Essai Harley-Davidson Sportster XL1200V Seventy-Two
Tout pour le style !
La Harley-Davidson Seventy-Two (72) vient enrichir la gamme Sportster d’une déclinaison chopper, genre jusque-là réservé aux machines haut de gamme de la marque. Charmante, voire charmeuse, cette 72 sacrifie malgré tout une large partie de sa polyvalence sur l’autel du style. On ne peut pas tout avoir…
Harley-Davidson ne fait jamais rien comme tout le monde. La grande majorité des constructeurs profite de la période des salons moto (logique…) pour présenter ses nouveautés. La firme de Milwaukee, elle, dévoile ses nouvelles créations juste avant le mois d’août, qui marque chez eux le changement de millésime. Puis, six mois plus tard, profite de sa convention hivernale pour sortir de son chapeau un ou deux modèles supplémentaires. En guise de surprises du chef, nous avons eu droit cette année à la FLS Softail Slim et la XL1200V Seventy-Two (ou “72” avec les sous-titres). Et si la Slim incarne à merveille l’esprit sobre et dépouillé du courant Bobber, la 72 entre clairement dans la catégorie des Choppers. Ça tombe bien puisque le style “Chopper” (comprenez avec une fine roue de 21 pouces à l’avant) était jusque-là réservé à la gamme Dyna, nettement plus onéreuse, ainsi qu’une Softail Blackline esseulée… Pour la petite histoire, le patronyme de Seventy-Two a été choisi en référence aux années 70, date à laquelle ce courant esthétique s’est popularisé aux Etats-Unis. Esthétiquement, la 72 puise ses références dans le Frisco Style, mélange surprenant de dépouillement (repris aux Bobbers), de débauche de chrome et de peintures chamarrées agrémentées de paillettes métalliques “metal flakes”.
Découverte
Posée sur sa béquille latérale, la Seventy-Two tranche radicalement avec le reste de la gamme Sportster avec sa grande roue avant, ses pneus à flancs blancs et son guidon relevé mini Ape Hanger. Parmi les autres spécificités de la 72, on notera également la présence d’un petit réservoir d’une capacité de 7,9 litres, de commandes avancées, d’une selle monoplace et d’un garde arrière tronqué. Dernier détail qui ravira les puristes, le retour du célèbre cache de filtre à air rond type “camembert”, exclusif à la 72 !
Pour le reste, les aficionados de la marque navigueront en terrain connu avec le cadre commun à tous les Sportster et un gros twin culbuté cubant 1202 cm3 ouvert à 45°, accouplé à une boite à cinq rapports et développant environ 70 chevaux pour 10 mkg de couple à 3200 tr/min.
À l’instar de la nouvelle Slim, la finition de cette Harley est irréprochable. Outre la somptueuse peinture rouge “metal flakes” (un bleu brillant et un noir mat sont également disponibles), l’absence de fils et câbles disgracieux, l’ajustement “pile-poil” des pièces, les chromes rutilants, rien ne vient vous irriter la rétine. Les zoophiles amateurs de mouches diront peut-être que le support de plaque minéralogique en plastique noir jure un peu dans le paysage, mais l’option “plaque latérale” montée sur une de nos machines d’essai viendra réparer cette faute de goût…
Les pragmatiques, eux, pesteront contre le bouchon de réservoir indépendant (il n’y a que cela chez HD) et des indicateurs de tableau de bord regroupés sous l’énorme compteur de vitesse difficilement lisible en plein soleil.
Quant à la barre en cristaux liquide affichant les informations optionnelles (trip…), le défilement des informations se fait par un bouton planqué derrière le compteur ce qui oblige à lâcher le guidon pour une petite séance d’élongation… Il faut savoir souffrir pour rouler beau !
En Selle
La mise en marche se fait à l’ancienne, pas au kick, mais il faut insérer la clef dans un contacteur logé sur le coté droit de la colonne de direction, le blocage de cette dernière étant assuré par une serrure séparée. Malgré ses 253 kg annoncés en ordre de marche, relever la Seventy-Two de sa béquille est une pure formalité. Entre la selle basse (710 mm) et le centre de gravité au raz du sol, on a l’impression d’avoir entre les mains un roadster mid-size.
Une fois en selle en revanche, le dépaysement est total. Les commandes avancées et le mini Ape Hanger induisent une position de conduite typique des choppers avec les pieds avancés et écartés et les bras légèrement en dessous du niveau des épaules. On est loin de la pose caricaturale de certains show bikes qui permettent de se faire bronzer les dessous de bras mais il faut tout de même quelques kilomètres à son guidon avant de trouver ses marques et se sentir à l’aise… Paradoxalement, la 72 semble s’accommoder à merveille à tous les gabarits qu’on soit catcheur ou ballerine. Un bon point !
En Ville
Callée sur un ralenti cahotant, la 72 distille juste ce qu’il faut de vibrations mais ses vocalises sont nettement plus étouffées que sur la Softail Slim, essayée en parallèle lors de cette présentation. Dommage… Mais face aux grosses machines de la gamme, cette Seventy-Two oppose une facilité de conduite insoupçonnée.
La fine roue avant de 21 pouces, combinée au grand guidon, lui confèrent une maniabilité peu en rapport avec son poids et l’exercice de la ville serait presque un régal si la boite était un peu plus rapide dans son action. La souplesse et le couple généreux du twin autorisent même de rester sur le deuxième rapport et de relancer au besoin à l’embrayage dans les évolutions à très basse vitesse. L’injection électronique permet de venir flirter avec le régime du ralenti puis de reprendre sur un filet de gaz sans risquer de couler une bielle.
Attention, la 72 n’est pas non plus une moto faite pour les coursiers, entre le guidon qui arrive au niveau de la plupart des rétroviseurs et les repose-pieds induisant une largeur conséquente, rayer une carrosserie d’automobile arrivera plus vite que vous ne le pensez.
Départementales
Si vous avez lu l’essai de la Softail Slim, vous savez déjà que notre essai se déroule sur la route des crêtes. Et cette sublime départementale est l’endroit idéal pour cerner une partie cycle. Celle de la 72 est dans la bonne moyenne des customs, c’est à dire saine et rassurante, mais limitée en garde au sol dès qu’on hausse un tant soit peu le rythme. Il faut également composer avec une paire d’amortisseurs arrière aux débattements trop limités pour se montrer confortable sur autre chose que du billard. Une fois ces paramètres intégrés, la Seventy-Two se laisse apprécier pour ce qu’elle est, un custom fait pour cruiser tranquillement.
Sans être au niveau du nouveau bloc HD 1700, le twin 1200 évolution offre son lot de sensations. Il tracte fort en sortie de virage et les rapports longs comme un jour sans pain vous économisent d’incessants changements de rapports. Dommage que la bande-son ne soit pas en rapport avec les sensations. Lorsqu’une Slim vous gratifie de « vraaaa », de « broooo » et autres borborygmes propres à un gros twin refroidit par air, la 72 ne laisse apprécier ses vocalises qu’à (très) faible vitesse. Les bruits aérodynamiques viennent rapidement couvrir ceux des échappements. Quant au fameux “camembert”, au volume plus restreint que les modèles ovales, il étrangle toutes velléités d’expression de l’admission, laissant même transparaître par moment le bruit de la distribution culbutée... Bref, la 72 est malheureusement et involontairement devenue aphone pour répondre aux normes actuelles. Un comble quand on sait que certaines machines comme l’Aprilia RSV4 ou la Ducati Diavel arrivent à contourner les normes avec des artifices tout ce qu’il y a de plus légaux.
Fort heureusement pour la Seventy-two, le recours au kit moteur “stage 1”, bien qu’illégal, lui permet de retrouver un ramage plus conforme à son plumage sans s’attirer les foudres de la maréchaussée. Option obligatoire pour les mélomanes.
Autoroutes et voies rapides
Passer par la case autoroute avec ce chopper Harley demande une certaine dose d’abnégation. Les suspensions raides et la selle pas bien épaisse sont déjà deux gros freins à ce type d’exercice. Si on y rajoute une vitesse de croisière limitée à 110 km/h pour ne pas trop souffrir de la prise au vent imposée par le guidon relevé et une autonomie limitée à un peu plus de 100 kilomètres par le petit réservoir, vous comprendrez que les longs trajets avec cette machine sont à proscrire. Ce n'est pas la philosophie de la machine qui est là pour se faire plaisir par les petites routes.
Freinage
Le frein avant, un simple disque pincé par un étrier à deux pistons, manque d’attaque, de mordant et de feeling. Mais si on ajoute frein arrière et frein moteur dans l’équation, la 72 est capable de freiner très court. A réserver aux cas d’urgence uniquement, l’arrière ayant tendance à bloquer facilement…
Confort/Duo
Ici aussi, la 72 paye cher son tribut au Frisco Style. Le duo est proscrit pour cause d’absence de selle passager et l’élément dédié au conducteur est très fin et trop plat. A la première grosse accélération, le fessier a tendance à vouloir passer sur le garde-boue arrière et on se retrouve vite “en drapeau”, s’accrochant tant bien que mal au grand guidon pour rester en place.
Accessoires
Le catalogue d’accessoires maison est tellement vaste qu’il est virtuellement possible de transformer la 72 en n’importe quoi afin de l’adapter à ses besoins ou ses envies. Quitte à dénaturer le concept initial !
La 72 peut ainsi se voir greffer pare-brise, gros réservoir et selle biplace épaisse pour bouffer de l’autoroute en duo. Mais l’exemple le plus édifiant de la versatilité stylistique des Harley-Davidson se trouve sans doute sur le site de la marque. En cliquant sur la case “personnalisation” de la page dédiée à la Seventy-Two, vous aurez la surprise de découvrir un magnifique Bobber old school, tout de noir vêtu avec une selle suspendue et un guidon type dragster. Certes, ces options se payent au prix fort mais la possibilité d’accessoiriser une HD à l’envie fait partie des critères d’achat déterminants.
Conclusion
Pour le motard pragmatique, cette déclinaison chopperisée du Sportster 1200 est une hérésie. Pas polyvalente pour deux sous, la Seventy-Two manque d’autonomie, de confort et sacrifie beaucoup trop d’aspects pratiques sur l’autel de son esthétique si particulière. Même si on la compare aux autres Sportster, c’est le modèle le moins fonctionnel et le plus cher de la gamme. Mais voilà, on achète rarement un chopper pour ses aspects pratiques. La 72 se place dans une micro-niche, décalée et atypique et si l’on s’en réfère aux canons du genre, elle dispose de solides arguments à commencer par une finition au top, une esthétique léchée, une prise en main évidente et surtout son prix d’attaque face à des Choppers de plus forte cylindrée dans la gamme Harley. Avec un tarif débutant à 11.095 €, le Sportster XL1200V Seventy-Two est 2 600 € moins cher qu’une Dyna Street Bob. Les rares concurrentes étrangères sont moins onéreuses, mais la faible décote à la revente de la Seventy-Two compense en partie ce handicap…
Points forts
- style
- finition
- prise en main
Points faibles
- autonomie
- confort spartiate
- twin étouffé par les normes
disponible en noir mat, noir brillant et en rouge
La fiche technique du SportSter 72
Commentaires