Essai Yamaha SCR 950
V2, 942 cm3, 54 ch, 81 Nm, 252 kilos, 9999 €
Un scrambler réalisé sur la base des customs XV 950
Libérez vos chaînes ! Oui, refusez le conformisme, devenez enfin vous-même, n'empruntez plus les mêmes routes goudronnées que tous les autres moutons et suivez le chemin, même peu balisé, qui révèlera le vrai vous qui êtes en vous. Si cette introduction vous interpelle, gouguelisez la vidéo officielle de présentation de la Yamaha SCR 950 et vous verrez ce que devient ce cadre cravaté et arrogant après un ride en SCR 950, ça devrait vous interpeller.
D'ailleurs, la vie est faite de cycles, les modes aussi et bientôt on reviendra aux pantalons pattes d'eph', aux sous-pulls en acrylique et aux coupes de cheveux mulette. Ca, d'ailleurs, c'est flippant, mais il faut accepter le destin. Car le scrambler, finalement, ça n'a rien de nouveau, si on y pense, c'est avec un scrambler que Steeve McQueen s'évada dans la Grande Evasion, voyez la portée du message : avec le scrambler, on a le mec cool et l'icône sexy, Steevie, qui refuse l'aliénation, tandis que sans scrambler, le beau Steevie se serait transformé en Papa Schultz qui veillait sur son stalag, avec un peu de bonhomie, mais sans grande ambition. Certes, l'extrapolation est osée, mais les mythes ont souvent une portée qui nous dépasse : le Scrambler, c'est la liberté, point.
Néanmoins, le scrambler est, selon Yamaha, la nouvelle tendance dans l'univers de la personnalisation et c'est une bonne nouvelle, mais ça remonte quand même à longtemps. La firme japonaise qui s'est constituée une pleine gamme de machines "sport héritage" ne pouvait donc pas passer à côté de cette nouvelle mode, même si la conception du Scrambler a été faite en puisant généreusement dans une banque d'organes : celles des XV 950 R et XV 950 Racer. D'où ce SCR 950, qui arrive à point nommé puisque les machines "néo-rétro" représentent plus de 10 % ds 611.000 motos vendues en Europe et que cette tendance est à la hausse.
Découverte
On l'a dit, les XV 950 ont largement fait office de donneuses d'organes : d'où un sentiment de familiarité à l'examen de cette SCR 950, notamment dans la partie moteur et cadre. Autour, c'est effectivement différent avec des proportions plus typées, même si les courbures du cadre à l'avant et à la base du moteur, semblent toujours un peu curieuses.
La SCR 950 est disponible en noir, mais aussi en rouge et blanc, une livrée qui, avis subjectif, lui va mieux au teint, en rappelant gentiment les codes esthétiques de la XT 500, par exemple, moto iconique de chez Yamaha et emblème d'une époque où la liberté de rouler était érigée en art de vivre. Dans notre monde ô combien aseptisé d'aujourd'hui, la SCR 950 aurait tort de se priver de ce genre de références.
Par rapport à la base donneuse, la SCR n'a pas raté son coup : les volumes ont changé dans des proportions considérables et cette machine haute sur pattes et haute tout court dégage un certain appel pour l'aventure. C'est le but recherché.
En parlant de recherche, outre le premier sentiment, plutôt positif, on regarde ensuite dans les détails et l'on constate que cette SCR 950 n'a pas totalement fait preuve de zèle en matière de finition, notamment dans l'intégration du faisceau électrique ou dans le tableau de bord, sexy comme un jeu électronique en plastique du début des années 90, même si l'essentiel y est presque, avec notamment deux trips, un témoin d'essence et une horloge. Mais point de compte-tours : en même temps et on en reparlera plus tard, les caractéristiques de ce moteur font qu'il se conduit plutôt sur le couple et à l'oreille.
En selle
830 mm : évidemment, cela exclut les plus courts sur pattes, mais c'est le propre de toutes les machines ayant un rien de vocation "tout terrain". Pourquoi des guillemets ? On y reviendra plus tard. En attendant, la selle est assez plate et bien creusée au niveau de l'entrejambe, aussi la SCR 950 se veut assez démocratique. Comme le réservoir est assez étroit, la mise en jambes reste plutôt intuitive ; malgré tout, on note que le moteur issu des customs conserve des particularismes : filtre à air proéminent à droite, cylindre arrière un rien excentré à gauche. Faire corps avec la machine n'a rien d'évident.
Autre atavisme des customs : trouver la clé de contact relève du test de QI. Certains confrères (un rien de charité m'empêche de les citer) auraient été recalés. La clé se trouve à l'avant de la colonne de direction, côté droit : vous avez raison, cela n'a rien d'ergonomique ni d'intuitif.
Une fois à bord, on ne peut pas dire qu'on est submergé de décisions à prendre : les leviers ne sont pas réglables et on ne dispose d'aucun de ces gadgets modernes, genre niveau d'antipatinage ou de cartographies moteur. Ici, rien d'autre que le tableau de bord habituel de la série XV950, consistant en une fenêtre digitale carrée dans un gros ensemble en plastique rond. On a l'essentiel et on arrive à se passer d'un compte-tours. Malgré tout, le bouton "sélect" au commodo droit permet de faire défiler les infos : deux trips et une horloge. Contact : le V2 prend vie dans une sonorité pleine, sourde et pas saccadée.
En ville
Elle a quelques atours de frimeuse, cette SCR 950 et on peut imaginer qu'elle passera pas mal de temps en ville. Pourtant, elle y souffle le chaud et le froid. Bons points : des commandes douces et un moteur souple, capable de reprendre sur un filet de gaz à 50 km/h en quatrième et de repartir sur de grands boulevards sans hoqueter ni se traîner, avec une réponse à la poignée bien calibrée. Mauvais points : un guidon large (830 mm) et des rétros au niveau de ceux des voitures. On note aussi un mauvais rayon de braquage (faute à des butées sur les tés inférieurs de fourche, qui gagneraient à être limées tellement il y a de la place autour). On peste aussi contre des repose-pieds qui se situe juste à la verticale des jambes : pendant les manoeuvres, on bute donc contre ces ergots assez saillants. Enfin, aucun aspect pratique n'est au rendez-vous : pour l'antivol, pensez donc à vous le coller autour du cou.
Et, quand on y pense, c'est à la fois dommage et un peu inattendu, car voici typiquement le genre de machine, par son look et sa douceur d'utilisation, que l'on prendrait plaisir à utiliser intensivement en milieu urbain.
Sur autoroutes et grandes routes
Il n'y a pas beaucoup d'autoroutes dans l'extrême sud de la Sardaigne, lieu de cet essai. Ce que l'on peut dire, c'est que le V2 de 55 chevaux n'a évidemment rien d'un foudre de guerre, mais qu'il allonge convenablement la foulée et qu'il est à même de remplir la mission. Cependant, l'ergonomie typée, avec ce guidon haut et large, fait que dépasser 110 km/h engendre déjà plus de pression sur les épaules. Pour le go-fast, prévoyez donc plus logiquement une FJR 1300.
On n'a pas vraiment pu tester des grandes courbes à haute vitesse, mais on reste donc sur un sentiment mitigé de rigidité d'ensemble du châssis, lié à un essai précédent de la XV 950 Racer. On fera mieux la prochaine fois.
Sur départementales
On se répète : désolé, mais c'est tellement vrai. La départementale, voilà le lieu de prédilection de ces machines. Et là, le Scrambler dévoile une autre personnalité : malgré son poids élevé, sa géométrie et ses dimensions de pneus plutôt modestes lui confèrent une agilité exceptionnelle. En passant du pif au paf, jamais on a l'impression d'être sur un engin de plus de 250 kilos. Merci au grand guidon et surtout au V2 typé cruiser, dont le centre de gravité est tout en bas, au niveau du vilebrequin. De fait, sur petite route sinueuse, le SCR 950 est juste un régal à emmener, facile, évident, naturel : des plaisirs simples, mais intenses.
L'ensemble moteur / châssis n'incite pas à l'attaque, mais plutôt à un enroulage propre, bien qu'éventuellement rapide. De fait, l'agilité reste la qualité première et être critique sur le reste confine à l'erreur de casting. Vu la vocation, le freinage est correct et le moteur tracte bien à tous les régimes, en plus, dans un ronflement sourd vraiment sympathique sans jamais casser les oreilles. Tout bon, ça.
Bien évidemment, quand on le cherche, on le trouve ; la suspension arrière n'a rien de flamboyant (elle a le mérite de ne pas être caricaturale en n'envoyant pas de coup de raquette intempestifs), mais surtout, la garde au sol est assez limitée et en attaquant un tout petit peu, on se retrouve posé sur les repose-pieds voire sur leurs platines. Certes, la fraction contemplative de la clientèle n'ira peut-être pas voire jamais à cette extrémité, mais en jouant un (tout petit) peu, on y vient. Dommage.
Mais encore une fois, à un rythme balade, ce SCR 950, ce n'est que du bonheur. Le V2 se plie à plusieurs usages, permettant au second rapport d'allonger jusqu'à plus de 90 km/h entre deux virages, ou au contraire de passer la 5e à 65 km/h et de se laisser ensuite mener sur le couple.
En tout-terrain
Elle peut le faire : debout sur les repose-pieds, on trouve une position de conduite assez naturelle même si le bas moteur (filtre à air, cylindre arrière), viennent se rappeler aux jambes. Le V2 souple et progressif est un allié, mais on restera justement sur du chemin roulant et pas trop cabossé. Non pas que les Bridgestone Trail Wing déclarent forfait : sur notre essai, certes déroulé sur le sec, ils ont été à la hauteur, mais sur les bosses, la capacité limitée de l'amortissement, les amortos arrière qui débattent sur 110 mm, la courroie de transmission et les plus de 250 kilos viennent tous de concert se rappeler à vous.
Partie-cycle
Du classique : boucle avant de cadre issu des XV 950, avec une section arrière différente permettant de coller une nouvelle selle plate et un habillage différent, avec des plaques à numéros. Les amortisseurs arrière débattent sur 110 mm, ce qui est peu pour un "scrambler" puisque pour rappel la Ducati Scrambler Desert Sled débat sur 200 mm... A l'avant, la fourche de 41 mm de diamètre débat sur 135 mm.
Les pneus Bridgestone Trail Wing sont en 100/90 x 19 devant et en 140/80 x 17 derrière. Ils font bien le boulot, même si, avec la garde au sol limitée, on ne va pas chercher leur limite d'adhérence. Néanmoins, ils offrent un feeling plutôt correct et permettent de secouer cette machine sans arrière pensée.
Freins
Un seul disque à l'avant (298 mm, étrier 2 pistons) et même chose à l'arrière. Rien de transcendant dans l'absolu, mais mené en accord avec sa philosophie, on ne peut pas dire que le freinage de la SCR 950 constitue son point faible. L'avant est moyen, l'arrière est correct, l'ABS est assez sensible, ce qui était attendu.
Confort et duo
Sujet délicat, au vu du kilométrage et des conditions de route. Dire qu'elle est confortable : non. Dire qu'elle est inconfortable : non plus. La selle semble correctement rembourrée, mais il manque le verdict du long cours pour avoir une opinion définitive sur la question. Les amortisseurs arrière sont mauvais, oui, mais la selle semble pouvoir compenser un peu. Pour le duo : je suis monté brièvement derrière un collègue à la corpulence généreuse et je me suis retrouvé avec le feu arrière incrusté dans la raie et les jambes assez pliées. Mais une passagère jockey et amoureuse aura un tout autre feeling. Louons ici la diversité de l'humanité !
Consommation & autonomie
Pas de tests de consommation ici, mais Yamaha revendique 5 l/100. Avec 13,2 l dans le réservoir, cela fait déjà 250 km d'autonomie, ce qui est correct. Lors de l'essai de la XV 950 Racer, à la mécanique identique, j'avais constaté en réel moins de 5 l/100. Yamaha tient donc parole...
Conclusion
Ne jamais se fier aux chiffres. Car avant l'essai, je me disais : 55 chevaux + 250 kilos = bof. Super bof, même (à l'identique, donc, mais avec une cape). Et pourtant : magie de la moto, le métal peut se transformer en émotion. Essayez avec votre machine à laver : c'est impossible.
Non pas que ce soit non plus le grand kif au guidon de SCR 950. Mais on peut néanmoins dire que le résultat dépasse la somme des parties. Certes, elle est limitée en TT car son poids et ses suspensions basiques se rappellent à vous en utilisation TT un rien sérieuse. Certes, la garde au sol limitée sur route est un peu frustrante.
Mais, en balade en 5e sur une petite départementale, entre 80 et 110 km/h, il se passe quelque chose sur cette machine. Un subtil sentiment de bien-être, que l'on a tendance à nier au début, mais qui, petit à petit, entre en vous. On vit un truc, entre le moteur toujours présent, la boîte précise, la sonorité pleine, l'ergonomie typée, mais polyvalente, entre cette agilité démoniaque et ce petit look sympa. Cette moto s'imprègne en vous et à condition d'avoir le bon état d'esprit, on se rend compte qu'en fait, elle est cool...
Et dans notre monde de plus en plus sécuritaire et contrôlé, cette conception apaisée et relaxante de la moto a quelque chose de simple et d'essentiel. Et donc, de charmant et d'attachant...
Points forts
- Look sympa
- Agréable en balade
- Moteur souple, rond et qui sonne bien
- Facilité de conduite
- Une certaine vision relax et cool de la moto
Points faibles
- Amortisseur arrière sec
- Aptitudes en TT limitées
- Garde au sol en virage
- Curieusement pas idéale en ville
- Poids élevé
- Détails de finition
- Aspects pratiques...
La fiche technique de la Yamaha SCR 950
Conditions d’essais
- Itinéraire : 120 km de petites routes dans la région de Chia dans le sud de la Sardaigne
- Kilométrage de la moto : 470 km
- Problème rencontré : aucun dans l'absolu, mais l'ouvreur se traînait quand même un peu...
La concurrence : Ducati Scrambler, Triumph Street Scrambler
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