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Expérience : un poireau s'initie à l'enduro

Comment gérer l'absence de grip : réponse à un stage off-road KTM en Allemagne

De la galère au plaisir : une révélation !

Expérience : un poireau s'initie à l'enduro
Expérience : un poireau s'initie à l'enduro

Qu'est qui sépare la terre du bitume, à part une glissière de sécurité ? Et comment aborder cela, à part en tombant ?

"Apprenez à jouer du violon avec des gants de boxe. Vous verrez, quand on retire les gants, ça va tout seul" (Coluche).

La pratique motocycliste est un infini champ des possibles. De la route au circuit, du motocross au trial, de la boule de la mort au motoball. Il faut donc faire des choix et pour choisir, rien de mieux qu'être rationnel. Non je déconne. Dans un milieu passionnel comme celui-ci, faisons des choix irrationnels ! On a commencé par en faire un qui consiste à essayer de tenir en équilibre sur deux roues avec un moteur quand la raison dit haut et fort que 4 roues éviteraient de tomber. Alors pour pousser le bouchon, quand on a goûté à cet exercice en environnement stable, allons sur un environnement instable tester la stabilité de notre instable monture (vous me suivez ?).

Le grip a toujours été, à moto, une notion chère à mon cœur. Mais voyant évoluer de grands pilotes d'enduro et de rallye, voyant les motos balayer le sable et la terre, voyant leur moto glisser des deux roues, je me suis dit qu'il fallait que je vois ce que ça donne dans on enlève l'adhérence de l'équation !

J'ai donc pris le train jusqu'à Augsburg (à une heure au nord de Munich) en Allemagne (parce que j'aime bien voyager) pour prendre part au stage Enduro KTM qui se déroule en ce début septembre (parce que j'aime bien l'automne germanique).

L'Enduro c'est quoi et comment l'aborder sans se faire mal ?

Pour les non-initiés, l'enduro se situe entre le Motocross (où l'on roule à fond tout le temps dans la terre, la boue et le sable) et le trial (où l'on roule très lentement pour passer des obstacles qu'on n’arriverait pas à grimper à pied). En résumé, l'enduro doit permettre de rouler moyennement vite, mais partout, de l'ornière boueuse aux sous-bois humides où l'on sauterait au-dessus de troncs.

Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, avant le stage le matin
Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, avant le stage le matin

KTM, jouant sur son palmarès et sa légitimité en Off Road, organise à la fois des raids et des trainings sur ce thème. Ils comptent pour cela sur une batterie de 4 instructeurs suffisamment capés dans la discipline pour accompagner les participants. On peut citer Marko Brathel (qui a eu une belle carrière entre 1998 et 2003 en Enduro, dont un titre de vice-champion d'Europe et 5 médailles d'or à l'ISDE) et Ralf Scheidhauer (qui a été champion d'Allemagne et vice-champion d'Europe). Les autres ne sont pas en reste, mais attardons-nous plutôt sur celui qui n'a ni palmarès ni expérience : moi.

En prenant la liste de protections recommandées au pied la lettre, je me suis donc pointé, avec le sourire, sur l'EnduroPark d'Augsburg, avec un sac plein d'équipements à faire pâlir le costumier de Mad Max : bottes de motocross, genouillères, pare-pierre, dorsale, gilet de protection, veste et pantalon d'enduro et une protection de cervicales. Par cette matinée fraiche de septembre, je choisis de me changer dans la benne d'un pick-up appartenant à un sympathique participant polonais qui réside au même hôtel que moi.

Les motos sont alignées, majoritairement des EXC250, quelques 350 et quelque 2 temps. J'ai réservé une de ces 250 4 temps qui iront bien à mon niveau. Nous sommes une petite trentaine de participants dont la grande majorité a loué une moto sur place. Quelques irréductibles sont venus avec leur moto, leur tente, leur camion et toute la logistique de gitan qui va avec.

Briefing et mise en température.

Marko Brathel nous rassemble après que chacun ait griffonné son nom au marqueur sur sa moto. Deux choses sont au programme : le briefing et un échauffement. Le premier nous explique qu'il y aura 4 groupes allant des experts aux sous-débutants (dont j'aurais l'honneur de faire partie). La seconde activité, l'échauffement, nous apprend que l'on peut faire de la gymnastique avec les 20 kilos d'une tenue de motocross sur le dos. C'est compliqué, mais c'est possible et surtout en effet, ça réchauffe

Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, aucune adhérence en perspective
Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, aucune adhérence en perspective

Je rejoins le jeune et blond Patrick Strelow qui est désigné comme l'instructeur du groupe des novices. Ce groupe, très international, est aussi composé de Janne, jeune motarde (en Duke 150) de 20 printemps qui vient s'essayer à l'Offroad (dont la mère roule en SMT et le père en SuperDuke GT) et compte ainsi progresser ainsi dans sa pratique de la moto. On y trouve Sebastian, fier polonais de 46 printemps qui en est à son 5e stage, mais qui préfère ce groupe pour réviser les bases et ainsi progresser dans sa maîtrise de son 690 Enduro. Johanna et son mari Jost, couple munichois, ont déjà participé à un Enduro Tour et on leur avait fait comprendre qu'ils auraient dû faire le stage avant, du coup ils le font après. Ils sont tous les deux titulaires du permis moto, mais ont choisi de ne plus rouler sur la route. Passionnés de sport mécanique, ils viennent se préparer à de futures sorties Enduro.

Démarrage des motos, on quitte le parking… dommage, il était très roulable !

La boue c'est bon pour la peau

A peine avons-nous franchi l'entrée du terrain d'Enduro (fait de plusieurs parcours et pistes) que les difficultés commencent. Du fait de l'humidité persistante de ces derniers jours, le terrain est boueux à souhait et les motos s'y enfoncent d'une hauteur de pneu. Certes on n'est pas venus enfiler des perles, mais commencer dans la boue c'est un concept. Personnellement je n'aurais pas été contre un peu de terre ou de sable, le tout bien sec … mais le climat en a décidé autrement.

Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, de nombreuses chutes à la clé
Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, de nombreuses chutes à la clé

Nous évoluons avec peine et essayons de suivre Patrick. Ce dernier va nous trouver une petite boucle presque typée motocross dans laquelle nous allons apprendre à rouler debout, à freiner debout et à tourner debout aussi … A se demander si la selle ne sert finalement qu'à se reposer à l'arrêt. J'ai appris à rouler assis, à avoir mon centre de gravité assez bas et surtout quand les conditions de grip sont précaires. Alors rouler debout dans la boue non, pas naturel chez moi. Du coup je roule doucement, trop pour que la moto se stabilise. Et oui, car comme nous le savons, la vitesse donne l'équilibre et mon corps l'aidera à corriger ses écarts dus au terrain. Ce n'est qu'au bout de quelques tours que cela va se mettre en place (même si je ne m'élève que timidement sur ma monture). Je commence à prendre mes marques. Les virages, ce n’est pas encore ça par contre. Au prix de nombreux gadins et autres chutes ridicules (une constante du week-end), je tente de faire comme Patrick nous le montre : debout au freinage jusqu'au milieu du virage, moment auquel on s'assied sur l'avant de la moto pour charger la roue et imprimer la direction. La synchronisation de tout cela doit devenir naturelle. C'est pas gagné. Fin de l'atelier. J'ai déjà, malgré une condition physique loin d'être ridicule, cramé mes réserves du week-end. Fatigué, trempé, boueux et essoufflé. Patrick nous emmène sur un parcours typé enduro pendant lequel je me raterai lamentablement en voulant grimper une petite montée embouée. Le relever de moto dans ces conditions est très consommateur en énergie. Le peu de stabilité que l'on a, même à pied, rend l'exercice difficile et fait travailler tout le corps, déjà bien attaqué par les exercices.

Pause déjeuner. Nous affichons des mines déconfites. Sebastian lui a le sourire généreux. Janne a passé la matinée par terre, mais s'est accrochée, Johanna, Jost et moi avons tout donné avec des résultats en demi-teinte. La matinée permet une chose : vérifier l'étanchéité de nos tenues. Nous prions pour un bon déjeuner. Nous déjeunons sous la tente KTM. C'est un Leberkäse que nous mangerons. C'est assez indescriptible (allez sur wikipedia, je n'ai ni la place ni le courage de rentrer dans les détails), mais je pense que l'on peut colmater des murs avec ou s'en servir de kit anti-crevaison).

L'après-midi nous verra travailler les même points que le matin qui doivent devenir des automatismes. Nous verrons également comment aborder une forte descente (position, gestion du frein, etc..) et reverrons comment aborder les montées sur l'élan. Nouvelles gamelles, nouveaux relevés de moto. Patrick parsème tout cela de petits tours sur des parcours peu difficiles pour nous réconcilier avec la moto avant que nous ne soyons tentés d'abandonner.

La journée s'achève sur une couleur maronnâtre de pied en cape, sur une sensation de fatigue intense et surtout dans le jacuzzi de l'hôtel parce que l'on n'est pas des bêtes. Passer de la boue au luxe d'une eau chaude et bouillonnante, c'est ça le plaisir de l'enduro, concluais-je de ma première journée.

Expérience : l'enduro, c'est salissant
Expérience : l'enduro, c'est salissant

Au début elle froide, mais après elle est bonne

La seconde journée verra un temps un peu plus clément nous accompagner. Nous aurons tout de même de la pluie sur l'heure du déjeuner histoire de ne pas laisser le terrain sécher. Après l'échauffement (toujours en tenue), Patrick va nous faire travailler nos bases et ensuite nous apprendra un truc utile : comment s'en sortir sans appeler les secours quand on est tanké dans une côte boueuse. Deux écoles : relancer la moto (si on peut) en allant chercher tout le grip disponible ou alors, relever la moto, la faire progressivement pivoter pour pouvoir remonter dessus et descendre la côte pour aller chercher de l'élan. Nous ferons aussi des courses de lenteur, pour travailler l'équilibre et la gestion de l'embrayage. Le midi, nous déjeunerons de Weisswurst (saucisse blanche proche du boudin blanc dont on aurait retiré les meilleurs ingrédients et qu'il convient d'éplucher) accompagné de délicieux bretzels.

L'après-midi nous permettra de valider notre apprentissage. En effet, sur une portion de circuit, Patrick nous fait travailler deux virages (un plat, un avec une ornière), une petite table (qui, se trouvant juste après un virage, doit être abordée avec un minimum de vitesse, ce qui revient à dire que le virage doit être pris de manière dynamique). Nous enchaînerons les tours et y prendrons un réel plaisir, peu de gauffres et finirons par un tour type Enduro sur le terrain, nous faisant circuler sur des single trails, dans des sous-bois, par-dessus les racines, par delà les côtes et descentes piégeuses. Ce tour nous permettant de mettre en œuvre tout notre apprentissage, nous finirons la journée avec un immense sourire. Sebastian a fini la journée en 250 2 temps (qu'il a même tenté de faire monter à un arbre, mais sans succès), Janne n'est presque pas tombée et a pris de l'assurance, Johanna et Jost pensent déjà à leur prochaine destination d'enduristes. Moi j'ai la banane.

Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, des moments de repos et de convivialité
Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, des moments de repos et de convivialité

On recommence quand ?

Une vraie révélation. Les sensations sont énormes. Le feeling est terrible. Rouler avec les deux roues qui glissouillent n'est pas naturel, il faut apprendre à se décontracter. Maintenir les gaz pour que la roue avant survole le terrain sans vous embarquer dans la première ornière, jouer de son corps pour guider la moto, plonger sur la roue avant en milieu de courbe et enfin et parce que c'est surtout pour cela que je suis venu, repartir plein gaz en laissant la roue arrière vivre sa vie. La sensation de grip, malgré le terrain, reste impressionnante, notamment lors des redémarrages en milieu de côte quand, l'arrière bien chargé, les tétines mordent dans la boue pour vous catapulter en haut de la montée.

Le format sur deux jours permet de prendre le temps de désapprendre ce que l'on sait de la route et là est tout le challenge. En effet, se lever sur la moto dès les premiers kilomètres/heure quand ça glisse de partout, ça demande un effort mental important et ce n'est qu'une partie du boulot. La deuxième journée permet de plus profiter des acquis de la veille. On prend donc plus de plaisir et on se surprend à prendre en vitesse, en équilibre et en assurance surtout.

Pour moi le challenge de la moto est de savoir garder la tête froide quand les conditions se compliquent et nombreuses sont les situations dans ma vie de motard où cela m'a sauvé la mise, en balade, en roadtrip, en ville, etc. l'accumulation des expériences me semble être le meilleur moyen de se doter de l'arsenal de reflex nécessaire à la survie en environnement instable. J'ai fait plusieurs stages de vitesse sur circuit, une journée de découverte du Trial et ajoutant à cela la découverte de l'enduro, je passe un cap, vraiment. Maintenant, sans dire qu'il faut que je sorte la moto dès qu'il neige, j'ai ce petit regain de confiance qui me fait aborder l'automne sereinement … au fait, on devrait avoir de la boue pendant l'automne … Cool !

Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, pour rouler dans les flaques
Expérience : un poireau s'initie à l'enduro, pour rouler dans les flaques

(un récit de Benoît Meulin, photographe au Repaire)

Pour votre séjour à Augsburg

La ville se situe sur la ligne de TGV qui va de la gare de l'Ets à Muncih, s'y rendre est donc assez simple. Sur place KTM vous conseille le Quality Hotel (Kurt-Schumacher-Straße 6, 86165 Augsburg) qui se situe dans la zone commerciale près de l'EnduroPark. Un bon moyen pour y croiser d'autres participants avec qui vous pourrez potentiellement covoiturer le matin. l'hôtel est agréable, les petits déjeuners copieux (et c'est nécessaire) et un jacuzzi vous attend sur le toit.

La ville dispose de quelques curiosités intéressantes et d'un patrimoine culturel intéressant. On y trouve un musée d'art moderne, quelques galeries d'art et un très ancien quartier ouvrier dont la particularité est de proposer de loyers à 80 centimes d'euro par an (vous avez bien lu).

Côté restauration, nous avons trouvé un excellent Steack House (Azsteakas Steackhaus, Ludwigstraße 19, 86152 Augsburg, Allemagne) qui propose une viande de grande qualité et divinement bien cuite. Nous avons aussi jeté notre dévolu le second soir sur une brasserie restaurée absolument superbe où vous pouvez aller à vélo depuis l'hôtel. La brasserie Hasen-Bräu propose un lieu magnifique où sont brassées de nombreuses bières qu'il conviendra de goûter (avec modération et aussi avec des plats locaux comme le bayernreind'l).

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