ITW à la gomme : Bruno Pérard essayeur chez Michelin
Pilote essayeur trois étoiles chez Michelin depuis 20 ans
Derrière un pneu il n'y a pas que de la gomme et des ordinateurs, il y a surtout des hommes. Pour en savoir un peu plus, nous avons interpellé et cuisiné Bruno Pérard, essayeur trois étoiles chez Michelin depuis 20 ans, pour le faire parler ....
Le Repaire : Gendarmerie nationale, veuillez couper votre moteur et décliner votre identité !
BP : Bruno Pérard, 48 ans, sorti de l'école Michelin, embauché à l'usine en 1982 . D'abord conducteur de « boudineuse » à la fabrication des mélanges de gommes, puis réchauffeur. Essayeur moto depuis le 1er juin 1992. Signe particulier : « Tombé dedans quand il était petit ».
LR : Pas de quoi fanfaronner, quand je vous dis de ne pas faire le mariole ! Et sinon d'autres expériences intéressantes?
BP : oui aller rouler sur un circuit privé, camouflé dans une forêt, totalement invisible de l'extérieur, pour essayer la R1, bien avant qu'elle ne soit commercialisée. Parfois on travaille très tôt sur des prototypes. Des fois 2 ans avant qu'ils ne sortent. Là vous devriez bientôt en découvrir une nouvelle que j'ai déjà essayée et qui arrive en 2013....
LR : Sergent CHEF ! Vous aviez des prédispositions pour passer à la moto ?
BP : Je me déplaçais essentiellement en moto ( 125 KE, 600 GPZR, 1000 GTR, 750 XTZ, etc). 150.000 km en 10 ans, mais je ne faisais pas de circuit. A l'époque 80% des essais se déroulaient sur route, dans le respect de la loi, du moins autant que faire ce peut, avec vot' respect monsieur le Commissaire.
LR. N'en faites pas trop, ou je vous verbalise rétroactivement. Quelle était la méthodologie d'essai ?
BP : Sur route on avait nos parcours repères, avec des nids de poules, des bosses, des raccords qu'on passait toujours de façon identique pour voir comment le pneu nous remontait l'information. Mais à partir de 2000/2001, c'est devenu plus compliqué avec vos collègues, ils étaient moins compréhensifs, alors on est allé sur circuit. Y'a prescription maintenant de toutes façons.
LR : Et ça changeait quoi ?
BP : Ben c'était fini les prunes, enfin je veux dire, pour l'essai à proprement parler, par contre, il n'y avait plus de nids de poules, alors on adopté un mode opératoire plus précis, adapté au circuit. Il fallait « exciter la moto » par une action au guidon pour voir comment elle réagissait. Le but était d'être reproductible.
LR : Vous avez des enregistrements avec de l'acquisition de données, pour que je vois à quelle vitesse vous rouliez ?
BP : L'acquisition c'est venu plus tard, inspecteur, j'ai eu la chance de pratiquer les 2 méthodes. Aujourd'hui, on a des capteurs d'angle et d'effort au guidon par exemple. Mais rien qu'en sortant du box, on a déjà des sensations. On est là pour retranscrire les informations aux développeurs. Il faut être fiable et retrouver toujours les même résultats lors des tests en aveugle.
LR : Vous roulez les yeux bandés ??? Si c'est ça, vous êtes bon mon gaillard, je vous coffre immédiatement !
BP : non, on nous masque juste les pneus, on ne voit pas sur quoi on roule. Mais on garde les yeux et l'esprit ouvert. (plus bas). Vous ne pouvez pas comprendre.
LR : Vous avez bien dû vous prendre quelques bonnes pelles en 20 ans de carrière ?
BP : Oui, une en Septembre 89, je venais juste d'être embauché. J'ai pulvérisé une 900 CBR sur le Nürbürgring, là où Nicky Lauda a eu son accident. Ça a été ma première et dernière grosse gamelle... jusqu'en 2010.
LR : Décrivez moi les circonstances de l'accident.
BP : Ben en 2010, j'ai perdu l'arrière, vite, très vite même. Je me suis cassé le poignet. Mais ça arrive aussi à des journalistes parfois... pas vrai Bader ?
LR : Pas de quoi fanfaronner, quand je vous dis de ne pas faire le mariole ! Et sinon d'autres expériences intéressantes?
BP : oui aller rouler au Japon sur le circuit privé de Yamaha, camouflé dans une forêt, totalement invisible de l'extérieur, pour essayer la R1, bien avant qu'elle ne soit commercialisée. Parfois on travaille très tôt sur des prototypes. Des fois 2 ans avant qu'ils ne sortent. Là vous devriez bientôt en découvrir une nouvelle que j'ai déjà essayée et qui arrive en 2013....
LR : Vous me dites tout de suite ce que c'est ou je vous menotte au radiateur et je sors le projo pour continuer interrogatoire ?
BP : Pas question, même sous la torture. Mais franchement, être le premier européen à rouler sur la Yamaha R1 ça impressionne.
LR. Bon je ne vais tout de même pas vous casser l'autre poignet. Dites moi si vous avez fait des connaissances dans le « milieu » ?
BP : Oui j'ai roulé à Dubaï avec Doohan et Gibernau, à Las Vegas avec Spencer, Biaggi Edwards, Schwantz et Hayden. A Sepang...
LR : Et l'hiver, vous roulez, ou vous vous la coulez douce ?
BP : On roule, mais c'est très physique. En dessous d'une certaine température on ne ressent plus rien, « la machine » a ses limites, alors on va vers des pays plus chauds...
LR : Et sinon vous avez observé de grosses différences dans les façons de travailler ?
BP : Oui, chez certains constructeurs, par exemple, en virage, la moto doit se redresser dès qu'on lâche le guidon, plutôt que de rester sur sa trajectoire. Il faut toujours maintenir l'effort, sinon elle file tout droit. C'est vraiment particulier, car pour la majorité, quand on est sur l'angle sans tenir le guidon, la moto continue de tourner.
LR : Les américains ne font jamais comme tout le monde. Rien d'autre à déclarer ?
BP : Brigadier, si vous pouviez me lâcher un peu, maintenant ça serait pas mal, parce que j'ai un métier moi !
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