Roman : René (épisode 39)
Episode 39 : La potion magique de Maurice…
De la viroleuse à souhait… Les quatre s'en donnent à cœur joie en faisant racler les cale-pattes, se passant tour à tour pour le plaisir de se redoubler encore.
Décidément, les Alpes de Haute Provence sont un véritable paradis pour la moto. Je te l'ai déjà dit ? Mais c'est tellement vrai… Vas-y faire un tour et tu comprendras !
Soudain, au détour d'une courbe, deux motos bleues apparaissent, stationnées sur le bas-côté. Les pilotes sont casqués, vêtus en bleu eux aussi, et ils sont en travers de la route en faisant de grands signes. En panne ? Pas vraiment…
René, en tête, se range sur le côté, imité par les autres. Un des deux gus s'avance, la mine sévère. Il rectifie sa position en se redressant le plus possible, porte la main de bas en haut en touchant son casque, et dit :
« Geeeeeeendarmeriiiiiiiie Naaaaaaaaationallllllllllllle ! Veuillez couper les moteurs et présenter les pièces affairaaaaaaaantes à la coooooooonduiiiiiiite de vos véhicuuuuuuuules !!! »
Son collègue s'avance, la tronche aussi joyeuse que l'autre :
« Dites-moi messieurs, à entendre vos moteurs hurler de la sorte, vous ne rouliez pas à la vitesse réglementaire, je me trompe ??????? »
Gloups ! font les quatre sans répondre tout en sortant les papiers demandés.
Les pandores prennent les fafs, font le tour des bécanes d'un air soupçonneux en fixant les proprios, puis s'éloignent pour consulter les permis, cartes grises et attestations d'assurance…
« Merde !, dis René en loucedé aux autres, j'crois
qu'on est bon avec nos plaques non conformes et moi d'avantage
avec le pot du kit d'la V6…
J'vas t'dire Maurice, t'aurais laissé ta bagagerie,
ils se seraient certainement fendus la poire devant c'truc ridicule
et ils nous auraient laissé r'partir après nous avoir
vanné de t'accompagner, mais là, j'ai un doute…
»
Le Maurice en question lance un regard amusé vers son frère et répond :
« Ouais, p'têt, mais moi au moins y vont pas m'aligner comme ils vont l'faire dans deux minutes avec toi. Fais gaffe ! y s'raient capables de t'le démonter ton fameux pot… »
Brusquement, les deux représentants de l'ordre (appelés aussi : nouveaux collecteurs d'impôts…) poussent un cri :
« Renééééééé Géééééééééééédeufoitrentaaaaaaaans ?????????????????, pas possible !!!!! »
La trogne de circonstance vient de laisser la place à la mine réjouie de deux fans allant à la rencontre de leur idole.
« Ben…, c'est que Marcel et moi on est des vrais motards
et on lit Moto-Canard et Moto-Vérue à la caserne quand on
est pas d'service. On sait tout de vous et pas plus tard qu'y
a longtemps, on parlait de vous avec not' adjudant qu'est
un vrai pilote de vitesse vu qu'y fait dans les trois au championnat
régional de la Gendarmerie. Bon, c'est un p'tit championnat,
mais ça roule fort. La preuve ? Depuis la dernière course,
l'adjudant arrive à poser un g'nou par terre, c'est
pour dire !
Nous, avec Marcel, on roule en Viragro dans l'civil.
Vous pouvez nos signez nos carnet de contraventions ? Pour not'
collection, rassurez-vous, on va pas vous verbaliser. L'aut'
jour, on a arrêté Sete Gibernau qu'était en
vacances dans l'coin. J'ai encadré sa dédicace
au d'sus d'mon lit. Marcel il a rien eu car il lui dit qu'il
était un fan de Rossi, paraît qui sont pas copains ces deux
là. Alors Marcel y s'est fâché et il l'a
gratté pour stationnement interdit alors que c'était
nous qui l'avions arrêté. C'est un malin l'Marcel,
comme ça, lui aussi il a eu l'autographe, hein c'est
vrai Marcel ? »
« Ouais, Roger ! La tête qu'il a fait l'Espingouin…, on a rigolé toute la soirée avec ça ! »
« Alors, reprend Roger, vous nous les signez ? Y va êt'
vert l'adjudant quand y va savoir qu'on vous a rencontré…
Si vous avez l'temps, passez à la caserne, on boira un verre
et vous montrera nos bécanes… »
« Bon, répond René en rigolant, puisse que c'est d'mandé si gentiment, j'va vous les signer et on essaiera d'passer un jour si on a l'temps… »
« En plus, enchaîne Maurice, on aime bien les gens qui roulent en Viragro ! »
Ziva doit faire un effort surhumain pour garder son sérieux…
« Allez, on va vous laisser car on doit finir de remplir les carnets
avant de rentrer à la brigade. Merci encore et bonne route.
Ha ! Au fait, faites gaffe à l'entrée suivante, y'a
les deux folles de la caserne – ben ouais, même chez nous…-
qui font un contrôle radar. Ils se sont disputés hier au
soir pour une histoire de porte-jarretelles, alors, pour se réconcilier,
ils jouent à piéger les usagers de la route. C'est
leur jeu favori…
Ceux-là, y vous rateront pas et y z'aiment pas les motards
en plus, y'a pas que des gens bien comme nous dans notre noble corporation
! »
Le quatuor remonte en selle et décarre rapidement avec Fred en tête, lequel bifurque en prenant la première à droite. Très vite, il donne le signal d'une halte, coupe son moulin et s'adresse aux autres.
« Vous je sais pas, mais moi, bizarrement, j'ai plus trop envie de tourner la poignée car les prochains risquent d'être moins sympas que ces deux là, et mon permis commence à être juste au niveau points. On rentre ? »
« C'est p'têt un signe…, fait René, songeur, allez, on t'suit ! »
Rien de tel que ce genre de rencontre pour casser une arsouille ; le rythme du retour est d'un coup beaucoup plus paisible…
Y'a pas grand monde au bar…, en fait, pas même l'ombre d'un client. A l'épicerie, par contre, Isabelle est affairée à servir quelques clients. Fred propose alors de se détendre autour d'une bonne bouteille, laquelle fait rapidement place à une seconde. Ça cause bécane puis, l'euphorie commençant à s'installer, la conversation dévie sur des sujets…, disons…, enfin, tu m'as compris…
Maurice commence à être chaud. A la troisième boutanche, il est à point…
« Mouais…, c'est vrai qu't'assures, frangin, mais moi, j'te parie une combine de cuir qu'la fille qu'Isabelle est en train d'servir, ben, dans dix minutes j'la monte, et dans une heure elle peut plus s'passer d'moi… »
« Pari tenu ! » s'écrit Fred.
Maurice se lève en vacillant un peu, grimpe dans sa piaule et redescend quelques minutes plus tard en donnant l'impression d'avoir sérieusement récupéré. L'ancien se dirige alors vers l'épicerie où la superbe moitié de Fred discute avec sa cliente, une rouquine bien en chair d'une bonne trentaine d'années. La promptitude avec laquelle il fait irruption surprend les deux femmes qui interrompent leur conversation. Maurice glisse alors un mot à l'oreille de la cliente, celle-ci le regarde, quelque peu surprise. Pépère lui murmure encore quelque chose et se colle contre elle. Elle fait « ho ! » et se met à le suivre sous l'air médusé d'Isabelle. Ils traversent le bar, passent devant le trio qui ne les quitte pas des yeux, et montent à l'étage.
Quelques instants plus tard, un cri d'effroi se fait entendre, puis la voix de Maurice.
« Mais non, t'inquiète pas, ça va aller. Te crispe pas surtout et laisse moi faire, c'est moi qui drive ! »
T'as déjà entendu un bruit de meuble qu'on déplace ? Alors imagine un truc comme ça en continu. Tu rajoutes les vocalises de la dame qui monte bientôt en régime comme un deux et demi quatre cylindres, tu brasses le tout et t'obtiens un concert dont l'intensité rythmique ferait passer un groupe de hard rock pour des joueurs de menuet !
Et ça dure exactement quarante minutes…
Tu verrais la tronche à la fois hébétée et radieuse de la rouquine quand elle descend à quatre pattes l'escalier, en parlant toute seule.
« Un dieu ! C'est un dieu… Jamais on m'a fait ça… Un dieu, j'vous dis… »
Elle quitte l'établissement en titubant, l'air hagard et la mine défaite !
Maurice, descendant à leur rencontre, semble à présent avoir totalement récupéré, à l'inverse des trois autres néanmoins encore assez lucides pour apprécier la performance.
« Alors là, Maurice, chapeau, dit Fred, j'sais pas comment t'as fait, mais chapeau. Tu l'as bien gagné ton cuir. En plus, c'est la Germaine que t'as grimpée, une pas facile d'après les gars d'ici… »
« Chacun a ses p'tits secrets… », répond Maurice en souriant, l'air suffisant.
Isabelle fait irruption, les regarde, secoue la tête en soupirant, puis regagne son épicerie sans dire un mot…
Dix minutes plus tard, alors qu'ils étaient attablés en s'efforçant de tirer les vers du nez du frangin à René, une fille d'environ vingt cinq ans, grande, brune et généreusement servie par la nature fait son apparition…
« J'voudrais voir M'sieur Maurice… » dit cette dernière sans préambule.
Pépère se lève, sort une fiole de sa poche, avale une gorgée de son contenu et attrape la demoiselle par le bras. Celle-ci le suit docilement tandis qu'ils montent à l'étage…
« Hé ! C'est quoi ce plan ?, demande Fred interloqué, V'la la Junon maintenant ! Celle-là, c'est la nympho du village. J'comprend pas très bien c'qui s'passe, mais là, Maurice y va tomber sur un bec ! »
Trente minutes chrono en main, la Junon en question redescend totalement épuisée et déclare en tentant de reprendre son souffle :
« Un extra-terrestre…, pas humain ce gars-là…, un gourdin comme ça c'est pas possible… »
Et elle sort, le regard vague.
Pendant ce temps, une autre fille s'est présentée, puis une autre encore. Maurice ne quitte plus son « cabinet » et les trois compères, qui ont totalement récupéré, jouent les secrétaires en installant les « patientes » dans la salle d'attente improvisée tout en servant des consommations ( faut garder le sens du commerce) . Même Isabelle se pique au jeu et va rejoindre le trio de temps en temps pour aller aux nouvelles, entre deux clients à l'épicerie.
Mais bientôt, c'est le maire du village qui fait son apparition. Faut dire que la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre dans tout le canton.
Monsieur Maurice consulte toujours, depuis quatre plombes maintenant…
Même la presse du coin est présente; dans un patelin où il ne se passe jamais rien, le moindre sujet sortant quelque peu de l'ordinaire les fait rappliquer illico.
Cinq heures…
Soudain, alors qu'une fille sort de nouveau en titubant, Pépère fait son apparition en haut de l'escalier et réclame le silence.
« Mesdames, les consultations sont terminées ! »
Un « Hooooo !!! » de déception lancé en commun par la gent féminine se fait entendre. Les hommes présents, au comble de la curiosité, attendent visiblement une explication…
« Faut qu'j'arrête, dit le Phénomène en s'adressant à René, j'ai plus de potion… »
René se met alors à tousser violemment en recrachant le contenu du verre qu'il venait juste d'ingurgiter, il vient juste de piger… :
« Non…, t'as pas fait ça, Maurice ??? Me dis pas que c'est ça ???? »
Maurice s'esclaffe, tandis que les autres le regardent toujours sans comprendre :
« Ben…, j'me suis dis (tu sais que j'ai des notions d'chimie) que le carburant miracle du comte Satovitch, de part sa composition, devait posséder de sacrées qualités aphrodisiaques. Alors, j'ai testé en loucedé (tu t'souviens qu'j'y ai demandé un litre). Le résultat s'est pas fait attendre, mais en plus, elle a triplé de volume alors que j'avais pris que quelques gouttes ! »
René le regarde comme s'il avait affaire à un fou :
« Mais…, y'a d'l'essence là-dedans !!!! »
Maurice sourit :
« Tirée d'une base végétale, et puis ça donne un petit goût. Mais je pensais pas arriver à tel résultat. A côté de ça, le Viagra, c'est un vrai placebo »
Les journaleux présents commencent à piger et se rapprochent maintenant de l'ancien comme des vautours… J'ai dans l'idée que dans quelques temps, Vladimir Satovitch va entendre le téléphone sonner…
Tu sais qu'ils ont frisé l'émeute à l'auberge ? , fallait s'en douter…
C'est décidément une constante chez les Gédeufoitrentans : quand c'est pas l'un, c'est l'autre qui rameute les foules !
En attendant que la vérité éclate par voix de presse, le bar et le resto ont tourné comme jamais, faisant atteindre à Fred son chiffre d'affaire du mois en une seule journée !
Bien entendu, quand Pépère qui ne peut évidement plus fournir autant sans sa dope explique la raison exacte de ses prouesses, les dames sont déçues. Le mythe de l'étalon vient d'en prendre un coup… Mais les maris jaloux, eux, ressortent vivement intéressés de la visite au bar après avoir causé avec Maurice…
René et Ziva, pour leur part, se sont improvisés barmen pour filer un coup de main au tenancier et à sa charmante (bon sang, tu la verrais…, quelle croupe ! Mais là, on s'égare…) épouse, lesquels carburaient à la limite de zone rouge !
Heureusement, le lendemain dés la parution des baveux, la situation est revenue à la normale, au grand soulagement de tous. Tant pis pour le côté financier, mais ça devenait ingérable…
Maintenant, y'en a un autre, dans son château, qui va pas être déçu du voyage !
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