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Roman : René (épisode 36)

Ils reprennent alors la route du sud.

Le trio a décidé de mettre du gaz car, avec tout ça, y sont pas en avance et z'ont encore pas mal de bornes avant d'atteindre le but du voyage !

René imprime un rythme soutenu, suivi comme son ombre par Maurice et par le Ziva qui est de plus en plus à l'aise avec son trail, la preuve ? Il s'est pas sorti une seule fois depuis le début du périple, alors qu'avec son hypersport, le môme en serait à au moins cinq carénages…

René repense à la rencontre de ce curieux cousin. Un doux dingue aussi déjanté que le Cescovitch. La visite a été brève, mais le courant est bien passé avec cet autre passionné, lequel possède une superbe collection de motos anciennes entraperçues au moment du départ.
Ils n'ont pas eu l'occase de s'étendre sur le sujet mais c'est partie remise au retour, car le Respectable, malgré le fait qu'il joue maintenant avec le top de la technologie, reste un nostalgique du glorieux temps passé. De plus, il lui a semblé que les deux cousins cultivaient une certaine rivalité entre eux et, avec de tels phénomènes, doit y avoir moyen de s'amuser en les provoquant pour la cause…

Dans l'immédiat, ils amusent pas le terrain et les traj' sont tendues car faut atteindre Maisidon Lesgazs avant la nuit !

Soudain, au détour d'une courbe, René n'entend plus la V6 du frangin à l'aspi. Il jette un œil dans ses rétros : nobody…

« Merde !, pense t'il tout de suite, y'en a un qui s'est bourré ! »

Pépère se débrouille alors pour trouver un endroit permettant un demi-tour – THE problème avec les trucs modernes à bracelets – et tourne la poignée, inquiet, à la recherche des deux autres en redoutant le pire vue le côté peu sécurisant de ce type de route tournicotante dont les bas murets ne sauraient empêcher un plongeon en contrebas vu le relief important du secteur…

A sa grande satisfaction, il retombe bien vite sur Maurice et Ziva, entiers, dont les deux motos sont béquillées sur le mince espace de dégagement en bordure de la route. Un seul problème, les deux sont penchés, perplexes, sur le bas moteur de la Kawasuki et commencent à démonter un flan de carénage…

L'ancien descend rapidement de sa bécane et les interroge du regard.

« Ben…, commence Maurice un peu perdu, je te suivais comme d'habitude et tout allait bien. Puis, d'un seul coup le moulbif a commencé à tousser. J'ai rentré un rapport pour remettre la sauce, mais elle a calé et j'ai juste eu le temps de me jeter sur le terre-plein pour éviter que Ziva me rentre dedans… »

« C'est passé juste… », souffle le gosse.

Les trois se regardent perplexes. La V6 est quasi neuve, elle sort de révision et un haut de gamme Japonouille comme ça ne tombe JAMAIS en panne…, quézaco ???

On aurait affaire à une bécane des bouffeurs de pâtes, on comprendrait… Ces mecs là nous pondent des trucs sublimes, passion oblige, mais le revers de la médaille c'est qu'ils sont tellement enthousiastes qu'ils en oublient souvent la rigueur sur les chaînes de production, et c'est le client qui trinque. Pas de ça chez les bols de riz. Eux sont tristes comme toi au lit avec ta daronne et tes quinze ans de vie commune, mais ils sont rigoureux et tatillons comme le gynéco de ta femme, que cette dernière fréquente de plus en plus ces derniers temps (c'est lui qui m'en a parlé…). Résultat des courses : une bridée n'a certes pas le charme latin, mais tu peux compter sur elle pour t'emmener loin sans soucis.

Sauf que là, la splendide V6 est bel et bien en panne…

« C'est certainement le carburateur… » lance Ziva du bout des lèvres.

Te marres pas, t'as été d'jeun's toi aussi…

« Mais non grosse nouille, répond René, c'est un V6 à injection, pas une 103 Pijo… Va falloir que tu penses à prendre des cours de mécanique car, même si tu commences à comprendre le fonctionnement d'la poignée d'gaz, pour être un vrai de vrai faut êt' capable de piger c'qui s'passe sous l'flan d'carénage quand tu tournes le truc à droite du guidon…
Ha !!!, les jeunes…, z'avez encore du boulot avant d'être en mesure d'jouer avec nous… »

Tronche du môme !

N'empêche que Pépère est perplexe et Maurice aussi…

Bon, procédons avec méthode. Y'a du jus car elle tousse et ça pète dans l'échappement, y'a du coco dans l'réservoir vu qu'ils ont fait l'plein y'a moins d'deux cent bornes et que toute façon, faudrait être le dernier des manches pour tomber en panne sèche avec la jauge, les voyants et le décompte kilométrique au tableau de bord …

Ben…, y'a pu qu'à commencer un démontage en bonne et due forme de la bête !

Au fait, t'as déjà démonté le réservoir et viré le carénage d'un sport GT moderne sur un bord de route ? Non… ? Ben tu connais rien au charme de la moto contemporaine. Y'a des vis partout et elle ont l'humour de t'échapper des mains pour se planquer parmi la caillasse au sol, les plastiques sont imbriqués les uns dans les autres avec des caches qui servent à rien si ce n'est à te faire chier un max, et, une fois le tout enlevé (si t'y arrives…), c'est tellement compact dans le compartiment moteur que t'y passes à peine les doigts. Et t'es à l'extérieur, avec le strict minimum en outillage…

Pour eux, une chance, il ne pleut pas…

Enfin, à première vue, tout à l'air correct et les quelques connexions visibles sont bien en fonction. René démonte une bougie (encore un truc marrant vue la profondeur des culasses actuelles…) et la met à la masse, effectivement, y'a une belle étincelle, et donc c'est pas ça.
L'essence gicle du réservoir : pas ça non plus…

C'est quand même pas une panne d'injection ? Pas possible, ça tousse à l'intérieur, et un truc comme ça, ça marche ou ça ne marche pas…

Les frangins sont vraiment perplexes…, ce fleuron de la technologie moderne est un monstre d'efficacité doté de ce qui se fait de mieux au niveau technique. La vitrine du savoir faire d'un grand constructeur ! A une époque pas si éloignée de ça, tout était simple et à la portée de n'importe quel pékin pour peu que ce dernier daigne faire un petit effort. Maintenant, avec ce genre de brèle on envoie les mécanos des concessions en stage. D'abord leur expliquer que malgré les acquis, ils ne sont que des nazes face au nec plus ultra dont ils auront l'insigne honneur d'effectuer la maintenance, ensuite, que si ils veulent que leur boss mérite la confiance de l'importateur, donc du constructeur, va falloir se montrer des élèves dociles, appliqués et réservés, en ne divulguant surtout pas à la clientèle que, finalement les anciennes bécanes marchaient pas si mal que ça sans cette ribambelle de gadgets, ces artifices commerciaux qui ne servent qu'à gonfler le prix des bécanes et celui de la main-d'œuvre passée en atelier… Tant que le client est content comme ça, pourquoi faire autrement ? Il paye cash pour qu'on lui vende du rêve, drogué par le marketing qui le pousse quelquefois à oublier qu'une moto sert aussi à rouler, alors on lui sert à la louche une technologie bien inutile à l'utilisation courante, mais si valorisante d'après la pub et les essais presse.

Bref, la Kawasuki est toujours en carafe !

René décide de s'attaquer au boîtier du filtre à air, au cas où ? Que dalle !

Ziva soumet alors une proposition :

« Et si ça venait des conduits d'admission d'air forcé ?
J'ai entendu dire qu'il arrivait que des trucs soient avalés et obstruent l'arrivée… »

René et Maurice se regardent : pas si con que ça le gamin, faut essayer !

Mais d'abord, faut tomber le tête de fourche et y'a du boulot. Le Respectable en chef sait qu'il s'agit d'un plan galère sans la revue technique mais, s'ils ne tentent rien, c'est une autre galère qui les attend à poireauter après l'assistance, perdus au milieu de nulle part…

Après une heure de jurons en tout genre, le tête de fourche est enfin déposé et les manchons d'admission à portée de main. René se penche sur les deux morceaux de plastique, les déboîte, regarde à l'intérieur puis plonge la main dans l'un d'eux. Soudain, il vire au rouge et, se retournant vers son frangin, se met à hurler :

« Mauuuriiiiiiiiiiiiiiiice !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!, espèce de gland !!!!!!! »

« Qooooaaa ? » fait timidement l'intéressé…

René agite une queue de renard au nez d'un Maurice qui vient de piger.

« Tu peux m'expliquer ce que fait ce truc à l'intérieur ? » continue l'Ancien, furibard.

« Ha ? T'as r'trouvé ma queue d'renard ? J'avais cru l'avoir paumée sur la route. J'dois t'avouer que j'l'avais récupéré d'ma Viragro pour la remettre à un rétroviseur de ma Kawasuki alors que j'la sortais juste de chez Rosso. Quand ch'suis arrivé à la maison, j'l'avais plus… »

Visiblement, par un effet aérodynamique, l'emblème à poils de Maurice a été aspiré par la boîte à air située à l'avant de la moto, ce qui est déjà bizarre, mais il est resté un sacré bout de temps dans l'un des manchons sans perturber le moins du monde le rendement de la machine.
C'est ensuite, quand il a émigré vers la jonction du boîtier par effet d'aspiration que la belle mécanique s'est tout de suite asphyxiée. Tu avoueras que ce n'est pas banal…

Bon, reste plus qu'à remonter l'ensemble, ce qui fait une nouvelle heure de perdue avec l'incontournable vis manquante planquée au sol…

Contact : VRAOUUUUUM !!!! , fait le V6 !

Cette fois, y'a plus intérêt à traîner et faut mettre gaz pour tenter de rattraper une partie du temps perdu…

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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