Dakar : l’aventure avant tout
Rétrospective du rallye-raid mythique
Si le créateur du Paris-Dakar, Thierry Sabine, ne s’était pas égaré dans le désert de Libye lors du rallye Abidjan-Nice, la compétition n’aurait peut-être jamais vu le jour. La légende des Cyril Neveu, Hubert Auriol, Stéphane Peterhansel ou encore Cyril Despres aurait pu être rayée de la carte.
Fort heureusement, en se perdant dans ces contrées sauvages, Thierry Sabine a mis en application l’idée et l’a fait aboutir en une compétition qui survit toujours, avec le même nom même si elle a été délocalisée en Amérique du Sud. Retour sur plus de 40 ans d’histoire.
1979 : première édition
Partis de la Place du Trocadéro, les 182 engagés (80 en auto, 12 en camion et la majorité, 90, en moto) allaient faire escale à Alger, Tamanrasset, Agadez, Niamey, Gao, Bamako et Nioro avant de rejoindre Dakar. Pour cette première édition, un seul classement était enregistré, mêlant camions, autos et motos.
C’est le 26 décembre 1978 que les pilotes sont partis de Paris, pour terminer leur périple à Dakar le 14 janvier 1979 après 10000 km de rallye répartis sur huit étapes. A l’arrivée, ils n’étaient plus que 74 – le Dakar met en effet les hommes et les mécaniques à rude épreuve. Parmi les pilotes, on pouvait trouver des noms déjà connus comme Neveu ou Auriol, mais aussi des anonymes qui tentaient l’aventure.
Ainsi, Philippe Hayat, Jean-Pierre Domblides et Daniel Nolan se sont lancés dans l’aventure. L’un journaliste, les deux autres enseignant et technicien chez Renault Gordini, prenaient ainsi le départ dans un Renault KZ 11 CV.
Au classement général, puisque chacun était regroupé dans un même bilan final, Cyril Neveu s’est imposé au guidon de sa Yamaha, la première auto étant celle de l’équipage Génestier/Terblaut/Lemordant sur Range Rover, que l’on retrouvait au quatrième rang.
1980 : Algérie et Tunisie comme escales
Dans les années 1980, l’épreuve passera pratiquement toujours entre Paris, Alger et Dakar, Tunis remplaçant la ville algérienne en 1989. Durant ce laps de temps, Cyril Neveu construira sa légende après avoir remporté la première édition de 1979.
Hubert Auriol s’imposera en 1981 et 1983, avant l’arrivée du pilote BMW Gaston Rahier qui montera en tête du classement moto en 1984 et 1985. Cyril Neveu ajoutera quatre succès à celui de 1979 en s’imposant en 1980, 1982 et deux fois consécutives en 1986 et 1987.
Plus que le palmarès, c’est le succès de la compétition qui s’installe dès le début de la décennie. La volonté des organisateurs est de réunir le plus de participants, tout en mettant bien l’accent sur la difficulté de l’épreuve, qui vous demande d’être constamment aux aguets. Cet aspect-là ne changera jamais.
En 1982, on comptait 382 concurrents, soit 200 de plus que trois ans plus tôt. Avec Cyril Neveu, Honda décrochera cette année-là le premier de ses 5 succès en motos. L’année suivante sera marquée par une tempête de sable. Celle-ci a mené 40 pilotes à s’égarer, le recours à un hélicoptère pour les retrouver dans le désert de Ténéré, traversé pour la première fois, permettant aux organisateurs de mettre la main sur tous les pilotes. Hubert Auriol ne connaîtra pas ses problèmes de navigation, disposant plus d’une heure d’avance à l’arrivée sur le reste de la concurrence.
Plus les années passent, plus le Dakar s’étend. Il faut renouveler le tracé, ce qui continue d’attirer les foules. Des personnalités comme Michel Sardou s’associent à des pilotes de renom, Jean-Pierre Jabouille dans ce cas, pour prendre le départ.
En 1985, la course débutera à Versailles en lieu et place du Trocadéro. Hubert Auriol, en partance pour une nouvelle structure mêlant Ligier et Cagiva, permet ainsi à Rahier de décrocher un nouveau succès. Cette légèreté du voyage et de la route vers l’inconnu se verra entachée l’année suivante.
L’homme à l’origine du Dakar, Thierry Sabine, partageait un hélicoptère avec le chanteur Daniel Balavoine, la journaliste Nathaly Odent ainsi que le pilote François-Xavier Bagnoud et le technicien radio Jean-Paul le Fur. Ils ont tous péri, une nouvelle qui a bouleversé les pilotes en course ainsi que tous les anonymes qui pouvaient suivre le Dakar. Encore aujourd’hui, les images des journaux télévisés relatant le drame résonnent à l’esprit. C’est le cœur lourd que Cyril Neveu s’imposera en catégorie moto.
L’entourage de Thierry Sabine prendra le relais l’année suivante, où Cyril Neveu prendra la victoire au prix d’un accident pour Hubert Auriol, qui se brise les deux chevilles. Malgré cette blessure, cela ne décourage pas les participants, qui seront plus de 600 l’année suivante dont 183 motos. En catégorie moto, Edi Orioli et Franco Picco se livrent une lutte titanesque, qui tourne à l’avantage du premier sur sa Honda.
1989 marquera la deuxième participation de Stéphane Peterhansel, à laquelle il terminera quatrième alors que Gilles Lalay s’imposera. Peterhansel ne mettra que peu de temps pour bâtir sa légende, d’abord en moto, puis en auto.
1990 : parcours diversifiés, égarement assuré ?
Cagiva débutera les années 1990 sur des chapeaux de roues en décrochant sa première victoire avec au guidon Edi Orioli, parti comme tous les autres depuis la Défense. Il s’imposera à nouveau en 1994, toujours sur Cagiva et en 1996 avec Yamaha. Entretemps, Stéphane Peterhansel a remporté quatre Dakar, son premier en 1991, avec Yamaha et s’en allait vers deux victoires supplémentaires et consécutives dans la firme japonaise en 1997 et 1998. En 1999, Richard Sainct se dirigera vers deux victoires consécutives pour BMW.
Les parcours continuent d’évoluer, non seulement pour les lieux de départ (le château de Vincennes en 1992 par exemple) mais aussi pour l’arrivée au Cap la même année. Le changement d’itinéraire en cette année 1992 s’accompagne de l’arrivée du GPS. Malgré cet artifice, la compétition n’en sera alors que plus complexe. Les pilotes doivent en effet traverser des pays en guerre, où les fleuves sont en crue ou encore là où la tempête du désert s’abat. Hubert Auriol se dirigera du côté des autos en s’imposant cette année-là, laissant le champ libre à Peterhansel.
En 1993, le Dakar retrouve son départ et son arrivée originels entre le Trocadéro et le Dakar. Avec 154 participants au départ, le Dakar essuie la plus mauvaise statistique de son histoire. Il faut dire que l’épreuve cette année-là était rude, les dunes d’El Goléa piégeant ainsi de nombreux concurrents, évalué à hauteur d’un-tiers des engagés ! Face à la difficulté, Peterhansel saura s’imposer et prouver tout son talent une fois encore.
Orioli s’imposera l’année suivante dans le cadre d’un Paris-Dakar-Paris. La course innovera également en 1995 en partant pour la première fois en-dehors des frontières françaises, à Grenade en Espagne pour deux semaines de course. Hubert Auriol deviendra le patron du Dakar après de nombreux succès en piste, Peterhansel trouvant à nouveau le chemin de la victoire.
Grenade deviendra un lieu phare du Dakar à la fin des années 1990, à l’exception de l’année 1997 où le départ sera donné à Dakar, la course se terminant… à Dakar aussi ! Ce changement de programme ne trouble nullement Peterhansel, qui s’impose à nouveau, toujours pour Yamaha.
2000 : Sainct, Despres, Coma et Roma se distinguent
Dès l’an 2000, les parcours seront de plus en plus diversifiés, avec une traversée de l’Afrique d’ouest en est entre le Sénégal et l’Egypte. Un pont aérien sera mis en place pour prémunir l’épreuve et les concurrents des menaces terroristes. Richard Sainct s’imposera pour la deuxième fois consécutive sur BMW.
En 2001, une femme s’imposera pour la première fois, en la personne de Jutta Kleinschmidt. En motos, c’est toutefois Fabrizio Meoni qui offrira sa première victoire d’une longue série à KTM et s’en ira vers deux victoires consécutives en 2001 et 2002.
En 2003, Stéphane Peterhansel se lancera à l’assaut de l’épreuve auto. Menant la course pendant un temps, il a cependant dû abandonner. Richard Sainct retrouvera le chemin de la victoire après deux années concédées à Meoni en moto. L’année suivante verra le départ se jouer en Auvergne, à Clermont-Ferrand. Si Peterhansel y signait sa première victoire en autos, Sainct ne pourra réitérer son exploit de 2003 en se blessant dès la première étape au Maroc. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Nani Roma s’offrait son premier succès après neuf participations.
La première victoire de Cyril Despres viendra en 2005. Les pilotes s’étaient alors élancés depuis Barcelone et ont ensuite connu des conditions climatiques très rudes, bien plus rudes qu’à l’accoutumée pour une épreuve qui n’est pas pour les enfants de cœur ! Dans ce contexte, KTM décrochera ainsi un nouveau succès.
Lisbonne assurera le départ des trois courses suivantes, les trois dernières sur le continent africain. Marc Coma et Cyril Despres se distingueront lors des deux premières épreuves La dernière, en 2008, sera cependant annulée en raison de l’assassinat de quatre français et trois militaires mauritaniens peu avant le départ. Le ministère est monté au créneau pour recommander l’annulation du rallye. Son futur semble grandement menacé.
2009 : rebondir en Amérique du Sud
Au risque de dénaturer l’épreuve, celle-ci se délocalisera en Amérique du Sud. Or, en Argentine et au Chili, le rallye connaît un succès indéniable, qui éclaircira l’avenir de l’épreuve. Marc Coma a dominé l’édition 2009 entre Buenos Aires et Buenos Aires, en conservant la tête lors de toutes les étapes. Coma s’imposera également en 2011, KTM continuant sa croisade de victoires.
Sur les nouveaux tracés qui s’élargiront jusqu’au Pérou en 2012 et 2013, Cyril Despres se distinguera trois fois, toujours au profit de KTM. Or, Yamaha aurait pu changer la donne, ayant ravi le prodige seine-et-marnais à KTM pour l’épreuve 2014. Mais KTM continue à enfoncer le clou en remportant toutes les éditions jusqu'en 2019 inclus.
2020 : troisième chapitre
Après une décennie passé sur les terres Sud-Américaines, le rallye prend un nouveau départ en partant en direction de l'Arabie Saoudite dès janvier 2020. Outre les polémiques sur le choix de cette destination, ce changement de terrains entraine des modifications dans la hiérarchie puisqu'après 18 années de domination KTM, Honda s'impose pour la première fois depuis 1989 grâce à l'Américain Ricky Brabec, puis double la mise en 2021 avec Kevin Benavides, premier sud-américain à remporte le rallye à moto.
Le Dakar a de beaux jours devant lui, malgré les dangers que suscite la course. L’épreuve, si difficile, se transforme en aventure humaine unique en son genre. En début d’année, le Dakar est aussi l’un des premiers événements sportifs en sports mécaniques. Tout un symbole pour les passionnés.
Vainqueurs du Dakar – catégorie motos
Année | Etapes | Vainqueur | Moto |
---|---|---|---|
1979 | Paris-Alger-Dakar | Cyril Neveu | Yamaha |
1980 | Paris-Alger-Dakar | Cyril Neveu | Yamaha |
1981 | Paris-Alger-Dakar | Hubert Auriol | BMW |
1982 | Paris-Alger-Dakar | Cyril Neveu | Honda |
1983 | Paris-Alger-Dakar | Hubert Auriol | BMW |
1984 | Paris-Alger-Dakar | Gaston Rahier | BMW |
1985 | Paris-Alger-Dakar | Gaston Rahier | BMW |
1986 | Paris-Alger-Dakar | Cyril Neveu | Honda |
1987 | Paris-Alger-Dakar | Cyril Neveu | Honda |
1988 | Paris-Alger-Dakar | Edi Orioli | Honda |
1989 | Paris-Tunis-Dakar | Gilles Lalay | Honda |
1990 | Paris-Tripoli-Dakar | Edi Orioli | Cagiva |
1991 | Paris-Tripoli-Dakar | Stéphane Peterhansel | Yamaha |
1992 | Paris-Sirte-Le Cap | Stéphane Peterhansel | Yamaha |
1993 | Paris-Tanger-Dakar | Stéphane Peterhansel | Yamaha |
1994 | Paris-Dakar-Paris | Edi Orioli | Cagiva |
1995 | Granada-Dakar | Stéphane Peterhansel | Yamaha |
1996 | Granada-Dakar | Edi Orioli | Yamaha |
1997 | Dakar-Dakar | Stéphane Peterhansel | Yamaha |
1998 | Paris-Granada-Dakar | Stéphane Peterhansel | Yamaha |
1999 | Total-Granada-Dakar | Richard Sainct | BMW |
2000 | Total-Dakar-Cairo | Richard Sainct | BMW |
2001 | Paris-Dakar | Fabrizio Meoni | KTM |
2002 | Arras-Madrid-Dakar | Fabrizio Meoni | KTM |
2003 | Marseille-Sharm el Sheikh | Richard Sainct | KTM |
2004 | Région d'Auvergne-Dakar | Nani Roma | KTM |
2005 | Barcelona-Dakar | Cyril Despres | KTM |
2006 | Lisboa-Dakar | Marc Coma | KTM |
2007 | Lisboa-Dakar | Cyril Despres | KTM |
2008 | Lisboa-Dakar | Manche annulée | N/A |
2009 | Buenos Aires-Buenos Aires | Marc Coma | KTM |
2010 | Argentina-Chile | Cyril Despres | KTM |
2011 | Argentina-Chile | Marc Coma | KTM |
2012 | Argentina-Chile-Peru | Cyril Despres | KTM |
2013 | Peru-Argentina-Chile | Cyril Despres | KTM |
2014 | Argentine-Bolivie-Chili | Marc Coma | KTM |
2015 | Argentine-Bolivie-Chili | Marc Coma | KTM |
2016 | Argentine-Bolivie | Toby Price | KTM |
2017 | Argentine, Bolivie et Paraguay | Sam Sunderland | KTM |
2018 | Pérou, Bolivie et Argentine | Mattias Walkner | KTM |
2019 | Pérou | Toby Price | KTM |
2020 | Arabie Saoudite | Ricky Brabec | Honda |
2021 | Arabie Saoudite | Kevin Benavides | Honda |
2022 | Arabie Saoudite | Sam Sunderland | GasGas |
2023 | Arabie Saoudite | Kevin Benavides | KTM |
2024 | Arabie Saoudite | Ricky Brabec | Honda |
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