Yamaha 250 WR-F 2015
Retour gagnant
A ceux qui doutaient de l'implication de Yamaha en enduro, malgré sa riche histoire et ses succès, la nouvelle 250 WR-F vient opposer une fin de non-recevoir. Oui, la marque s’intéresse encore à la discipline. Oui, elle sait toujours produire de belles et bonnes machines. Et non, elle ne lâche pas l'affaire ! Bien au contraire !
C'est toujours la même chose, nous sommes des éternels insatisfaits. Prenez le cas de la 250 WR-F. Dans le milieu, sa notoriété atteint des sommets. Demandez à n'importe quel enduriste, il vous le confirmera volontiers. Cette moto est un monument. Fiable, rigoureuse, homogène, facile, elle est l'outil pour celui qui souhaite se mettre à arpenter les chemins de notre beau pays. C'est la moto du « roule toujours » et du débutant qu’elle ne décevra jamais et qui, accessoirement, pourront toujours la revendre à bon prix, sa fiabilité étant légendaire. C'est une référence, ce qui explique sa longue carrière au catalogue Yamaha puisque si vous comptez bien, depuis 2001, elle trône dans les concessions de Bleus. Seulement voilà, malgré ce costard de ministre, il est un truc qui clochait avec l'ancienne WR-F : son grand âge. Jouer les prolongations dans les catalogues, ok, mais le faire sans bouleversements techniques, en tout-terrain, ce n’est pas envisageable. Car ici, qui n’avance pas, recule. Et vite. Si donc, la WR-F avait bonne réputation chez les enduristes en herbe, les épicuriens, les randonneurs, les père-peinards, chez les autres, les compétiteurs, les chasseurs de pendules, les guerriers du scratch, son aura était tout autre. Lymphatique voir amorphe en moteur, mollassonne en suspensions, un poil longue en châssis, certains n’hésitaient pas à la honnir, voir à l’assimiler à un trail à vocation enduristique. L'insulte suprême...
Une attente sans fin…
Il était donc grand temps que la marque réagisse, elle dont l’histoire est étroitement liée à la discipline. Le souci, c'est qu’à force d'attendre, on en avait presque perdu nos illusions. En 15 ans, un seul millésime nous avait réjoui, celui de 2007, avec son modèle à cadre alu. Un châssis fortement inspiré par celui du modèle cross, sorti un an plus tôt et qui avait nettement amélioré la rigidité et la stabilité de la bête dans le rapide, comme le sex-appeal. Sauf que le moteur, lui, était passé à l’as… Finalement, il n'était plus qu'une toute petite minorité à penser que cette année était la bonne. Déjà parce que 2014 avait vu débarquer une toute nouvelle 250 YZ-F, copie de sa grande sœur, la 450, avec son cylindre inversée, son alimentation par injection et son architecture globale complètement inédite (admission derrière la colonne de direction, réservoir glissé sous la selle...) et ensuite parce qu'en coulisse, les rumeurs allaient bon train. Surtout en cette période où la marque faisait preuve d'un dynamisme sans précédent. On parle des incroyables MT07, MT09, des 125 et 400 X-Max, du Tricity... Les Bleus ont le vent en poupe alors forcément, leur enduro ne pouvait rater le coche. Surtout qu'il y a trois ans, ils avaient eu la délicatesse de nous servir une 450 WR-F remaniée, mixte du châssis de la 250 et de la base moteur de l'ancien modèle mis au goût du jour, comprenez, injecté et bien remanié en interne. Bref, on supputait un truc énorme, il est là ! Hallelujia !
Présentation racée
Si elles présentent les mêmes côtes moteur (77 x 53,6) et une distribution par double ACT, c’est une révolution technologique qui oppose ancienne et nouvelle WR-F. Celle-là même qu'avait engagée les Bleus en 2010 en sortant la première cross de série à cylindre inversé et incliné vers l’arrière, la 450 YZ-F (considérant que la Cannondale MX 400 sortie début 2000 n’avait pas vraiment atteint la série). Une machine qui avait fait date et qui reste la source d'inspiration directe des nouvelles YZ-F et WR-F, elles aussi dotées de la célèbre architecture moteur et de l’injection. Maintenant, on va le voir, quelques différences se font jour…
Ainsi, si on retrouve le même système d’admission devant le bloc, quasiment à la verticale du cylindre, pour gaver le moteur en air pur et frais, toute la programmation du boîtier de contrôle a été revue. A la chasse à la puissance maxi s'est substituée celle la recherche de la disponibilité maximale, le saint Graal en enduro. Boîte et embrayage évoluent également de concert pour s'adapter aux contraintes de la discipline : la première gagne un nouvel étagement, avec une première courte, une sixième rallongée et des rapports de 2e, 3e et 4e rallongés, quand ressorts et disques d'embrayage voient leurs épaisseurs augmentés pour mieux supporter les longues séances de cirage. Le renvoi du mécanisme est également un poil plus long pour réduire l'effort à fournir. Accessoire indispensable, le démarreur électrique fait son apparition devant le cylindre alors qu'un alternateur emprunté à celui de la 450 se charge de fournir un peu plus de jus à toute la centrale électrique, logiquement plus exigeante sur la WR-F qui dispose, vous l'avez remarqué d'un éclairage et d'un tableau de bord.
Ceci dit, les bas carters sont identiques sur les deux cousines. Un soin particulier a été porté au refroidissement de la bête. On le remarque à la présence d'un ventilateur derrière le radiateur droit (comme sur les KT), mais le dossier de presse indique également le changement de l'axe de la turbine par un élément traité dur. Décrié sur le modèle cross pour sa sonorité excessive, l'échappement se voit muselé par la seule pièce qui rappelle l'ancien modèle, son silencieux. En alu, de forme ovale, il paraît imposant mais parvient au but fixé puisque les Bleus nous ont assuré passer sans encombre sous les 112 db règlementaires. C'est d'autant plus surprenant que le collecteur, de type snake, paraît lui complètement identique au modèle cross.
Enfin, voilà qui clôt le jeu des 7 différences entre la cross et l’enduro. Un jeu qui finit d'affirmer la parenté entre les deux blocs, quasiment identiques, ce qui reste de bon augure sur le niveau de performance de la demoiselle...
Une plastique originale...
Standardisation oblige, la partie-cycle est également très proche du modèle cross. Même cadre, même bras oscillant, même fourche Kayaba de 48 mm de diamètre à double cartouche, Yamaha s’est contenté du régime minimum. Soit une roue arrière de 18’, un kit-chaîne à joints toriques, un té supérieur avec deux réglages de pontets (mais à l’offset identique) et un amortisseur 10 mm plus long afin de pouvoir rouler avec une pré-charge un peu plus élevée que sur l’YZ-F.
C’est bien peu, mais la WR-F n’en reste pas moins une machine typique. Notamment du fait de la localisation spécifique des éléments, consécutive à l’architecture moteur originale. Ainsi l’accès au filtre à air se fait par une trappe maintenue par trois vis localisées au niveau du bouchon de réservoir, lequel a migré à l’extrémité de la selle, sous un cache amovible, maintenu par trois ergots. Des pièces qui inspirent d’ailleurs une pointe de scepticisme quant à leur vieillissement…
Il en est de même pour une bonne partie de la connectique, déplacée sous la selle, contre le passage de roue arrière. A découvert, on reste circonspect sur le peu de protection dont elle bénéficie et si chez Yam on nous assure avoir enchaîné les tests, l'étanchéité de toutes ces prises après une saison de lavage au Kärcher ou pire, un bon jardinage dans des bosquets bien épais, reste en suspend... Paraît que ça tiendra. Le réservoir affiche la même contenance que l'élément du modèle cross avec 7,5 litres (soit 0,5 litre de moins que le précédent modèle), ce qui permet sans problème de boucler les 90 kilomètres des boucles que l'on rencontre en enduro de ligue.
Une position de conduite pour fendre la bise.
D’emblée, le contraste entre nouveau et ancien modèle est saisissant. Finie l’impression d’être assis dans un fauteuil en contre-bas du guidon, au milieu de la moto. Comme sur l’YZ-F, on a la sensation d’être posé sur la roue avant, le buste bien droit, très près du poste de conduite avec des repose-pieds un poil haut. La selle bien plane et un poil ferme, y est pour beaucoup. On se sent prêt à l’attaque. Le guidon bien rectiligne, à bonne hauteur aide aussi à charger l’avant de la machine et l’on sent qu’en virage, pour appuyer sur la roue avant, ça devrait bien se passer… En revanche, la moto étonne aussi par la proéminence de ses ouïes de radiateurs et des conduits d’admission intégrés. C’est bien plus large et imposant que sur l’ancienne qui restait exemplaire sur le chapitre, malgré ses années d’existence. Pour user de métaphore, on se croirait sur un bulldog, prêt à bondir. Une impression renforcée par le fait que l’empattement de la machine semble avoir été raccourci (semble seulement puisque les valeurs sont identiques). Sinon, rien à signaler au niveau des commandes, toujours exemplaires de douceur et de précision. Un doigt suffit pour débrayer et freiner.
Bref, ce n’est que du bonheur même s’il faut s’accoutumer à ce relatif embonpoint ! Comme il faut se faire à l’absence de coupe contact. Désormais, une simple pression sur le démarreur suffit à mettre la bête en tension alors qu’une minuterie se charge de la mettre « out of order » après une minute de veille. Un petit plus en terme d’agrément.
En randonnée
Allez, attaquons d’emblée sur le chapitre qui faisait de l’ancienne WR-F une valeur étalon, la rando. Premier point positif, la moto ne semble pas plus bruyante que l’ancienne. Le gros silencieux, un poil inesthétique d’ailleurs, remplit parfaitement son rôle. La Bleue joue de discrétion, même quand on lui titille le rupteur. En revanche, il est à noter qu’elle émet un bruit d’admission bien plus présent qu’hier.
Le bloc fait bien entendre son inhalation d’air pur à l’avant de la selle, ce qui peut surprendre un poil. Voir en énerver quelques-uns, les sensibles des trompes d’Eustache… Ceci étant, la machine reste royale lorsqu’il s’agit d’aller parcourir le monde : son moteur sait se montrer doux sur le filet de gaz, élastique et la boîte, à six rapports contre cinq pour l’ancien modèle, est un modèle d’onctuosité et de précision. Alors que le frein moteur demeure limité. Quant à la partie-cycle, un poil plus ferme que l’ancienne, plus rigide aussi, elle a la bonne idée de ne pas verser dans l’excès. Tout est savamment dosé et l’on n’a pas à lutter contre un châssis viril, à lui imposer ses volontés. Au contraire, du fait de sa compacité, il est même plus naturel dans les tourniquets, voir plus joueur. Au point où la difficulté serait presque de conserver un rythme sénatorial… Les boucles d’essai de 2 heures dessinées par Yamaha n’ont pas permis de tester l’autonomie maxi des réservoirs de 7,5 litres, mais on peut raisonnablement tabler sur plus de cent kilomètres de liberté. Soit suffisamment pour envisager de belles balades en contrées isolées. Bref, balader en WR-F, ça se fait les doigts dans le nez.
A l’attaque…
Le plat de résistance et le moment où l’on ne peut s’empêcher de féliciter Yamaha pour la qualité du travail fourni. Comme on s’y attendait, le bloc inversé produit ses bons effets sur le comportement du bloc et sa cavalerie. Hier sage dans ses montées en régime et limité dans son rendement maxi, le nouveau moteur se montre désormais furieux et carrément impressionnant de puissance. A la manière de son homologue cross. Le contraste est saisissant. Finies les relances grossières à l’embrayage pour tenter d’accrocher une plage de régime un peu fournie. Désormais, la moindre accélération du poignet se traduit par un bon petit coup de pied dans l’arrière train. C’est très électrique, donc beaucoup plus joueur… et incomparablement plus performant. D’autant que la Yam a la bonne idée de coupler toute cette vitalité d’une allonge sans fin et d’un frein moteur tout juste sensible. Là encore, rien à voir avec le menu proposé hier. Le paramétrage de l’injection est optimal : le feeling au niveau de la poignée de gaz est très fidèle et l’on parvient parfaitement à doser l’arrivée de puissance. Un plus quand les conditions de roulage sont grassouillettes. La boîte brille quant à elle une nouvelle fois par sa précision, sa vitesse et son étagement. En charge, à la volée, les rapports passent sans souci. Autre réjouissance, la partie-cycle. Jusque-là, une WR-F, c’était un rail que rien ne pouvait dévier de sa trajectoire. Un TGV servi par des suspensions mollassonnes, très mollassonnes même, mais qui ne bronchait pas, hormis sur des gros chocs où fourche et amortisseur pouvaient violemment talonner. Aujourd’hui, une WR-F, c’est un scalpel. Un châssis très court, très rigide servi par un combiné de suspensions parfait (malgré son manque de rodage) qui lit la piste avec une vrai fidélité. Bref, on peut jouer avec les trous, les bosses, quand hier, on devait les subir. C’est beaucoup plus ludique. Après, revers de la médaille, on n’a pas retrouvé cette sérénité du train avant, notamment sur l’angle, qui nous permettait jusqu’alors de rouler les yeux quasiment fermés. Ça paraît un peu plus volage, même si, encore une fois, la F 2015 s’inscrit dans les virages avec une facilité qui fera pâlir d’envie l’ancienne. Le prix à payer pour une moto autrement plus funky…
En franchissement
Bénis soient les Bleus qui avaient pensé à agrémenter la liaison d’essai d’une grimpette en pierres pour jauger de la capacité de leur bébé à s’affranchir du franchissement. Avant l’exercice, on aurait pu penser que la vitalité du bloc jouerait des tours à la fringante demoiselle et qu’au final, elle ne s’en tire pas beaucoup mieux, voir même moins bien, que l’ancienne dont le bloc anémique faisait preuve d’une incroyable efficacité dans les passages délicats. Mais non, raté ! Là aussi la Yam est royale. La faute à la fois à son étonnante force moteur, celle qui permet de virer en deux, ou de rouler en sous régime complet lorsqu’on randonne et à sa parfaite gestion électronique qui permet un très fin dosage des gaz. L’embrayage étant d’une progressivité idéale, il suffit de se concentrer sur la poignée droite pour s’en tirer à bon compte, sentir le pneu arrière mordre la terre et vous pousser vers les sommets. En première, comme en seconde !
Côté freinage, celui de la Yam est correct. En fait, en enduro, tous les systèmes de freinage se ressemblent à peu près, à l’exception des Brembo des KT et des HVA, un peu plus puissants. Mais ceux des japonais et des Sherco fonctionnent plus que correctement… c’est aussi ce qu’il fallait comprendre par « un doigt sur le levier suffit »
Conclusion
On n'ira pas jusqu’à reconnaître que ça valait le coup d’attendre 8 ans pour voir enfin débarquer cette nouvelle WR-F, l’attente ayant été bien trop frustrante, mais on se doit de reconnaître qu’avec cette machine, Yamaha a d’un coup rattrapé le retard accumulé lors de cette dernière décennie. Voir même, pris un peu d’avance sur les copains, ce qui atteste d’un savoir-faire évident en enduro. Après, cette machine pose deux constats. Déjà, que faire le pari d’un moteur à cylindre inversé, conçu pour la performance absolue, était une idée géniale dans la mesure où les Bleus savaient que calmer la fureur du bloc était faisable avec une bonne cartographie. Ou comment pondre un moteur « bon à tout faire » à moindre frais… Après, il est cocasse de remarquer que la recette de Yam pour séduire le client « vert » reste la même que celle utilisée pour la route, à savoir produire des machines au caractère bien affirmé et au design anguleux très racé. Une sortie qui s’intègre donc complètement à la politique globale de la marque aux diapasons, même si on pourra regretter qu’elle n’ait pas suivi la même politique tarifaire que pour les MT09 et MT07, le prix de vente annoncé étant juste sous la barre des 9.000 (8.990) euros, la fourchette haute des enduros 4T. Après, il est clair qu’on n'a plus vraiment l’âge de croire au Père Noël…
Points forts
- Moto homogène
- Moteur performant et ludique
- Look agressif
- Châssis instinctif
- Qualité de la finition
- Possibilité de modifier le moteur via le Power Tuner qui agit sur la cartographie
- Discrétion
Points faibles
- Embonpoint de l’avant de la machine
- Silencieux identique à l’ancien modèle
- Verrouillage du train avant à grande vitesse
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