Roman : René (épisode 22)
Episode 22 : René s'explique…
Pendant que Christian s'éloigne avec une partie de son staff en direction du semi remorque, un mécano ré enfile les couvertures chauffantes sur la R1 et passe la machine en vérification.
René, lui, se détend, entouré d'une cohorte constituée des stagiaires et du Team, venue prendre la température de « l'extra terrestre »...
Le premier à l'interroger est Grigou, carnet et stylo à
la main :
« Franchement René, est ce que tu te rends bien compte de
ce que tu viens de faire sur la piste ??? », demande t'il, encore
abasourdi.
« Ben..., j'ai tourné la poignée d'gaz, y'm'semble...»
répond le Respectable.
« C'est tout l'effet que ça te fait ??? », s'étonne
franchement Grigou.
« Bon !, j'vas confier mon secret. Tu sais, à notre époque
fallait composer avec des brèles qui freinaient pas, dont l'cadre
arrêtait pas de s'tordre en courbe, sans compter qu'les mécaniques
n'avaient pas la fiabilité du matos d'aujourd'hui.
Tout ça faisait qu'on était sans arrêt su'l fil du
rasoir, comme on dit, et j'pense qu'on a développé un sens
de l'improvisation qu'les jeunes y z'ont pas.
Pendant des années j'suis resté en sommeil en roulant peinardos,
à ma main quoi !
Pis, j'ai pris conscience que j'm'encroûtais un poil (ce faisant,
il lance un petit regard vers Valentini...), alors j'ai décidé
d'me r'mettre au goût du jour avec une moto au top.
Faut avouer qu'les trucs d'maintenant, ça marche très fort,
mais si on prend l'temps d'les comprendre, on a pas à s'battre
avec pour aller vite : pas comme de not'temps...
Alors, c'est pas difficile, quand on est pas trop mauvais, d'êt'capable
de tourner la poignée dans l'bon sens, même si ça
fait pas loin d'200 ch'vaux.
Pis, j'me suis rappelé d'une p'tite phrase confiée un jour
par le regretté Patrick PONS : le secret pour aller vite c'est
« savoir rouler vite lentement »...
J't'explique en deux mots : à force d'te botter l'arrière
train à passer mille fois la même courbe de la même
façon, au bout d'un moment, t'as l'impression que la scène
se déroule au ralenti alors qu't'es plein gaz.
C'est ça qu'il voulait dire : t'as tellement l'habitude d'c'que
tu fais, qu't'arrives à décomposer chaque phase pour repousser
les limites d'c'que t'avais fais précédemment. La marge
de progression est présente dans c'cas là.
Quand tout s'accélère, c'est qu'tu vas trop vite par rapport
à ta capacité.
C'est ça qu'je mets en pratique et ça semble réussir, non ?... »
Grigou noircit fébrilement son carnet tandis que les stagiaires
restent suspendus aux paroles de René, devant reconnaître
le caractère exceptionnel du Vénérable.
Valentini ne le quitte pas des yeux, admiratif et inquiet à la
fois.
ROSSO père, d'abord perplexe, se frotte maintenant les mains en
pensant qu'il est LE concessionnaire du phénomène et que
l'idée du Vénérable Racing Team risque d'être
sacrément bénéfique pour le bouclard...
Maurice, lui, sifflote tranquillement en nettoyant la visière du
casque du frangin...
René se dirige alors vers le mécano :
« Dis moi mon p'tit gars ?, tu pourrais pas r'tendre l'arrière
un poil ? : quand j'mets les gaz, ça pompe et j'suis perturbé.
C'est des manies d'vieux d'se focaliser sur des détails comme ça,
mais que veux tu ?, on s'refait pas...
Pendant qu't'y es, si tu peux m'rebaisser les guidons un poil ? J'sens
qu'mes épaules vont mieux maintenant et ça va m'aider quand
j'serai vraiment chaud pour tourner l'truc à fond... »
« Ha bon ? Là, t'étais pas chaud ??? », plaisante le mécano.
« Ben non, j'la connais pas c'te bécane ! », répond René très sérieusement...
Cette dernière phrase du Fossile semble avoir électrifié la foule, team compris, car René l'a prononcé d'une voix ferme, presque intimidante...
Au bout du stand, là ou se trouve le camion atelier, on entend
soudain le feulement rauque d'un moteur qu'on fait chauffer à coups
de gaz.
Puis, quelques minutes plus tard, Christian SARRON prend la piste, seul...
Le maître semble parti pour régler sa moto, mais l'écran éteint, ne permet plus de suivre la progression sur le circuit.
Un certain temps après, il réapparaît au raccordement
et regagne le stand, sans s'arrêter devant les stagiaires, pour
stopper à hauteur de ses mécanos: deux, trois ordres, et
ces derniers se penchent sur la machine, tournevis à la main.
Christian repart très vite pour un nouveau tour, puis un deuxième
avant de rentrer de nouveau.
Cette fois il stoppe à hauteur du groupe et lève la main
: aussitôt les mécanos accourent et béquillent la
machine, en tout point identique à la première (à
part l'absence de feu arrière et rétro), près des
deux autres.
Elle aussi a droit aux couvertures chauffantes.
Christian enlève lentement ses gants, puis son casque.
Ceci fait, il se dirige vers le groupe, un large sourire aux lèvres
:
« Alors René ? fin prêt ?... »
« Ouais, ça baigne », rétorque l'ancien
Se tournant vers Valentini :
« Toi Vale, n'oublie pas : quand tu as quelqu'un derrière
toi, tu restes calme en ne songeant qu'à fermer les portes, rien
qu'à ça !
Pour le reste, tu roules propre et concentré, comme tout à
l'heure... »
Puis vers René :
« Quand à toi, je pense n'avoir rien à dire, si ce
n'est qu'un mot : GAZ !
Messieurs, équipez vous, je passe devant, on fait un tour de chauffe et en repassant devant les stands... on ouvre en grand sur dix tours !!! »
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