Essai Triumph Tiger 1200 XCa en tout-terrain
3 cylindres en ligne, 1215 cm3, 141 ch à 9350 tr/mn, 122 Nm à 7600 tr/mn, 248 kilos à sec, à partir de 21 150 €
Cette déclinaison de la famille des Tiger 1200 se veut la plus polyvalente
Qui a lancé la mode ? Ou plutôt qui, après l’ultra-spécialisation du Dakar qui est devenu un enduro géant, a remis les gros trails sur la piste ? Une piste de réflexion nous emmènerait vers les duettistes Ewan McGregor et Charley Boorman, qui ont effectué leur fameux Long Way Round, ce tour de l’hémisphère nord au guidon de BMW R 1150 GS Adventure.
Toujours est-il que c’est désormais une nouvelle mode. Pas un épiphénomène, non, plutôt une tendance forte. D’un côté, fleurissent des événements tels que Paris-Dunkerque, March Moto Madness et consorts ; de l’autre, des médias spécialisés profitent de l’aubaine, tels le récent magazine bimestriel Trail Adventure, dont le rédac’ chef n’est autre que l’illustrissime Patrick Boisvert, le bien nommé. Forcément, les constructeurs sentent le filon et y vont : BMW a son GS Trophy, KTM a une offre de voyages avec sa gamme Adventure, Honda a ouvert une école de conduite en TT, l'Adventure Center au Pays de Galles et Triumph embraye sur ce mouvement avec une école du même genre qui ouvrira ses portes, dans le sud du Pays de Galles en mars 2018, première étape d’un programme global dédié à l’aventure. Et n’oublions pas que des agences de voyage ne cessent d’étoffer leur catalogue avec des destinations conçues pour les gros trails.
Forcément, l’offre des constructeurs suit le mouvement. En plus des trails routiers, des trails pour voyager et des trails sportifs pour euh, tanner le cul des roadsters musclés, émerge une catégorie de trails qui n’a pas oublié ses racines. Même des gros, à l’instar de la dernière livraison de la famille des Tiger 1200.
Un clic valant mieux qu’un long discours et pour à la fois éviter de se répéter et pouvoir entrer directement dans le vif du sujet, permettez nous de vous inviter à revoir un peu la généalogie de la Triumph 1200 Tiger grâce au Repaire, votre Wikipedia de la moto et bien plus encore :
- Essai de la version 2012 en Espagne
- Essai de la version 2016, le Tiger Explorer XCa sur les routes et les pistes du Portugal
- Essai de la version 2018, dans sa déclinaison routière XRt, en Espagne
Et c’est ainsi que Triumph nous a donné l’opportunité d’un roulage spécifique en tout-terrain, avec une XCa montée en Pirelli Scorpion Rally. Le cadre de cet article reste donc circonscrit à cet usage. Après tout, elle n’est pas là que pour vendre du rêve, elle est faite pour cela aussi.
Présentation
Au sein des six modèles de la nouvelle gamme Tiger 1200 2018, deux sont dédiés à une éventuelle pratique de l’off-road. Rappelons à nos lecteurs distraits que le « C » signifie « Cross » et qu’on les reconnaît avant tout à la présence des roues à rayons et du sabot moteur en alu. Ces modèles sont toutefois raisonnablement proches des versions routières, les XR et un esprit distrait aura peut-être du mal à les distinguer du premier coup d'oeil. Si la critique est toujours facile, rappelons toutefois que BMW différencie plus nettement ses GS Adventure de la version standard, tout comme KTM avec ses Super Adventure 1290 S, R et T.
De fait, pour 2018, il y a deux Triumph XC au catalogue : la XCx (à 18 850 €) et donc, la XCa à 21 150 €. Outre les coloris (c'est blanc ou bleu pour la XCa, blanc, noir ou kaki mat pour la XCx), la version haut de gamme se distingue par son mode de conduite supplémentaire ("Off-Road Pro"), un gain de poids plus affirmé (une minceur de 10 kilos au lieu de 5, grâce notamment au silencieux Arrow en titane et carbone monté de série sur la XCa), le shifter de série, de l'équipement supplémentaire (poignées et selles chauffantes), les anti-brouillards à LEDs, les repose-pieds crantés pour une conduite plus facile en tout-terrain, 3 modes d'affichage supplémentaire sur le tableau de bord TFT et une utile fonction "hill contrôl", qui maintient les freins en cote pour vous faciliter le démarrage.
Car pour le reste, ces deux XC bénéficient bien entendu de toutes les évolutions communes à la gamme, évolutions qui se classent dans trois registres différents. Premièrement : la présentation et la valorisation de la machine, via de nouveaux coloris, des badges et logos plus qualitatifs. Ensuite, vient l’aspect technologique : feux à LEDs adaptatifs, tableau de bord entièrement nouveau, confié à une dalle digitale TFT couleur de 5 pouces de diamètre et la présence de nouvelles fonctionnalités électroniques. Et en trois, un gain de poids généralisé.
Prise en mains
En dépit de son régime, difficile de nier que la Tiger 1200 ne reste pas une grosse moto volumineuse. Un argument à double tranchant, d’ailleurs, puisque cela lui permet d’offrir une excellente protection (la bulle est réglable électriquement via les nouveaux commodos rétro-éclairés) et une capacité d’emport conséquente, lui permettant d’obtenir et haut la main, en plus, ses galons de grande voyageuse.
Néanmoins, au moment d’aller emmener ses 270 kilos (avec les pleins, à la louche) dans les chemins, le challenge devient différent. On l’a dit à propos de la XRt et évidemment cela se vérifie ici puisque la hauteur de selle est identique en étant réglable de 835 à 855 mm : la frange chétive de la confrérie motarde est priée de reconsidérer ses priorités, au guidon d’une Triumph Street Scrambler, par exemple.
On sélectionnera par principe le mode « Off Road », en gardant à l’esprit qu’à chaque fois que l’on coupe le contact (une démarche d’autant plus facile que la machine est commandée par un transpondeur), la législation sécuritaire oblige à ce que la machine reprenne sa configuration « ceinture et bretelles » et se repositionne par défaut sur le mode « road » avec l’ABS. De fait, mettre le mode « off-road » retire l’ABS sur l’arrière et laisse une belle latitude sur le contrôle de traction.
En plus, il y a aussi le mode « Off Road Pro » : là, ça va plus loin, car le contrôle de traction est complètement déconnecté, ainsi que l’ABS à l’avant comme à l’arrière. Notons cependant que la machine autorise en plus d’aller affiner les réglages grâce à un mode individuel : on peut alors avoir la configuration « Off-Road Pro » tout en conservant un petit peu d’ABS sur l’avant. C’est cette configuration que nous avions dans le cadre de notre essai.
Moteur et transmission
Hey, what did you expect ?, aurait dit la délicieuse Nicole K. : on retrouve bien évidemment le bon gros 3 cylindres de 1215 cm3, développant donc 141 chevaux et 122 Nm de couple, accouplé à une boîte à 6 rapports, une transmission par cardan et un shifter up & down de série.
Dans le cadre d’un usage tout-terrain, la Triumph dévoile une autre facette de sa personnalité. Ici, le trois-cylindres séduit d’abord par sa souplesse et son élasticité, l’excellente progressivité de sa réponse à l’accélérateur, ce qui permet des relances efficaces malgré la puissance. Du coup, la motricité fait partie de ses qualités, alors qu’il est important de noter que seul le mode « Rain » réduit la puissance à 100 chevaux. En « Off-Road », cela reste 141. De quoi s’amuser, non ?
Autre bon point : le shifter. On l’avait trouvé un poil lent en action dans le cadre d’un usage routier, mais là, on n’attaque pas avec la même intensité. Du coup, son fonctionnement est en phase avec l’usage de cette machine sur la piste et on prend même plaisir à rétrograder, même en première, sans se servir de l’embrayage tout en constatant avec délectation une belle douceur de fonctionnement.
Tenue de piste
Bon, faut y aller. Comme dans le cas de l’essai de la XRt, on est dans le sud de l’Espagne et il flotte. Pas de bol, mais en même temps, c’est parfait pour faire un vrai essai. Les organisateurs ont prévu quelques dizaines de kilomètres de pistes avec trois niveaux de journalistes : débutants, intermédiaires et confirmés. C’est dans ce dernier groupe que se trouve votre serviteur et nous allons donc avoir droit au programme complet des réjouissances : montées dans des pierriers, successions de courbes rapides sur piste, fonds de vallées sablonneux. Pas de franchissement au programme, mais pris par une belle averse, on terminera par un passage bien boueux et franchement casse-gueule. Trop cool.
En fait, ça commence pas si mal. On a affaire à un beau bébé, mais la douceur des commandes, du moteur et l’équilibre du châssis font que l’on se sent rapidement à l’aise à bord. La position debout est assez naturelle, bien qu’avec mon gabarit, j’aurais aimé un guidon un peu plus haut (et un estimé collègue, disposant d’une petite dizaine de centimètres de moins, avait la même remarque) ; rien qui ne soit impossible toutefois, des réhausseurs de guidon étant disponibles, éventuellement, en accessoires.
Après quelques petits kilomètres de route, on attaque la piste. Dès le début, c’est gras. Première impression : on va se la jouer sur le mode « tout doux, petit poney ! ». Et ceci pour deux raisons : d’abord, faut se chauffer, prendre la mesure de la moto, de ses réactions, de son poids, de son gabarit. Ensuite, parce que il y a du poids sur l’avant, que la moto engage un peu et que l’on va attendre un peu avant de sortir la grosse attaque.
Ensuite, les choses entrent dans l’ordre. Déroulons les réjouissances : le moteur est un allié, rond, doux, progressif. Mais sur du terrain pas super adhérent, on conserve de la motricité. En mode « Off-Road » et « Off-Road Pro », on a le sentiment que la réponse à l’accélérateur est un peu adoucie sous les 6000 tr/mn, mais la puissance déboule en force ensuite. Second bon point : la boîte de vitesses, RAS. Troisième : la qualité des suspensions. Certes, la Tiger n’est pas faite pour le Roof of Africa, même si un enduriste talentueux parviendra à faire des choses étonnantes avec, mais dans le cadre de notre essai, déjà sélectif, la machine ne talonne pas ni de la fourche ni de l’amortisseur. On augmente le rythme, on charge un peu plus l'arrière et l'on découvre une machine réactive qui peut avaler les bosses d’un petit coup de gaz et se repose ensuite bien à plat et en progressivité, alors qu’il y a eu brièvement plus de 360 kilos en l’air, pilote compris.
Bref, la confiance vient progressivement mais on ne se libère jamais totalement : en cause, le train avant (une roue de 21 pouces aurait permis de gagner sur ce terrain de jeu, mais il aurait fallu redéfinir la géométrie et avec ce niveau de poids et de puissance, sur route, ça aurait commencé à devenir compliqué). Avec la Tiger 1200 XCa, j'ai toujours gardé un peu, voire beaucoup de marge, pour ne pas me faire embarquer par le train avant. Par contre, elle reste stable sur ses appuis et, encore une fois, l'excellent équilibre du châssis et la grande progressivité du moteur permet de la faire pivoter d'un coup de gaz appuyé, ce qui est facilement contrôlable et bien utile dans les épingles.
Notons que l'on s'est sorti de ce roulage avec une conso moyenne de 7,1 l / 100 à l'ordinateur de bord, soit 280 kilomètres d'autonomie, soit la fourchette basse de ce qu'offrent les gros trails typés "aventure".
Conclusion
Est-ce bien raisonnable ? C'est la question que l'on se pose, au vu du poids, du prix, du gabarit... Faire du tout-terrain avec la XCa est bien entendu possible, mais ça parait finalement aussi excentrique que d'aller chercher des champignons avec une Bentley Bentayga, avec son W12 de 600 chevaux et ses 250 000 €. Reste que c'est possible, à deux conditions : d'abord, avoir un peu de niveau car l'ensemble est lourd et puissant, bien que facile à contrôler. Ensuite, préférer du roulant aux sections trop techniques. Cela dit, cela permet déjà de traverser une belle partie de l'Afrique australe, du Mexique ou de l'Asie Centrale par les pistes et ce faisant, la XCa peut répondre à des envies d'évasion. Mais si les conditions se compliquent, avec de la pluie, de la boue, les lois de la physique se rappelleront à vous plus rapidement qu'avec d'autres machines.
Mais qu'importe : l'aventure, c'est aussi un état d'esprit...
Points forts
- Moteur linéaire et parfait pour la motricité
- Shifter efficace
- Équilibre général
- Qualité des suspensions
- Électronique complète et efficace
- ABS bien calibré à l'avant
- Facile à emmener quand tout va bien...
Points faibles
- Guidon un poil trop bas pour le TT
- Poids encore élevé malgré les évolutions techniques
- Limites du genre dans la boue
- Demande quand même un peu de physique et de technique
La fiche technique de la Triumph Tiger 1200 XCa
Conditions d’essais
- Itinéraire : une boucle de 60 km sur les pistes de la Sierra Nevada, près du circuit d'Almeria (Espagne), pour moitié sous la pluie
- Kilométrage de la moto : 1700 km
- Problème rencontré : RAS, même si les chutes en TT, ça compte pas, mais là, même pas une petite gamelle. Pourtant le finish dans la boue, c'était rock-n roll !
La concurrence : BMW R 1200 GS Adventure, Ducati Multistrada 1200 Enduro, KTM 1290 Super Duke R
Commentaires
Coquille dans l'accroche de l'article ( celle qu'on voit sur la home page et dans les flux RSS) : "141 kilos et quasiment 270 kilos" au lieu de "141 chevaux ..."
02-12-2017 14:48C'est rectifié, merci !
03-12-2017 18:01