Kronik : Rouler loin, longtemps
Avec ma GS 1250 (approximativement)
C'est l'automne. J'ai la bougeotte d'avant l'hiver : rouler loin, longtemps, dans des endroits où il n'y a personne.
C'est l'automne. J'ai la bougeotte d'avant l'hiver : rouler loin, longtemps, dans des endroits où il n'y a personne. J'ai tout ce qu'il me faut, pourtant je reste ici. Hein ?
J'ai tout dans le garage : une 1250 GS (approximativement), tout l'équipement nécessaire et le temps pour le faire -je n'ai rien de prévu avant la cinquantaine.
J'aurais réalisé un vieux rêve : rouler au hasard, sans lire les panneaux indicateurs et leurs impérieuses flèches. Pétaouchnoque, c'est par là. Par là et pas autrement, on t'a dit. PAR LÀ, BORDEL !
Ouais, ben si moi j'ai envie de passer par le Cantal pour rejoindre Bruxelles depuis Paris, c'est mon problème.
J'enfilerais mon vieux cuir avec en dessous une petite doudoune fine qui protège mieux que la doublure d'origine. J'aurais mis un coup d'huile là où il faut sur la moto avant de la charger avec le strict nécessaire -oh ! un autre rêve : voyager avec une carte bancaire et une brosse à dents, rien de plus.
Une fois dans le Cantal, j'aurais pris par là où c'est joli, par où ça tournicote, vers les nuages les plus beaux, quand il commence à y avoir de l'herbe au milieu de la route.
Bien vite, il aurait fallu me rendre à l'évidence : il faut fuir plus loin encore, là où le Code de la route sert à allumer les poêles à bois, là où il y a de grands ciels immenses, là où il ne faut pas seulement faire super gaffe à l'essence mais aussi à ton eau, à tes provisions. Tout à coup, le plus petit boulon de ma moto devient important. Que l'un d'entre eux me quitte et c'est la frontière vers la mort qui s'amincit, oh, si imperceptiblement.
J'aurais mis à exécution un projet que je mûris depuis longtemps : installer un réservoir supplémentaire dans le coffre sous la selle de ma 1250 GS (approximativement). Avec trois litres et demi de plus, je doublerais mon autonomie : peut-être 350 bornes en faisant gaffe. Un jerrycan de 10 litres en plus ? Dijon-Prague sans ravitailler.
En roulant à peu près vers là le Soleil se lève, les cartes disent que je vais arriver dans les grandes plaines de Mongolie où il n'y a plus que le ciel, l'herbe et le vent. Délice des délices : oublier le jour que l'on est. Je parie sur un éternel vendredi, avec mon pneu avant qui, miracle, trouve toujours une route à poser devant lui. Voilà l'endroit où je serai seul au monde, probablement sans feu de camp parce que l'arbre y est rare et précieux.
Dommage : j'aurais bien dansé autour, avec des hululements de Peau-Rouge. Il faut profiter de l'occasion pour faire sortir le très primitif, le sauvage. De prier Zeus, dieu de l'allumage électronique, la petite foudre qui me fait avancer un coup de piston après l'autre. De prier Héphaïstos, dieu des soudures -pourvu qu'elles tiennent ! Oui, mais quand je sors de leur zone de couverture ? A partir d'où prier Chi-Po, dieu chinois des filtres à air ?
Ma GS 1250 (approximativement) poum-poum vers le Soleil qui se lève. Chaque matin, je tapote les rayons de ses roues avec une clef à pipe pour les encourager. Je dépoussière. Je mets de l'huile là où il faut. Mon Michelin arrière a laissé place à un pneu dont le nom est écrit dans une langue que je prononce à peine. Depuis une semaine, je dors sous une bâche : ma tente n'était pas "vent de Mongolie-proof".
A partir de maintenant, je suis plus près du Pacifique que de l'Atlantique. La bonne nouvelle c'est qu'à partir de Vladivostok, il reste encore 6.000 kilomètres jusqu'à Lavretiya, là d'où on peut presque voir l'Alaska. 6.000 kilomètres. A peine une vidange de plus. Moui ? Ça fait plutôt 10.000 bornes ? A vol d'oiseau ? Donc 15.000 par la route ? Et tout le monde y va en avion parce que sinon ça prend un mois ?
Bah… J'embarque trois litres d'huile et je ferai autant de vidanges, alors.
Tu es pressé ?
En attendant, je suis le cul sur ma chaise, devant la fenêtre, à regarder la carrière à ciel ouvert de tuiles, d'ardoises et de zinc des toits dijonnais. Bien vissé sur ma chaise à me demander ce que je fais là, plutôt qu'à mi-régime en 4e sur la P-504 à l'est de Yakoutsk pour vérifier si la Terre est bien ronde comme ils le disent.
Qu'est-ce que je fais encore là ?
Commentaires
Mais qui fait donc des vidanges à 6000? Ah oui!! Préconisation constructeur avec de l'huile de coude. C'est comme des bougies à 12000 ou le réglage de soupapes à 42000, voir même changer les durites de freins et d'eau tous les 4 ans...Sinon bon voyage et ne t’arrête pas de trop.
29-10-2019 08:22Surtout Kpok reste assis sur ta chaise, si ton rêve devenait réalité tu ne pourrais plus nous écrire de belles kronik comme ça. Assieds toi et fait de beaux rêves..
29-10-2019 08:50marrant, juste quand je viens de m'acheter un équipement d'hiver :)
29-10-2019 09:44tom4
Fais le !!
29-10-2019 10:06Je rêve parfois de ce genre de périple, racheter une vieille YBR 125 et filer aux confins de l'Europe, plus loin encore, toujours plus loin. Mais c'est un rêve. Le boulot, le gosse, ... le lac Baïkal est à 3 semaines en roulant 5h par jour. Quand j'arrive à négocier 3 jours pour me balader c'est déjà le bout du monde. Vivement la retraite dans 30 ans. Ou un peu plus. Mais d'ici là, les motos seront peut être de l'histoire ancienne.
29-10-2019 10:50En attendant, je vais faire un tour en Italie vers le mont Viso. C'est moins absolu, moins loin, moins aventureux. Il faut parfois savoir profiter des plaisirs simples de la vie et mettre de côté les rêves inaccessibles.
Ton paysage existe ! Et pas si loin que ça ! Ça s'appelle le Cauusse Mejean et c'est en Lozere...
29-10-2019 13:46Dépaysement garanti ! On se croirait en Mongolie, à cette époque de l'année tu peux rouler sur les départementales sans rencontrer âme qui vive, et qui sait, au détour d'un chemin peut être découvriras tu une yourte avec un poêle aux senteurs de bois fume.
Alors tu pourras déguster des tripoux ou une pouteille qui te réconciliera avec un peu d'humanité...
Vive le mono 410 et les routes sans radars ni képis bleus...
Je viens de terminer la lecture de "Et j'ai suivi le vent" d'Anne-France Dhauteville et je vous la conseille très vivement(la lecture ...). Il y a tout dans ce livre, humour inclus !
29-10-2019 14:00Tiens, je suis en train de lire ce bouquin aussi.
29-10-2019 18:17Sinon, surement ma Kronik préférée. Je l'emporterai quand je tracerai vers.. là bas.
Dans surement pas si longtemps.
y ben longtemps, sur mon gitane testi j'ai pris mon samedi ( a l'époque on bossait 6/7), ma destination initiale était "course de cote de Mimet prés de Marseille", j'ai chargé un duvet, un sac sur le très petit réservoir, fait le plein ( en 5 secondes !), et roule ma poule, seul, peinard, a mon rythme, petites roads 66 du coin, un peu de continental circus, arrivée sur place, je parcours la cote afin de me rendre compte du spectacle a venir et choisir ma place. Pas emballé par le site et emballé par ma ballade, demi tour et reroule ma poule, re rods 66 du coin, le pieds, solo, cool, en fin de journée, la bécane avait besoin de repos, elle aussi, dodo sur parking, a la belle étoile, le dimanche retour case, comblé, la banane, et l'envie de repartir !
29-10-2019 18:42depuis j'ai remis ça, a moto ou a pieds, mais toujours en impro.
Chuuuuuuuuuut
Faut pas dévoiler les coins à
champignonsvirolos !Par contre si vous voulez venir dépêchez vous, l'hiver (et la neige, arrive ... 29-10-2019 19:34
ah chouette kronik... finalement nous sommes bcp à rêver de tailler la route et de dormir à la belle étoile...Un duvet, une brosse à dent et une CB (faut pas déconner quand même)... demain je prends mon aprem et je tire plein Sud tranquilou dans les virolos... bon on rentrera pour la nuit quand même. Le duvet c'est pour plus tard...
29-10-2019 21:08Pas besoin d'une 1250 GS pour voyager, cet été en Ardèche j'ai croisé un Breton qui faisait le tour de France en 125 Honda mono cylindre des années 80.Avec tout son barda et son chapeau de paille pour le soleil. Si il lit cet article il se reconnaîtra, je confirme pour les Causses, c'est sublime en cette saison. J'aime mon confort mais le voyage se fait avant tout avec n’importe quelle monture, le plus dur est de se décider à partir. Si si
29-10-2019 21:33Je plussoie !!!!
Waboo > tu nous tiens au courant hein ! 29-10-2019 21:34
Avoir un casque dans une étagère, c’est déjà voyager.
29-10-2019 21:40Quand je le ferai, certainement. C'est dans mes cartons à faire prochainement.
Ça, c'est très beau aussi. 30-10-2019 07:19
Joli (approximativement) sujet de Kronik
30-10-2019 11:06Mais serait-ce finalement notre quête insatiable et permanente de confort (et de "sécurité" ?) qui inhibe complètement nos désirs de liberté, nous contraignant à remettre à plus tard LA fameuse ballade qui ne sera peut-être jamais réalisée ?
Sans même évoquer le marché qui explose des barouds-raids aux 4 coins de la planète, on constate déjà depuis quelques années que les formules "confort" (guide-hôtel-restau-assistances-groupe) à destination des motards, fleurissent sur le marché du tourisme spécialisé, y compris sur des petits circuits à 500 bornes de chez soi. Confort et sécurité encore...
J'ai le sentiment que cette quête est en lien également avec l'escalade technologique et des cylindrées, l'escalade des assistances et des prix, l'épaisseur de la moquette du show-room ...
Evidemment les clients
naïfsinsouciants réfutent ce genre de lien et ne peuvent pas envisager que la question du confort gangrènent des rêves qui ne devraient justement pas forcément en être.Alors tu prends ta carte routière, ton duvet, ton 2 roues (même un p'tit scout en plastique à la Kpok) ... et tu pars un WE, 4 jours, 1 semaine puis 2, en renonçant au moins temporairement au confort-sécuritaire et au marché !
comment ça, ça paraît peu d'chose ? Mais déjà c'est énôôôrme oui !!! ?
J'adore ! 30-10-2019 11:14
Salut
30-10-2019 11:36Pourquoi loin ?
V
Pour quelqu'un qui regarde les zétoiles, se poser cette question peut sembler étrange nan ?
30-10-2019 17:32Cela dit, on peut relativiser et en effet rouler à l'aventure dans son coin. A mon sens c'est pas une question de kilomètres abattus ... plutôt un état d'esprit et une ouverture aux autres.
Le soucis, c'est quand t'as fait les vicinales de ton département, tu les refais pas forcément dans tous les sens et alors t'enquilles celles des départements limitrophes, puis tu t'échappes chez les estrangers ... bref tu vas voir un peu plus loin, d'aut' gens.
Faire la fermeture des grands cols de Savoie : Iseran, Petit St Bernard, Cormet de Roselend.
01-11-2019 17:37Voilà mon trip à moi de ces 3 derniers jours, sans (presque) personne pour me gêner. Et même si les feuilles mortes et la terre ont envahi ces routes, c'était le pied !
Va falloir attendre 6 mois pour recommencer...
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01-11-2019 22:20