Roman : René (épisode 25)
Episode 25 : Dave Jmor…
Ce matin là, comme d'habitude, René se lève tôt pour aller faire son footinge devenu quotidien avec sa récente notoriété. Déjà, ça lui permet de se maintenir en forme, histoire de pouvoir mettre la poignée dans le coin avec la V6, ensuite, sa sangle abdominale gagne de jours en jours en aérodynamisme, lui permettant ainsi de grappiller quelques secondes au tour sur le circuit EPEDA au guidon d'une fougueuse pouliche (blonde ou brune : c'est toi qui choises…) !
Pendant que René trottine, Maurice prépare le petit dej' pour lequel a été sacrifié le rouge qui tache et le « à l'ail-pâté » qui était, il y a peu de temps encore, une institution dans la famille (remplacé par du jus d'orange, des œufs sur le plat et des céréales…). Ensuite, le frangin/manager s'occupe de noter les messages du répondeur et d'aller chercher le volumineux courrier encombrant chaque matin la boîte aux lettres. Puis, c'est le tri entre ce qui part directement à la poubelle (avec une petite pensée pour la déforestation…), ce qui peut attendre et le truc urgent genre proposition de pub ou de demoiselle à forte poitrine en détresse…
Lorsque René regagne le domicile, ruisselant mais heureux de constater que l'âge est une invention de l'esprit, Maurice a préparé l'emploi du temps de « Superpapy » pour la journée mais attend que le jumeau soit sorti de la douche pour lui expliquer ce qui l'attend aujourd'hui, autour de la table de cuisine. C'est devenu un rituel auquel le Respectable se plie de bonne grâce depuis que la gent « à protubérance mammaire » daigne de nouveau porter son regard (pour ne pas parler d'autre chose…) sur son auguste personne !
« Bon, René, écoute moi bien : aujourd'hui
y'a les casques TETDEBOIS qui proposent une séance photo
avec un chèquos pourvu de quelques zéros plus un deux devant…
», commence Maurice.
« Mmmoais !, bof ! : ça commence à m'gonfler
grave tout ce cirque… » rétorque le Fossile en faisant
la moue.
« Hé !, j'te signale que grâce à ce cirque,
comme tu dis, on va bientôt aller s'dorer au soleil, les doigts
d'pieds en éventail… et gratos en plus ! » fait
remarquer le frangin.
« Ouais mais si t'as r'marqué, c'est toujours
le gars mézigue qui si colle, tu pourrais faire l'effort
d'me remplacer de temps en temps vu qu'on a la même
tronche !!! »
« Heuu, moi, j'suis l'impresario… faut que j'veille
à tout pendant qu'toi t'as qu'à prendre
la pose, c'est toi qu'a l'beau rôle… »
« N'empêche que j'en ras l'intégral
de toujours faire l'pingouin devant l'gus qui fait clic-clac
et qu'a toujours l'air d'une tafiolle ! »
« Bon, t'as fini là ??? J'te signale que dans
cette boîte, y'a plein de nanas choucardes qu'attendent
que ton bon vouloir pour se faire culbuter… et y'a pas b'soin
d'se baisser pour les ramasser ! »
« Ok, ok !, mais là, t'es pas honnête : tu sais
toujours toucher ma corde sensible, et comme j'suis un sentimental
qu'a jamais la force de refuser quoi que ce soit à une frangine,
faut qu't'arrives toujours à tes fins en employant
cet argument là… »
Maurice se fend la poire devant la mine faussement boudeuse de René.
Il a vu l'étincelle dans son regard à la simple évocation
du personnel féminin, seul moyen d'enrayer une mauvaise humeur
souvent présente chez l'Ancien quand on le bouscule avant
qu'il ait fini de déjeuner.
« Tiens, Valentini peut pas rouler aujourd'hui : il se rend
chez BIMOCATI pour discuter d'un possible contrat avec son père
pour la saison prochaine, poursuit le manager improvisé, j'avais
pensé qu'on pourrait rouler ensemble vers la côte après
les photos vu qu't'auras certainement fini avant midi : on
graille sur place et on peut être devant la grande bleue avant 15
heures. Là, j'connais d'la viroleuse pas pourrie et
comme le temps est sec… »
René, à l'évocation d'une bourre possible
avec Maurice, faillit en lâcher son verre tellement l'image
du prudent frangin à l'aspi derrière l'autre
V6, le pneu fumant sur l'angle, lui sembla incongrue…
« Tu t'rends bien compte de c'que tu proposes ?, tenta
d'articuler le Vénérable en rigolant franchement,
toi qui, hier encore, jouait les mères poules en parfait gatouillable
que tu es, me faisant la morale dès qu'j'avais le malheur
d'pousser un peu trop la deux sur la route, tu m'proposes
maintenant d'se taper la bourre comme des gamins ! T'aurais
pas un peu siroté pendant qu'j'm'entraînais
par hasard ???????? »
« René, pour être tout à fait franc avec toi,
je roule beaucoup sur circuit aussi avec les stages à longueur
d'année… . Bon, bien sûr, je n'ai pas ton
coup d'guidon, j'te l'accorde, mais ma V6 m'a
fait changer d'avis sur ma façon de rouler sur la route.
J'admet volontiers qu'on peut tourner la poignée sans
risque avec ce genre de brêle et, comme on dit, seuls les djeun's
ne changent pas d'avis ! »
Ils éclatent franchement de rire, comme deux vieux complices qu'ils
sont, puis tentent de redevenir sérieux car Maurice doit confirmer
le rendez-vous avec l'agence de pub.
Ce dernier allait décrocher le téléphone quand quelqu'un
sonna à la porte :
Driiiiiiiinzzzzzzzz !!!!!!!!
« Qui c'est qui vient nous emmer… à cette heure-ci
? » grommelle René qui n'aime pas être dérangé
si tôt dans la matinée.
Maurice va ouvrir, c'est Ziva, lequel arbore un sourire timide en
constatant l'air peu amène du Respectable assis à
la table :
« Heuuuuu, j'vous dérange pas trop ? demande t'il
prudemment, car voilà : j'viens d'acheter une nouvelle
moto, une Cacazuki 600 ZZX, mais comme la précédente j'arrive
pas à comprendre comment aller vite avec… Alors, j'avais
pensé te d'mander, cher René, si tu pouvais t'occuper
d'moi pour essayer de m'apprendre ??? »
Voilà bien le truc apte à dérider le Vénérable…
« T'es un p'tit marrant toi, rigole l'Ancien,
tu sais bien qu'on a déjà tenté cent fois d'te
montrer comment qu'on fait, mais faut admettre que t'es vraiment,
mais vraiment pas doué pour la moto… »
Ziva prend alors un air triste :
« Je sais, mais la bécane, j'l'ai dans la peau,
et c'est pourquoi j'ai décidé de prendre une
moto moins puissante : j'suis certain qu'si tu m'aides,
avec une brêle plus facile et de la volonté, j'peux
réussir à rouler comme tout le monde… »
« Ben y'a du boulot avec toi, rétorque René,
et chuis pas sûr de pouvoir faire de toi un gars pas dangereux pour
les autres ! »
Driiiiiiiiiinzzzzzzzzz !!!!!!!!!!!!!
« C'est pas possib' !!! : y s'sont donné l'mot aujourd'hui !!!!!! » s'énerve l'Ancêtre qui commence à trouver cette matinée assez casse-pieds…
Maurice, de nouveau, va ouvrir. Un gars d'un certain age, voir
d'un age certain, portant des lunettes par dessous la visière
de son casque, se présente à lui :
« René Gédeufoitrentans, c'est ici ? »,
demande ce Respectable.
Maurice, méfiant :
« Ouais, c'est pour quoi ? » répond t'il
sur un ton égal à celui de son frère.
L'autre, avec un franc sourire en enlevant son casque :
« Bonjour ! Je me présente, Dave Jmor. Voilà
ce qui m'amène, je suis le créateur d'un site
internet consacré aux anciens de la moto, le « Repaire des
Gatouillables » et, depuis quelques temps, certains membres me reprochent
de rouler sur une modeste SUCEKIKI Truand, et de ne peut-être pas
avoir le niveau de pilotage nécessaire pour rester la figure de
proue de mon site…
J'ai entendu parlé des exploits de Monsieur René et
je pensais lui demander conseil sur ce que je dois faire pour rester crédible
! »
Maurice a les yeux qui sortent des orbites à l'évocation
du nom du personnage !
« Daaaaaaaave Jmooooooorlacreeeeette !!!!!!!!!!!!!!, bons sang !,
j'y crois pas… J'suis un habitué du site et vous
êtes une sorte d'idole pour moi !!!. René , c'est
Dave Jmor, du site dont j't'ai parlé !!! »
Le René en question, l'Internet et lui c'est comme
toi avec les filles : deux trucs totalement incompatibles et, si effectivement
Maurice l'a « bassiné » avec ce truc, il l'a
simplement écouté poliment pour ne pas le froisser, par
respect pour lui…
Maurice fait rentrer Dave et le présente à Ziva, qui, en parfait djeun's, ne connaît pas non plus ce site réservé aux personnes « d'un certain âge », et à René qui grogne un vague bonjour.
Dave expose de nouveau le motif de sa venue au Respectable qui l'observe
avec une moue attentive : il reste un long moment silencieux, un peu perplexe,
fronce un peu les sourcils comme s'il cherchait ses mots. Enfin,
au bout d'un moment, l'ancien se décide à prendre
la parole.
« Si j'comprend bien, tu t'occupes d'un truc pour
les gars d'not'âge qu'à rapport avec la
moto : c'est bien, même si les z'ordinateurs et moi
c'est comme Ziva avec les courbes…Mais j'dois dire qu'j'aime
bien les gens qui s'bougent pour la bécane et j'va
t'dire un truc, ta moto, elle est bien, et avant d'songer
à prendre aut'chose, j'te propose d'essayer d'te
montrer comment t'en servir !.
Tu fais rien c't'après-midi ? Ça tombe bien…
. Mauuuuurice !!! bigophone au circuit Carole et réserve la piste
pour 15h00 environ en disant qui j'suis !
Ziva, mon garçon : tu viens aussi, c'est mon jour de bonté…
En attendant, sans vouloir vous mettre à la porte, j'ai des
photos qui m'attendent… et p'têt ben une frangine
ou deux à bousculer, alors, à 15h00 précise sur le
circuit et en cuir ! »
Ziva et Dave quittent la maison Gédeufoitrentans heureux que le Maître daigne leur accorder ainsi les faveurs de son savoir.
A l'intérieur Maurice regarde son frère avec satisfaction
:
« C'est bien ce que tu viens de faire, René ! »
dit-il à ce dernier, qui lui répond :
« J'aime pas qu'on fasse chi.. les mecs qui s'bougent
le c.. pour la moto… , et cui-là, j'sens qu'c'est
un bon. Par contre l'Ziva, y va encore devoir commander du carénage,
mais j'pouvais pas lui r'fuser car j'l'aime bien
c'gamin ! »
15h00 pétante, les deux frangins attendent à la porte du
circuit ou on fait « trembler les gonzesses » comme dit René
: pas seulement à cause de l'ancien nom de la commune accueillant
Carole, mais surtout qu'il s'agit d'un territoire de
chasse de premier choix pour le Gatouillable !
Partout ou il passe, c'est la cohorte et partout on lui déplie le tapis rouge : le circuit parisien n'échappe pas à la règle, bien entendu…
Lorsque Maurice a téléphoné aux responsables, ces derniers ont spontanément libéré un créneau d'une heure alors que nous sommes en semaine… et gratos en plus ! Faut dire que la venue de Superpapy est toujours un événement et même en sacrifiant une plombe, le téléphone arabe fonctionnant à plein dans le petit microcosme motard, le reste du temps est largement rentabilisé par les exploitants qui voient affluer un nombre inhabituel de « clients » qui paieront plein pot ensuite pour prendre la piste, ensorcelés par le coup de gaz du Respectable !
La foule curieuse s'est précipitée pour voir le phénomène dès l'annonce faite par la tour de contrôle, avisée de l'arrivée de la « star » du moment et les deux frères (mais non, j'te parle pas du film mais des frangins ! suis un peu bon sang !) sont entourées d'une meute à laquelle René répond amicalement en attente de l'arrivée de ses deux élèves. Pépère signe même des autographes, particulièrement avec la gent féminine pour laquelle, si la nana est choucarde, la signature est accompagnée de son numéro de téléphone…
En parlant de téléphone justement, Dave a joint Maurice pour lui expliquer qu'il risquait d'avoir un peu de retard suite au fait que Ziva ne sachant pas aller à Carole (le nain !), il faisait un crochet pour le prendre en passant.
En fait de retard, c'est presque une heure après que se
pointent les deux attendus risquant ainsi de subir la foudre d'un
René pas très patient : celui-ci commençait à
trouver le temps long et regardait sa montre en permanence tout en envoyant
paître les badauds qui ne trouvaient plus du tout aimable celui
qui, tout à l'heure, répondait calmement aux questions
de « ses » fans.
Mais la mauvaise humeur du Respectable fut vite remplacée par un
franc éclat de rire à la vue de la mine déconfite
de Ziva… et du flan gauche de la CACAZUKI quelque peu râpé
!
C'est Dave qui donna l'explication :
« Bizarre ce môme ! Il se traîne mais à l'abord
des courbes, on dirait qu'il ne freine pas…ça, c'était
ma première impression. Impression qui s'est vite transformé
en certitude quand, à l'abord d'un grand gauche pour
lequel faut pas s'rater, j'ai été doublé
par un bolide plein gaz en pleine zone de freinage !!! Le Ziva a fini
dans le champ en face à compter les vers de terre tandis que sa
bécane est restée plantée dans la boue… On
a été oblige de s'y reprendre à deux fois pour
sortir la meule et trouver ensuite une aire de lavage pour plus ressembler
aux fonds de culottes des amateurs de cassoulets qui se laissent aller…
Et c'est pas tout , quand je lui ai demandé ce qui c'était
passé, il m'a simplement répondu qu'occupé
à regarder mon feu stop, il avait oublié que c'était
à ce moment là qu'il devait choper les freins !!!!!!!!!!!!
»
Les frangins éclatent franchement de rire, ainsi que les quelques curieux encore présents à leur côté sauf… le Ziva qui, visiblement, est tout penaud de son « fait d'arme » !
« Bon ! ça commence bien ! résume l'Ancien
en s'adressant à celui qui doit certainement détenir
le record de vitesse d'entrée en courbe, faut toujours que
tu fasses autrement que les autres, toi ! »
« Moi, à ta place petit, j'envisagerai le motocross
: comme ça, au moins, tu ne changerais pas de surface au sol à
chaque fois que tu rentres en courbe… », s'esclaffe
Maurice en lançant une œillade à Dave, bien perplexe
devant le spécimen précité !
Heureusement, il leur reste encore une heure avant de prendre la piste
et le « professeur » commence par observer les motos des «
élèves ». Celle de Ziva, malgré la taule, est
encore OK pour rouler. Il grimpe dessus, modifie la position de leviers,
teste l'accord avant / arrière en apportant quelques modifications
aux réglages de suspensions puis marque une pause en fixant la
bécane. Il hoche ensuite la tête d'un air satisfait
et passe à celle de Dave en observant la morphologie de son propriétaire
en comparaison de la sienne, constatant avec plaisir qu'ils font
la même taille et presque le même poids :
« Ça va être plus facile comme ça… »,
commente l'Ancien…
Sans en dire plus, il monte sur la SUCEKIKI et demande une clé
de douze à Maurice. Ceci fait, il desserre les potences du guidon,
le ramène en arrière et pose les mains dessus en s'avançant
au maximum du bord du réservoir. Il répète la même
chose en fermant les yeux, puis resserre les fixations, content de lui
:
« Tu vois, le secret d'une bonne position est de fermer les
yeux en tendant les mains vers le guidon : si ces dernières se
posent naturellement sur les poignées, c'est bon ! »
Il aligne ensuite les leviers de façon à ce que les doigts
se trouvent dans le prolongement des avants bras :
« Faut pas casser les poignets… », précise t'il.
Ensuite, c'est au tour des suspensions de subir l'auscultation
du Vénérable qui pousse même le geste jusqu'à
demander de l'huile pour en rajouter dans les tubes de fourche !
L'amortisseur arrière voit son ressort subir une tension
supplémentaire et les pneus un peu d'air supplémentaire.
« C'est bon pour les motos, passons maintenant à la
piste… » décrète René en commençant
un cours sur le bon positionnement à adopter, sur les appuis à
effectuer aux repose-pieds, le placement du regard… et même
la façon de placer les doigts sur les leviers.
Ensuite, il déplie un plan du circuit, leur demande de mémoriser
le tracé en expliquant quelles trajectoires adopter pour ensuite
les emmener au bord de la piste, au freinage de « Hôtel »,
en commentant les passages de chaque pilote avec de nombreux exemples
de ce qu'il faut ou ne faut pas faire. Les deux élèves
écoutent, attentifs, surtout Ziva qui, à mesure que se rapproche
le moment d'entrer en scène, tremble de plus en plus…
« Qu'est-ce t'as p'tit ? demande René,
on dirait qu't'as avalé un laxatif… »
« C'est que j'ai jamais roulé sur un circuit…
», bredouille le môme.
« Allons Bon !, remarque : tu m'étonnes pas beaucoup….
Mais rassure-toi : le gravier, ça salit moins qu'la terre
! » dit l'ancien en lui balançant une grande claque
dans le dos !
La série se termine, et la suivante, c'est pour eux : déjà la foule se presse pour assister au spectacle du Vieux rentrant en piste, suivi de Dave, puis Ziva et enfin Maurice qui a décidé de rouler aussi.
Pendant quelques tours, René adopte un rythme tranquille, se retournant fréquemment pour indiquer d'une main la bonne traj' ou le moment de planter les freins puis, sans prévenir, il visse en grand !
La V6 se met alors à fumer du pneu arrière tandis que René jette sa monture dans Alfa en plongeant « aux freins » sitôt imité par…Maurice ! : Les deux élèves sont loin, surtout Ziva qui semble paralysé et entre en courbe… un peu comme toi !.
Jusqu'à Beta, Maurice arrive à suivre, ensuite c'est peine perdue : René balance sa machine avec autorité dans le pif-paf et prend un angle de cintré dans la parabolique en glissant des deux roues ! . Maurice est obligé de lâcher prise pour ne pas se sortir…
René sort de la para comme une balle pour avaler la ligne droite menant à Golf avec une vitesse sidérante : les spectateurs présents n'en reviennent pas et semblent pétrifiés par le spectacle… La surpuissante 1300 est maintenant jetée, tout freins bloqués et en travers, dans la courbe par un René dont le coude vient de frotter le vibreur !!!
Il ressort la roue avant en l'air et passe ainsi deux rapports avant qu'elle ne retombe : la V6 crache ses bourrins en hurlant de tout son mégaphone pour plonger littéralement dans Hôtel et repasser devant les stands comme une balle…
« 1'03 !!!!!! » crie stupéfait à la foule ébahie un spectateur ayant eu le réflexe d'enclencher le chrono au moment ou René a mis la sauce !
Bientôt, c'est Maurice qui se présente devant les stands avec l'autre V6 : 1'10 quand même pour celui qui, hier encore, roulait en VIRAGRO !
René, lui, est déjà au freinage de Golf et s'apprête à avaler Dave qui lui, vient de sortir de la courbe et aborde la ligne droite en roulant proprement aux alentours de la minute 20.
Ziva, tu l'auras deviné, est occupé à comptabiliser le gravier de la para après avoir évité de justesse celui du pif-paf : ce coup-ci le côté droit du carénage ne jalousera plus le gauche…
René, pour sa part, arrive à Hôtel avec la roue arrière à 50 centimètres du sol et frotte de nouveau le coude en sortant de la courbe : 1'01 !!!! (non, non : tu rêves pas…)
Il finit par couper son élan et se retourne en faisant signe à Maurice, qui arrive au loin après avoir doublé Dave, de le passer. Il en fait de même pour ce dernier en se plaçant directement dans sa roue arrière, le forçant ainsi à remettre du câble en le déboîtant de temps en temps.
Ziva a repris la piste pour… vérifier si le gravier de Golf n'était pas plus fin par hasard…, tandis que Maurice reste constant en 1'10 environ.
Dave, quand à lui, poussé par son professeur, tourne maintenant en 1'13, ce qui est honorable avec une moto comme la sienne !
Ils effectuent ainsi une quinzaine de tours, trois pour Ziva…, et René lève la main pour signaler le retour dans la voie des stands ou la foule se presse autour de lui pour manifester son admiration envers l' « extra-terrestre ». Ce dernier, sitôt descendu de sa machine, félicite Dave pour sa façon de rouler et lui indique quelques points à travailler. Maurice rentre à son tour, un peu fourbu par l'effort mais content de ce qu'il vient d'accomplir. Enfin, c'est au tour de Ziva de faire une arrivée triomphale en… oubliant de béquiller sa moto à la descente de cette dernière ! Un tonnerre d'applaudissement lui est fait au moment où la pauvre machine, qui n'en demandait pas tant, se retrouve une fois encore au sol…
René, ayant réuni sa troupe, décide de ré effectuer quelques tours en solo, les deux premiers sont effectués en 1'02, le troisième en 1'01, et le quatrième… il ne passe plus !!!
« Merde ! s'écrie Maurice, y s'est pas gaufré quand même ???? » . L'instant est angoissant et tous de courir vers l'autre extrémité du circuit…
Qu'elle n'est pas leur surprise de constater la V6 béquillée à la sortie de la parabolique sans personne alentour !… Ils ont beau regarder à gauche et droite : nobody !
Maurice se met alors à crier le prénom de son frère
quand, derrière le talus, une voix se fait entendre :
« Pouvez pas m'laisser tranquillement astiquer la d'moiselle,
non ? Ha ! j'vous jure, j'viens en aide à une personne
en détresse et faut toujours qu'on m'dérange
quand j'rend service !!!!!!!!! »
Dave est par terre ! Non seulement le Gatouillable explose les chronos dès qu'il grimpe en selle – et de quelle manière ! – mais semble jouir aussi d'une dextérité peu commune auprès des filles… C'est en tout cas son impression quand, quelques longues minutes plus tard celui-ci refait surface en compagnie d'une superbe créature au corps élancé, pas plus de vingt cinq ans, brune (cette fois…) avec des cheveux longs tombant en bataille, le teint halé, bref, le genre de fille qui ne se retournera jamais sur ton passage !
La fille précitée est rouge en tentant de reprendre son souffle, mais son fin visage exprime une satisfaction totale avec un regard admiratif envers son « cavalier » du moment qui lui, est frais comme un gardon ! On dit que l'animal est triste après l'amour, mais pas René qui, visiblement semble content de lui-même…
« Mais il est fait en quoi ce type là ?????, se demande
Jmor qui se pince pour vérifier qu'il ne rêve
pas, j'ai quelques années de moins mais j'ai l'impression
d'être à la rue face à lui ! Comment peut-on
être ainsi quand on a cet âge là ??? La presse n'avait
pas exagéré, c'est du jamais vu… et, mon vieux
Dave, va falloir le travailler le corps pour l'amener au site ce
personnage. Avec un gars pareil à nos côtés, on va
filer des boutons à la presse écrite…
Le problème, c'est que j'arrive après les autres
et va falloir trouver de arguments chocs pour le convaincre, pas joué
d'avance ! En plus il semble avoir mauvais caractère…
»
Dave est songeur, retraité depuis peu de l'administration, il voue désormais sa vie entière au net, et principalement au site de sa création. Seulement voilà, il a décidé de se cantonner exclusivement à la tranche « Respectable » du milieu moto, et même si cette dernière couvre un large pourcentage du milieu, c'est assez restrictif. L'exemple est donné par le site number one, « Le Repaire des Motards » qui surfe en permanence à la limite de zone rouge, mais celui-là est généraliste. Avec un René Gedeufoitrentans à ses côtés, ce serait l'assurance de drainer une « clientèle » boostée par l'aura de l'Ancien… Mais comment faire pour trouver l'argumentaire susceptible de faire mouche avec un pareil bonhomme… ?
Pépère lui, pendant ce temps, répond calmement aux
questions de la foule se pressant autour de lui, il commence a en avoir
l'habitude maintenant !
Un responsable du circuit, un peu excité, se ramène alors
en lui brandissant un chrono sous le nez,
« Pas possible !, regarde : 1'01 !!!!!!!!!!!!!!!!, et régulier
en plus… Dis-moi, René : tu te rends compte que le record
officieux est détenu par Arnaud Vincent en 99 secondes la semaine
dernière avec sa 250 FANTIC MOTOR qu'est officiellement pas
encore construite… Ha zut ! Je devais pas le dire, c'est un
truc top-secret…, hôla la !, j'vais m'faire virer
!!!!!!!! »
Le gars jette un regard inquiet autour de lui.
« Z'avez rien entendu, hein ????? En fait, je voulais dire
VINCENT Philippe sur la SUZ du team Méliand… » essaie
t'il de se rattraper. Trop tard, l'info a fait l'effet
d'une bombe et Dave a déjà sorti son carnet. Il est
pas seul dans ce cas car certaines personnes présentes s'éclipsent
très rapidement sans dire un mot…
Le gars René se marre franchement :
« Mon vieux Sam ! : t'en loupes pas une, toi… . Il est
vraiment descendu sous la minute ??? : mouais…, la KAWASUKI est
lourde dans les enchaînements et c'est vrai qu'j'perd
un temps fou à la contrebalancer ! . Avec celle-ci, j'peux
pas faire mieux : va falloir qu'je demande celle à SARRON
pour voir… » déclare tout naturellement Superpapy,
comme si exploser les temps des circuits lui était devenu une chose
machinale comme lever l'coude pour avaler le contenu de son verre,
par exemple…
C'est Ziva, quelque peu chiffonné, qui indirectement, détourne
la conversation.
« Et moi ? J'étais en combien ???????? », ose
t'il demander…
« C'est pas facile d'évaluer ça avec un
chrono, déclare Maurice, huuuum…, à vu d'nez…,
j'dirais dix kilos d'gravier au tour : t'es en forme
! »
René, à la réponse de son frère, se paye sa
première gamelle de la journée… sans bécane
! :
Il arrive plus à reprendre son souffle tellement il se marre, surtout
devant la mine toute dépitée du pauvre Ziva qui constate
que non seulement le carénage de la CACAZUKI est bon pour la poubelle,
mais son cuir aussi…
« Tiens ! j'va être sympa avec toi, poursuit Maurice,
tu vas aller voir ROSSO d'ma part et y va t'faire un prix
sur ma VIRAGRO qui s'ra parfaite pour toi, elle est en super état
et t'en s'ras content… Par contre, c'est un peu
lourd à manier dans la terre ! »
Ziva sait pas s'il doit rire ou pleurer mais semble se résigner
à suivre le « conseil » du Vénérable,
se disant qu'après tout il n'était peut-être
pas « vraiment » fait pour la moto sportive et, qu'en
plus, son compte en banque commence à se vider plus vite que lui
quand il rentre en courbe !!!
Retrouvant un brin de sérieux, Dave attire René un peu
à l'écart.
« Je te remercie pour le cours de pilotage, même si, un truc
comme ça va être difficile à démontrer par
le net ; peu importe, mais va falloir que je me débrouille pour
retrouver la crédibilité autrement… T'avais
raison : je garde ma SUCEKIKI car j'en ai pas encore fait le tour,
même après cinq ans à son guidon !
Par contre, je voulais te demander : ça te dirait de t'intégrer
à l'équipe du site ? Une personne comme toi DOIT absolument
faire partager son expérience… De plus, ton profil correspond
parfaitement avec l'esprit qui y règne. A nous deux, on peut
faire mieux que l'autre site et le détrôner au hit-parade
du net, et même faire de l'ombre à la presse hebdomadaire…
»
René fait la moue en réfléchissant longuement :
il prend son temps en semblant chercher ses mots :
« Moooais ! dit-il, l'air peu emballé, un site sur
les « Respectables »… - note que j'ai rien contre
et qu'c'est super c'que tu fais ! – mais c'est
p'têt pas terrible pour mon image… En plus, j'y
connais rien avec les z'ordinateurs… Et les gonzesses ? T'y
as pensé aux gonzesses ??? Doit y avoir que des vieilles sur ton
truc et j'ai pas envie d'être emmerdé par tout
un tas de desséchées du bas ventre alors que j'donne
dans la pouliche tout juste sortie d'rodage ! »
Dave semble embarrassé :
« Je comprend ton point de vue et je peux pas t'obliger, mais
mon but, en montant ce site, était de montrer que les djeun's
ont encore beaucoup à apprendre de gens comme nous. J'avoue
que le but est loin d'être atteint… Toi ? Y'a
pas un gamin qu'est capable de t'accrocher ! J'te propose
de faire les essais en allant chercher les motos chez les importateurs,
Maurice peut écrire les papiers, et moi je les met en ligne. Et
on donne pas tes coordonnées, t'es d'accord ??? De
plus, sur l'autre site, y'a ton copain Grigou qu'écrit
une chronique chaque mois, ce serait marrant que tu tires la bourre avec
lui sur le net…
Je ne peux pas te payer, mais tu me rendrais un sacré service en
acceptant !!! »
Maurice, qui s'est rapproché, s'en mêle :
« Dis oui, René : ça te prendra pas beaucoup de temps,
et j'me charge des écritures… »
Superpapy ne répond pas…: pas trop l'air emballé, l'Ancien !
Ziva n'est pas trop loin non plus : il a entendu une bonne partie
de la conversation et ne tient pas à rester à la traîne
(dans ce domaine là au moins…)
« Moi, je veux bien participer : j'ai une licence en informatique
et je peux être utile ??? »
C'est encore une fois Maurice qui répond :
« Ziva, mon garçon, j'ai bien peur que Dave n'ait
pas les moyens d'investir en unités centrales : t'imagines,
quand t'arrives au bout de la ligne, si t'oublies de freiner
en mettant un point ?????????? »
« Note qu'il peut être utile pour tester la solidité
de pièces détachées et accessoires, rétorque
Dave, je veux bien prendre le risque ! »
René, toujours pensif et dont le regard va ostensiblement de l'un
à l'autre, se décide enfin à parler :
« Bon, puisque tout l'monde semble insister comme ça,
j'va encore céder à mon bon cœur et c'est
OK ! . Mais j'veux pas voir de p'tites vieilles se radiner
à la maison…, c'est bien pigé ??? »
« VEEEEEEEENDU !, s'exclame Dave, au comble de la satisfaction,
tiens, pour fêter l'événement, je vous emmène
chez moi et on va vider quelques bouteilles…
Ziva ! , part devant , on t'rattrapera sur la route ou… on
t'aidera à sortir de la terre, comme d'habitude…
René, s'il te plait, roule pas trop vite qu'on arrive
à suivre…
Au cas ou, j'ai des piaules de libre à la maison car des
boutanches, y'en a quelques-unes à vider !!! »
Ben mon vieux !!! Je peux te dire que ce soir, les voisins au Dave ont pas roupillé des masses…
Le Jmor s'est révélé, outre le fait
non négligeable d'être pas regardant à la dépense,
un fin descendeur de bouteille, à la grande satisfaction de ce
maître en la matière (ben ouais, dans ce domaine là
aussi…) qu'est le Gatouillable.
Note que le Maurice est pas à la traîne non plus. Tu le verrais
à l'accélération dans e 'bout droit du
Clan Campbell…, et au taquet dans le grand gauche du 51…,
y talonne son frangin sans sortir de la traj' !
Par contre, un qui va moins bien, c'est l'Ziva ; l'a même pas fait un tour de circuit le gamin…, et au bout de trois verres, il a encore raté le freinage et s'est étalé sur la table du salon en renversant au passage une boutanche de bourbon (heureusement en fin de course…) sur le tapis en poil de zébu (zépussoif…) ramené d'un lointain voyage en Orient, et payé au prix fort, par Dave !
Ce dernier, à la vue de son précieux bien transformé en serpillière, est monté en régime contre le Maladroit mais, constatant la tronche dépitée du môme, laquelle semble maintenant issue des amours malheureux d'une carpe et d'un macaque, il ne peut contenir un sourire qui se transforme vite, alcool aidant, en fou rire communicatif avec les frangins…
« C'est pas d'ma faute, gémit le djeun's en bégayant, j'allais prendre les freins quand j'ai vu la bouteille traverser la piste, j'ai pas pu éviter la collision… »
« Mouais…, vraiment pas d'santé les gosses d'aujourd'hui ! décrète Maurice en faisant une moue dubitative, Dave ?, on l'met au lit et on attaque les choses sérieuses ? J'ai comme une p'tite soif, moi…, pas toi, René ? »
Superpapy répond par l'affirmative, la bouche pleine de morceaux de cacahouettes qu'il tente d'éradiquer en se gargarisant à grands coups de whisky…
« Tu vois, dit-il à Dave dès qu'il est en mesure
d'articuler, avec la moto, le meilleur ami de l'homme, c'est
l'breuvage d'Ecosse, savent vivre ces gens-là !….
Crébonsang !, c'pays y s'trouve pas loin d'l'île
de Man, si j'me trompe pas trop ????????
Ben moi, c'est décidé : l'an prochain j'va
aller tous les torcher au T.T. !!!!!!!!!, et après on fête
ça dans un rade du coin… »
« T'es sérieux René, ou tu commences à être chaud ??? demande Maurice, inquiet des frasques devenant coutumières du frêrot, pasque s'tirer la bourre sur un circuit, passe encore, mais c'te course là, c'est un truc de barges, même les pilotes de GP y viennent plus arsouiller tellement faut êt'dedans pour pas risquer d'finir entre quatre planches… »
« Ouais, rétorque le Respectable en se marrant, mais faut
r'connait' que les pilotes d'aujourd'hui y savent
tourner la poignée que quand y z'ont une piste dégagée
avec des bacs à sable (en entendant le mot « sable »,
l'Ziva lève un œil… et retombe vite fait dans
sa léthargie en se mettant à ronfler comme une vieille anglaise),
y faut pas d'pluie, y faut une moto avec des réglages adaptés
à la couleur du slip, et si jamais y'en a un qui s'met
vraiment à visser, les aut' y disent tout d'suite que
c'est la faute au team qu'est pas capable de leur filer un
brêlon à la hauteur de leur soi-disant talent…
J'va t'donner un exemple avec l'jeunot qu'à
l'numéro 46 : parait qu'on lui a r'filé
une bécane qu'avançait pas du tout y'a un an…
Ben…, à ton avis ? C'est la brèle ou les gars
qu'étaient d'sus qui z'étaient à
l'arrêt ???
D'ailleurs, si tu r'gardes bien, l'aut' Espingouin
qui lui servait de coéquipier, et qu'était chez eux
depuis plus longtemps qu'le jeune Italien dont j'crois m'souv'nir
que j'connaissais son père – un marrant à l'époque
! -, il a fait quoaaa l'torréador ????
Et l'aut' naze qu'a récupéré la
moto du champion d'l'an dernier, tu sais ? çui qu'à
une tête d'abruti avec ses gros sourcils, y'a pas trouvé
la marche avant…
T'as aussi l'numéro 15… Alors là, c't'animal
là il est fortiche car pour éviter de se battre avec l'adversaire,
y paraît qu'y s'bat contre lui-même…
T'as qu'l'aut' Rital, Max je crois, qu'essaye
d'faire front, et pis aussi le p'tit avec l' numéro
65 : mais comme y roule sur une italienne, l'est pas arrivé
non plus…
J'te le dis comme j'le pense, tous des lopettes les jeunes…,
alors moi, j'va leur montrer et faire un truc dans une course comme
on en avait dans l'temps, à l'époque ou les
pilotes y z'en avaient une paire comme ça et tournaient la
poignée sans s'poser d'questions »
Commence à être chaud de chez chaud, Pépère…
Dave observe sans rien dire mais semble vivement intéressé par les propos du Gatouillable, il réfléchit un long moment puis s'adresse à René :
« Tu veux VRAIMENT courir le T.T. de l'île de Man ??? », dit-il avec une lueur particulière dans le regard…
« Mais non, mais non, y rigole, tente d'intervenir Maurice, tu vois pas qu'il est déjà plein comme une huître. »
«YES !!!, crie René, et j'va gagner la course uniquement pour prouver que quand on veut réellement êt' devant, ben, on la ramène pas et on visse !!! »
«Ma foi ! rétorque Dave, vu ce que tu es capable de faire un guidon en main, je ne suis pas trop étonné par tes propos et, si tu veux, je te propose de mettre le projet sur pied. Avec la renommée du site, ça ne va pas être bien difficile de dégoter des partenaires pour courir l'épreuve dans des conditions décentes ! »
Dans l'état d'euphorie installée au sein du groupe, seul Maurice semble garder un peu de lucidité. Il connaît la renommée du T.T., et même René, avec tout son talent, risque de jouer à la roulette russe en participant à cette course ou travaille sans filet…
Seulement, il est comme ça l'Ancêtre : à l'opposé du prudent Maurice, celui-ci ne vit que par le fait de défis lui donnant l'impression d'avoir trouvé la fontaine de jouvence et visiblement… ça marche !
« René ? Tu veux qu'je te dise ? lance le frangin, t'es complètement bourré et tu t'rends plus bien compte des conneries qu'tu débites ! »
« Des quooooi ?, pourquoi tu parles de b… ?, plaisante le Respectable en articulant de plus en plus difficilement, moi j'te cause d'leur montrer à tous qu'un Gedeufoistrentans y s'laisse pas impressionner par une bande de boutonneux qui sont pas capab' de garder les deux roues en ligne en tournant l'truc comme ça… ! »
Ce faisant, il mime une rotation du poignée et… VLAN !!! Son sens de l'équilibre ayant maintenant un sacré problème au niveau de la synchro d'carbu, Superpapy s'étale de tout son long et s'en va rejoindre Ziva en ajoutant un cylindre supplémentaire à l'anglaise !!!
« Dave, c'est pas raisonnable c'que t'as fait-là, dit Maurice en s'adressant à leur hôte, tu sais bien qu'une course comme le T.T., ça s'gagne jamais du premier coup…, et René, si on l'pousse comme tu viens d'le faire, y va attaquer bille en tête et on risque d'aller l'ramasser à la p'tite cuillère !!! »
« T'inquiète pas Maurice, je fais confiance à
ton frangin, il arsouille comme un jeune avec l'expérience
d'un Respectable…
A mon avis, il n'a pas fini de nous étonner…
Allez ! T'en fais pas et viens boire un coup, y fait soif ici…
»
Je vais faire appel à tes souvenirs, dans les années 50, y'avait un mono culbuté de 500 cc chez BSA, lequel était mis à toutes les sauces, faisant le bonheur des pistards, crossmen, trialistes et autres routards.
Ce moulin a façonné tout un pan de l'histoire motocycliste anglaise et la fascination qu'il a suscitée à son époque fut à l'origine de la passion de nombreux motards qui ne juraient ensuite que par cette mécanique…
Fallait d'abord savoir kicker selon un mode bien particulier : une manette au guidon permettait de faire varier le point d'avance à l'allumage, pas de gaz (surtout pas…), on passait la compression (énorme et peu de démultiplication au kick) et ensuite, un bon coup de jarret pour mettre en marche cette cathédrale (la taille du cylindre et de sa culasse… !)
Un son grave, très grave, comme venu d'outre-tombe, sortait alors du mégaphone, lequel crachait ses décibels en déferlante, il était presque obligatoire, quand on était face à une version racing de se boucher les oreilles…
Et les vibrations… Un vrai tremblement de terre qui faisait bouger la bécane sur sa latérale et se barrer la vis la mieux serrée !
Le rapport avec le Gatouillable et ses comparses…? Ben imagine
que tu as ce moulin dans la boîte crânienne et que tu joues
de la poignée de gaz, c'est exactement avec cette douloureuse
impression qu'il ont tenté tous les quatre d'émerger
ce matin là après la soirée précédente
!
C'est Maurice qui, le premier, semble retrouver un semblant de fonction
opérationnelle, l'œil est glauque, la bouche pâteuse
et le mollet flagellant.
Son premier réflexe est de jeter un regard vers son frangin, lequel, assis en travers du plumard, ressemble à une vache dans un pré… avec la même expression au visage…
« René ?… », dit-il doucement en direction du bovidé improvisé.
« Moooooais !, répond Pépère, assez mollement…
« Rassure-moi, t'as changé d'avis ???????, tu vas pas participer au T.T. ??????????… »
« Qu'est-ce que tu radotes ? parvient à articuler le Respectable. Toi, t'as pas encore cuvé, j't'ai d'jà causé qu'était pas question que j'fasse d'la cours, t'en as d'ces idées !!! »
« Pourtant, hier au soir… »
L'Ancien regarde son frère avec l'air de ne pas comprendre, se demandant avec une certaine inquiétude si Maurice a pas fait un pas supplémentaire dans la pyramide ascensionnelle de la « Respectabilité »… Visiblement René ne se souvient pas de ses frasques de la veille !
Arrive alors Dave, pas vraiment opérationnel lui non plus, lequel s'empresse de venir saluer son idole.
« Ben mon vieux, constate t'il, pour un futur gagnant du T.T., t'as une drôle de mine… »
L'René, au réveil (surtout en sortant d'un tel état…), faut pas l'bassiner d'trop près.
« Z'avez bientôt fini d'm'emmerder avec vos histoires de Tourist Trophy ! vous avez fumé ou quoi ? »
« Pourtant, rétorque Dave, hier au soir, t'étais partant…, et même que tu nous a expliqué que les jeunes d'aujourd'hui c'était des lopettes de pas oser s lancer là-dedans… »
René réalise alors qu'emporté par l'euphorie de la soirée, il avait certainement trop parlé.
« Ouais…bon, j'étais bourré, tout simplement
!
T'imagines quand même pas qu'je vais, à mon âge,
m'engager à c'truc de dingue et y laisser ma peau.
J'tiens pas trop à décevoir les frangines en attente
sur mon calepin… »
« Si, René : j'y crois !… Et même que
vu ta façon d'essorer la poignée, je suis certain
qu'y en a qui ont du mouron à se faire !
J'peux mettre sur pied toute l'organisation et obtenir le
meilleur matériel possible pour que ça se réalise
le mieux possible… »
« T'es pas un peu timbré, toi par hasard ??? si ça t'tente vraiment, j'veux bien t'former pour qu't'essayes d'faire illusion si l'idée te tente d'aller manger la terre des Rosbifs, mais l'gars mézigue, l'a aut'chose à faire qu'à visiter les hostos du coin… »
Dave semble déçu :
« Je ne suis pas un pilote, alors non merci ! Par contre toi…, mais bon, n'en parlons plus ! pour l'instant… »
Maurice pousse un grand OUUUUUF de soulagement tandis qu'au rez-de-chaussée se fait entendre un SPLAAAAAAAAAMMMMMM !!! retentissant.
« C'est quoi ça ????? », s'exclame les frangins en sursautant…
Dave prend un air faussement détaché « ça !, ça doit être l'Ziva qui se réveille… »
Effectivement, c'est le gamin qui tente d‘émerger.
L'animal dormait tellement bien que les autres l'ont laissé
roupiller dans le canapé. Faut dire aussi que porter quelqu'un,
quand t'as plus les idées claires, c'est pas évident
!
Le môme a bien tenté de brancher son radar en se levant mais
ce dernier, pas encore totalement initialisé, n'a pas détecté
le tapis au sol fonçant droit sur lui. La table de salon, sans
doute copine avec ce traître de tapis, s'est aussitôt
précipitée pour faire barrage, le combat a été
inégal et la table déclarée vainqueur par KO…
Les autres se sont précipités pour constater que Ziva risque d'avoir quelques difficultés à enfiler son casque aujourd'hui, rapport à l'énorme bosse au front consécutive à la collision !
La table, simplement renversée, semble se marrer devant la tronche ahurie du gosse, lequel visiblement n'a rien compris au film…
« T'as encore raté un freinage, môme ? demande Maurice, va t'falloir un A.B.S. si ça continue comme ça… »
Le môme en question est de mauvaise humeur. « Vous foutez pas d'moi les fossiles, feriez mieux d'vous r'garder dans une glace, si on vous dépose dans c't'état là au bord d'un champ, pas d'danger qu'les oiseaux rappliquent…, mais avec des tronches pareilles, vous servirez pas à grand chose car c'est les graines qui vont foutre l'camp !!! »
Une douche froide et quelques bols de café serré plus tard, les voilà, sinon opérationnels, du moins à peu près présentables…
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