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Récit : mon premier high side

Veni, vedi et pas vici en Ducati 999 au Mugello

L'important, c'est pas la chute, mais l'atterrissage

Printemps 2004 : je suis sur le circuit du Mugello à l’occasion du lancement de la Ducati 999. J’ai fait 2 tours et demi !

Comment me suis-je retrouvé là ? Cela ne faisait pas longtemps que j’avais été recruté comme essayeur dans la presse moto. Avec mes potes d’enfance, on roulait comme des débiles sur les petites routes des Ardennes belges et j’étais persuadé que je pilotais super bien parce que l’on ne tombait pas. On est bête quand on est jeune.

Ce sentiment de toute puissance était renforcé par le fait que juste avant, j’avais suivi mon premier stage de pilotage (les Journées K, organisées sur le fabuleux circuit de Dijon-Prenois) et que j’avais réussi à poser mon premier genou par terre. Franchement, n’importe qui arrive à poser le genou par terre lors d’un stage de pilotage mais moi, ça m’avait gonflé la poitrine d’orgueil. Vous allez voir ce que vous allez voir, désormais, je suis un pilote, les mecs. Pourtant, mon instructeur de l’époque, Pascal Guittet, (champion de France Promosport en 1989 sur une Honda RC30 et père du Champion du Monde Superstock 2014 Baptiste Guittet), calme un peu ma joie en me disant que je n’entre pas assez vite en courbe et que je mets trop de gaz en sortie et que ça, c'est de l'erreur de débutant classique. Mais moi j’ai posé le genou. Je suis un pro. Je ne l’écoute pas. L'humilité est une vertu ; je l'apprendrai dans la douleur.

Les petits plats dans les grands

Lorsque l’on débute le métier de journaliste, être invité à une présentation presse est un grand moment.

La marque met les petits plats dans les grands. On dort dans des hôtels de luxe et on mange dans des restaurants que nos propres salaires nous interdisent. On discute avec les ingénieurs et les pilotes de la marque.

Arrivé sur le circuit, ce sont une trentaine de Ducati 999 flambant neuves, posées sur leurs béquilles d’atelier, prêtes à se livrer à nous. Pour un peu, on se prendrait pour des pilotes d'usine.

Récit : en 999 au Mugello, juste avant de faire un high side

Et zip !, le pingouin !

Un tour pour chauffer les pneus, un second pour trouver ses marques, je suis un vrai pilote, je vais tous les pourrir. Boosté par l’adrénaline de la longue ligne droite des stands et de son freinage en descente qui vous remonte les organes, j’attaque les virages du troisième tour. Dans le droite de Borgo San Lorenzo, j’essore la poignée. Par rapport à la 998, la 999 avait un moteur plus linéaire et moins démonstratif, mais plus coupleux.

La 999 se met instantanément à l’équerre. Je coupe les gaz par réflexe. L’arrière reprend de l’adhérence, le ressort de l’amortisseur se détend. Je m’envole.

À cet endroit, les pilotes de GP sont à 130 km/h au point de corde. En bon poireau qui s’ignore, je devais être à 90 ou 100 km/h. Mais ce n’est pas la chute qui compte, c’est l’atterrissage. J’atterris donc sur les pieds ! A près de 100 km/h. Ça fait mal. S’ensuit plusieurs boucles d’un joli roulé boulé. Dans l’opération, la visière de mon casque Shoei explose mais le casque fait son boulot et je reste bien protégé. Je perds quand même connaissance et je reste allongé au milieu du circuit. C'est le drame.

Plus fort que Gillot-Pétré

Drapeau rouge. Ambulance. Urgences de l’hôpital de Florence. Coup de bol, le médecin parle français. J’ai les deux pieds violets. Pourtant, les radios disent que rien n’est cassé. Je ressors rapidement et je repars au circuit. J’ai du mal à marcher, mais comme rien n’est cassé, j’insiste pour remettre le cuir et je repars pour deux tours, mais j’ai du mal à tenir la moto sur ses appuis.

Retour en France le soir même en avion. Comme ça fait toujours mal, je retourne aux urgences qui confirment la même chose avec de nouvelles radios : rien n’est cassé, ce sont juste les cartilages situés entre les 26 os du pied qui sont un peu compactés, entre le tarse, le métatarse et les phalanges avec le talus ou astragale et le calcanéum sans oublier le cuboïde, l'os naviculaire et les trois cunéiformes.... Durant les six mois qui suivent, je pouvais dire la météo au réveil sans même allumer Télématin : si ça fait mal, c’est qu’il pleut !

Mais le plus drôle restait à venir. Trois jours après, je me mariais. En costard, mais avec de grosses baskets sans lacet, car les petits chaussures cirées, c’était pas possible. Mention spéciale à la démarche de canard dans l’église. Ça n'a pas trop fait rire ma wife.

Mais bon, j’ai fait un high side au Mugello. C’est plus classe que de s’encastrer dans un Kangoo sur le périphérique. Et depuis, je suis devenu un grand fan des contrôles de traction.

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