Moto Morini Scrambler 1200

La machine à remonter le temps.

Moto Morini relance sa production, à une échelle artisanale, avec une gamme simplifiée où disparaît la 9 ½. Parmi les 3 modèles actuellement au catalogue, nous avons eu un vrai coup de cœur pour le Scrambler 1200....

« to scramble » est un verbe anglais qui signifie « grimper, se démener, se ruer... ». Un Scrambler est en quelque sorte l'ancêtre de nos trails modernes; une moto de route « endurisée » aurait-on dit jadis. Un hybride tout terrain, avec des pots relevés pour améliorer la garde au sol, des pneus à tétines pour sortir des sentiers battus et parfois des suspensions légèrement adaptées au tout terrain. De fait, par rapports aux trails modernes, qui n'ont cessé de prendre de l'embonpoint, le scrambler est une sorte de retour aux sources, référence à une période où les motos étaient plus simples plus dépouillées, plus accessibles en somme. Dans les années 60 /70, nombreux sont les constructeurs qui proposaient des scramblers à leur catalogue, tout particulièrement pour le marché américain, très friand de ces modèles. Témoin, cette Yamaha 250 DS6 de 1971. Voyons si en 2013, la Moto Morini correspond encore vraiment à ce descriptif...

Découverte

Musclé, trapu, viril, ce Scrambler a une « vraie gueule ». Très authentique, il semble revenu du passé pour nous rappeler la grandeur du beau Steeve Mac Queen. Du cinéma, en fait, puisque dans les années 60, Moto Morini ne proposait pas ce modèle, pas plus que de moteur 1200 cm3, puisqu'à l'époque, les plus grosses cylindrées étaient des 650 cm3 et que dans les années 70 la firme était célèbre grâce à son 350 cc bicylindre. Vous l'avez compris, la marque a donc fait du vieux avec du neuf et comme vous le verrez c'est tant mieux, car sous ses aspects rétros, la Moto Morini, est une machine résolument moderne. En vrai scrambler, elle reprend le moteur et le cadre présents sur le reste de la gamme, avec une nuance au niveau de l'ancrage latéral de suspension arrière, absent sur la Corsaro qui utilise un système à biellettes et non une attaque directe comme la Gran Passo et le Scrambler.

A l'intérieur de ce solide treillis tubulaire acier, se niche le célèbre V2 italien ouvert à 87°, que nous avons détaillé dans notre rubrique « à vos marques ». Doté d'une course réduite et de pistons énormes (107 mm), il ne devrait pas être gêné aux entournures pour prendre des tours et cracher des chevaux. Dans cette version, il en délivre 119 et c'est très bien ! À comparer au 59 de sa seule rivale la Triumph Scrambler... Jadis nous aurions aussi fait référence au sublime Scrambler Voxan, qui sortait lui 85 chevaux dans sa version de base et 100 dans sa version « street ». Malheureusement, la marque a aujourd'hui disparu.

L'allure est renforcée par la présence de vrais pneus à crampons, des Metzeler Karoo II, qui lui donnent encore plus un look de baroudeur. Nous verrons plus loin si leur ramage vaut leur plumage. Le double échappement sort du côté gauche. De fait, impossible d'y placer une sacoche. Notre moto d'essai est d'ailleurs équipée d'une sacoche unique côté droit.

On grimpe en selle ?

En selle !

Grimper (to scramble en anglais, pour ceux qui ont la mémoire courte...). Le terme est particulièrement bien adapté, car la dite selle culmine à 830 mm. C'est un peu dommage, puisque l’avantage du Scrambler c'est justement d'être plus abordable et donc moins haut que les gros trail modernes. En effet, ici les débattements de suspensions sont raisonnables (155/165 mm AV/AR). C'est parfait pour une moto qui ne fera sans doute jamais de tout-terrain. Avec la mode des gros réservoirs et des grandes suspensions, les gros trails sont toujours plus volumineux. Rassurez-vous, pour les moins de 1,70m, cela reste acceptable, d'autant que la moto est étroite. De fait, on pose encore les pointes de pieds au sol. L'assise est creusée et le large guidon tombe bien sous les mains. Le tableau de bord est charmant avec un compte tours à aiguilles bien lisible (zone rouge à 8500 tr/mn). A gauche, un petit écran LCD indique la vitesse, les températures moteur et extérieures, les kilomètres bien-sûr, la vitesse moyenne, l'heure, mais ni la consommation, ni l'autonomie résiduelle. Il n'y a pas non plus de jauge, juste un témoin de réserve.

On démarre ?

En ville

Malgré le look rétro, ici pas de kick, mais un désormais classique démarreur. La sonorité est sympathique et les bruits mécaniques peu présents. On passe la première, en constatant d'une part que l'embrayage est doux et d'autre part au moment de « décoller » que les repose-pieds sont hauts placés. Une position qui laisse les jambes relativement pliées. Les plus grands auront sans doute un peu de mal à se caser. Très vite on est séduit par la souplesse du moteur, qui ne cogne pas pour un gros bi-cylindre, mais dans la chaleur estivale qui règne à Gènes, lieu de notre essai, le ventilateur se déclenche rapidement au feu rouge. Le thermomètre indiquant 97/99° confirme que le moteur a « ses chaleurs ». Rien de dramatique, le ventilateur n'est pas extrêmement bruyant et la mécanique semble s'en accommoder sans broncher ni caler. Juché en hauteur on domine son sujet, la maniabilité est excellente pour une 1200 et le poids raisonnable (222 kg avec les pleins). Globalement, ce baroudeur s'en tire avec élégance et sa ligne vous vaudra d'attirer des regards envieux à la terrasse des cafés.

Départementale

On connaît l'efficacité surprenante des gros trails sur ce terrain de jeu. Avec sa géométrie comparable et sa roue avant de 19 pouces, le Scrambler ne fait pas exception. Joueur, il se balance avec aisance d'un virage à l'autre et les reprises, solides, du gros V2 vous propulsent avec allégresse.
On se prendrait très vite au jeu, si ce n'était ses pneus à crampons, qui paradoxalement lui seyaient si bien en ville... et surtout à la terrasse des cafés ! Une fois au boulot, c'est différent. Les crampons des Metzeler Karoo II n'offrent pas le feeling d'un pneu trail moderne. La précision de direction y perd et le pilote n'est plus totalement en confiance au moment de la mise sur l'angle. Pas d'inquiétude à ce sujet, des pneus, ça se change et même ça se commande au départ. En effet, Moto Morini réalise ses motos à la demande. Pour un résultat parfait, vous pouvez donc commander votre Scrambler avec des Pirelli Scorpion trails qui offrent un grip exceptionnel sur l'angle. L'aspect baroudeur y perd un peu, mais l'efficacité y gagne énormément, comme nous avons pu le constater en essayant simultanément sa frangine, la Gran Passo, ainsi chaussée. Donc, pas de problème en vue. L'efficacité des suspensions est bonne au niveau du confort. A l'avant, la grosse fourche Marzocchi de 50 mm, non réglable, encaisse les bosses sans faiblir. Elle ne plonge pas exagérément au freinage, grâce à son tarage initial bien adapté à l'utilisation. Derrière, le monoamortissseur Paioli est un peu moins à la fête. Réglable en compression et détente, il est confortable, mais pour obtenir un comportement plus consistant, nous avons dû visser la détente à fond. Il faudrait affiner ce point avec de bons pneus, mais le doute est permis, pour ceux qui veulent rouler vite, car question confort, il fait très bien son job.

Nationales

La grosse fourche inversé, le cadre treillis, le joli bras oscillant alu hydroformé inspirent confiance. Ils offrent une belle rigidité que nous avons encore une fois vérifiée sur la Gran Passo qui nous accompagne, car avec les pneus à crampons, cette belle partie-cycle perd un peu de sa superbe en pilotage rapide. Les pavés qui se déforment ne permettent pas de ressentir la précision « chirurgicale » du train avant, ni son tranchant. Dommage, car le potentiel est là. Sur ces espaces un peu plus dégagés, le gros V2 fait étalage de son souffle et franchement le niveau de performance n'a rien de rétro, comme pouvait le laisser supposer le look. Le freinage est consistant et bien adapté et l'on se sent à l'aise pour suivre les copains.

Autoroute

Là on apprécie l'allonge du moteur qui vous emmène allègrement au-delà de 200 km/h. La protection n'est pas énorme, mais le petit saute vent dévie un peu l'air. La gamme d'accessoires du constructeur ne comporte pas de bulle transparente pour ce modèle, ce n'est donc pas un authentique voyageur comme peut l'être un gros trail, mais si vous sortez d'un roadster, vous ne serez pas dépaysé par la prise au vent, tout à fait supportable aux vitesses légales. On appréciera ici la capacité importante du réservoir (21 L). Un exploit compte tenu de sa finesse.

Freinage

Avec son double disque de 298 mm et ses étriers 2 pistons parallèles, le Scrambler offre un freinage tout à fait correct et proportionné à son poids, comme à son usage. A titre de comparaison, pensez que le Scrambler Triumph qui pèse 9 kg de plus, ne dispose lui que d'un seul disque. Ce que l'on déplore plus par contre, c'est l'absence d'option ABS à ce jour, mais cela ne saurait tarder. La firme y travaille, d'autant que ce dispositif sera bientôt obligatoire. L'arrière est d'ailleurs un peu brutal, mais sa puissance sera appréciée en duo.

Aspect pratiques

Le premier point noir qui concerne l'absence d'ABS vient d'être évoqué. Le second est à vérifier, mais il semble que la consommation soit relativement importante. Le constructeur nous a avoué travailler dans ce sens, mais à court terme, c'est la Corsaro qui sera la première bénéficiaire de cette évolution. Puisque nous commencions par la sécurité, signalons aussi que malgré ses superbes jantes à rayons « Tagasako Excell », le Scrambler est chaussé de pneus tubeless. Un réel plus en cas de crevaison, puisqu'en général, le pneu se dégonfle lentement, contrairement à une chambre, qui se vide comme une baudruche... avec un risque de chute. Si réellement, vous aimez les escapades hors des sentiers battus, les pneus Metzeler Karo II vous donneront satisfaction, avec toute la réserve qu'impose le fait de s'aventurer en TT avec une moto de 220 kg, tous pleins faits.
Nous avons souvent comparé le scrambler à la gran passo, le « vrai trail » de la marque. Sachez que si vous êtes voyageur dans l'âme, le constructeur vous propose de nombreux accessoires qui permettent entre autre de charger votre machine. C'est le cas de la sacoche latérale droite (309 € avec son support). Moyennant 166 €, vous pourrez acheter une sacoche arrière de 15 L à mettre sur le porte bagage vendu lui-même 210 €. Si vous êtes un solitaire, une autre sacoche 15 L se fixe sur l'arrière de la selle. Bref avec toute cette bagagerie, le Scrambler offre un peu plus d'aspects pratiques. A signaler aussi une promotion, sur une version kaki customisée avec grille de phare (vendue normalement 85 €), sacoche latérale en cuir et d'autre menus accessoires pilote et moto pour une valeur totale de 2182 €, le tout vendue au tarif d'origine, soit 10900 € ! Remarquez justement que ce prix est inférieur de 1500 € à celui pratiqué en 2009, avant la fermeture de l'usine. Une véritable affaire, d'autant que la moto est belle, bien finie et équipée d'accessoires de qualité ! Ultime option à signaler, l'amortisseur arrièreÖhlins, proposé à 1573 € en échange du Paioli d'origine. Franchement c'est cher payé. Nous vous conseillons plutôt de conserver celui-ci et si vraiment vous le trouvez trop juste à l'usage, vous trouverez du « made in France » en accessoire à un meilleur rapport qualité prix. Et vous en aurez toujours 2 pour le prix d'un ! Sachez aussi si le cœur vous en dit, que vous pouvez aussi louer un scrambler pour vous faire votre propre idée en partant avec un week-end (250 €) pour faire connaissance, ou une semaine complète contre 630 €, voire encore plus longtemps. Si au terme de cet essai, comme nous, vous êtes séduit, cette somme sera alors déduite du montant de votre achat. Pas mal non ?

Conclusion

Avec son Scrambler, Moto Morini vous invite à voyager dans le temps et dans l'espace. Puissant, polyvalent, il se plie aux exigences du quotidien, en y apportant un brin de fantaisie et d'originalité. Classique d'aspect, mais somme toute moderne de caractère il le goût d'une ancienne, mais les performances d'une moto moderne. En voyage, comme en ville, vous n'aurez pas à regretter votre choix. Et au moment d'arsouiller, vous en surprendrez plus d'un... à condition d'avoir opté pour les bons pneus. D'autant qu'avec les repose pieds pilote un peu hauts, ce n'est pas forcément la position idéale, mais par contre pour la garde au sol en virage, c'est canon !!! La finition est belle, la ligne aussi et le moteur réellement savoureux (et très largement éprouvé). Bon, assez parlé, je vous laisse aller sur le site du constructeur pour y trouver le concessionnaire le plus proche de chez vous. Vous cherchiez une moto qui ne soit pas celle de tout le monde ? Vous l'avez trouvée !

La fiche technique