Essai Royal Enfield Guerrilla 450
Insurrection douce
Monocylindre de 452 cm3, 40 ch et 40 Nm, 184 kg en ordre de marche, à partir de 5.540 euros
On peut avoir 123 années d’existence, un passé chargé d'histoire, une image classique et conserver une volonté d'évolution vivace. Royal Enfield le prouve en créant depuis 2018 de nouveaux modèles remarquables, toujours fidèles à leur héritage, mais aux derniers standards de la technologie moderne. Et la marque indienne aime mettre à profit la déclinaison mécanique dans sa gamme. On retrouve ainsi les 350 (Meteor, Classic, Bullet...), 411 (Himalayan, Scram) et 650 (Interceptor, Continental GT, Super Meteor). C’est désormais autour du tout dernier monocylindre de 450 cm3 qui équipe l’Himalayan 2023 de trouver un nouvel hôte. Après une machine polyvalente efficace, d'une modernité remarquable pour la marque et animée par ce presque demi-litre, la firme de Chennai nous propose un roadster de caractère. Pour affronter un marché dynamique, sa nouvelle arme c’est la Guerrilla 450. C'est aux environs de Barcelone (Espagne) que nous en prenons les commandes, sous une chaleur propice à l’étincelle fatidique.
Découverte
Avec sa Guerrilla 450, Royal Enfield veut déclarer la guerre à sa paisible image historique. M. Govindarajan, PDG de Royal Enfield l'affirme, l’entreprise à conçue une moto fun. Le mot d’ordre est : « le retour du vrai roadster ». Soyons clair, en termes de style il a du se perdre en chemin; c'est une rupture de salon que propose la nouveauté. « Ma grand-mère à plus de gueule que toi !» disait Anthony Hopkins dans le film Pour le pire et pour le meilleur. Une invective que l’on imagine assez bien pour la nouveauté. À mon avis, l'effet de transition est peu comme ses lignes : trop plat. Avec un tel patronyme, on attendait de la Guerrilla 450 une image plus forte, engagée, rebelle et vindicative. La réalité est plus consensuelle. Elle prend la forme d’un gentil roadster mâtiné de scrambler.
C’est surtout au niveau du réservoir qu’il lui manque des épaules. D’une belle largeur, habillé de volumes fluides, ce petit bidon de 11 litres à l’orifice déporté sur la droite reste un peu sage. Il laisse également trop visible le radiateur. Dommage, quitte à créer un nouvel élément, on aurait apprécié une variante dynamisée de ceux des HNTR 350. De ce modèle, la nouveauté est d’ailleurs proche, avec son phare circulaire à leds placé entre les fourreaux de la fourche aux plongeurs parés de soufflets. Mais les feux arrière intègrent ici les clignotants et les caches latéraux sont plus effilés sous la selle monobloc. Cette dernière devance une jolie poupe profilée agrémentée de deux arceaux de maintien passager.
L’ensemble repose sur une base châssis/moteur très similaire à celle de l’Himalayan 450. Le cadre tubulaire acier à double berceau interrompu, signé Harris Performance, prend le moteur en élément structurel. Boulonnée, la boucle arrière est plus plate que sur le trail et davantage cintrée à sa liaison haute. Le monocylindre Sherpa 450 reprend donc les mêmes caractéristiques que celui de l’aventurière. Refroidi par eau, il cube 452 cm3 (84x81,5 mm) et entraine ses quatre soupapes par deux arbres à cames en tête. Piston forgé et traitement DLC des pièces prouvent une qualité de fabrication appréciable. Également, la boite à air conserve sa position en hauteur juste derrière la colonne de direction. Le bloc délivre 40 ch à 8 000 tours et 40 Nm de couple à 5 500 révolutions-minute. Il est secondé d’un embrayage assisté et anti-dribble, mais l’électronique est très réduite. Deux modes de pilotage gèrent l’injection : Performance et Eco. Ce dernier limite la réactivité à la poignée. Enfield indique avoir donné plus de tonus à la cartographie de la Gerrilla. En revanche, la démultiplication finale est plus longue et passe à 45 au lieu de 47 sur le trail. Un choix étrange. Et bien sûr, pas de contrôle de traction.
Le souffle martial de l’Indienne est toujours conduit vers un silencieux esthétiquement très réussi. Etroit, court, paré d’une protection, il dynamise la machine même en statique. Un petit sabot moteur en plastique protège également le bas moteur.
C’est en géométrie que le roadster évolue le plus sensiblement face à la sœur des montagnes. Son angle de colonne se referme ainsi très nettement et passe à 21,8° (!) contre 26,5°. La chasse est de 97 mm et l’empattement de 1 440 unités. Des valeurs dédiées à une grande agilité.
Le train directeur repose sur une fourche télescopique Showa SFF de 43 mm non ajustable, offrant 140 mm de débattement. L’amortisseur arrière de même fournisseur est ajustable en précharge et gère les mouvements du bras oscillant acier sur 150 mm. Notez son positionnement horizontal type back-link pour une meilleure centralisation des masses. Il laisse également la place à la boucle arrière plus basse.
Le freinage est confié à un étrier avant à montage axial et deux pistons pinçant un simple disque de 310 mm. Le ralentisseur opposé, simple piston, serre une large galette de 270 mm. Le tout est sous contrôle ABS. Des enveloppes indiennes CEAT Gripp XL chaussent des jantes alu de 17 pouces à 9 branches. Le dessin de ces pneus, vaguement mixte, évoque lui aussi une image scrambler.
Simple, la Guerrilla 450 présente une finition très correcte. L'agencement des différents éléments n'appelle aucune critique tout comme les différents revêtements des parties métalliques et supports. Le bloc moteur est particulièrement séduisant, ses volumes costauds dégagent une sensation de solidité. On apprécie également le large bloc instrument circulaire, les repose-pieds pilotes gainés de caoutchouc, le dessin du bras oscillant et et la béquille centrale de série. Seule une durite côté gauche reste trop visible. Construit solidement, le roadster avoue 185 kilos prêts à partir en manoeuvre. L’intervalle de maintenance est de 10.000 km et toutes les Royal Enfied sont garanties 3 ans avec une assistance dépannage et poursuite du trajet.
En selle
La Gerrilla se doit d’être populaire et fixe donc sa selle à seulement 780 mm du sol. Les repose-pieds légèrement reculés induisent une tout aussi légère inclinaison du buste vers l’avant, les gants en appui à peine sensible sur un guidon large aux cornes marquées. Les poignées sont un peu hautes, mais la position est confortable, les jambes en flexion sans excès. Bien qu’assez creusé, l’assise se montre confortable et le dosseret ainsi formé laisse un bon recul au pilote.
On retrouve, sur les commodos, les commandes rotatives du démarreur ou des phares… Un détail toujours sympa. Enfield reconduit également son unique compteur TFT couleur de 4 pouces, inédit dans la production. La version la plus abordable s’adjoint les services du Tripper déjà connu. Les Gerrilla moyennes et haut de gamme bénéficient de la navigation Google Map native une fois connecté à votre smartphone. Un vrai plus. Aux deux affichages « analogique » et « numérique » s’ajoute une disposition dédiée à la cartographie. Un appui long au poussoir de droite permet d’activer cette fonction. Un appui court change les modes de pilotage. À gauche un joystick permet de naviguer dans les informations. Le compte-tour périphérique encercle tachymètre, jauge de carburant, une horloge, témoin de rapport engagé et indicateur de température extérieure. Très complet, l’ensemble manque à peine d’ergonomie de navigation aux boutons. Un port USB-C est fixé sur le cintre, les leviers ne sont pas réglables en écartement, mais leur dimension semble idéale pour tout gabarit. À câble, la commande d'embrayage fait elle aussi dans la simplicité.
En ville
Un peu tiède en image, la Guerrilla 450 retrouve du caractère en mécanique. Le bloc sonne agréablement et ronfle virilement sur les coups de gaz. Sonore, mais sans outrance, l’échappement gratifie le pilote d’un chant assuré. Précise, la sélection est également très douce et la boite bien étagée. Les deux premiers rapports sont peut-être un poil court, mais concourent à une bonne dynamique dans la circulation. Disponible, le Sherpa 450 délivre 85% de sa force dès 3 000 tr/min. Un atout pour faire le coup de poing à tout moment dans la guérilla urbaine. La mécanique reprend sans bafouiller même tenue un peu sous ce régime jusqu’en 5e. Agile, légère, la Royal Enfield permet des demi-tours sans trop de mal et sa compacité aide en manoeuvre. Équilibrée, elle s’emmène au regard dans le trafic et entre les files, mais je sens comme une certaine retenue sur l’avant, un léger manque de facilité à virer. Pas de quoi gâcher le plaisir. Nous avons même la chance d’emprunter l’ancien tracé du circuit de Montjuic. Épreuve historique de vitesse tant automobile que motocycliste entre 1933 et 1986, elle se déroulait autour de la colline éponyme au centre de Barcelone. Rendu à la circulation permanente depuis près de 40 ans, on n’imagine que difficilement l’ambiance d’alors.
Facile entre les murs, la petite guerrière n’est pas la dernière pour exporter sa verve en des lieux plus vastes.
Autoroute et voies rapides
Un monocylindre n’est pas la meilleure architecture pour croiser au loin. Mais arpenter quelques échangeurs à bon rythme pour s’affranchir des espaces contraints n’est pas un souci pour la Guerrilla 450. On atteint vite 130 km/h à 6.500 tours sur le dernier rapport et l’on peut lentement monter encore 20 graduations. Mais déjà le légal urbain signe l’arrivée de vibrations sensible dans les repose-pieds et les rétroviseurs se brouillent complètement. De plus, la mécanique se fait bien moins suave à mesure que l’on force l’allure sur un rythme qui ne lui est guère dévolu. On restera entre 110 et 120 km/h, pour un meilleur agrément et sans mauvaises ondes. La stabilité et la tenue de cap du roadster Enfield sont sans défaut quelle que soit l’allure, mais l’ennui guette. Pour se réveiller, rien de tel qu’une bonne insurrection routière.
Départementales
C’est l’heure de semer le trouble sur le réseau secondaire. La Guerrilla peut enfin s’étendre aux campagnes et y déverser son potentiel dynamique. Et elle sait convaincre et séduire tant son mono dynamise les évolutions. Maintenue aux environs de 5.000 tours, l’Enfield vous gratifie d’un gras moteur sympathique et d’une bonhomie enjouée. Rond, il aime prendre des tours et grimper vers ses limites pour chercher sa puissance maximale. Certes, il se remet à vibrer, mais, sur route, on tolère ces rapides incursions vers la zone rouge. En réduisant à peine les montées en régime, on bénéficie alors du meilleur de cette mécanique volontaire. Les évolutions se font toniques et la Guerrilla convainc alors par la bonne précision de son châssis. Rigide, il s’appuie sur un amortissement bien accordé pour maintenir la machine en ligne, même sur du bosselé plein angle pris à vive allure. La moto module ses mouvements et reste saine en toute occasion.
Quand le tracé se fait serré, on sent à nouveau ce léger manque de naturel au changement d’angle. Une sensation à mettre au débit d’une géométrie très fermée, aux pneumatiques dont le profil rond et la carcasse un peu rigide n’aident pas à la vivacité et au guidon aux cornes trop hautes qui éloigne un peu trop du train avant. L’ensemble demande à déclencher la bascule plus sensiblement qu’imaginé. Ce qui nuit un peu aux informations remontées, mais guère au potentiel de fun de la Guerrilla. Lancée à bon rythme dans le sinueux ibérique, la petite Indienne séduit par sa facilité et une bonne capacité d’improvisation. À la prise des freins, la fourche encaisse fort bien le transfert de masse et régule efficacement la plongée. On peut tout aussi sereinement maintenir la décélération sur l’angle tant le ressenti au levier est bon et la moto reste neutre. C’est moins vrai pour l’arrière, un peu trop intrusif. En rentrant les rapports, l’échappement trépide alors sous la charge, donnant un surcroit de personnalité à la petite révoltée du bitume. En courbe, on apprécie une injection précise qui permet de passer sur un filet de gaz sans à-coup. Sur sa crête de couple, l’unicylindre assure des relances efficaces et harangue son pilote via le mégaphone de sa boite à air, très sonore. Cette signature ronflante participe nettement à l’agrément des évolutions. Revenu à un rythme plus enroulé, la nouveauté reste docile et avenante, toujours joyeusement propulsée par son valeureux Sherpa 450.
Partie-cycle
Précise, rigide, la Royal Enfield bénéficie d’une partie-cycle homogène où l’on retrouve les qualités de facilité habituelle de la marque. Simple, mais efficace, la partie cycle classique de la Guerrilla 450 lui permet des évolutions saines en accord avec ses capacités dynamiques.
Freinage
Efficace, progressif et suffisamment puissant, l'équipement stoppe efficacement la machine. Sur les plus fortes décélérations, l’usage appuyé des étriers avant et arrière donnent grande satisfaction. Surdimensionné pour un usage indien des motos qui actionne surtout cet élément, le disque arrière rend son usage un peu trop vif à la mode européenne, notamment en courbe. Bien paramétré, l'ABS intervient à bon escient.
Confort/Duo
Les suspensions Showa absorbent remarquablement les défauts du bitume et, liées à une assise assez moelleuse, procurent un bon confort au roadster indien. La place dévolue au passager et accueillante et le duo sans soucis pour des trajets modestes.
Consommation
Point fort du mono Sherpa 450, la mécanique ne demande que 3,5 à 3,8 litres en roulage dynamique. De quoi faire 250 km sans problème.
L'essai vidéo de la Royal Enfield Guerrilla 450
Conclusion
Passée l’image un peu trop sobre, la Royal Enfield Guerrilla 450 est une séduisante petite révolutionnaire. Tonique, savoureuse en mécanique et secondée d’une partie cycle efficace, elle est effectivement le trublion que la marque de Chennai revendique. Guerrière de quatre sous, elle est tarifée 5 540 € en version de base et de 5 690 € à 5 740 € suivant les coloris.
Face à cette révolutionnaire indienne, la Triumph Speed 400 oppose son image de roturière dynamique à la finition exemplaire pour 5 895 €. La Honda CL500 et son twin un peu plus performant offrent une concurrente de qualité pour 6 499 €. Sur une même architecture, mais plus moderne de style et d’équipements, la CFMoto 450 NK demande 5 790 €. Enfin, l’esthétique Husqvarna 401 Viltpilen, 6 649 €, satisfera les plus sportifs.
Made like a gun comme ses ainées, la nouvelle Guerrilla 450 ne roule pas comme une balle, mais pourrait bien flinguer quelques concurrentes avec sa personnalité attachante en dynamique.
Points forts
- Disponibilité moteur
- Sélection précise et douce
- Freinage
- Sonorité flatteuse
- Rapport prestations/prix
Points faibles
- Esthétique trop consensuelle
- Frein arrière trop intrusif
- Rétroviseurs vibrants
La fiche technique de la Royal Enfield Guerrilla 450
Conditions d’essais
- Itinéraire : 170 km de routes à revêtement variable, sec
- Météo : soleil, de 25° à 35°C
- Problème rencontré : ras
Équipements de série
- ABS
- Tripper (base)
- Dasher + Navigation Google Map (moyen et haut de gamme)
Options
- Pack Urban : Selle surpiquée, bagagerie souple, pare carters larges, rétroviseurs aluminium articulés, saut de vent
- Pack Flat Track : Selle + 25 mm, protection de phare, protection de radiateur, pare carters, large sabot moteur aluminium, rétroviseurs en bout de guidon, capot de compteur.
Disponibilité / prix
- Gris Smoke : 5.540 € avec Tripper
- Playa Black, Gold Dip : 5.690 € avec Dasher Google Map
- Yellow Ribbon, Bravva Blue : 5.740 € avec Dasher Google Map
- Disponibilité : octobre 2024
Équipements essayeur
- Casque MTR Vintage, T. L
- Blouson Rekurv
- Jean Vanucci Armalith
- Baskets Vanucci VTS2
Commentaires
Enfin un vrai garde-boue et une centrale de série, des coloris sympa, les japonais devraient regarder un peu ailleurs parfois.
27-07-2024 11:40Une moto qui me botterait bien avec un petit look scrambler, une grille de phare et des petites sacoches à la place des poignées arrières.Je me vois frimer à la plage.
Le seul truc qui ne me plait pas c'est ce radiateur mal masqué.
Frein arrière intrusif? Comme je freine beaucoup de l'arrière c'est un bon point, question de réglage et d'habitude.
Là franchement j'ai un doute qui pourrait être dissipé avec le tarif de cette moto.
Bonjour,
27-07-2024 18:20Envisageant le A2, mon choix se portera sans doute en cette RE ouvla Triumph.
A quand un comparatif ?
@Picabia : Je plussoie pour le garde-boue : arrière ou avant, il est souvent amputé sur l'autel de l'esthétisme, quand il est tout simplement pas supprimé à l'arrière...
30-07-2024 14:37J'adore les coloris de ces Guerilla ! Si un jour je devais faire des coupes budgétaires pour continuer à rouler en moto, clairement le genre de modèle que j'envisagerai.
Damien: Dans « pour le pire et pour le meilleur » c’est Jack Nicholson. 😉
31-07-2024 16:171 000 euros plus chère que le 350 Hunter, ça n'est pas rien, mais c'est le prix de la (relative) polyvalence.
06-08-2024 18:17En jaune-noire, elle a un faux air de mini Ducati scrambler, même si je la préfère en blanc-bleue.
Il n'y a pas : une moto colorée, c'est bien plus attrayant
J'ai vu que tous les coloris ne seront pas importés, quelqu'un à des infos sur le sujet ? C'est dommage, il y en a des beaux
02-09-2024 17:27Argh !
C'est vrai... 03-09-2024 14:36
Il semblerait que les coloris "yellow ribbon" et "smoke silver" ne soient pas importés.
Sont pourtant sur le site RE officiel avec les prix. 03-09-2024 14:57
Bah oui d'où ma question, c'est étrange de les mettre sur le site si au final on ne peut pas les acheter...d'autant que le Yellow Ribbon était mon préféré haha, dommage
03-09-2024 16:50Qu'est-ce qui leur arrive chez Royal Enfield ? J'en étais resté aux tacots asthmatiques au design années 50. Les jeunes permis devraient plutôt chercher ce type de moto que de plus grosses cylindrées castrées, mais c'est un autre débat...
28-09-2024 08:34C'est bien ce que font beaucoup d'entre eux (cf le succès de l'Himalayan ou des Continental GT). 30-09-2024 11:07