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Essai moto BMW R 12

Etats d’âme…

Bicylindre à plat de 1170 cm3, 95 ch et 110 Nm, 227 kg tous pleins faits, 14.990 euros

J’estime que seules deux catégories de motos valent la peine qu’on les chevauchent : celles qui incitent, qui excitent, qui rendent fou, comme une obsession ; et celles qui détendent, apaisent, sans pour autant se faire oublier. La BMW R 12, évidente membre du second groupe, surprend d’une manière peu habituelle. Faut dire que personne ne l’attendait, qu’on se demande même ce qu’elle fout là, derrière la grosse R 18 dont le style cruiser s’accomplit dans son énorme couple de 158 Nm à 3 000 tr/mn. La R 12, avec 110 Nm à 6 000 tr/mn, ne fait pas le poids, bien qu’elle soit beaucoup plus légère… Bon, 1 200 cm3, ce n’est pas rien, mais les fanatiques de customs, cruisers, bobbers aiment le velu, le gras, le grondement et tout ça foisonne sur les Harley, Indian et grosses BM’... L’âme du flat allemand n’a elle jamais été vraiment incandescente. Parce qu’on le connaît ce moteur, celui de la première Nine T, arrivée en 2014, il est efficace, sympa mais pas dingue. Qui plus est étouffé aux normes Euro5. Mais le moteur ne fait pas tout.

Essai moto BMW R 12 - Crédit photo : Ugo Missana
Essai moto BMW R 12 - Crédit photo : Ugo Missana

BMW dit : “La R 12 devrait nous permettre de séduire d’autres motards. Par exemple ceux qui reviennent à la moto après plusieurs années sans pratique, des femmes attirées par le look et la selle basse…”. On appelle ça un produit de conquête, en langage marketing. Mais ça n’a pas beaucoup d’âme non plus, dit comme ça.

Découverte

Le flat archi connu de 1 170 cm3 (monté sur la R 1200 GS de 2006) reste refroidi par air et huile. Il prend un peu moins de régime qu’avant et se limite à 8 500 tr/mn. Aussi le couple de 110 Nm est-il atteint un peu haut (6 000 tr/mn), pour un cruiser censé privilégier la conduite enroulée. Double arbres à cames en tête, quatre soupapes par cylindre, un arbre d’équilibrage, la modernité mécanique est là, le tout alimenté par injection et piloté par une poignée ride by wire, avec calculateur pour superviser le tout. L’embrayage monodisque à sec est commandé par un système hydraulique. La transmission finale conserve bien sûr l’arbre et le cardan. Par rapport à la R 18, la R 12 offre un rapport poids puissance nettement plus avantageux, puisque la plus grosse fait 91 ch pour 345 kg, quand la seconde fait 95 ch pour 227 kg. Pour 6 000 euros de moins.

Essai de la BMW R 12
Essai de la BMW R 12

L’électronique de série suffit, avec le système Keyless (la clé reste dans la poche), le DTC (antipatinage), l’ABS semi-intégral Pro (qui régule le freinage selon l’angle de la moto), deux modes moteur (Roll et Rock)... Seule peut-être l’option ConnectRide (295 e), pour la navigation, s’envisage. Parce que le shifter n’a pas vraiment d’utilité sur la R 12, d’ailleurs seulement disponible dans un Pack, soit Finition Pro, à 1 740 euros (alarme, capteur de pression des pneus, shifter, régulateur de vitesse, poignées chauffantes…) soit Pack Confort, à 1 125 euros (shifter, poignées chauffantes, régulateur de vitesse…). Non, la seule option quasi incontournable reste la selle passager (!), à 525 euros.

Les options restent un incontournable, y compris pour la selle passager
Les options restent un incontournable, y compris pour la selle passager

La partie-cycle ne défraie pas la chronique BMW : un cadre treillis en tubes d’acier, une fourche inversée Marzocchi aux tubes de 45 mm de diamètre et un monoamortisseur lié au système Paralever (réglable en précharge et détente)... Les débattements sont limités (90 mm) car la moto est basse de selle, 754 mm. Jante avant de 19 pouces, jante arrière de 16 pouces, comme sur les customs traditionnels.

La foruche inversée Marzocchi de 45 mm de la BMW R 12
La fourche inversée Marzocchi de 45 mm de la BMW R 12

En selle

C’est vrai que la moto s’enfourche avec facilité, les deux pieds au sol quand on mesure moins d’1m70, pas de problème. La selle n’est pas trop large, le guidon relevé pas trop haut, les repose-pieds pas trop avancés, la R 12 déroule le champ lexical du “pas trop”. Finalement, probablement ne faut-il être pas trop grand non plus…

La R 12 présente une ergonomie plutôt consensuelle
La R 12 présente une ergonomie plutôt consensuelle

Le petit compteur rond fournit l’essentiel, de manière évidente. Les rétros élargis donnent le champ large à ce qui se passe derrière. On est bien aussitôt, même si on soupçonne déjà la selle d’être, elle, pas trop confortable.

Le mini compteur numérique de la BMW R 12
Le mini compteur numérique de la BMW R 12

En ville

J’ai eu la chance, quelques semaines avant cette présentation, de rouler avec la R 12 pendant une dizaine de jours, au quotidien, dont pas mal de trajets urbains. Non seulement cette BMW s’y épanouit, mais elle parvient à faire aimer cet environnement qui m’agace vite, à cause des feux, des bouchons, des comportements imprévisibles… Parce que la R 12 apaise. Tout ici est fluide, facile, le comportement sain doit sa neutralité au centre de gravité bas et à l’empattement long (1 520 mm, presque celui d’un trail). Elle se guide du bout des repose-pieds, par impulsions lentes. Seul le frein avant manque de progressivité, bien qu’il soit suffisamment puissant. Encore que l’ABS se déclenche un peu tôt sur les bosses ou lors d’un freinage d’urgence. Les manoeuvres sont facilitées, encore une fois, par le centre de gravité placé bas et la hauteur de selle ras du sol.

La R 12 se pilote avec beaucoup de fluidité et s'adapte bien aux zones urbaines
La R 12 se pilote avec beaucoup de fluidité et s'adapte bien aux zones urbaines

Autoroute et voies rapides

Sortir de la région parisienne et des grandes villes impose souvent la fréquentation des couloirs à deux ou trois voies. A l’évidence, la R 12 ne s’y plaît pas, non seulement par manque de protection mais à cause d’une assise un peu trop droite qui repose sur la pointe dorsale… Or la selle n’offre pas le confort suffisant pour tenir longtemps dans cette position figée. Au niveau des bras et des épaules, pas de problème. Les reprises sur le sixième rapport peinent, surtout aux alentours des 3 000 tr/mn.

L'ergonomie et le confort de la R 12 n'incitent pas à emprunter les voies rapides
L'ergonomie et le confort de la R 12 n'incitent pas à emprunter les voies rapides

Départementales

La campagne de l’Oise, au début de l’été, se couvre de champs pas encore moissonnés, de routes assez larges aux virages ouverts mais au revêtement onduleux. Elles pointent le plus gros défaut de la R 12, son inconfort de suspension. Les débattements limités l’expliquent mais aussi une hydraulique peu maintenue en détente. Tout ça pêche par absence de progressivité. Alors on y va tranquille et c’est l’esprit de la moto. Pourtant, elle donne confiance très vite, avec le sentiment que rien ne serait impossible si les repose-pieds ne venaient pas si tôt frotter le goudron. La garde au sol est beaucoup trop limitée, revers de la médaille de la selle basse. L’équilibre de la partie-cycle tend vers une perfection sereine, calme et volupté. Les pneus étroits (100 devant, 150 derrière) favorisent l’agilité. Même une petite prise du frein avant sur l’angle ne perturbe pas la R 12. Le moteur, docile, s’apprécie entre 4 000 et 6 000 tr/mn, voire un rien plus bas. La BM’ cruise, accompagne sans se faire oublier. Elle répand à doses minimes une quiétude qui laisse apprécier son harmonie : moteur souple, onctueux, équilibre évident et rassurant. Elle n’est pas de ces motos qu’on oublie, parce qu’elles sont efficaces et bien conçues, mais plutôt de celles dont la compagnie procure un sentiment de détente.

La R 12 se voue davantage au cruising
La R 12 se voue davantage au cruising

Le même jour, BMW proposait l’essai de la R 12 Nine T, à la position plus typée roadster, avec une quinzaine de chevaux supplémentaires. Plus réactive, plus sensitive, la R 12 Nine T m’a pourtant moins séduit, parce qu’elle est à mi-chemin entre un roadster qu’on espère plus vif et un cruiser comme la R 12. Je reprenais la R 12 avec joie parce qu’à chaque fois, elle m’a procuré le même ressenti apaisant. On parle toujours des états d’âme comme des sentiments négatifs ou extrêmes ; l’état d’âme de la R 12 est rare, constant, béat. On se sent un peu idiot d’un bonheur calme.

La version cruiser est plus réussie que sa déclinaison nineT, moins radicale que par le passé
La version cruiser est plus réussie que sa déclinaison nineT, moins radicale que par le passé

Partie-cycle

Chasse du train avant longue, empattement idem, centre de gravité bas et au centre, pneus étroits, ces éléments essentiels d’un cruiser garantissent en général une stabilité royale et c’est la cas avec la R 12. Elle y ajoute une facilité que ne connaissent pas les Harley, même les Sportster, car l’harmonie d’ensemble approche la perfection, grâce à la position de conduite. Une option guidon plat existe, qui n’est absolument pas une bonne idée parce qu’elle rompt cette harmonie.

La géométrie de la R 12 assure une stabilité parfaite
La géométrie de la R 12 assure une stabilité parfaite

Confort/duo

Les deux points faibles de la R 12 se résument dans l’intitulé de ce chapitre. Les suspensions manquent de débattement et de progressivité, la selle de moelleux… et la selle passager est une option à 525 euros.

La selle manque de moelleux
La selle manque de moelleux

Freinage

Le frein arrière se dose facilement, on l’utilise plus que sur d’autres motos parce qu’il est progressif et se prend facilement puisqu’il tombe sous le pied, dans cette position. Le frein avant (Brembo) est efficace mais on arrive vite sur le dur de sa puissance.

Les étriers avant Brembo sont puissants
Les étriers avant Brembo sont puissants

Consommation

L’allure à laquelle invite la R 12 permet de ne pas dépasser les 4 l/100 km. Le réservoir de 14 litres autorise ainsi à faire 250 km faciles avant de passer à la pompe.

Le réservoir de 14 litres permet d'atteindre au moins 250 km d'autonomie
Le réservoir de 14 litres permet d'atteindre au moins 250 km d'autonomie

L'essai vidéo de la BMW R 12

Conclusion

Si on écarte la selle passager en option, mesure un peu mesquine (elle pourrait être offerte en accessoire) et le confort rêche, la BMW R 12 ne connaît pas de défaut. Elle est une moto douée d’une âme assez rare, rassurante, bienveillante mais néanmoins présente. Le moteur n’a pas la gouaille d’un moteur Harley (un peu libéré…), il lui oppose des montées en régime souples, légèrement rocailleuses. Il est plus agréable que les customs de plus petite cylindrée, comme la Kawa Vulcan par exemple et plus rond que les modèles américains. C’est la partie-cycle de la R 12 qui fait toute son âme, cette facilité, cette invitation à enrouler avec du rythme, sans rien appréhender. Son tarif équivaut à celui d’une Harley-Davidson Nightster (15 690 e), qui elle aussi ne possède qu’une selle pilote et est dispo en A2, ou à celui d’une Triumph Bonneville Bobber (15 995 e), encore à selle unique, mieux finie mais à la conduite moins charnelle. La R 12 a une petite épaisseur, un état d’âme bien à elle, qui se diffuse lentement.

La BMW R 12
La BMW R 12

Evidemment, une liste d’accessoires infinie est accessible sur le site BMW, avec les options 719, des pièces custom culture (719 était le nom d’un département “personnalisation” dans l’usine BMW, dans les années 1950).

Points forts

  • Moteur docile et agréable
  • Harmonie de la partie-cycle
  • Position de conduite

Points faibles

  • Confort (suspensions rêches)
  • Selle passager en option

La fiche technique de la BMW R 12

Conditions d’essais

  • Itinéraire : 160 km routes sinueuses
  • Météo : nuageux, 17°C à 20°C
  • Problème rencontré : ras

Equipements de série

  • ABS
  • Prise USB
  • DTC (antipatinage)
  • Keyless

Disponibilité / prix

  • Coloris : Noir - Rouge - Silver Metallic
  • Prix : de 14 990 € (noire) à 17 180 € (Silver Metallic)

Equipements essayeur

  • Casque Shark CityCruiser
  • Blouson cuir Segura Bongo
  • Jean Vanucci
  • Basket Cofra

Commentaires

adrien.marchetti

En accord avec l'essai, moto très facile à piloter, qui procure un vrai sentiment d'apaisement à son guidon, parfaite pour se vider la tête et cruiser en de fin de journée. Une bonne surprise! Très à l'aise en ville, un peu moins quand on commence à mettre du rythme sur route bosselée à cause du faible débattement. Pour la selle passager en option, c'est dans l'ADN d'un bobber d'etre en monoplace, donc pas forcément choquant. Merci pour le retour et bonne journée à tous!

12-07-2024 09:05 
julien12

J'adore, par contre à ce prix la avoir des défauts de confort suspension et de selle.

12-07-2024 09:41 
pierre.30

Ce qui est choquant c'est pas la selle en option c'est le prix du morceau mousse 545 euro, elle est peu etre en cuir de vaseline.

12-07-2024 10:12 
Poireau

Le petit compteur rond... a l'air furieusement rectangulaire...

12-07-2024 11:12 
Aquila Mandello

Cette R12 aurait pu m'intéresser en deuxième moto...si le budget avait pu suivre paix.
Je lui ai substitué (avec bonheur) une 940 Bellagio, dans un segment très similaire, qui fait le job aussi bien (voire mieux sur les sensations moteur:-})...pour 4 fois moins cher !

12-07-2024 11:16 
Picabia

Je vais rester avec ma Bonneville encore longtemps, pas la bobber l'autre sur laquelle je loge une paire de sacoches bien pratiques quand il se met à pleuvoir, pour emmener un peu de bouffe ou de bibine quand je pars à la plage.
Aucun aspect pratique sur cette bécane à part rouler.

12-07-2024 11:39 
Philippe21

Merci pour l'essai ! V

Grand amateur, pour l'avoir eu sur une GS, du 1200 Dohc, ce qui me fâche c'est que pour rouler sur un roadster à l'ergonomie et au confort autrement plus agréable qu'un custom, il faut prendre la Nine T au ticket d'entré à 18.900¤ !tire la langue

12-07-2024 12:55 
cramedamuas

Sympa ! Une moto pépère (ou mémère) à laquelle on doit s'attacher à long terme !

12-07-2024 13:33 
adrien.marchetti

"Ce qui est choquant c'est pas la selle en option c'est le prix du morceau mousse 545 euro, elle est peu etre en cuir de vaseline."

Attention à la confusion, 538¤ c'est le prix de la selle double confort en accessoire BMW. Le kit passager monté d'usine est à 210¤, et comprend la selle double et les cales pieds passager. ;)

12-07-2024 14:34 
Meuldor

Dommage de devoir opposer fun mais pas confortable et jolie mais pas pratique. J’adore le modèle bordeaux.

12-07-2024 19:14 
Tagada_et_LongPif

Rien à voir avec la moto en elle-même, que je trouve plutôt sympa, mais ce qui m'a frappé c'est que l'essai se déroule sur l'archétype du réseau routier français des années 2020 : chaussée defoncée, ralentisseurs hors norme à répétition, chicanes bétonnées...

SVP retournez en Andalousie ou mieux à Tenerife cool

13-07-2024 13:34 
Picabia

D'un autre coté ce sont aussi les routes que nous empruntons tous parce qu'un essai par un temps idéal et un macadam impeccable, c'est mieux mais ne reflète pas notre quotidien.

13-07-2024 17:06 
Tagada_et_LongPif

C'est pas faux. C'est d'ailleurs peut-être pour ça que BMW a mis des amortos arrière avec une course trop courte faute d'être venu rouler par chez nous ;-p

13-07-2024 19:53 
Patogaz

Avec ces amortos arrières nuls, c'est une belle escroquerie à 15000 E ! Pour se niquer les lombaires et les cervicales, c'est OK, non merci, on a déjà donné...
Dommage...

17-07-2024 12:06 
Godzilla

Excellent, le nom des deux modes moteur.

22-07-2024 17:48 
 

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