auto-écoles soient plus préoccupés par le problème que par le fait que leur élèves cartonne le moins possible pour éviter l'immobilisation du véhicule et un manque à gagner......
Ouf ! Voilà ce que je pense de tout ça ! Je sais ! Çà ne fait pas avancer le Schmilblik......
Bonjour,
31-10-2013 18:14Et reconnaitre que l'on perdrait trop de rentrée d'argent par la TIPP au détriment d'une éventuelle baisse notable de la mortalité, c'est pas terrible non ?
Non c'est pas terrible alors on va inventer je ne sais quelle absurdité concernant les autoroutes, que de toute façon la majorité prennent et prendrons toujours au moment des vacances et que l'on obligera dans le réseau secondaire par des interdiction aux PL.
Continuez à vous foutre de nous en annonçant :
"La sécurité routière et plus largement la politique de transport ne doit plus être regardée par l’oeillet de la répression, mais plus globalement, afin de favoriser l’économie."
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Depuis quand économie et répression ne ferait il pas bon ménage ?
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On est a un point d'équilibre en fait.
Comment ramasser des bon PV pour la vitesse sans toutefois perdre trop d'argent avec les litres de carburants économisés.
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Alors ma théorie elle est débile ou pas, pour moi les économistes sont chargés de faire le calcul de rentabilité PV sur TIPP et puis c'est tout, et cela devient de plus en plus serré.
Va falloir que l'on se reprenne une bonne douille en prix de carburant comme cela les limitations pourront baisser.
Bonne journée
Et on gagne combien d'¤ si on remonte les limitations de 10km/h?
31-10-2013 20:19Comment faire carburer la pompe a radar et la pompe à TIPP.
Avec un subtil équilibre permettant de maintenir un sentiment d'écologie et de sécurité routière. 31-10-2013 21:23
Pour une fois qu'un article sur la vitesse ne parle pas de Perrichon ...
03-11-2013 17:33Elle était en vacances à l'autre bout du monde ?
En tout cas ça fait du bien.
@CoolRider: je suis plutôt d'accord avec ton propos.
06-11-2013 10:24Il est vrai qu'il fait presque parti des exceptions françaises de mettre des limitations de vitesse autorisée dans des endroits où dans d'autres pays on mettrait un de ces panneaux qu'on ne voit quasiment jamais ici, avec une vitesse conseillée. Et que la plupart du temps on ne se fatigue pas à ajouter des conditions genre entre telle et telle heures (ex. la limitation à 80kph autour de Compiègne, à cause des animaux sauvages qui ne traversent quasi jamais en pleine journée).
Salut
06-11-2013 11:44Finalement c'est un peu comme le tabac ou l'alcool.
Ca rend malade, voire ça tue et donc ça coûte, mais ça rapporte aussi.
V
Exactement ... on est pas à un paradoxe près, et on nous fait avaler n'importe quoi... tant que ce que ça rapporte est plus important que ce que ça nous coûte...
06-11-2013 20:06La rentabilité prime, et on perçoit mieux toute l'hypocrisie du
systèmebusiness ...Tiens du côté de la sécurité routière, c'est kif kif, on sait pertinemment que dans bon nombre d'accidents on retrouve des gens qui prennent des médocs divers et variés (antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques, psychotropes, antipsychotiques...etc)... mais va donc travailler la question avec les lobbies tout puissants de l'industrie pharmaceutique, avec un Etat qui n'est pas assez fort ...!
Tu parles d'un merdier !