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Roman : René (épisode 34)

Episode 34 : Gaffe, René ! T'as un supermot' dans l'rétro… !

Le ton est donné et la semaine qui arrive promet d'être tout sauf… monotone !

Les kilomètres suivants se passent dans un calme olympien. René devant, avec un œil sur les deux énergumènes dans ses rétros, Maurice, un poil vexé malgré tout, en seconde position , et Ziva… tout heureux du point qu'il vient de marquer face à son ami et frère de l'idole du moment !

Les bornes défilent tranquilles aux compteurs des machines par le biais des régions traversées sous un soleil toujours sans nuages et par une température clémente, ce qui a de quoi réjouir n'importe quel motard car là, on touche le summum d'une des facettes de notre passion, la communion avec les éléments que l'on peut ainsi partager quand on taille la route ensemble, entre amis qui se comprennent, unis par la moto…

Même Maurice a oublié l'incident et se laisse bercer par l'atmosphère ambiante, celle qui fait que personne n'a envie d'accélérer le rythme au prix de risquer de briser la magie de l'instant présent et que seuls les ravitaillements obligatoires ponctuent de momentanés retours à la réalité.

On dit qu'actuellement le roulage moyen hexagonal se situe aux alentours des six mille kilomètres, ce qui me rend triste et perplexe à la fois. C'est passer à côté de tout ce qui fait le plaisir et la raison d'être de la moto, je veux parler du fait d'aligner de la borne. A une époque pas si lointaine, il n'était pas rare de voir des motards en herbe traverser la France en cyclo, d'autres avec de « vulgaires » huitaine de litre. Ceux là étaient animés d'une flamme dans le regard et la valeur de leur passion ne se mesurait pas en centimètres cubes. Cette génération a certes pris de la bouteille avec les années, mais cette lueur est toujours présente dans leurs yeux et c'est ça que je j'aimerai retrouver dans le regard d'une relève, il est vrai quelque peu lobotomisée par la médiatisation galopante d'un monde qui joue le paradoxe d'étendre son univers à la planète entière par le biais du Net, par exemple, mais qui, effet pervers, force les gens à se replier sur eux-mêmes en les contentant d'un écran…

Comment s'étonner alors que les bécanes roulent plus… Evidemment elles coûtent plus chères (et encore, c'est un faux débat), mais le virtuel détourne le jeune de la réalité en zappant de son esprit qu'une moto est aussi faite pour rouler, et pas seulement à servir d'objet de parade à épater la galerie !

Ouf ! Excuse-moi mais, de temps en temps, ça fait du bien…, et m…de à ceux qui ne comprennent pas. Moi je roule pour le plaisir de la moto, car j'aime ça et c'est un truc qui fait partie intégrante de mon être, et… c'est pas prêt de se terminer !

Comment ? ha oui, nos trois lascars ? Ils sont maintenant au pied de l'Auvergne et la route commence à tournicoter sévère dès qu'on s'éloigne des axes principaux.

C'est un réel plaisir que d'enrouler les courbes sans forcer en soignant les traj's dans un style coulé, sans brusquerie aucune, pour ressortir sur le gras du couple avec un rapport de trop, ce que permettent les deux surpuissantes V6, mais aussi cette diablesse de Transalp qui trouve maintenant des routes à sa mesure, pour le plus grand plaisir de Ziva qui met à profit les conseils de René et roule de plus en plus propre en calquant le Respectable qui le guète dans ses rétros. Maurice, entre les deux, commence petit à petit à piger comment contrecarrer les effets du poids de la bagagerie, et son pilotage gagne en efficacité au fur et à mesure des virolos avalés.

Un peu avant Clermont-Ferrand, les voyants de réserve s'allument avec une étrange similitude et il est temps de ravitailler, voir de souffler un peu après une longue période non-stop. Ça tombe bien car ils viennent de rentrer dans un petit village typique avec sa place centrale surplombée par sa traditionnelle église, son café et… une pompe à essence. Le signal de l'arrêt est donné par René à la demande des deux autres et, sitôt les pleins effectués, rien de tel qu'un petit bonjour au tenancier du bar, histoire de régénérer un poil les organismes en prenant contact avec la faune locale.

Pas grand monde à l'intérieur, si ce n'est un vieux bonhomme tranquillement affairé derrière son comptoir à astiquer ses verres un chiffon à la main. Le gars lève un œil distrait à la vue du trio qui s'installe à une table, grommelle un bonjour entre ses dents, puis se replonge à son ouvrage le temps que sa clientèle soit correctement attablée, tout en les observant. L'endroit est propre, pas rutilant mais bien tenu. Seul point détonnant dans le contexte des lieux : des posters un peu partout représentants des pilotes de supermot' en action…

Le patron des lieux daigne maintenant se déplacer pour s'enquérir du désir de ses clients. Dans cette région, avant de lier le moindre contact avec des étrangers, on prend le temps de les jauger et on détermine ainsi l'attitude à adopter en fonction de l'individu que l'on a en face de soi.

Le trio ne doit pas déplaire au maître des lieux, il s'avance avec un large sourire et demande :

« Des motards de passage ! La route a été bonne ? Vous venez de quel endroit et pour aller où…? »

René fait les présentations et explique le périple. Le gars lit visiblement la presse moto car il s'empresse de lui serrer la louche :

« Ha mais…, on cause de vous souvent ici ! Mon bar est le lieu de ralliement d'un groupe de motards du cru, lesquels viennent passer des soirées complètes ici après des arsouilles monstrueuses dans la montagne, et refont le monde au gré des freinages d'untel sur l'autre, des sorties de piste – pardon, je voulais dire de route – et des dernières trouvailles mécaniques permettant d'avoir la brèle la plus efficace pour être devant.
C'est pas vraiment des jeunes, à part deux ou trois, mais c'est des vrais passionnés. Les plus anciens comptent plus de vingt passages au service des urgences de l'hôpital de Clermont, c'est vous dire…
Leur truc, c'est le supermotard à base de machines d'enduros ultra préparées et y sont pas nombreux ceux qu'arrivent à les suivre sur les routes d'ici. Même vous, monsieur Gédeufoitrentan, sauf vot' respect, avec la machine que avez, z'avez du taf pour jouer avec eux…
Vous prenez quoi ? C'est moi qui offre : si, si, ça m'fait plaisir car c'est pas tous les jours qu'une personne comme vous vient ici ! »

René le remercie, passe commande et déclare en rigolant :

« Vous savez, je n'tiens nullement à croiser la poignée d'gaz avec quiconque car j'ai pas mal donné ces derniers temps et j'aspire à rouler cool dans l'immédiat ! »

Le tenancier, Marcel pour les intimes, ramène alors les consommations et vient s'installer à leur table pour tailler le bout de gras. Visiblement, bien que ne roulant pas à moto (pas le temps ni l'envie), il en connaît un rayon et aime ça à tel point qu'il demande des détails sur l'épisode du Mans avec Sarron (un p'tit gars du coin…) et l'essai récent de la M1 à Rossi en Espagne. René se prête de bonne grâce au jeu en s'amusant de la mine enthousiaste de ce gars décidément bien sympathique !

Soudain, un vacarme assourdissant se fait entendre à l'extérieur. Ça sonne grave et sourd, et y'a écho…

« Quand on parle du loup…, v'là mes p'tits gars qui r'viennent d'arsouille ! », dit-il en rigolant d'avance de la surprise causée par la présence de René…

Ils sont cinq : combinaisons de cuir, sliders rapés, bottes et intégrals de cross. Entre trente et quarante ans, taillés comme des bûcherons forts en voix car à peine à l'intérieur et le casque posé, ils sont déjà en train de se refaire en détail chaque épisode de la virée, laquelle n'a visiblement pas engendré la monotonie… Bref, en voilà qui ne risquent pas de passer inaperçus !

C'est Marcel qui les ramène sur terre :

« Messieurs ! J'ai l'honneur de vous présenter René Gédeufoitrentan, son frère et leur ami Ziva… »

Un silence total suit l'annonce, mais tout de suite les cinq se précipitent, visiblement contents mais un peu impressionnés.

C'est le plus âgé qui fait les présentations :

« René, c'est un honneur pour moi et mes potes ! Quel dommage que toute la bande ne soit pas là…
Je suis Raoul Adonf, motard depuis que j'ai l'âge de tenir sur un deux roues, ancien pilote d'enduro reconverti dans le supermotard, et je roule sur un bitza à base de gromono Folan en provenance du side-cross : un truc crachant quatre vingt cinq bourrins pour cent vingt kilos avec le plein. J'dois dire que j'adore la mécanique et qu'avec mes lascars ici présents, vaut mieux avoir un truc qui envoie !
Voici Paul Ution, un mec grave qui fume comme un pompier, mais roule sévère de chez sévère en laissant des traces de gomme au sol partout ou il passe. Il roule en Husaberg 600.
Eric Hoché, sa spécialité est de viser les talus et s'en servir comme appui pour mettre les gaz à fond, et ça marche, mais faut faire gaffe à pas lui r'couper la trajectoire. Lui roule en KTM 660.
Jean Voidugaz, KTM 450, un ancien trialiste qui s'est découvert un talent certain à tordre la poignée…
Et le jeunot d'la bande, Edgar Révoujepasse : à peine vingt ans mais culotté comme pas deux pour tenter les intérieurs. Lui, c'est une 450 Yam. »

René, de nouveau, répond aux nombreuses questions qui fusent de part et d'autres puis, ostensiblement, la discussion dérive sur le supermot'. Un parallèle avec la vitesse est établi, ainsi qu'une comparaison des styles de pilotage. Evidement, à un moment donné, y'en a un qui fini par demander si une grosse V6 « comme celles dehors » bien maniée, serait capable de tenir tête à une brèle d'enduro affûtée pour le bitume, sur des routes à virages, et la conversation dérive sur un long débat des possibilités et défauts de chacune des machines…

Personne, pour l'instant, n'a encore franchement lancé les hostilités :

- René a pas trop envie de tordre la poignée, estimant avoir eu son compte dernièrement…
- Maurice s'en fout un pneu…
- Ziva sait très bien que sa Transalp ne peut rivaliser…
- Paul Ution fait des ronds de fumée avec sa clope…
- Eric Hoché se contente de participer au débat d'une façon laconique en astiquant ses bottes couvertes de la boue des talus…
- Jean Voidugaz, l'ancien trialiste, tente simplement de démontrer que seule la finesse du pilotage permet d'aller vite avec n'importe quelle brèle…
- Edgar Révoujepasse, le jeunot de la bande, ronge son frein car il est encore trop vert au sein de son groupe pour s'imposer…

Visiblement, c'est de Raoul Adonf que la mise à feu viendra, et comme dans toutes les discussions motardesques, dès que la mèche est allumée, l'explosion intervient très rapidement…

« Ouais, dit ce dernier en s'adressant à René, un missile caréné comme le tien est certainement imbattable dans le roulant – surtout avec un mec comme toi aux bracelets – n'empêche que je reste persuadé que sur mon terrain d'chasse, tu verras pas l'jour…, et je brûle d'envie de te proposer une vérification en live pour en avoir le cœur net… »

« Sans doute, sans doute, mon cher Raoul, répond Pépère en souriant, mais je suis un peu fatigué d'aller chercher la limite – surtout depuis la M1 – et j'ai pas trop envie de remettre ça dans l'immédiat ! »

« A moins, reprend insidieusement l'Auvergnat, que tu doutes des talents dans un contexte qui n'est pas le tien…
Je comprend très bien que tu ne sois pas à l'aise hors d'un circuit : ici, y'a pas d'bacs à sable ni aucune sécurité comme sur un circuit. De plus, faut êt' capable d'improviser tout en tournant la poignée, et pour ça y'en faut une paire que n'ont pas les pilotes de piste, lesquels savent aller vite que quand ils sont sûrs de c'qui z'ont devant eux…, t'es pas d'accord ?… »

D'un seul coup, on entendrait une mouche voler. Tous les regards se tournent alors vers le Respectable en attendant une réaction de ce dernier. Tu rajoutes une musique de film style Sergio Leone, et t'as une petite idée de l'ambiance présente. Tous sont suspendus aux lèvres de René qui prend son temps pour répondre à cette attaque directe :

« Bon ben…, déclare finalement Superpapy en soufflant, t'as gagné !
Tu nous laisses le temps de finir nos verres, vérifier les bécanes, et on est à ta disposition…
Mais t'as intérêt à savoir visser autant que t'causes car tu vas constater qu'la V6, c'est pas du mou d'veau ! »

Ziva sent une décharge électrique lui parcourir la colonne « vertépédales ». Ces gars là n'ont pas l'air d'être des rigolos et va falloir se montrer à la hauteur pour ne pas décevoir René…

Maurice soupire :

« Aller, c'est r'parti comme d'habitude…
Marcel ? J'peux vous confier ma bagagerie ? La Kawasuki n'aime pas trop le poids haut perché… »

Tous se retrouvent ensuite à l'extérieur en s'observant du coin de l'œil tandis que notre trio s'affaire autour des machines. René en profite pour s'intéresser au proto Folan de Raoul, lequel porte les stigmates d'un pilotage « tout sur l'angle » avec des repose-pieds copieusement râpés et des pneus dont les flans attestent de la façon dont son pilote ouvre à la remise des gaz. Il hoche la tête en souriant, pas vraiment impressionné, sa propre machine montrant les mêmes symptômes d'utilisation…

Raoul s'adresse alors à lui :

« On va commencer par chauffer les pneus en effectuant le tour du village, puis on se retrouve là-bas, sur la p'tite route que tu aperçois. Elle fait vingt bornes et c'est tout droit, enfin…, façon d'parler car ça tournicote presque sans arrêt. Faut quand même faire gaffe à cause des ravins, vu qu'les parapets sont pas bien hauts…
Si t'es OK, on y va ! »

« Vas y , on t'marque…, du moins au début… »

VRAAAAAOUUUUUM !!!, font les gromonos. Les V6, eux, sifflent discrètement, et la Transalp…, on l'entend même pas !

La petite troupe se marque ainsi le temps de se regrouper au bord de la fameuse route à virage. Comme il n'y a pas grand monde qui circule ici, il est décidé un départ en ligne avec Marcel pour donner le start.

Les machines sont maintenant alignés devant le tenancier du bar qui lève le bras, une serviette à la main..., la tension monte et les régimes moteurs augmentent. Soudain, il l'abaisse et… c'est parti !!!

René réussit un super départ grâce à la surpuissante mécanique de la Kawasuki, mais Raoul n'est pas en reste avec son Folan et lui suce rapidement la roue pour lui placer un inter de folie dans le droit qui arrive très vite. Le mono, bourré de couple, est phénoménal à la reprise, freine très fort et se balance sans effort alors que Pépère est obligé de (déjà…) composer avec une V6 lourde et délicate à la remise des gaz vue la cavalerie, laquelle demande pas mal d'improvisation dans des conditions sinueuses, sans compter l'absence de reconnaissance de la piste improvisée. Voilà qui place d'entrée la problématique de Superpapy : va falloir être fin et ne pas faire d'erreur pour éviter de se faire distancer, tout en tentant de mettre la pression à ce foutu Raoul en escomptant une bourde de ce dernier. S'il ne réussit pas, le mono restera devant car il n'y a pas assez d'espace pour tirer avantage des chevaux du V6, et s'il y parvient, il lui faudra alors fermer toutes les portes sous peine de se faire redoubler par ce monstre d'agilité…

Maurice lui, est parti trois, avec Ution, Hoché et Voidugaz en embuscade. Il entend le grondement des monos à l'aspi et se met à balayer la route pour prendre la corde très tard, mais Hoché plonge à l'intérieur pour lui couper la traj' en profitant du talus pour remettre gaz alors que la V6 est encore sur les freins…, et les deux motos se touchent !

L'espace d'un instant, les suivants se disent qu'ils vont assister à la gamelle du siècle, mais l'ancien ne se laisse pas faire et, d'un coup de gaz viril, block-pass à son tour l'arroseur/arrosé surpris par la promptitude du Gatouillable. Ce dernier devra dire merci au talus d'avoir empêcher la KTM de goûter au bitume, mais dans l'histoire il a calé et se retrouve bon dernier…, derrière Edgar, qui a complètement raté son départ, et tente de doubler Ziva qui profite de la douceur de son twin pour le contenir assez facilement car l'autre est plutôt brouillon.

Eric, le couteau entre les dents, les double très vite pour se faire Paul et Jean dans la foulée, il se retrouve rapidement au derche de… René, dont le combat avec Raoul ralentit la vitesse de passage en courbe et a été passé par son frangin qui semble avoir bouffé du lion…

Cinq virages plus tard, les positions sont donc les suivantes : Raoul avec Maurice à une encablure, René tout près, Eric puis Paul et Jean. Ziva est toujours dans la course, pas très loin devant Edgar qui n'arrive pas à le passer.

Eric double alors René à la régulière dans un grand gauche mais celui-ci, piqué au vif, remet alors la sauce et profite du bout droit suivant pour le repasser avec autorité et en fait de même sur le frangin qui ne peut réagir à l'attaque ; le voilà de nouveau à la chasse de Raoul qui a pris le large devant !

Il est vrai que le folan avec ses quatre vingt cinq bourrins placés très bas dans les tours est avantagé sur ce type de terrain, surtout manié par un gars qui n'est pas un manche et connaît sa route par cœur, mais René a décidé de se réveiller…

Le Respectable visse et la V6 bondit en avant. Instantanément il recolle à Raoul le nez dans la bulle et au prix de freinages de fêlé où la moto se met complètement en travers !

L'autre a entendu l'Ancien revenir et en remet, mais Pépère s'accroche ; à ce rythme, les deux laissent rapidement les autres s'expliquer entre eux en, se retrouvant loin, très loin devant la meute impuissante à suivre cette cadence infernale…

Raoul retarde ses freinages mais René lui suce toujours la roue. Plusieurs fois les motos se retrouvent en cata et ne doivent de rester sur la route qu'à la dextérité de leurs pilotes boostés par l'enjeu. Heureusement que la visibilité permet d'anticiper les chicanes mobiles se trouvant sur leur passage… et celles se présentant en face quand ils attaquent de front une courbe vicelarde !

Dans l'immédiat, c'est un parfait match nul au niveau efficacité avec un Folan qui profite de sa plus grande agilité pour plonger très tard à la corde et virer en pivotant dans les épingles, ce que ne peut faire la V6 qui elle, se rattrape en sortie de courbe grâce à sa plus grande douceur dans les bas régimes et sa pêche plus importante qui la catapulte d'un virage à l'autre, en bénéficiant bien entendu du coup de gaz magique de Superpapy ( faut l'emmener un truc comme ça sur de la départementale tourmentée…).

Un boulevard sépare maintenant les deux pilotes de tête du reste du groupe malgré le fait que le combat pour la première place est maintenant à la limite du raisonnable, ce qui devrait les ralentir car ils se gênent sans arrêt en se recoupant les traj's au gré des défauts et qualités de motos aux antipodes l'une de l'autre. Raoul est toujours devant mais René le pousse de plus en plus et sa place n'est pas la meilleure car il n'a pas le droit à l'erreur !

Jamais la Kawasuki n'a été pilotée de cette façon. Pépère est obligé de combler l'inertie supérieure de sa machine par des glisses d'anthologie qui laissent de larges traces noires au sol et de la poussière de plaquettes sur les étriers des freins dont les disques carbones sont portés en rouge en permanence, mais il n'y a qu'à ce prix qu'il peut rivaliser avec ce diable de Folan doté quand même d'une puissance respectable en plus de son agilité diabolique…

Alors qu'il commence à douter de la possibilité de doubler Raoul – celui-ci ne commettant toujours aucune erreur – la providence sourit soudain à René par l'entremise d'un grand-père gatouillant en BX diesel devant eux. Ce Vénérable est quasiment à la limite de ses possibilités en poussant son quatre roues à quarante kilomètres/heure sur cette dangereuse petite route, alors que les deux motos déboulent à toc. Raoul essaye alors de déboîter rapidement mais une autre voiture arrive en face, l'obligeant à se rabattre. René avait anticipé la manœuvre et, profitant des deux cent mustangs de sa monture, il a passé sans couper en créant la peur de sa vie au vieux bonhomme et à l'importun osant emprunter la piste en sens inverse !

C'était vraiment limite car, si l'autre en face n'avait pas pilé, Pépère aurait sûrement rejoint ses ancêtres au pays des nuages…

Raoul est furax et s'accroche comme un morbac après avoir doublé le citroëniste en l'incendiant au passage, mais le Respectable, maintenant en tête, ne lâcha plus sa place en fermant toutes les portes sur les derniers kilomètres de la spéciale improvisée, dont l'arrivée a été matérialisée par le panneau d'entrée d'un petit bourg. Encore une fois Superpapy a remporté la victoire, mais c'est passé juste…

Les deux pilotes stoppent les machines surchauffées sur le parking situé à l'entrée du bled, se regardent quelques instants sans rien dire, puis se jettent dans les bras l'un de l'autre pour se congratuler mutuellement :

« Félicitation René !,dis Raoul sincère, jamais personne ne m'avais donné autant de fil à retordre sur mon terrain d'entraînement !
Bon, tu as bénéficié des circonstances mais j'avoue avoir été ensuite incapable de te repasser, c'est la course mais…, chapeau bas ! »

« T'es pas mal aussi dans ton genre et moi aussi j't'avoue qu'si l'vieux avec sa poubelle c'était pas pointé sur la traj', jamais j'aurai pu t'doubler… »

Pas d'excuses bidons, simplement la reconnaissance de deux véritables passionnés qui ne se la racontent pas car ils connaissent à juste titre la valeur réelle de l'un et l'autre…

En parlant d'autre, ou plutôt des autres…Je me doute que tu brûles d'impatience de savoir ou ils en sont ?

Ben, arrive alors… Maurice, esseulé en troisième position, puis… Ziva !!!

Calme toi, je t'explique ! :

On avait laissé l'ancien en mauvaise posture avec Hoché au train, ben…, encore une fois le destin a joué en faveur du Gatouillable. Edgar avait fini par doublé Ziva et fondait sur le duo composé de Paul Ution et Jean Voidugaz, qui eux-mêmes étaient revenus sur Eric bouchonné par Maurice. Arrive alors un gauche vicelard après un bout droit, Révoujepasse tente alors THE freinage mais se loupe et va percuter les trois pilotes devant lui en réussissant un magnifique strike…

Résultat des courses, les quatre vont visiter le bitume – heureusement sans gravité – tandis que Maurice, un peu en avant, a réussi à éviter la collision et profiter de l'aubaine pour conserver fermement la troisième place. Ziva, quand à lui, s'est faufilé en slalomant parmi l'enchevêtrement des motos au sol et a filé le train à Pépère sans pouvoir combler l'espace les séparant, et termine quatrième !

A l'arrivée de son frère, René va à sa rencontre et, sitôt que celui-ci est descendu de sa machine, va le féliciter mais lui demande aussi :

« Hé dis-donc vieux croûton ?, comment qu't'as fait pour réussir à m'passer tout à l'heure ? j'ai rien vu v'nir… »

« Ben c'est simple, répond Maurice avec l'air du gars qu'est ailleurs, J'ai eu la soudain la vision de Sophie et j'ai pensé qu'j'avais pas l'droit d'la décevoir. J'ai alors décidé de visser sans m'poser d'questions, voilà, c'est tout ! »

« Ben…, si ta belle amazone te fait cet effet là, frangin, moi j'ai intérêt à m'entraîner si j'veux continuer à rester leader… », plaisante René en lui lançant une œillade.

Ziva se pointe alors, un peu étonné mais tout fier de sa quatrième place :

« Victoire par KO !, dit-il, les autres vont pas tarder, mais ils vont être un peu chiffons… »

Effectivement le quatuor arrive bientôt avec les stigmates de la gamelle collective et, à peine descendus, ils se jettent sur Edgar en l'incendiant copieusement…

« C'est quoi ce bordel ? », demande alors Raoul, lequel se marre en pigeant le scénario.

« C'est cette andouille d'Edgar qu'a recommencé comme l'autre jour !!! », explique alors Hoché, furibard…

« Bon !, aller on arrête et on se calme, dit Raoul d'un ton sans appel, je vous invite chez Marcel pour une tournée générale à la santé de René, le grand vainqueur du jour !
En route et…, calmement cette fois !

L'équipe se tourne alors vers le Respectable, l'applaudissant avec respect pour son exploit d'avoir maté un supermot' sur son terrain de jeu avec son enclume à deux roues !

Bon ben…, arrivés au bar, c'est pas de la limonade qui les attendait et il était hors de question de reprendre la route dans ces conditions. Résultat des courses, Marcel leur a improvisé un campement de fortune pour la nuit après avoir avisé Fred que les invités allaient avoir un léger retard sur les conseils de René, lequel était dans un tel état qu'il ne pouvait que bafouiller au téléphone et n'avait été capable de donner le numéro de leur hôte qu'après un effort surhumain dans un fugace instant de lucidité !

Maurice, quand à lui, s'était retrouvé hors-jeu très rapidement par le biais du mariage peu orthodoxe du vin de pays avec la liqueur d'Ecosse et, dormant sur le comptoir du bar en émettant la douce mélodie d'un V douze tournant au ralenti – prouesse appréciée par les mélomanes de la symphonie mécanique - l'équipe s'était trouvé dans l'obligation de le coucher à l'étage, sur les conseils du maître des lieux.

Ziva, sans doute motivé par ses récents exploits, était bizarrement le seul à être encore relativement valide au sein du groupe qui ne parvenait pas à le faire capituler. Marcel dut même lui confisquer ses clés pour l'empêcher de démontrer à l'assemblée les capacités de la Transalp à burner !

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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