Essai moto Kawasaki Z H2 Supercharged au quotidien
200 ch, 14 mkg à 8 500 tr/mn, 239 kg tous pleins faits, 17 099€
Mets du sel !
Quinze jours de roulage avec la Kawasaki Z H2 ? Je le dis tout net, il en faut moins pour devenir addict. Sorte de fronde au pouvoir élastique sensationnel, la Kawa réclame peu d’espace pour nous envoyer dans la stratosphère. J’ai passé tout mon temps à son guidon à lâcher l’accélérateur, attendre la solitude et essorer la poignée jusqu’à ce que le régime moteur passe 6.500 tr/mn, premier seuil de l’extase intersidérale. Ça a pu m’arriver entre dix et vingt fois par jour. J’assume complètement. Ma vie motarde s’en est trouvée pimentée et salée comme rarement.
Découverte
Le quatre cylindres de la Kawa H2R claquait un nouveau repère sur la frise chronologique de l’histoire de la moto en 2015. J’étais du premier lancement presse, au Qatar, cette année-là et le terme lancement tient de l’euphémisme. Un catapultage presse convient mieux. 320 ch (sortie vilebrequin), une vitesse maxi de presque 350 km/h sur le circuit qatari, dont la ligne droite mesure à peine un kilomètre, des sensations à chaque millimètre de rotation de la poignée de gaz, ce moteur compressé marquait à l’évidence une nouvelle étape dans la folie qui habite les constructeurs de motos, folie avec laquelle nous communions, qui créé ce si étrange cosmos qu’on nomme ‘planète moto’.
Comment qui z’avaient fait ça ? Kawasaki Heavy Industries est un groupe énorme, dans lequel la moto ne représente pas la plus grosse part (30% de l’activité), mais dont les savoirs sont multiples et poussés, notamment en aéronautique ou ingénierie ferroviaire. La branche moto s’est abreuvée à cette abondante source de savoirs.
Résultat : un 1000 quatre cylindres suralimenté par compresseur. Petit rappel de la différence entre un compresseur et un turbo : ce dernier consiste en une turbine entraînée par les gaz d’échappements ; le compresseur est lui entraîné mécaniquement par le moteur, via différents systèmes de liaison entre ledit compresseur et le vilebrequin ou, comme sur le moteur Kawa H2, la boîte de vitesses. Tout ça pour comprimer de l’air et gaver le moteur, dont le rendement augmente à proportion qu’il se régale du mélange air/essence.
Trois inconvénients toutefois : ça consomme (mais on n’achète pas ce genre de machine pour faire des économies ou rationaliser sa vie), ça chauffe (d’où l’avantage du cadre treillis en tubes, qui laisse plus d’air au moteur qu’une double section à poutres d’alu) et ça pèse son poids, non pas tant le compresseur en lui-même mais ce qu’il suppose pour fiabiliser l’ensemble mécanique (carters moteur épais, pièces mobiles solides etc.). Ces masses ne se répartissent pas simplement et jouent sur l’équilibre de la moto, de très bon niveau mais les miracles n’existent pas. La conception originelle de la Z H2 a imposé certaines contraintes dont il faut tenir compte, qui font de cette moto un roadster à part.
Important avant de le comparer à une Ducati Streefighter V4 ou une KTM 1290 Superduke R. Dernière remarque mécanique, le compresseur de la ZH2 diffère de celui des H2 et H2R, les pales de ses turbines et son régime de rotation ont été adaptées pour privilégier le couple plutôt que la puissance à hauts régimes. Elle sort 200 ch "quand-même" et 137 Nm de couple à 8.500 tr/mn.
L’équipement électronique se porte à la hauteur des ambitions de la Z H2, avec un contrôle de traction réglable (KTRC), un shifter pour la montée et le rétrogradage des rapports (KQS) et le KCMF, qui supervise le KTRC (…) et l’ABS : selon l’angle de la moto, la pression actionnée sur les freins, le régime moteur, l’ouverture de la poignée de gaz, le dispositif calcule la meilleure puissance moteur à délivrer selon les paramètres détectés, ou la puissance de freinage idéale. Le pilote choisit aussi entre quatre modes de conduite (Road, Sport, Rain, Rider) et trois modes de puissance (Full, Middle, Low).
Mais la meilleure électronique du monde ne saurait se substituer à une partie-cycle équilibrée, neutre et « facile » en termes de sensations. Le cadre treillis en acier, très rigide, possède l’avantage du poids contenu, permet au moteur de libérer facilement ses calories mais manque de « souplesse » par rapport à un élément en aluminium que les ingénieurs peuvent concevoir moins rigide en certaines parties, donc capable d’amortir certaines contraintes. D’où l’importance pour la Z H2 d’avoir des suspensions de qualité, ici des Showa, dont la fourche SFF BP (SFF pour Separate Function Forks, soit le ressort dans un bras de fourche et l’hydraulique dans l’autre et BP pour Big Piston), réglable en tous points, qu’on retrouve par exemple sur une Honda CB 1000 R. Enfin des pneus haut de gamme, les Pirelli Diablo Rosso III, garantissent l’essentiel de la liaison au sol.
Dernier point plus subjectif, la finition de la Z H2. Que je sois peu sensible au design Sugomi importe peu. Mais cette Kawa bénéficie de l’insigne haut de gamme Kawa, le Kawasaki River Mark, qu’on retrouve sur la tête de fourche et mérite une finition haut de gamme. Or la multiplication des assemblages plastique, de qualité moyenne, sur la partie avant font plus penser à une Z 650 qu’à un roadster mythique.
En selle
Pas très haute de selle à la jonction selle/réservoir, la moto me laisse poser deux pointes de pied au sol (je mesure 1m68). La béquille se plie et déplie avec facilité. Le guidon offre une position naturelle, un peu sur l’avant, d’autant que le réservoir est volumineux sur sa hauteur. Il s’échancre à l’entrejambe (même si ce n’est pas une Triumph Speed Triple en termes de finesse) mais reste « une pièce maîtresse », de 19 litres.
Le tableau de bord se choisit selon les infos utiles du moment. Le commodo gauche permet de naviguer dans les différents tableaux qui règlent les paramètres mais son usage demande un peu d’assimilation.
Les commandes sont douces, le moteur très discret au ralenti. Rien ne laisse deviner le monstre qu’il recèle. Même au passage du premier rapport, embrayage lâché progressivement, la méga Z fait preuve d’une troublante bienveillance.
Ville
Un premier défaut apparaît, récurrent au cours de cette quinzaine avec la Kawa, le rayon de braquage grevé par la fourche qui vient vite contre sa butée. En ville, les demi-tours ne sont pas faciles et même en conservant un peu de vitesse pour donner un peu d’angle à la moto, il faut une voie large pour virer sans manœuvre. Idem à l’arrêt dans mon garage. Ce n’est bien sûr pas un défaut majeur mais dans un usage quotidien, il fait souvent pester.
La Z H2 se faufile sinon sans souci en milieu urbain, ses rétros sont lisibles, sa boîte de vitesses souple (je préfère utiliser l’embrayage plutôt que le shifter à bas régimes, pour ne pas avoir d’à-coups), son freinage puissant et progressif. Les aspects pratiques sont réduits à néant, comme sur tout roadster et le duo y est pénible, tout comme l’arrimage d’un sac sur la selle passager. Mais j’ai bien conscience qu’elle n’a pas de vocation utilitaire.
Départementale
J’envisage du coup la balade avec sérénité, même s’il me tarde de réveiller le monstre. Premier rond-point, la Z s’engage avec facilité, ferme sur sa trajectoire, je n’ai pas gardé beaucoup de vitesse. Elle se pilote sur les repose-pieds. Une ligne droite tranquille se profile. Je visse en troisième, la roue avant se lève peu, contenue par l’électronique, la poussée reste constante, première giclée d’adrénaline, intense !
Au-delà de 6.500 tr/mn, tout s’affole, puis un tourbillon s’élève à 8.000 tr/mn, le regard se concentre sur un simple point lointain, les muscles se raidissent, l’espace-temps se modifie. Comme un premier shoot d’une drogue mécanique et terrestre mais néanmoins vicieux : le cerveau en réclamera d’autres perpétuellement. Il me faut trouver des contrées paisibles, que les premiers touristes ne connaissent pas. Le Perche m’est apparu tout désigné, à limite de l’Orne, une belle campagne loin de la mer, parfaite.
Les longues lignes droites de la Beauce m’ont d’abord permis de juger du confort. La selle impose une pause toutes les heures. Longue, elle permet de changer de position, mais sa fermeté finit par user. Les suspensions m’ont vite paru sèches. J’ai attendu les petites routes pour les régler.
A 90 km/h compteur, le compte-tours à 3 500 tr/mn en 6ème, guettant les radars planqués, je me croyais là au guidon du brave roadster de Monsieur Tout le Monde, mais je savais pouvoir réveiller la Chose à tout instant. J’en souriais bêtement. Entre Senonches et Mortagne-au-Perche, je n’ai choisi que les départementales tordues, heureusement capables de bouts droits. J’accélérais le rythme et commençais à sentir le poids de la moto m’emmener vers l’extérieur quand mes ambitions s’avéraient audacieuses. Les suspensions manquaient de souplesse et de progressivité. Mais la moindre ligne droite fonctionnait comme un effaceur. Je coupais les gaz, passait sous 5.000 tr/mn, pour le simple plaisir de visser jusqu’à 8.500 tr/mn et ce à chaque fois. La camisole me guettait.
Le plaisir de ce furieux moteur reste unique et rare sont les motos à enchanter à ce point en ligne droite. Même une sportive n’y arrive pas, avec sa démultiplication trop longue. Celle de la Z, raccourcie, liée à son moteur plus coupleux que les H2, réussit le tour de force de ne jamais se lasser d’accélérations en ligne droite, même après quinze jours de quotidien. Plus fort encore, s’il faut se faire oublier, la Chose rentre dans sa boîte sans broncher. Quelle autre moto montre ces deux visages si différents et particuliers en même temps ? Et puis ce cliquetis (finalement lassant, honnêtement) de la soupape de décharge quand le régime retombe…
En revanche, en virages et plus encore dans les enchaînements de virage, je me suis moins extasié. Après avoir assoupli les suspensions (par rapport à l’origine : j’ai ouvert de deux tours la compression et d’un tour la détente de la fourche, puis j’ai enlevé un tour au ressort de fourche ; sur la vis au bas de l’amortisseur, j’ai enlevé un trou et demi), devenues plus confortables, la moto se tenait encore bien (pas de mouvements aléatoires ou désordonnés) mais elle élargissait encore plus. Et malgré la monte pneumatique excellente, je n’avais pas entière confiance dans le train avant, un peu lourd, qu’on ne balance pas sans arrière-pensée. Je gardais toujours une marge. Aussi les shoots en ligne droite me plaisaient beaucoup plus que les virevoltages sur petite route. Le sport de la Z H2, c’est le 1.000 mètres !
Autoroute
Dommage qu’on n’y soit pas libre, je veux dire livré à notre libre-arbitre. Pourquoi ne pas pouvoir accélérer peinard quand rien ne se profile à l’horizon ? Je n’ai pas pu résister par moment, parce que l’autoroute c’est chiant et que les montées en régimes de la Z H2 sont exceptionnelles. J’aurais pu faire un Paris-Marseille en accélérations permanentes !
Bref. J’ai en revanche été surpris par la relative absence de flux d’air à 140 km/h, due à je ne sais quelle magie aérodynamique.
Partie-cycle
Après avoir tourné un peu autour des réglages (donnés ci-dessus, pour un pilote d’environ 1m70 et 69 kg), j’ai fini par trouver la moto assez confortable. Mais les suspensions manquent malgré tout de progressivité. Surtout la fourche. Ses réactions restent assez sèches, à moins d’ouvrir beaucoup l’hydraulique, ce qui nuit à sa tenue (elle gigote). Le poids se fait sentir. Peut-être que la Z aurait gagné à avoir un angle de colonne un peu plus ouvert encore, pour la stabilité du train avant en entrée de virage. La moto reste très saine à allure rapide. Il faut juste garder à l’esprit sa capacité à élargir si on entre un peu vite en virage.
Freinage
L’équipement de qualité (étriers avant Brembo M 4.32, disques de 320 mm de diamètre) fait preuve de puissance et de progressivité, rien à redire. L’ABS à lui tendance à se déclencher un peu tôt sur les gros appuis, ce que j’avais déjà constaté lors du lancement presse sur circuit. Le frein arrière s’avère très utile pour ramener la moto à la corde en virage, il est loin d’être violent.
Confort
La selle manque de souplesse, les suspensions encaissent bien, malgré le manque de progressivité de la fourche sur les gros chocs ou grosses contraintes. A allure quotidienne, l’ensemble position de conduite/suspensions/souplesse des commandes font de la Z H2 un roadster agréable, facile, plaisant. Le coffre du moteur à bas régimes, loin de la fougue après 6.500 tr/mn, dispose de toute la volupté qu’on attend de ce genre de grosse moto.
La position se rapproche plus d'une sportive pour le passager, qui profite du paysage en étant perché haut derrière le pilote.
Consommation
Autre point faible de la Z H2, une consommation d’environ 8 l/100 km lors de ces quinze jours. Bien sûr, je me suis beaucoup amusé, mais il était hors de question de rester raisonnable ou de faire un test type auto à allure stabilisée à 4 000 tr/mn. Si bien que les 200 et des brindilles de kilomètres conduisent nécessairement à la pompe, à moins d’attendre le dernier litre et prendre le risque de pousser 239 kg de moto…
L'essai en vidéo
Conclusion
Roadster unique en son genre, la Z H2 montre une bienveillance sympa au quotidien et se fait tornade sur juste 500 mètres quand les conditions le permettent. C’est un roadster facile dont les plaisirs se goûtent en ligne droite, toujours, sans lassitude. Un morceau de moteur historique ! La Z H2 a deux visages bien distincts, ce qui en fait une moto plaisante au quotidien et une furie qu’on redécouvre à chaque lâcher de régimes. Finalement, à bien y regarder, vu sa technologie, sa puissance et son positionnement original, ses 17.000 euros (17.099) ne sont pas si dingues.
Points forts
- Le moteur
- La facilité de prise en main ET la folie des hauts régimes
- La position de conduite
- L’équipement
Points faibles
- Le poids
- L’ABS qui se déclenche tôt sur les gros freinages
- La consommation
La fiche technique de la Kawasaki Z H2
Conditions d’essais
- Itinéraire: petites routes variées + autoroutes interurbaines avec un peu de ville
- Kilométrage de la moto : 2500 km
- Problème rencontré : ma raison.
Commentaires
Très instructif, on dira que c'est pas une machine pour le sinueux sur routes dégradées, pour ça y a la HM 950, mais quel panard ça doit être de tirer un boulet avec la dému courte...
17-07-2020 15:26Franchement quand on lit entre les lignes le CR, cette moto ne semble pas très homogène: raide ou ne tenant plus vraiment la route (de manière relative certes), tournant pas spécialement bien, pas adaptée au duo, pas hyper bien finie (là encore en fonction de son prix), bon ...
17-07-2020 15:56Quant au design, c'est quand même un gros point noir, même pour les amateurs de design dit sugomi, les Z habituelles sont plus réussies de ce point de vue (pour ceux qui aiment). Peut-être qu'en vrai, elle se révèle mais en photo elle est "illisible" ...
Je pense que ceux qui achètent ça on une seconde bécane. Ce genre de machine réponds à une envie plutôt qu’un besoin, je ne me vois pas toute la semaine avec mais pourquoi pas le week-end par exemple. Elle tue !!!
17-07-2020 21:00Et une merde japonaise de plus, une ! Franchement, allumer comme un malade dans les bouts droits et se trainer en virage, c'est vraiment la teuhon suprême, l'inélégance motarde absolue, et la certitude de bouchonner tout ceux qui aimeraient passer vite en courbe si d'aventure tu fais une journée de circuit.
11-08-2020 18:56En matière de certitude, tu viens de te poser là...
11-08-2020 22:55Meuh non, rassure-toi, je parle fort mais je suis pétri de doutes, c'est juste pour le plaisir de moquer...
13-08-2020 13:03Marrant ton message la carpe, ma curiosité m'oblige a te demander sur qu'elle merde d'europeenes tu roule?
19-08-2020 17:25Une Ducati supersport, le truc qui a un look de sportive, qui refuse de tourner si le virage est trop serré et muni d'un poumon asthmatique de 90 poneys (dans le meilleur des cas) pour l'emmener.
19-08-2020 22:38Tout ceci assorti d'une fiabilité aléatoire et d'un confort typé fakir.
J'espère que L'Iguane ne va pas lire ça .
Mise à part la photo du frein avant, je trouve toute les photos très laides.
09-09-2020 17:57Le photographe n'y est pour rien, c'est le sujet qui est vraiment très laid dans les moindre recoins. La palme au pot d'échappement !
Au fait combien de fois pensez-vous avoir utilisé les 200cv du catalogue ?
Et pendant combien de micro seconde si ça s'est produit ?
Pour les avoir il faut être ouvert en grand au bon régime...
Jamais n'est-ce pas...
Pas besoin s’ouvrir en grand, suffit d’être au régime de puissance max (8500 tr/min ?).
10-09-2020 10:46Et puis il semble que ce soit surtout la montée en régime qui soit intéressante, plus que la puissance en elle-même.
Bonjour
11-09-2020 12:04Tout d'abord félicitations pour cet excellent article super bien détaillé fouillé par un vrai amateur de moto👍.
Cette moto est superbe c'est une fournisseuse d'adrénaline et de passion ce que l'on aime✌️ bravo étant moi-même amateur de ces sensations là j'ai une Aprilia tuono V4 Factory 2020 suspension électronique qui me fait bander aussi...
Encore toutes mes félicitations pour ce magnifique essai ✌️
"Pas besoin s’ouvrir en grand, suffit d’être au régime de puissance max (8500 tr/min ?)."
12-09-2020 15:15>>>La puissance maxi n'est atteinte QUE ouvert en grand !
ce que personne ne fait sur la route sur un missile de ce genre.
(Sinon ils auraient monté des corps d'injection plus petits !)
Regardes les vidéo de passage au banc, tu comprendras.
La carpe : En effet, une Ducati est faite pour toi, étant donné ton surnom de Carpe, tu dois être souvent silencieux dans ton atelier à réparer en permanence ta belle et sportive italienne.
17-08-2022 00:39La fiabilité des japonaises est acquise de belle lurette.
quand au design, c'est très subjectif.