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Enduro : interview du pilote Sébastien Guillaume

Le pilote français prend sa retraite à 35 ans

"Il me restait une saison à accomplir chez Gas Gas ... on m'a forcé à arrêter"

Enduro : interview du pilote Sébastien GuillaumePourtant loin des rumeurs de transfert,Sébastien Guillaume a décidé de prendre sa retraite, à 35 ans, après que son contrat ai été rompu par Gas Gas. L'enduriste français revient sur les raisons qui l'ont poussé à prendre cette décision ainsi que sur sa carrière dans le mondial d'Enduro.

Pourquoi avez-vous pris une telle décision alors qu’il est peut-être encore possible de trouver un guidon?

Sébastien Guillaume :

Tout simplement car il n’est plus possible de trouver un bon guidon à cette époque ! Fin 2011, j’avais signé un contrat de deux ans avec Gas Gas, mais lors des derniers ISDE, ils m’ont signalé qu’ils cassaient le contrat pour des raisons économiques et techniques. J’ai alors commencé à sonder les teams présents en Allemagne mais tous avaient terminé leur recrutement. Fin novembre je me suis mis en quête d’un budget pour le Mondial mais malheureusement c’est très difficile en ce moment de monter un budget qui tient la route. J’ai alors cherché des solutions pour faire le France et les Classiques mais là aussi le budget nécessaire est très élevé. J’ai donc pris la décision au 1er Janvier d’arrêter ma carrière professionnelle. Il fallait que je sois honnête avec moi-même, ce n’était plus possible de trouver un team ou simplement un guidon pour 2013. J’ai malheureusement pris ma retraite à contrecœur car il me restait encore une saison à accomplir chez Gas Gas… On m’a donc forcé d’arrêter !

Que s’est-il passé justement avec Gas Gas alors qu’il vous restait cette année de contrat supplémentaire ?

Financièrement pour eux, ce n’était plus possible, ils ne pouvaient pas continuer à me prendre en charge. Dès lors, je ne pouvais pas repartir avec eux sans aucune rémunération et sans garantie aucune de faire la saison complète !

Vous n’avez vraiment eu aucuns contacts sérieux avec d’autres teams ?

Non, rien du tout ! Comme je vous l’ai dit, la plupart des teams sont en réduction de budget ou étaient déjà complet.

Il se murmurait pourtant qu’Antoine Meo et Fabio Farioli tentaient de vous trouver une place dans le team support …

Oui, en effet, on a parlé avec Antoine d’une possibilité de me trouver un moto et de me faire l’assistance sur les courses. Il m’avait dit de contacter Fabio. Je ne l’ai jamais fait étant donné qu’il avait déjà signalé à Meo que son team support était complet. On dira donc que c’était une rumeur de comptoir entre deux bons potes, plus qu’une réelle piste.

Sébastien Guillaume la saison dernière avec Gas Gas

Ne regrettez-vous pas de mettre fin à votre carrière à 35 ans ?

Complétement ! J’espère que ces regrets ne seront pas éternels. Je sais au fond de moi que je suis toujours capable de belles choses en Enduro mais il faut avouer que cela fait deux ans que je ne roulais pas à mon niveau. Les teams sont donc moins intéressés… Je suis frustré et je ne peux pas me permettre de payer pour rouler, surtout que je n’ai pas aussi le temps pour enchaîner la préparation physique que cela demande et les recherches de budget nécessaires.

Souhaitez-vous cependant rester dans le monde de l’Enduro ou bien aller vous prendre une toute autre orientation ?

Lorsque j’aurai digéré la pratique de la moto à haut niveau et cette retraite anticipée, mon but sera bien sûr de rester dans le monde de la moto mais trouver du travail à court terme dans cette branche semble difficile. Mais j’ai un Brevet d’état de niveau 1 donc travailler dans le milieu de la moto m’intéresse beaucoup. Actuellement, je n’ai pas de travail fixe et j’ai besoin de digérer ce coup d’arrêt avant de pouvoir me lancer sur autre chose et puis, il faut bien avouer que si un team m’appelle, je saute sur l’occasion quitte à ce que ce soit juste pour une pige de deux Grand Prix ! Je n’ai pas non plus prévu de faire les GP d’Espagne et de France car je n’ai pas les motos, ni l’entrainement et les infrastructures pour cela… C’est la fin d’une ère.

Lorsque vous portez un regard sur votre longue carrière, quel bilan tirez-vous ?

C’est vrai : treize année professionnelle de nous jours c’est une longue carrière ! En tout, j’ai fait 13 saisons en tant que pilote professionnel avec 11 années en Mondial pour 2 places de Vice-Champions du Monde et 4 troisièmes places. Mais aussi 10 ISDE dont 4 victoires. Je suis un insatisfait, c’est dans ma nature, mais avec du recul, si on m’avait dit lors de mes débuts à l’Armée que j’aurai ce palmarès, j’aurai signé tout de suite ! Il me manque tout de même un titre de Champion du Monde… Au plus profond de moi-même, je pense encore être capable de devenir Champion du Monde mais ça ne se fera probablement pas. Finalement, je pense que je vais me mettre aux échecs… ou au poker ! Non je blague, car je ne comprends rien au poker !

Sébastien Guillaume en 2000 avec l'EEATQuel souvenir gardez-vous de vos débuts en Enduro avec l’Armée de Terre (EEAT) ?

J’ai fait mes gammes à l’EEAT entre 2000 et 2003. Ils m’ont tout appris : la discipline, s’organiser, la vie en communauté et surtout le métier d’enduriste. Je tiens surtout à remercier Fred Weill, l’adjudant-chef Rocheleux et le Chef Pineau qui m’ont accueilli à l’Armée et m’ont beaucoup apporté. C’est grâce à eux que j’ai pu construire ce palmarès.

Après l’Armée, vous signez chez Gas Gas, puis rejoignez Azzalin dans le team CH Racing pour finalement revenir chez Gas Gas. N’auriez-vous pas voulu tenter d’autres expériences avec d’autres motos et plus particulièrement des motos 4T ?

Je suis passé chez Gas Gas entre 2004 et 2006 puis j’ai rejoint les rangs D’azza entre 2007 et 2011. Et ce que je peux dire, c’est que les 5 années avec le team CH Racing étaient juste énormes. J’y ai eu de bons résultats et c’est vraiment un team familial comme je les aime. Bien sûr que j’aurai voulu tenter l’expérience avec un 4 temps mais on m’a toujours proposé de rouler sur des 2 temps. En 2008, j’ai fait le début de saison avec la 500 4T de chez Husqvarna mais les résultats n’étaient pas concluant et je suis alors repassé en 2T. Cette année-là, j’ai raté le titre de peu face à Samuli ARO (SF). Si j’avais débuté la saison avec un 2T je serai peut-être devenu Champion mais avec des si, on pourrait mettre Paris en bouteille… J’ai toujours était catalogué comme un pilote 2T alors que je m’entraine très souvent avec du 4T et que je sais que je suis polyvalent.

Avec un titre de Champion de France, quatre couronnes de Champion du Monde par équipe et deux places de Vice-Champion du Monde, votre carrière a tout de même été bien remplie… aucun regret ?

Mon seul regret sera de ne pas avoir remporté une couronne mondiale. J’en ai un autre, mais il ne concoure pas l’EWC… C’est celui de n’avoir jamais terminé la Gilles Lalay Classic… C’était une course énorme et lorsque j’y ai participé avec Fred Weill en 2001, nous nous sommes suivis toute la journée et je n’avais plus de phares, ni de freins et j’ai été contraint d’abandonner. Certains organisateurs veulent copier la GLC mais ils n’en ont pas l’aura, ni le génie !

Et si vous ne deviez garder qu’un seul souvenir…

(Il réfléchit longuement)… Mon premier souvenir, c’est mon titre de Vice-Champion du Monde en 2009 avec Azzalin. En début d’année, je me casse la main durant les tests. Seulement 15 jours avant le premier Grand Prix. Le chirurgien m’annonce alors que l’opération est inévitable. Je lui ai demandé si je pourrais quand même rouler. Il m’a promis qu’il allait tout faire pour que cela tienne mais que j’aurai très mal. La douleur je sais gérer et je suis donc parti en Espagne pour l’ouverture du Championnat. Durant cette tournée Espagne-Portugal, j’en ai vraiment « chié » mais je me suis accroché et tout le team était à fond derrière moi. Je garde encore cette image du podium à Noirétable où je fini Vice-Champion. C’était une grosse récompense pour moi et tout le team. Je n’ai jamais rien lâché et pour moi ce résultat était synonyme de victoire. Ensuite, le deuxième souvenir, c’est les 6 jours en Grèce en 2008 avec soi-disant une équipe B. La presse n’a pas arrêté de nous descendre avant le début de la compétition. Et au final nous avons accroché une belle victoire avec une équipe très soudée. Ces ISDE, c’est le début du renouveau de la domination Française. C’était un déclic !

Le français a décroché 2 titres de vice-champion du monde lors de son passage chez CH Racing

Votre carrière fut aussi marquée par de nombreux problèmes physiques depuis 2010 et aussi une certaine malchance…

J’ai fait le point dernièrement sur ça. C’est vrai que j’ai eu très peu de chance, j’ai souvent été blessé en début de saison, comme l’an dernier avec mon pneumothorax juste avant la tournée Chili-Argentine. Ou encore en 2011 lorsque je suis tombé violemment sur la tête à l’entrainement et qu’il m’a fallu des mois pour apprendre que j’avais un os dans le cou qui était déplacé. 2009 fait aussi partie de ces galères avec ma main cassée… Je n’ai pas souvent réussi un bon début de saison et je n’ai jamais compris pourquoi j’ai eu autant de blessure à partir de cette période.

Avec vos treize années de carrière au plus haut niveau, quel regard portez-vous sur l’évolution de l’Enduro ?

Déjà à mes débuts en 2000, l’Enduro avait évolué avec 5 catégories structurées. Puis avec l’arrivée d’Alain Blanchard, on est passé à 3, ce qui était un bon choix pour mieux faire comprendre ce sport au public. Depuis 2004, le Mondial a toujours été bien organisé, l’arrivée d’ABC a permis une meilleure communication sur la discipline et un meilleur retour presse et TV. Moi, je suis arrivé à l’époque où les pilotes étaient rémunérés à leur juste valeur, désormais c’est plus difficile avec la crise. De plus, côté course les spéciales sont devenues plus polyvalentes avec l’Xtreme Test, la Cross Test et l’Enduro Test, il y en a vraiment pour tous les goûts. Personnellement, je reprocherais seulement une chose : les quatre tours ! Je n’y ai jamais accroché. Je préfère faire des boucles plus longues, à l’ancienne. Avec quatre tours, à la fin du weekend tu connais le parcours par cœur. C’est vrai que les boucles plus longues sont de nos jours bien plus difficiles à organiser avec les « verts ». Il faut d’ailleurs tirer un grand coup de chapeau aux Moto Clubs qui organisent car ce n’est vraiment pas facile. Ensuite, j’ai aussi vécu l’arrivée de la Super Test. Personnellement, je suis plus pour une Super Test facile avec quelques sauts et des rondins… C’est parfait pour le public qui peut ainsi assister à de belles bagarres entre deux pilotes, roues dans roues, jusqu’à l’arrivée. Mais si c’est trop difficile, ça devient un cirque total. Je suis pour garder le Super Test de jour comme cela se fait depuis 2012 avec beaucoup de vitesse. Il est vrai aussi que nous les pilotes ne voyons que notre intérêt mais il faut aussi penser aux Moto Club et au public. Quand même, il faut avouer que l’évolution de l’Enduro est positive. Maintenant, l’EWC fait rêver, ça a de la gueule. Regardez tous ces crossmens qui viennent alors qu’il y a 10 ans jamais ils auraient voulu en entendre parler ! En plus de cela, les paddocks sont devenus ultra professionnel … Oui, l’Enduro est pro !

Au fil des saisons vous avez été comme un lien entre l’ancienne génération d’Enduristes Français (Germain, Esquirol, Bernard…) et la nouvelle (Meo, Renet, Nambotin…). Quels sont les grandes différences entre ces deux générations ?

J’irai même jusqu’à dire 3 générations ! J’ai connu les Germain, Esquirol, Bernard mais aussi les Nambotin, Meo et maintenant les jeunes de 21 ans comme Bellino qui débarquent. La génération Meo – Renet - Aubert est composée principalement de pilotes qui se sont cassés les dents en MotoCross mais qui ont la tête sur les épaules. Ils sont respectueux, plus posés et très professionnels. Ces gars-là ont bossé dur pour en arriver où ils sont. Ils ont galéré en Motocross parce qu’ils étaient peut-être trop jeune et maintenant ils réussissent en Enduro. Bellino, lui est plus chien fou ! Je suis aussi arrivé en Enduro à 21 ans comme Mathias, mais il a déjà un bagage technique bien meilleur que le mien à son âge car il a commencé la moto très jeune. Il va réussir, c’est sûr mais il va falloir qu’il se calme un peu. Concernant la génération d’avant, j’ai l’impression que les pilotes étaient moins copains ; ils n’allaient pas marcher les spéciales ensemble par exemple. Maintenant, ils s’entrainent ensemble ce qui permet une progression plus rapide. Les filières de la fédération Française permettent aussi cela avec des préparations hivernales pour tous les pilotes. C’est comme cela que j’y ai connu Antoine Meo alors qu’il était encore Crossman. Il y a tout de même une grosse différence avec l’Enduro où tu te bats contre le chrono et le MX où tu te bats contre les autres. C’est pour cela aussi que l’ambiance est si bonne en Enduro. Si tu perds ta journée, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même et pas à un pilote qui t’as fait un bloc pass au dernier virage !

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