Enduro(pale) du Touquet
Toujours le même prestige ?
La course d'Enduro avec pour cadre les dunes de la côte d'Opale
L’Enduro du Touquet est une course sur sable apparue en 1975, initiée à l’instar du Paris-Dakar par Thierry Sabine. L’épreuve va sensiblement évoluer au cours de son histoire, notamment pour des raisons environnementales. Retour sur les temps forts d'un événement qui continue à marquer la côte d'Opale.
1975 : quand un attaché de presse s’inspire d’un documentaire moto
Le nom de Thierry Sabine est souvent associé au Paris-Dakar, mais c’est ignorer le rôle qu’a eu cet homme emblématique pour l’Enduro du Touquet.
Pour tout concept, il faut une inspiration. Le film Challenge One, qui met en scène les courses d’enduro organisées aux Etats-Unis, est à l'origine de la genèse de l’Enduro du Touquet. L’idée vient ainsi de Thierry Sabine, alors attaché de presse du Touquet.
La course a pour théâtre le sable et se tient sur trois heures. Le succès est au rendez-vous puisque 286 concurrents prennent part à cette première épreuve, entre dunes et goulets qui imposent aux pilotes de jouer des coudes. C’est, bien entendu, moins que 1989 et ses 1100 motards inscrits, mais cela reste important pour une première. La première année est aussi l’occasion pour les amateurs, souvent des locaux, de remplir la grille. Les pilotes professionnels sont au contraire peu nombreux.
Le jeu des concurrents est alors de ne pas se faire piéger, entre le froid qui durcit le sable, la proximité de la mer et les goulets où seuls quelques concurrents peuvent passer de front. On retiendra de cette première édition la victoire de Jacques Vernier au guidon d’une Ossa.
Par la suite, les professionnels se prennent d’engouement pour l’épreuve et ne perdent pas leur enthousiasme lorsqu’en 1978, la tempête s’en mêle. Cette année-là, la HQV de Patrick Drobecq s’impose en dépit de la marée qui stoppe la course au premier tour. Mais l’arrivée de KTM va changer la donne et continuer de professionnaliser l’épreuve.
Enfin, la question de la tenue de l’épreuve en hiver, alors que les conditions climatiques sont rudes et contraignantes pour les organisateurs, est en fait justifiée par deux points. L’idée initiale est de dynamiser le tourisme au Touquet en hiver (travailler pour la collectivité et lancer une course d’enduro ne se fait pas sans objectif sur le tourisme local !) mais aussi de profiter de l’intersaison pour solliciter les meilleurs pilotes en-dehors de leurs saisons de motocross respectives.
1982 : Kees van der Ven est lancé
Le Néerlandais Kees van der Ven ne lache pas le terrain. Pilote de pointe en motocross dans les années 1980, ce dernier a remporté pas moins de 17 victoires au cours de sa carrière. L’expert en terre battue, c’est Rafael Nadal. Mais sur le sable, Kees van der Ven roule des mécaniques avec une aisance quasiment insolente. Si en 1980, Serge Bacou s'impose, deux ans plus tard, la concurrence a bien du mal à tirer son épingle du jeu.
Il doit attendre plusieurs années avant de bénéficier d’une concurrence capable de le battre. En 1987, il est détrôné par Leif Persson et sa Yamaha, mais il ne prend pas part à cette édition. C’est l’arrivée d’Eric Geboers au sommet qui corse la tâche du Néerlandais. Il s’impose à trois reprises de 1988 à 1990.
L’édition 1990 voit cette victoire compliquée par l’eau, mais ceci n’est qu’un moindre mal face au destin de l’épreuve l’année suivante. L’édition 1991 n’a pas lieu. En cause : la guerre du Golfe, qui impose de revoir les priorités. Il faut dire que l’événement a pris une belle envergure dans les années 1980, ce qui nécessite une mobilisation importante pour assurer la sécurité sur un tel événement. Les priorités ne sont donc plus récréatives
et dépassent le cadre du sport.
Les années 2000 et leur lot d'incertitudes
Les dunes sont aujourd’hui de l’histoire ancienne. Il faut dire que le ton montait depuis plusieurs années avec les protecteurs du littoral. Les dunes du Touquet, classées depuis 1992, ont valu à la course d’enduro plusieurs fois des soucis juridiques. En 2002, le tribunal administratif de Lille et ses juges administratifs ont ainsi jugé illégal l’arrêté préfectoral qui autorisait l’enduro cette année-là.
Il a fallu à l’époque arrondir les angles. En 2003, l’épreuve a vu un nouveau parcours réalisé dans un souci de respect de l’environnement. On peut croire que l’histoire en est restée là, mais il n’en est rien.
En 2005, la polémique gronde de plus en plus. Les incertitudes prennent de l’ampleur, les ajustements antérieurs ne suffisant pas à éteindre l’incendie. Pour Philippe Leblanc, la suppression annoncée de l’Enduro du Touquet est dramatique : on est en train de tuer un symbole
, disait-il alors. Avec ses multiples participations à la course, celui-ci est, comme de nombreux autres pilotes et passionnés, touché en plein cœur par la bataille gagnée par les écologistes.
La municipalité tire elle aussi la sonnette d’alarme. Le coût de l’organisation d’une telle épreuve n’est plus viable. L’adjoint aux finances du Touquet affirme que chaque année l'enduro coûte de plus en plus cher alors qu'il perd en intérêt sportif
. L'annulation est envisagée.
L’ASO annule, la FFM intervient pour sauver l’épreuve sinistrée. Les organisateurs réalisent un travail impeccable pour s’assurer qu’en cas de volte-face, l’événement puisse s’organiser. Dans ce contexte, Arnaud Demeester égale Kees van der Ven en devenant quintuple vainqueur au guidon de sa Yamaha. Il en gagnera deux supplémentaires en 2007 et 2008.
L’année 2005 suit son cours et avec elle le changement de l’épreuve intervient. Le député-maire de l’époque, Léonce Deprez, remodèle l’épreuve : le public se retrouve ainsi chassé des dunes, de même que les coureurs. C’est une piste artificielle qui se construit. Le nom de l’épreuve évolue pour refléter ces changements : il s’agit désormais d’Enduropale du Touquet. Pâle copie ?
Le débat n’est pas tellement orienté sur cela. L’année 2006 marque les 20 ans de la disparation de Thierry Sabine, l’occasion de lui rendre hommage lors de cette première épreuve. De plus, même si les motards font effectivement grise mine, l’heure est à l’affrontement du nouveau tracé. La compétition prend le dessus. Le Français Timotei Potisek signe sa première victoire. Il en décroche une autre en 2009 avant de s'éteindre à seulement 25 ans lors d'un entraînement, toujours au contact de sa passion.
Mickael Pichon et Steve Ramon se partagent les honneurs les deux années suivantes avant l'arrivée d'un nouveau nom au palmarès de l'Enduropale. En 2013, Jean-Claude Moussé réalise sa deuxième victoire d'affilée et sa quatrième de l'épreuve, mais ces deux derniers succès se sont déroulés dans des circonstances particulières.
Entre mauvais temps et cacophonie sportive
Entre la neige qui s’invite en 2012 et la victoire contestée de l'année suivante, l’Enduropale du Touquet n’est pas un long fleuve tranquille. En 2013, si le drapeau rouge avait été agité quelques mètres plus loin, Milko Potisek se serait imposé. Jean-Claude Moussé a finalement eu de la chance dans son malheur, en chutant dans le dernier tour. Un dernier tour non pris en compte en raison du même drapeau rouge.
En conséquence, les deux pilotes ont terminé l’épreuve sans savoir qui était le vainqueur. Dans ce contexte, les journalistes présents ne savaient pas non plus où donner de la tête, improvisant des questions à la volée et recueillant des impressions plutôt floues des deux protagonistes.
La victoire de 2010 s'est décidée sur tapis vert. Une question d'échappement trop bruyant a disqualifié Yves Deudon. L'affaire est allée jusqu'au tribunal administratif de Lille, un verdict rendu définitivement trois ans après la course !
Heureusement, l'aspect sportif a rapidement su reprendre ses droits avec la domination qu'exercera ensuite Adrien Van Beveren en remportant trois fois de suite la course. Potisek tiendra quant à lui sa revanche en 2018 en allant, enfin, décrocher sa première victoire sur le sable du Touquet.
Palmarès historique de l'Enduro(pale) du Touquet
Année | Pilote vainqueur | Marque moto |
---|---|---|
1975 | Jacques Vernier | Ossa |
1976 | Daniel Péan | Maico |
1977 | Gilles Francru | HQV |
1978 | Patrick Drobecq | HQV |
1979 | Hakan Carlquist | HQV |
1980 | Serge Bacou | Yamaha |
1981 | Jean-Paul Mingues | Yamaha |
1982 | Kees van der Ven | KTM |
1983 | Kees van der Ven | KTM |
1984 | Kees van der Ven | KTM |
1985 | Kees van der Ven | KTM |
1986 | Kees van der Ven | KTM |
1987 | Leif Persson | Yamaha |
1988 | Eric Geboers | Honda |
1989 | Eric Geboers | Honda |
1990 | Eric Geboers | Honda |
1992 | Yann Guédard | Kawasaki |
1993 | Gérard Delpine | Honda |
1994 | Jérôme Belval | Honda |
1995 | Arnaud Demeester | Yamaha |
1996 | Arnaud Demeester | Yamaha |
1997 | David Hauquier | Honda |
1998 | Arnaud Demeester | Yamaha |
1999 | Jean-Claude Moussé | Yamaha |
2000 | Thierry Béthys | Honda |
2001 | Thierry Béthys | Honda |
2002 | Arnaud Demeester | Yamaha |
2003 | Thierry Béthys | Honda |
2004 | Jean-Claude Moussé | Honda |
2005 | Arnaud Demeester | Yamaha |
2006 | Timotei Potisek | Honda |
2007 | Arnaud Demeester | Yamaha |
2008 | Arnaud Demeester | Yamaha |
2009 | Timotei Potisek | Honda |
2010 | Mickael Pichon | Honda |
2011 | Steve Ramon | Suzuki |
2012 | Jean-Claude Moussé | Yamaha |
2013 | Jean-Claude Moussé | Yamaha |
2014 | Adrien Van Beveren | Yamaha |
2015 | Adrien Van Beveren | Yamaha |
2016 | Adrien Van Beveren | Yamaha |
2017 | Daymond Martens | Yamaha |
2018 | Milko Potisek | Yamaha |
2019 | Nathan Watson | KTM |
2020 | Milko Potisek | Yamaha |
2021 | Annulation | - |
2022 | Milko Potisek | Yamaha |
2023 | Todd Kellett | Yamaha |
2024 | Todd Kellett | Yamaha |
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