Essai Suzuki C1500T Intruder
Classique rebelle
Plus connue pour ses roadsters et autres sportives, la marque Japonaise fait depuis longtemps preuve d’un éclectisme éclairé. Depuis 1986, plusieurs customs accompagnent la production Suzuki. VS 750 et 1400 cm3 puis Marauder 800 ont successivement tenté de percer un marché des bi-cylindres longue course, trusté par la firme de Milwaukee. Principalement destinée au marché nord américain, le constructeur d’Hamamatsu propose une gamme restreinte mais désormais complète de machines dédiées au cruising. Remplaçant la M 1500 disparue en 2009, la nouvelle C 1500 T Intruder en dérive étroitement et vient ainsi faire le lien entre l’entrée de gamme M et C 800 et la superlative M 1800 R.
Découverte
Dans sa livrée intégralement sombre, l’Intruder affiche une élégance discrète teintée de rebelle attitude. Ses origines orientales s’alignent sur les codes esthétiques en vigueur du segment. Pour renforcer sa séduction, le modèle capitalise d’ailleurs plus sur sa dénomination que sur sa marque. Le bidon reçoit donc des plaques uniquement logotypées Intruder, et fleurant bon l’American way of bike.
Conçu pour les escapades routières plus ambitieuses, ce bagger affiche également des prétentions de voyageuse comme le sous entend le T de son patronyme pour Touring. Un vaste pare-brise étire les lignes d’une fourche de 45 mm non ajustable, aux tubes noirs et gainés de fourreaux. S’y accroche, tout en contraste, une large optique cerclée de chrome, agrémentée d’une courte casquette. Tout aussi imposant, le réservoir type goutte d’eau, long et large et contenant 18 litres, se coiffe d’une platine supportant les instruments. Ses galbes filent alors vers une vaste selle pilote légèrement creusée. Une accueillante assise passager, juchée sur la bosse du garde-boue arrière, complète la sellerie cuir. Tendues de la même matière, deux valises profilées suivent de part et d’autre, les lignes fluides de l’arrière.
Cette nouvelle bagagerie accompagne l’Intruder comme partie intégrante de la machine. D’une contenance de 24.5 L pour la sacoche droite et 26 L pour la gauche, étanches, ces éléments sont particulièrement soignés. Clef de contact commandant l’ouverture, espaces entourant les barillets évidés, large charnière chromée, couvercle épais, maniement simple... Cet équipement, bien que modérément logeable, n’usurpe pas son utilité.
Un support de casque fermant à clef côtoie également ces coffres stylés.
Plongeante, la courbe de la poupe reçoit une large feux à leds bombé triangulaire, mimétisme génétique des customs Suzuki. Moins profilé que celui de la tonitruante M 1800 R, il surplombe un support de plaque plutôt massif. Plus commun, son cadre tubulaire acier à double berceaux supporte l’ensemble et loge le gros V-twin à 54° refroidi par eau. Hérité de l’ancienne M 1500, celui-ci se fait discret, parant seulement ses couvre-culasses de métal brillant et habillant ses flancs d’ailettes polies découpant sa masse sombre. Carters et autres surfaces disparaissent derrière de nombreux caches plastiques entourant le bas moteur et soignant l'intégration du bloc. Celui-ci compte toujours huit soupapes qu’animent deux arbres à cames en tête et intègre un double allumage par cylindre. En alliage d’aluminium, ceux-ci reçoivent un traitement maison (SCEM) par électrolyse, réduisant les frictions et augmentant les transferts de chaleur. Un composé idoine pare segments et racleurs du bouilleur. Ses 1.462 cm3 développent 79 ch (58,9 kW) à 4 800 tours/mn. Le rapport alésage x course (96 mm x 101mm) fait la part belle au couple avec un maximum de 13,1 m/Kg (12,8 da.Nm) atteint dès 2.600 révolutions/minute. Ces valeurs sont également le résultat d’un travail sur la boite à air, dotée de 3 chambres distinctes pour mieux alimenter le moteur (comme sur la M 1800 R). L’admission est confié à des corps d’injecteurs Mikuni de 42mm et un système d’injection identique à celui utilisé sur la gamme GSX-R : double papillons gérés par un boitier ECU de 32-bits. Enfin, son souffle est recueilli par des collecteurs de forts diamètres, composant une ligne d’échappements superposés revêtus de parements noirs mat. Ces longs tubes et flûtes de silencieux aux extrémités biseautées filent le long de la machine achevant de signer une ligne dynamique.
Pour gérer son bon caractère, l’Intruder 1500 fait appel à un embrayage assisté (Suzuki Clutch Assist System - SCAS) réduisant la pression à exercer lors de son usage. La transmission finale est assurée par arbre et cardan logeant dans le côté gauche du bras oscillant dont les mouvements sont confiés à un mono-amortisseur réglable en précharge. Afin de stopper les 363 kilos du cruiser Suzuki tout plein fait, un étrier quatre pistons vient serrer un simple disque de 320 mm à l’avant. Le ralentisseur opposé à deux pistons freine un élément de 280 mm. L'ensemble parait un peu juste surtout dénué d'ABS.
Enfin, l'allure low rider est amplifiée par des jantes à 7 branches en fonte d’aluminium de 17 pouces pour le train directeur contre 16 à l'opposé. Idem pour d'autres détails comme le verrouillage de la colonne, effectif va un barillet placé sur la fourche. Un autre, sur le flanc gauche, commande le contacteur.
En selle
L'Intruder C 1500 T est très basse, accueillant son pilote à seulement 720 mm du sol sur une selle confortable. Pieds en appuis sur de larges marche-pieds caoutchoutés, jambes écartées par le réservoir dont les genoux affleurent le sommet, on lève les bras pour agripper un guidon large de 870 mm. Fixé sur un té supérieur sans grand attrait, les cornes du cintre mériteraient un retour plus marqué vers l'intérieur. Soucieux de mimer la production américaine, Suzuki équipe son modèle de poignées à fort diamètre, cerclées de métal brillant, et intègre au mieux le bocal d'hydraulique de frein. Sa commande est réglable en écartement au contraire du levier d'embrayage à câble.
Ainsi positionnée, on baissera les yeux pour découvrir la platine des instruments, fixée sur le bidon. Là non plus, pas de fioritures, black line oblige, mais un ensemble complet mêlant vaste tachymètre analogique et deux fenêtres digitales. La première, en arc de cercle propose une jauge d'essence à cinq segments. L'autre, plus grande, comporte un indicateur de rapport engagé, un odomètre et deux partiels, une horloge et renseigne sur le niveau d'huile. En revanche, point de compte-tours… comme c'est souvent le cas sur les customs. Au côté de ces compteurs est placé le rutilant bouchon de réservoir aux standards du genre : pas de charnière pour le retenir ni d'emplacement pour le poser.
Plus pratiques, les rétroviseurs se règlent aisément et renvoient un large champ de vision dépourvu de vibrations. La longue béquille se déploie et se replie également sans mal et les clignotants profilés participent à l'ambiance custom. On reprochera à la Suz' une image globale un peu convenue ainsi que la découpe trop franche des bords de son réservoir. Certes, noir, c'est noir, mais un peu plus d'audace ne nuirait pas à l'impact visuel, bien au contraire. Plus regrettable, cosses et fils électriques se dévoilent trop ostensiblement, au niveau des commodos. La colonne de direction, elle soigne son look, intégrant la câblerie derrière un cache bienvenu. Enfin, fixations des berceaux et platines de pose-pieds passager mériteraient une meilleure intégration esthétique.
En ville
Plutôt discrète, l'Intruder C 1500 T compte sur la toux de son twin pour éviter l'anonymat. De fait, ses palpitations font vibrer l'air à la moindre accélération. Pour autant, on est loin des grondements sourds de sa dragster de soeur M 1800 R. Peu prolixe en vibrations, le bi-cylindre n'en émet qu'au ralenti. Un ferme mouvement de cheville fait claquer la première et l'Intrus voyageur s'élance en douceur.
En dépit de sa masse et son encombrement, le cruiser se montre vite docile et équilibré. Ainsi l'angle de chasse de 31,1° et une monte en 200 mm lui laissent tout de même une certaine agilité. La Suzuki se montre même relativement réactive pour ce type de machine. Toutefois, le train avant embarque doucement lors des manoeuvres à très basse vitesse et les demis tours ne sont évidemment pas sa tasse de thé. Avec les précautions d'usage que sa largeur induit, l'interfile large reste tout de même accessible.
On préfèrera alors les grands boulevards pour laisser filer le custom. Mais uniquement sur le deuxième rapport. La souplesse très relative du bloc japonais fait ainsi claquer la transmission sur les vitesses supérieures. La main gauche au repos, on évitera ainsi l'usage d'une boite rétive demandant des ordres francs pour verrouiller. On découvre alors un twin à l'allonge heureuse et dynamique, permettant de s'extraire sans mal du trafic. Seuls les rond-points devront être abordés avec retenue afin d'éviter les crissements des marche-pieds. Bien que cet Intruder tolère les urbanités, son créneau est l'horizon plus lointain.
Autoroute et voies rapides
Il est temps de faire ronfler le twin et d'aller monter, enfin, les rapports. L'étagement de la boite est véritablement surprenant. La seconde monte facilement à 130, la troisième à 150… tandis qu'au légal autoroutier, le cinquième et dernier rapport semble faire renâcler la machine. Inconsistantes, les relances demandent alors à descendre une ou deux vitesses pour donner du corps à l'accélération. Ces dispositions devraient limiter la consommation du cruiser à vitesse constante mais ne cessent d'étonner. D'autant qu'à plus de 160 km/h, la tenue de cap commence à accuser quelques écarts, interrogeant sur le choix de rapports si longs.
Performante jusqu'à 110 km/h, la protection du pare brise montre également des limites par la suite. Les flux d'air remontent alors sous le pare-brise, soufflant sur le bas du corps. De même, le casque subit de légers remous à son sommet. Cependant, le confort reste très correct, les pluies éventuelles ne frappant que le bas des jambes et les bras prouvant une efficacité appréciable.
Stable, l'Intruder C 1500 T se fait douce sur les highways provencales humides, faisant miroiter d'improbables océans, plus ou moins pacifiques. En quête de dépaysement, prenons alors le maquis du réseau secondaire.
Départementales
Inutile de tenter musarder en sous régime. Le cruiser orientale ne goute guère l'intrusion dans les basses révolutions. C'est donc sur l'incontournable deuxième rapport que l'on "attaque" l'arrière pays. Particulièrement plaisante, la bande son vrombissante de l'Intruder accompagne avec brio les reprises du gros twin. Limité dans les épingles, l'agrément mécanique est de rigueur partout ailleurs. Bien sûr, la garde au sol réduite inhérente au modèle tempère les ardeurs trop débridées mais le plaisir est là : entre la une est la trois. Voire entre la deux et la quatre quand le bitume étire d'avantage ses méandres et autorise des vitesses plus élevées permettant de passer un rapport supplémentaire.
Malgré tout, une fois ce mode d'emploi fort simple admis, la C 1500 T montre un comportement avenant et une bonne dynamique. Facile à placer sur sa trajectoire, l'Intruder n'en varie alors pas et repart sur l'angle opposé avec aisance. Le bras de levier important procuré par le guidon king size facilite d'autant cette tache.
Spécifiquement dédiés aux motos lourdes et généreuses en couple, les pneumatiques Bridgestone Exedra G852 et 853, conviennent fort bien à cette machine. Confort, motricité, réactivité, ces enveloppes s'associent correctement au travail serein des suspensions. Perfectible en progressivité, l'amortissement est grandement dopé par une sellerie moelleuse.
Partie-cycle
Etonnament agile, l'Intruder prouve une géométrie étudiée et une bonne répartition des masses. Tant en ville que sur route, la Suzuki est facile de prise en main, son poids élevé mais placé bas limitant les efforts éventuels à son guidon.
Freinage
Comme prévu, le simple disque avant se révèle un peu seul pour gérer l'important transfert de masse lors des décélérations. L'attaque est modérée, tout comme la puissance qui suit. L'étrier arrière vient à son secours avec force mais bloque vite la roue si l'on insiste un peu trop sur la pédale. Leur usage conjoint délivre toutefois suffisamment d'efficacité.
Confort/Duo
Proposant une sellerie Pullman, l'Intruder C 1500 T soigne son pilote. Le fessier de l'accompagnant appréciera un traitement identique mais bien moins une flexion des jambes marquée. L'ajout d'un sissy bar est également une option indispensable assurant des voyages en duo agréables tant au départ qu'à l'arrivée.
Consommation
L'étagement de la boite devrait soigner cette aspect, en dépit d'un réservoir de 18 litres et de cylindrée et poids conséquents. Au moins 250 km sont envisageables mais cette évaluation devra être affinée par un essai plus long.
Conclusion
Dans cette version "all black", l'Intruder C 1500 T joue les bad boys de grands et longs chemins. Consensuelle, sa plastique discrète n'affole guère les coeurs. Seule son inédite bagagerie attire les regards, apportant un peu de surprise à cet exercice classique. Traduction touring de l'ex-version custom de la disparue M 1500, cette Suzuki apporte l'avantage de voyager plus confortablement avec un style au goût sans réelle fausse note. Dans ce coloris "Noir Mat" (échappements non brillant) la Japonaise s'affiche à 13 499 €. Comptez 100 à 300 euros de plus pour les robes bi-tons Rouge-Noir et et Gris-Noir. Ces dernières s'habillent alors de plus de chrome, donnant plus de relief et de lumière au cruiser. Moins rebelle mais assurément plus séduisantes, ces dernières seront plus à même de tenter une clientèle férue de références rutilantes et souvent américaines. On citera, pour la marque Harley Davidson, la Switchback Noir ABS à 17 190 €, opposante la plus probable à notre Intruder. Freinage sécurisé et mythe de série… Sur le vieux continent, la Moto Guzzi 1400 California, équipée et intégrant nombre de technologies très actuelles, est proposée mais à plus de six mille euros supplémentaires à 19.350 €. Difficile toutefois de ne s'en tenir qu'au prix tant l'Italienne est fascinante et son positionnement bien plus haut de gamme. Enfin, on évoquera la Kawasaki VN1700 Classic Tourer, à 16.399 €, plus exubérante et arborant une finition très relevée.
Atout prix, la Suzuki se révèle donc particulièrement abordable sur ce marché. Sobre, presque austère, ses prestations globales pourront séduire les moins fanatiques des adeptes du low riding. Son style "outlaw" mécanique et ses valises cuirs font l'essentiel de son caractère. Assureront-elle le hold-up du segment?
Points forts
- Bagagerie
- Allonge moteur
- Sonorité
- Partie cycle agile
Points faibles
- Manque de sex appeal
- Etagement moteur
Concurrentes : Harley Davidson VRod, Kawasaki VN 1700, Moto Guzzi California, Triumph Rocket III
Coloris
Noir Mat , Rouge-Noir et et Gris-Noir
Commentaires
... avec la fiche technique du M1800R (106cv), c'est plus la même moto :)
19-12-2012 09:01