Essai QJ Motor SRV 600 V
Eighties !
V4 de 561 cm3, 68 ch et 54 Nm, 219 kg tous pleins faits, 7.299 euros
De curieux documents agitent la presse moto au début du printemps 2023. Un brevet fuite des services administratifs chinois, il concerne un nouveau moteur V4, attribué au constructeur Qianjiang (QJ). Des rumeurs enflent et envisagent ce moulin dans une QJ sportive 1000 ou une Benelli Tornado V4, Benelli appartenant au même groupe que QJ, l’énorme holding Geely, qui possède entre autres Lotus ou encore Volvo. En effet, QJ est le motoriste moto du groupe, qui produit également ses propres modèles. Peu à peu, il apparaît que ce V4 se destine à une nouvelle QJ, la Flash 600 V4, officiellement présentée en septembre 2023. Pour l’international, elle s'appellera QJ SRV 600 V. Cocasse : Qianjiang est désormais partenaire de Harley-Davidson en Chine et produit la Harley X 500… depuis 2023. Stratégie de marque chinoise classique, établir un partenariat avec une marque renommée puis concevoir des modèles concurrents en interne. Avec ce moteur V4, la Flash 600 se situe un cran au-dessus de la Harley-Davidson X 500 avec ses 48 ch, contre 68 pour le V4. C’est ce contexte de marché interne chinois qui explique la cylindrée de la SRV. En effet, les gros cubes sont là-bas très chers et leur usage très encadré. QJ s’est donc empressé de destiner sa SRV à l’export, pour augmenter son volume de vente qui, contrairement à ce qu’on pourrait penser, risque de ne pas être énorme sur son marché interne. De même que l’une de ses concurrentes, chinoise aussi, la Benda 500 V4 (les Chinois semblent avoir un truc avec ce type de moteur).
Découverte
Balèze quand-même de se lancer dans la conception d’un V4, architecture pas vraiment économique à produire : deux bancs de cylindres différents, donc le double d’arbres à cames par rapport à un quatre cylindres en ligne et fatalement deux chaînes de distribution. Le challenge est audacieux, le V4 reste noble à moto. La SRV marche (de loin…) sur les pas de la Honda Magna 750 V4, sortie en 1987, qui reprenait le moteur de la VF 750. Mais le cruiser V4 le plus célèbre reste la Yamaha V-Max, sortie en 1985, forte de 145 ch avec le V Boost prévu pour le marché américain. Elle est revenue en 2008, cette fois en 1700 cm3 et 200 ch !
Le moteur de la SRV fait preuve de beaucoup plus de modestie, déjà avec ses 561 cm3, ensuite avec ses 68 ch (disponible en A2), obtenus à 10 500 tr/mn, des régimes rares pour un petit custom. Le couple de 54 Nm est atteint à 8 000 tr/mn, pareil, pas vraiment du mi-régime. Sorte de contradiction sur roues, la SRV ouvre une voie qu’aucun constructeur n’a jusqu’alors explorée sur ce créneau. Pour une fois qu’un constructeur chinois fait preuve d’originalité…
Ce moteur V4, de conception moderne, possède un angle d'inclinaison entre les deux bancs de cylindres de 90 degrés, comme sur la Honda VF 750. Il est refroidi par eau (deux radiateurs sur la SRV, un pour l’eau, l’autre pour l’huile) et est alimenté bien sûr par injection. Arbres à cames en tête et 16 soupapes, les hauts régimes ne l’effraient pas. Autre avantage du V4, l’étroitesse de la moto, puisque seuls deux cylindres font face à la route devant. La boîte à six rapports transmet la puissance à la roue arrière via une courroie crantée, style Harley.
Le cadre en acier tubulaire classique, auquel se suspend le V4, se masque sous le réservoir. L’empattement est assez long, 1 580 mm, l’assise basse (720 mm) et le poids étrangement contenu, 219 kg tous pleins faits, avec le réservoir de 16,5 litres. QJ fait peut-être preuve d’optimisme à ce sujet… La Benda 500 V4 avoue, elle, 241 kg tous pleins faits.
Fourche Marzocchi (marque qui appartient au groupe Geely) inversée et étriers à fixation radiale, double disque de 300 mm de diamètre, les choix restent assez sportif pour un custom. Par contraste, on trouve un combiné d’amortisseurs derrière, réglables en précharge. Le contraste, c’est un peu le crédo de la SRV. Comme les pneus aux dimensions de bobber, avec une 130 de large devant, sur une jante de 16 pouces… qui laisse craindre une maniabilité moyenne. Derrière, QJ a choisi un 180 en 16 pouces aussi.
Le petit écran TFT rond de 3,6 pouces, assez classieux, outre les infos habituelles, renseigne sur la pression des pneus et propose et une connectivité pour un guidage GPS, équipement pratique.
En selle
Énorme avantage de l’assise basse, tout le monde pose les deux pieds au sol. La selle large manque d’un peu de moelleux, mais elle est neuve, la moto n’a que 700 km. Je doute pourtant que le confort s’améliore avec le temps, le rembourrage n’est pas bien épais. Le guidon est à bonne hauteur, les commandes douces, là encore, les marques chinoises ont beaucoup progressé en ergonomie et soin apporté à l’agrément de conduite. La finition est correcte mais quelques détails grossiers dénotent pour un custom, comme les soudures au niveau de la boucle arrière ou la qualité des plastiques au niveau de la colonne de direction. L’assemblage est plutôt bien foutu.
Les repose-pieds ne sont pas trop avancés pour un custom, au point que les plus grands peuvent voir les jambes un peu trop repliées. Mais ça permet de bien guider la moto puisque, comme tout le monde le sait, une moto se pilote aux repose-pieds et non au guidon…
La sonorité réjouit tout de suite, même si on ne se croit pas sur un custom. C’est assez aigu, un rien ronronnant, vif à la rotation de poignée de gaz (on fait tous ça à l’arrêt, les deux millimètres de poignée de gaz pour donner de la voix au moulin. Mais le plus drôle, c’est quand on imite ce son au bistrot après deux bières).
En ville
L’environnement quotidien de la SRV se composera sûrement de petites rues, de larges avenues, de terrasses et de quatre-voies qui y mènent. Bonne surprise, le pneu avant de 130 ne grève pas le comportement de la moto à basse vitesse. Le train avant ne fait pas le lourdaud, à vouloir toujours engager au moindre angle sous les 20 km/h. La SRV se laisse même guider avec facilité et surtout équilibre. Comme si on était vite chez soi ; comme dans la cuisine d’un pote où l’endroit où on va trouver les couverts et les assiettes est de suite évident. Alors on se laisse un peu aller et, je ne sais pas si avez déjà roulé des customs, mais on se prend vite pour un biker, genre gros bras, le menton un peu levé, presque arrogant. La moto, c’est avant tout une position de conduite, d’ailleurs c’est sur ce critère qu’on définit les catégories sportive, roadster, trail (alors que certaines motos n’ont rien d’un trail, juste cette assise très droite). Et ce qui différencie un scooter d’une moto, c’est ce qu’il y a entre les genoux. Bref, la SRV engendre assez vite le syndrome biker, alors que son look n’a trop rien d’une Harley ou d’une Indian. Ok, je me calme. Mais le son du V4, là, qui excite… Je me revois dans les années 80, “Free from desire”… Ok, ok.
Le frein avant manque de progressivité, la poignée est un peu raide sur les premiers millimètres puis trop dure, ça nuit au feeling. La poignée d’embrayage ne connaît pas ce problème. Le petit rond de tableau de bord, lisible, demande un peu d’accoutumance avant de se repérer au compte-tours, essentiel, on le verra.
Autoroutes et voies rapides
Bah on cruise à 130, quoi et environ 6 000 tr/mn. Si la position est cool, la selle reste plutôt dure, mais suffisamment large pour varier de position. La position pieds en avant ne sera pas fatigante à long terme, puisqu’on s’arrête déjà tous les 250 bornes pour faire le plein (conso d’environ 6l/100 km) et surtout parce que l’ergonomie est bonne. Pas de protection et une attitude propice aux fatigues cervicales, donc une fois encore, arrêtons-nous régulièrement.
Départementales
Là je vais raconter une anecdote de l’essai. L’équipe de la SIMA, qui importe les QJ et a organisé cette présentation aux alentours de Beaune, est plutôt jeune et dynamique, très branchée course et off road (culture d’entreprise, depuis le créateur, Marcel Seurat). Alex ouvrait la route et Jules était censé la fermer (la route…). Mais l’impétueux n’y tenait plus et remontait la file des journalistes au moindre coup de sang et ça lui arrive souvent. Alex, devant, se prenait 500 mètres d’avance pour mieux attendre au premier carrefour. Sportif tout ça, avec les roadster SRK 550, sportive SRK 800 RR ou trail SRT 800 autour et moi avec la SRV. Mais fierté oblige… Alors faut bien faire gaffe à affiner les traj’, dénouer les terminaisons nerveuses des mains pour sentir le train avant et alors y a moyen de suivre, dans une mélodie complètement contradictoire sur ce genre de bécane. Transporté par les saccades fiévreuses du V4, je colle au cul de la SRK 550. J’ai plus d’allonge que le twin de devant, un peu moins d’agilité mais ça se tient, surtout moins de garde au sol. Une trentaine de bornes plus loin, je reprends conscience que j’étais sur un custom. Le rythme du moteur emmène ailleurs, avec ses 10 000 tr/mn dingues, son barouf qu’on imagine mal dans un centre de contrôle technique et son train avant étonnamment sain malgré son pneu de 130. La SRV n’est pas faite pour ça et en même temps elle est faite pour ça. Va comprendre. La motricité ou plutôt le feeling du train arrière est moins précis, à cause des deux amortisseurs vraiment moyens en termes d’efficacité et de confort et du pneu Ceat médiocre. Mais avec 68 bourrins, on s’en accommode. L’essentiel tient dans le feeling du train avant.
Retour à une sérénité plus commune, le plus gros défaut de la SRV se précise, son manque de confort. Pour parvenir au prix vraiment contenu de 7.299 euros, il a bien fallu faire des économies quelque part. Je suggère qu’avec une paire d’amortisseurs de qualité, des pneus plus performants et un ou deux accessoires esthétiques, soit 2.000 euros environ d’investissement, on tient un vrai truc et surtout un V4 qui vrombit de fou au feu rouge ou à la terrasse et même les Harley feront la gueule.
Partie-cycle
La longueur de la moto (empattement), classique sur un custom, garantit sa stabilité, la taille des pneus nuit un peu à la maniabilité, mais l’équilibre est évident. C’est sur les suspensions Marzocchi qu’il faudra se pencher, mais QJ n’est pas la seule marque à faire des économies sur ce plan, les Japonais en sont coutumiers.
Confort/duo
La moto est dispo en selle biplace ou avec ce dosseret. Le confort, c’est son point faible, à cause de la selle un peu raide et des suspensions de qualité moyenne. Elles manquent surtout de détente, de progressivité dans leur travail. Sur les routes bosselées de Bourgogne, ça talonne vite.
Consommation
Elle est subjective : le V4 incite tellement à l’essorage qu’on consomme fatalement plus. L’essai n’a pas permis de faire une conso précise mais ça tournait autour des 6,5 l aux 100 km.
La SRV 600 en vidéo
Conclusion
Un V4, ça se célèbre et tant pis si le parti pris ne plaît pas. On ne peut pas passer son temps à reprocher aux marques chinoises de copier les Japonaises et Européennes et ne pas applaudir cet étrange petit moteur, qui ne fait même pas 600 cm3. Il a du son, du caractère, de l’allonge, il est souple et se laisse cruiser. Peut-être le trouvera-t-on sur d’autres versions genre roadster mais il va finalement bien au custom, parce qu’il propose une autre forme de cruiser, assez marrante, c’est pas rien dans cette catégorie. Le confort reste à améliorer, le feeling à la poignée de frein avant mais à 7.299 euros et une garantie de trois ans, on ne peut pas tout exiger. Je pense que QJ aurait tout intérêt à monter un poil en gamme et donc en prix pour gagner en crédibilité.
Face à elle, la SRV retrouvera la Benda V4, moins classe et les Honda CMX 500 Rebel ou Royal Enfield Shotgun 650, mieux finies mais moins pespies.
Points forts
- Caractère du V4 et sonorité moteur
- Equilibre de la partie-cycle
- Originalité
- Prix
Points faibles
- Confort
- Feeling du frein avant
La fiche technique de la QJ Motor SRV 600 V
Conditions d’essais
- Itinéraire : 180 km routes sinueuses
- Météo : très nuageux, 4°C à 17°C
- Problème rencontré : RAS
Equipements de série
- ABS
- Traction control
- Prise USB
- Connectivité Bluetooth
Disponibilité / prix
- Coloris : Gris - Noir
- Prix : 7 299 euros
- Disponibilité : juin 2024
Equipements essayeur
- Casque X-Lite X 801 Carbon
- Blouson cuir Segura Bongo
- Jean Vanucci
- Basket Cofra
Commentaires
C'est la prochaine moto de Picabia ça :-D
31-05-2024 17:23Evidemment le custom est une partie de mon univers et je dois reconnaître, même si je ne suis pas acheteur, qu'à ce prix elle peut séduire un nouveau venu.
31-05-2024 17:55Elle est plutôt sympa bien que l'on sente la filiation, la finition est très correcte.
Je ferai les mêmes réserves que ZEF sur l'amortissement, à changer d'urgence pour des fabrications Françaises, ainsi que les pneus.
Et ce qui ferait que je ne suis pas acheteur.
Ce moteur qui me fait dire qu'il serait plus à sa place dans un roadster que dans un custom. La cylindrée un peu faible aussi pour un custom dont le but est d'avoir très vite du couple.
Ce qui fait que Harley privilégie la cylindrée et le couple au détriment de la puissance.
Autre défaut rédhibitoire pour moi, la plancha devant pour le refroidissement.
Le custom c'est moteur longue course, gros couple et refroidissement par air.
Mais comme je suis du genre ½cuménique, le futur biker en chinoise sera quand même le bienvenu, charge à moi de lui faire acheter une Harley 🥴
Et lorsqu'il aura pris une harley, il va remarquer que les chinoises tiennent mieux la route que les harley
02-06-2024 01:23Bref,
à ce prix, autant rajouter 2 000 balles et prendre une scout d'occaz
Colonel Richou il faut mettre à jour tes informations et sans remettre en cause les qualités des Indian, les Harley tiennent le pavé. Les seuls mis en cause ce sont les pneus souvent montés pour le sol américain en gomme dure car là bas ils doivent endurer beaucoup de miles sur des routes très linéaires.
02-06-2024 07:39Là je parle d'agrément moteur et on est à une année lumière d'un moteur Harley.
Quel dommage que QJ néglige le confort avec des amortos nuls...La selle, on peut toujours la refaire ou rajouter un coussin, mais pour trouver les bons amortisseurs au top, c'est moins facile...Il faudrait aussi qu'ils apprennent à chromer et colorer l'engin, ça serait moins triste...Au final, ça fait bien cher, si on fait tout ça soit même, pour seulement 68 Cv. Quand au moulin, ils ont copié un V4 Honda des années 80, l'injection en plus, et roule Raoul, bof...Mais pourquoi se borner à 561 Cm3 ???
02-06-2024 12:00Plutôt jolie et original.. pas cher et amusante.. franchement le prix est vraiment canon pour le matos mécanique.. ça peut le faire cette bécane
02-06-2024 23:21mais pour la tenue de route des harley recentes que certain ignore .. franchement avec mon ex street bob (modele recent ).. aucun soucis pour attaquer et poser les reposes pieds voir racler le bas du cadre par moment..mes potos n en croyaient pas leurs yeux.. et moi non plus ..j imaginais meme pas l efficacité de cette belle enclume..remplie de couple et de sensations ..
Patogaz
03-06-2024 08:26561 tout simplement car c'est le premier débouché de cette cylindrée en Asie. Il ne faut pas trop compter sur les ventes en France.
Dommage, on est loin d'une vielle Honda 750 VFC... Qui sortait 82 Cv. Très loin d'une Honda 1100 VFC, ça c'était des beaux V4 !
22-06-2024 11:21