Essai Ducati Multistrada 1200 DVT / Desmodromic Variable Timing
Vaisseau spatial
Après 5 années d'existence, la Multistrada s'offre un coup de neuf pour affronter les BMW et autres KTM, dans une catégorie en pleine ébullition. 100% nouvelle, bardée d'électronique, a-t-elle les moyens de ses ambitions? Premières impressions "volcaniques" sur les petites routes de Lanzarote aux îles canaries.
Apparue en 2003 et signée de la main de Pierre Terreblanche (le papa de la 999), la presque frêle 1000, puis 1100 Multistrada s'est métamorphosée en 2010, abandonnant son moteur à air au profit d'une version "civilisée" du 1200 Testastretta, avec des croisements de soupapes réduits à 11°. Plus cossue, plus puissante, plus voyageuse, elle chassait désormais sur d'autres terres. Cependant, à l'usage son moteur, même civilisé, restait viril. Devenue un gros trail, la Multistrada demeurait toujours une Ducati. Après 5 années de bons et loyaux services, la bête nous revient, encore plus belle et plus agressive et 100 % nouvelle. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre... Essai...
Présentation
Toujours facilement identifiable, la Multistrada adopte des lignes à la fois plus tendues et plus sensuelles, prenant aussi des formes, pour mieux protéger son pilote. Sans changer fondamentalement, elle offre aussi plus de place à son pilote et au passager. Pour 2015 les deux grandes nouveautés sont sa distribution variable et le perfectionnement de son équipement électronique, avec un système d'info-divertissement DMS (Ducati Mulimédia System) sur la version S, qui peut se connecter en bluetooth à votre téléphone. L'écran TFT 5" vous signale l'arrivée de sms, les appels, avec la possibilité de répondre, si vous avez un casque bluetooth. Vous pouvez aussi écouter de la musique contenue dans votre téléphone. D'autres fonctionnalités seront bientôt disponibles.
A noter que nous disposions de versions standard et de S pour cette présentation. Parmi les différences et outre le DMS, la S a des suspensions actives Ducati Skyhook Suspensions (DSS) et un éclairage à LED directionnel. Plutôt qu'un inventaire à la Prévert, je vous propose de nous installer à bord pour découvrir cette merveille, qui n'est pas vraiment petite.
En selle
Perchée sur ses suspensions offrant 170 mm de débattement, la Multistrada reste accessible. La selle est réglable en hauteur, de 825 à 845 mm. En option on peut descendre à 800 et 820 mm. Relativement fine, la moto permet à un pilote de 170 cm de poser les pointes de pieds au sol avec la selle la plus haute. L'assise est agréable, les commandes tombent bien sous la main, avec un guidon qui n'est pas trop large.
Sous les yeux, le tableau de bord très complet permet d'accéder aux réglages et vous indique aussi une multitude d'informations que l'on peut faire défiler du commodo gauche (rétro-éclairés la nuit, ce qui est fort pratique). Les propriétaires de S auront même la couleur! Cela dit le commodo gauche est un poil complexe, mais à l'usage on s'y retrouve.
Coté droit, vous disposez d'un régulateur de vitesse, sur les deux modèles. Pour démarrer le moteur, pas besoin de tourner la clé, il suffit de l'avoir dans la poche. D'ailleurs, il n'y a pas de barillet à proprement parlé, hormis pour ouvrir le réservoir et la selle, voire les sacoches si on en a. Après une mise en route un poil lente, comme souvent chez Ducati (on a l'impression que le démarreur force et tourne lentement, mais tout est normal), le gros twin fait entendre sa voix rauque. C'est sourd et puissant à la fois avec une belle musique à chaque coup de gaz, qu'on apprécie sans modération lors des rétrogradages. Ducati a travaillé la réduction des bruits mécaniques, pour favoriser la sonorité de l'échappement et c'est très réussi. On décolle?
Premières impressions
La configuration de cette prise en main sur une île, quasi désertique, ne nous permet pas de reprendre la structure traditionnelle de nos essais. Ici pas de ville, juste quelques villages et encore moins d'autoroute sur notre chemin! La commande d'embrayage douce contraste avec la boîte un poil ferme. L'embrayage en bain d'huile est très progressif. A faible allure, on le prend facilement sans peiner. Le moteur accepte de descendre à 2000 tr/mn sur un filet de gaz. On arrive à reprendre, très délicatement, en 6eme à 60 km/h, à condition de ne pas tourner brutalement la poignée de gaz. La souplesse est le fruit du nouveau système DVT (Desmodromic Variable Timing) qui modifie le calage de la distribution en continu en fonction des besoins du pilote. Un système qui ne transforme cependant pas le V2 à 90° en flat twin bavarois question souplesse est docilité. Ça cogne moins qu'avant, mais c'est toujours bien un Ducati que vous avez entre les jambes! Détail agréable, la moto braque étonnamment bien (2×40°), ce qui facilite les manoeuvres. Il faudra cependant compter avec une largeur de 1 mètre au guidon et encore plus avec les valises. Docile, la belle dispose d'un mode urbain (100 ch) qui facilite les évolutions. C'est, selon le constructeur, une des quatre facettes de cette moto multi usages. Bon en ville ça restera un gros trail, donc une moto haute et volumineuse, mais rien de comparable avec un éléphant dans un magasin de porcelaine.
En route!
Un gros trail, c'est fait pour les grands espaces mais aussi les petites routes qui tournicotent. La 1200 DVT n'y fait pas exception. Dès que l'horizon s'élargit, elle vous emmène dans une autre dimension.
Ici on retrouve un peu plus le caractère "bourru" du moteur. Quand on tourne la poignée, il vous décoche un solide coup de pied au cul, puis, sur le mode "Touring", l'électronique semble vouloir momentanément le calmer. Mais chassez le naturel et il revient au galop et très vite l'afficheur se rue vers le haut du compte tours, vous catapultant à des vitesses déraisonnables. C'est viril, mais plus linéaire que l'ancienne version, plus caractérielle.
En mode "Sport", on découvre une électronique moins intrusive avec une réponse du moteur plus "cash", finalement moins surprenante. On a connu plus raide chez MV ou chez Yamaha et ce genre de petits soucis de jeunesse se résolvent rapidement. Il s'agit ni plus ni moins d'une mise à jour informatique. D'ailleurs, en se penchant sur le tableau de bord, on peut rentrer dans les menus et se faire rapidement sa propre configuration, voire tout désactiver, pour découvrir le vrai visage de la moto, sans "filtre".
Ajoutons aussi qu'au fil des kilomètres, on trouve ses marques et on s'habitue aux réactions du moteur. Nous n'en avons parcouru que 200, mais après chaque arrêt, la moto semblait devenir plus intuitive. On est chez Ducati, pas chez Honda et c'est au pilote de s'adapter, mais plus le temps passe et mieux le tandem moto/pilote fonctionne. Cette Multistrada s'apprivoise, à moins que ça ne soient elle qui vous apprivoise...
On apprend à rester au-dessus de 3000 tr/mn avant d'ouvrir en grand. Grâce au DVT, les montés en régime sont plus linéaires, mais les 136 Nm du moteur sont bien là pour vous coller la pulpe au fond du casque à chaque sortie de virage. A bord, la vie n'est pas un long fleuve tranquille.
Question châssis, on balance facilement la moto, grâce au grand guidon, sans souffrir des kilos. Le nouveau moteur en pèse à lui seul 5 de plus. Ducati annonce 236 kg avec 90% du plein. Une valeur qui reste dans la norme de la catégorie. Les réactions sont saines, la moto s'inscrit bien dans les petits coins. Passons la vitesse supérieure.
Tourisme sportif
Avec 160 chevaux, on peut profiter de l'espace pour envoyer du gros et la Multistrada ne s'en prive pas. Passons vite la bulle, manuellement, en position haute pour réduire le bruit des turbulences aérodynamiques. Le dispositif de commande est simple et accessible en roulant. Les plus de 1.70 m souffriront plus, car ils ont le haut du casque dans les courants d'air. Nous n'avons pas affronté la pluie et on ne s'en plaindra pas, mais Ducati annonce une protection améliorée, particulièrement au niveau des jambes. Nous avions par contre quelques insectes écrasés sur les épaules, elles ne passeront donc pas entre les gouttes.
Confort
Les deux versions proposées nous offraient deux univers différents.
Le modèle de base avec ses suspensions réglées souples était d'un grand confort. Revers de cette médaille, la moto plongeait plus au freinage en conduite sportive. Mais avec une conduite à la fois rapide et coulée, qui utilise plus le frein moteur que les freins, on apprécie réellement le travail et la qualité des suspensions.
Sur la version S, la plongée est mieux contrôlée, même en mode Touring, avec un très bon niveau de confort. En passant sur le mode "Sport", ce qui modifie du même coup le réglage des suspensions, les fripures de la route et autres petits chocs à grande vitesse sont plus sensibles. Il faut alors se plonger dans le menu de configuration pour adoucir les réglages et retrouver l'onctuosité d'une suspension aux grands débattements, mais sans souffrir de la plongée, même en conduite rapide.
A ce propos, sur les fortes accélérations, la moto est assez remuante de l'avant du fait de sa puissance. Ainsi, au-dessus de 150 km/h et jusqu'à 200 km/h (nous n'avons pas été au-delà), on ressentait de faibles ondulations qui partaient de l'avant. Rien de dangereux, mais une sensation dérangeante. Deux explications à ce phénomène selon Ducati: sur les modèles S équipés de valises, la stabilité est perturbée à haute vitesse et la notice préconise de ne pas dépasser 180 km/h... Concernant la version de base, un réglage moins souple des suspensions aurait endigué ce phénomène, propre à une conduite plus sportive que le Staff du constructeur n'avait pas réellement envisagé dans le cadre de cette présentation "Touring".
Freinage
Ici aussi, deux univers différents. D'un côté des disques de 320 mm et des étriers radiaux, de l'autre des disques de 330 et des étriers monobloc sur le modèle S.
A l'usage, le feeling offert par la S est vraiment meilleur en terme de mordant, de puissance et de dosage surtout. Avec la version de base, l'attaque est plus brutale et le dosage moins précis. Une différence qui, alliée aux deux types de suspensions faisait plus plonger la moto de "base", si l'on peut dire d'une machine à 17.590 €.
Point commun entre les deux machines par contre, le freinage ABS Bosch 9.1 ME, paramétrable et débrayable, qui prend en compte l'inclinaison de la moto grâce au système Bosh IMU (inertial mesurement unit). Un pas de plus en avant en matière de sécurité active, puisque le taux de glissement plus faible admis sur l'angle réduit sensiblement le risque de perdre l'avant en entrée de courbe ("low side"). Déception en revanche du côté du frein arrière portant renforcé en 2015. Il manque cruellement d'efficacité demandant trop d'effort au pied pour assurer un bon dosage. En guise de conclusion sur le freinage, disons que dans l'optique d'une conduite en duo, la combinaison freinage suspensions de la S sera supérieure. Il vous en coûtera 19.090 €. Puisque l'on parle d'argent, voyons donc quelques aspects pratiques.
Aspects pratiques
Parmi les différences entre les deux modèles, signalons aussi l'éclairage adaptatif à Led. Il donne un sérieux coup de vieux à celui de la standard, qui parait d'un coup bien pâlot! En outre, dans les virages, des feux directionnels s'allument pour améliorer la vision, toujours grâce à cette fameuse centrale Bosh IMU, qui fait décidément beaucoup pour notre sécurité active (elle gère aussi le contrôle de traction et de wheeling présents sur les deux versions!). De fait, vu l'écart de prix entre les deux modèles, la S semble plus intéressante, même si ça commence à faire un gros budget.
Si votre cochon n'est pas totalement vide, vous pouvez aussi vous offrir un 4 packs de personnalisation:
Touring
Poignées chauffantes, valises rigides, pouvant recevoir un casque intégral côté gauche et béquille centrale.
Sport
Échappement Termignoni, garde boue avant carbone et réservoir de maîtres cylindres en aluminium taillé dans la masse.
Urban
Top case, sacoche réservoir avec prise USB
Enduro
Phares additionnels, protections moteur et radiateur, sabot moteur, béquille latérale à embase élargie et et reposes pieds tout terrain
Bilan
Présentée sur une île volcanique, la Multistrada est dans son élément, derrière sa vocation de grande voyageuse, elle cache un coeur de sportive qui séduira les Ducatistes. Certes elle s'est adoucie, mais l'ADN sportif subsiste. Moins baroudeuse que la BMW 1200 GS ou la KTM 1290 Avendure, toutes deux équipées de roues de 19 à l'avant, elle pourra se confronter à la Kawasaki Versys et bientôt à la BMW S 1000 Xr, la première est moins chère et moins turbulente, la seconde nous réserve encore des surprises. Leur confrontation n'en sera que plus passionnante!
Points forts
- Ligne très réussie
- Sécurité active de premier ordre
- Performances
- Équipement très complet
Points faibles
- Mécanique plus linéaire, mais toujours très présente.
- Paramétrage de l'électronique à parfaire.
- Stabilité à haute vitesse
- Frein arrière manquant d'efficacité.
Commentaires
Mais c'est qu'elle devient belle en plus de toute sa quincaillerie à puces...
06-03-2015 22:01Ca semble vraiment une réussite. La position de conduite est vraiment améliorée et la souplesse à bas régime va vraiment étonnés les multistradistes. Surtout que le son du moteur est superbe même avec la ligne d'origine désormais.
07-03-2015 08:41Plus d'infos bientôt sur le forum Multistrada : www.multistrada1200.fr car on va bientôt la tester.
Un seul regret, ducati reste sur du sachs pour les suspensions qui malgré le skyhook sont moins bien que les ohlins des versions antérieures.Mais je vais aller l'essayer dès que possible pour voir si je remplace ma 1200s sport.
07-03-2015 11:20Au-delà du changement de caractère, la distribution variable a-t-elle une influence sur la consommation ?
17-03-2015 14:41Sur le style, à voir de mes yeux ... Sinon, un moteur linéaire sur une ducati!!! mais ou on va..... Autant allez chez BM !
21-03-2015 20:19Je regrette les belles suspensions ohlins et la prise de poid de la bête mais j ai hâte de l'essayer quand même.
Je l'ai juste chevauchée en statique et l'ai trouvée très légère, rien à voir avec un tank comme la Triumph 1200 Explorer; en plus elle est très belle mais elle a un défaut majeur à mes yeux, son prix encore plus élevé que celui d'une R1200GS et là je bloque. Mettre 20.000 euros passés (avec la bagagerie) dans une moto qui n'est pour moi qu'un loisir, je trouve que ça finit par faire beaucoup trop!
01-04-2015 16:07Franck