La Chronique de Koud'pied o'Kick

Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

KroniK de décembre

Le Machiavélique Plan

Il commerce à me pomper l'arbre à came, le Nicalos Sirkoza. Alors j'ai décidé d'y consacrer un peu de temps machine et de capacité disque, pour essayer de débrouiller la situation qui n'est pas aussi simple qu'il y paraît.

Il faut bien le reconnaître, il y a du génie dans la manière dont on nous présente les ravages de l'Insécurité Routière©. Avec les meilleures intentions (donc les pires, finalement) du monde, le gouv.fr mène une campagne de culpabilisation à grande échelle. La vitesse, c'est pôbien. Une « baseline » efficace, dirait-on en Communication dans le texte. Il faut s'en tenir à des messages simples pour faire passer la pilule auprès des masses bêlantes. Et c'est un fait indéniable : 8.000 morts, ça fait tache dans le paysage.

Maintenant, essayons de prendre un peu de recul par rapport à ce que nous sert le gouv.fr. Ce constat simple (8.000 morts, c'est trop) est une formidable excuse pour mener de front plusieurs objectifs :

1/ montrer au populo qu'on fait quelque chose pour lui, histoire de mettre en difficulté les petits copains d'en face à l'heure du « bilan » (ouais, sous Yoyo, toussa, c'était la merde, c'était des incapables, mon Ministère blabla, bref, votez pour moi).

2/ cogner un coup sur ces veaux de Français, ça soulage toujours, surtout quand on a un prétexte irréfutable

3/ faire rentrer des sous dans la caisse

4/ tester les limites de la résistance populaire à l'oppression (toujours instructif)

On se retrouve donc avec trois objectifs principaux, d'ordre politique (votez pour moi l'an prochain), financier (les sousous dans la popoche) et idéologique (jusqu'où est-ce que je peux les emmerder sans que ça râle trop).

Le génialissime plan

Oui, j'ose trouver génial le mécanisme rhétorique dans lequel on nous enferme.

Revenons un peu en arrière, un peu après l'élection de not' Chichi National avec un score bananier. Il faut vite annoncer des « mesures », à livrer en pâture aux journalistes politiques, histoire de dire que maintenant, les p'tit gars, ça va changer, nondidiou. Quand on a des choses à annoncer, c'est toujours ça de gagné sur les question qui fâchent. Il faut aussi trouver quelque chose de fédérateur, quelque chose qui frappe les esprits. Si Chichi avait annoncé des trucs à propos de la réforme du comptage des puces sur le dos des chiens, ça n'aurait ému personne à part les puces, et les puces n'ont pas (encore) le droit de vote. Faut frapper fort, et là où ça fait mal. Si en plus on peut piquer des sous au passage sans que ça se voit trop, c'est tout bénef'. Faut aussi trouver un truc qui puisse faire office de « bilan » après quelques années loin des urnes. Toujours histoire d'occuper le terrain, et causer longtemps sans laisser d'ouverture aux questions qui fâchent (cf. Le Canard Enchaîné, toute les semaines). Enfin, et c'est là le plus important, faut trouver un truc irréfutable, pour faire taire d'éventuelles protestations. Qui, aujourd'hui prendrait au sérieux un type prônant les levée des limitations de vitesse sur les routes ? Son point de vue est décrédibilisé d'avance.

Avec la sécurité routière, on atteint tous ces objectifs en même temps.

La situation peut en effet être présentée comme catastrophique (même si on peut tout à fait montrer, chiffres à l'appui, que les accidents mortels sont finalement très minoritaires), et digne de toutes les attentions du gouv.fr. Idéal pour s'auto-interviewer un 14 juillet, des trémolos dans la voix, grand drame national, etc. On peut annoncer tout un tas de mesures visant à « renforcer » (ça mange pas de pain, et on glisse fissa sur les chiffres) le « dispositif policier » pour une bonne cause. Les journalistes vont pouvoir déblatérer là-dessus à l'envi. Comme il faut bien aller au-delà de l'annonce de bonne intention, on colle des radars. Mais c'est pour notre bien ! Celui qui râle après les radars est forcément un terroriste™, un irresponsable, un warrior de la route qui décime des populations entière de veuves et d'orphelins innocents en Twingo mazout. Enfin, on met sur pied un système de prunage automatique à même de faire rentrer plein de sousous dans la popoche du gouv.fr qui en a bien besoin, vu l'état de délabrement financier dans lequel le gouvernement précédent, etc (on la connaît bien, celle-là). Les impôts « à la source » font toujours moins mal, paraît-il.

Impôt sur la vitesse

L'autre raisonnement absolument génial du gouv.fr porte sur les sanctions. On commence, classiquement, par faire de grands effets de manche, en menaçant de prison ces salauds de terroristes™ (toujours en faire trop avant pour paraître sympa quand on en fait moins après). Ensuite, on fait passer 2-3 lois pour rendre possible le prunage à domicile et de rendre légaux les radars automatiques. Puis, on s'arrange pour décourager la contestation en multipliant les obstacles (paye tout de suite, on verra après ; si tu te loupes, c'est carrément plus cher, etc.). Enfin, pour les « petits » excès de vitesse, les peines ne sont finalement pas si élevées (90 euros et 1 point, ça laisse de la marge). Le tout sous couvert de bonne conscience, puisque, forcément, les terroristes-chauffards, c'est toujours les autres.

Voilà comment on instaure un impôt sur la vitesse, pas trop cher (faut pas dégoûter le client non plus), qu'on paye fissa (parce qu'après, c'est plus cher) et qui ne fait râler personne (t'as tout intérêt à fermer ta gueule, vu que t'es un dangereux terroriste).

Et on fait quoi, maintenant ? Ben tu la fermes et tu raques. Inutile d'espérer une éclaircie à la faveur d'un tour aux urnes. Quand un impôt est créé, il faut en profiter au maximum (cf. la CSG).

Pendant que l'antenne ou le papier sont encombrés de faits routiers divers, on s'occupe moins des fausses factures, des rapports, des vedettes de Taïwan, des emplois fictifs, des frais de bouche, des voyages à Rome, des financements des partis, de la corruption de fonctionnaires, des appels d'offres truqués, du chômage, des plans sociaux en rafale, du soi-disant trou de la Sécu... A chacun ses excès de vitesse. Comme le disait not' Chichi National, « ya plus de raisons de s'emmerder ».

Et maintenant... kesskon fait ?

On continue la mission. Passkiya pas moyen de faire autrement, à moins d'être très courageux et de décider que la civilisation occidentale est vraiment une plaie pour la planète et donc d'émigrer quelques part du côté du Kilimandjaro pour y faire pousser ses rutabagas (presque) à l'abri de la bêtise humaine.

Ou alors on décide de frapper un grand coup et de déboulonner tous les radars automatiques de France, un peu comme les Bretons ont fait il y a quelques années avec les péages autoroutiers (mais maintenant, en Bretagne, c'est 110 maxi). Là, c'est pas gagné : faut compter avec la lâcheté, l'égoïsme et l'opportunisme de 99,9% des veaux... pardon, des Français. Pourtant, théoriquement, ça pourrait marcher. Si on s'y met à 2.000 pour démonter proprement chaque cabine (doucement avec le matos, c'est nous qu'on l'a payé), ça m'étonnerait qu'ils embarquent tout le monde. La volonté du Peuple, blabla, toussa...

Ou alors on décide de la fermer, en considérant les radars automatiques comme un mal nécessaire, au même titre que les limitations de vitesse, la TVA à 19,6 sur les muffins à la myrtille et la 125 de loc' de Fabius. Bon an, mal an, à raison d'une prune tous les 12-18 mois, on s'en tirera pas trop mal vu les tarifs pratiqués. Il ne faut jamais sous-estimer la capacité du populo à transformer l'absurde en norme et le joug en liberté (la redevance téloche, les impôts sur les impôts, la flotte en bouteille, les motos en « full », la communication « corporate », etc.).

J'ai beau échafauder des tas de plans sur la comète, le jour où je me ferai pincer j'adopterai l'attitude de la grande majorité d'entre vous : fermer ma gueule tout en bouillonnant d'une rage intérieure née de mon impuissance face à des képis investis par la volonté de St Sarko d'une Noble Mission d'Evangélisation auprès des masses roulantes. Mais qu'est-ce que j'aimerais en embarquer un à l'arrière pour lui montrer les réalités des quais de Seine à 50,0 km/h avec un 19 tonnes au cul en guise de moteur auxiliaire ! Faut être réaliste : si tu l'ouvres, t'es mort. Alors remballes tes bravades de comptoir et dit merci au juge. Après tout, t'as voté pour « eux », non ?

Une dernière chose, hors contexte : les interviouz dans MR de Laconi qui passe sur une Ducat' d'usine en Superbique. Allez, pas la peine de te la jouer, maintenant on sait que Ducat' a marqué dans ton contrat que tu n'avais pas le droit de dire du mal de c'te chiotte et du team sous peine de prune. Donc te fatigues pas, économise ta salive et tes épithètes, on te verra à l'oeuvre l'an prochain.

Koud'pied o'Kick, - le 1er décembre 2003

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