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Essai moto électrique Lightning Strike

Abordable, mais perfectible

Moteur électrique de 96 ch, 244 Nm de couple, 206 kg, à partir de 12.998 $

2019 a été l'année zéro pour les motos électriques. C'est le moment où elles sont enfin devenues une véritable alternative aux moteurs à combustion interne traditionnels sur le segment des hauts voltages en offrant des performances comparables à des motos de 1000/1200 cm3 et donc plus cantonnées uniquement à des petits utilitaires urbains. Malgré ses récents problèmes de production, la nouvelle Harley-Davidson Livewire arrive désormais en concession aux Etats-Unis. Et sa concurrente Zero SR/F est tellement demandée que le PDG de Zero Sam Paschel a déclaré avoir embauché 50 salariés supplémentaires sur la chaîne de montage et introduit une deuxième équipe dans l'usine de Californie pour répondre à la demande.

Cette augmentation de la disponibilité et de la demande de motos électriques performantes s'est faite malgré leur prix élevé. La Zero SR/F 2020 de base demande 20.970 euros voire 23.190 € en version premium avec le chargeur de 6 kW, tandis que Harley-Davidson demande 33.900 euros pour sa LiveWire, mais avec un chargeur de 15.5 kW. Ces tarifs élevés permettent à la troisième alternative américaine de se montrer particulièrement attractive. Comme quoi, on peut sauver la planète sur deux-roues tout en s'amusant et à moindre coût.

Essai de la Lightning Strike
Essai de la Lightning Strike

Cette alternative vient de chez Lightning, constructeur qui s'est spécialisé dans la conception de motos électriques sportives et qui s'est fait connaître grâce à son impressionnante superbike LS-218 victorieuse à la Pikes Peak face aux modèles thermiques. Depuis maintenant six ans, la société californienne s'était concentrée sur la production d'une version de série vendue l'équivalent de 42.000 €. Tout en offrant des performances impressionnantes et une exclusivité sur le plan budgétaire, les Lightning ne sont finalement pas si éloignées de la norme de prix en matière de moto électrique. Enfin, c'était jusqu'à 2019 et la présentation de son modèle Strike, une sorte de 600 supersport déclinée de la LS-218 et annoncée à un tarif d'entrée à peine croyable pour de l'électrique de 12.998 $ hors taxe (environ 14.000 € avec la TVA). Cette Lightning abordable, nous avions eu l'occasion d'en essayer le prototype, non finalisé, il y a quelques mois. On retourne aujourd'hui en Californie pour une nouvelle rencontre avec la supersport américaine.

Découverte

Avec un prix "aussi bas", la Lightning Strike standard est livrée avec un habillage en plastique et une puissance de 96 chevaux à 15.000 tr/min pour un couple de 244 Nm constant, le tout en ne pesant que 206 kg avec sa batterie de 10 kWh. La plus onéreuse Strike Carbon (19.998 $ HT, environ 21.500 € avec la TVA) s'annonce à 121 chevaux avec le même couple, mais avec une batterie de 20 kWh à la capacité doublée.

Après le prototype, on s'attaque maintenant à la version de série
Après le prototype, on s'attaque maintenant à la version de série

Malgré le carénage entièrement en fibres de carbone de la version la plus coûteuse, la plus grande batterie se traduit par un poids en hausse avec 219 kg pour le pack haute performance qui comprend aussi un ensemble de suspensions Öhlins TTX entièrement réglables à l'avant et à l'arrière au lieu des Showa sur la standard, des étriers Brembo monobloc à fixation radiale contre des éléments Brembo deux pièces sur la standard ainsi qu'un tableau de bord TFT AIM Strada intégrant un chronométrage et un enregistrement de données GPS. Les livraisons de la Strike Carbon ont déjà commencé aux Etats-Unis avec 17 motos déjà produites au moment de ma visite. L'approvisionnement de la Standard se fera dans peu de temps.

La version Carbon bénéficie d'un bel écran TFT
La version Carbon bénéficie d'un bel écran TFT

Lightning offre le choix parmi trois capacités de batteries pour permettre aux motards de choisir la gamme qui convient le mieux à leurs besoins et à leur portefeuille, avec le pack 10 kW d'entrée de gamme promettant une autonomie de 110 à 160 km en cycle combiné, le pack Mid-Range de 15 kW offrant 170 à 240 km d'autonomie et enfin le pack 20 kW de la carbon promettant de 240 à 320 km. Equipée d'un port CCS, la Strike permet d'utiliser des chargeurs de niveau 1, 2 ou 3 selon le modèle. Le niveau 1 permet de se brancher sur une prise domestique de 220 V pour obtenir une charge de 5 à 95 % en 8 heures. Le niveau 2 assure la même charge en 120 minutes sur une prise J1772 tandis que le niveau 3 permet de le faire en 35 minutes avec une charge rapide. La Strike standard est livrée avec un chargeur de 3,3 kW autorisant la charge de niveau 1 et 2 avec un chargement rapide de niveau 3 grâce au chargeur optionnel de 6,6 kW, de série sur la Carbon, tarifée à 1500 $.

3 configurations sont possible pour la batterie
3 configurations sont possibles pour la batterie

Le prix ultra compétitif de la gamme Lightning Strike lui donne le potentiel d'être l'équivalent sur deux-roues de la Tesla Moto 3 et cela a été rendu possible par la restructuration complète de l'entreprise opérée il y a un an et demi et par ses nouvelles usines, l'une en Californie qui s'occupe du design et du développement, l'autre en Chine pour la production des différents éléments qui composent la moto.

La production de la Strike est partagé entre le site américain et l'usine chinoise
La production de la Strike est partagé entre le site américain et l'usine chinoise

Les deux versions de la Strike sont propulsées par le moteur à induction triphasé à refroidissement liquide développé en interne et couplé aux propres batteries lithium ion de la société. Celles-ci sont contrôlées par le propre onduleur à refroidissement liquide de Lightning avec un système de gestion thermique intégré et une collecte de données en temps réel pour contrôler l'état de charge et de santé de chaque cellule. La version 150 V du moteur qui équipe la Strike Standard permet d'atteindre une vitesse de 217 km/h, tandis que la Carbon promet une pointe à 240 km/h grâce à la version de 300 V du même moteur.

Le moteur est décliné dans deux versions de 150 V et 300V
Le moteur est décliné dans deux versions de 150 V et 300V

Si l'on constate toujours un air de famille avec la LS-218 notamment en raison du coloris, le carénage n'est ici plus celui de la superbike qui ornait le prototype lors du précédent essai, mais un tout nouveau carénage taillé autant pour la vitesse que l'efficacité, selon Richard Hatfield, CEO de Lightning.

Le design de l'habillage de la Strike est destiné à combiner des éléments de performances issus de la piste avec un confort pour la conduite de tous les jours et une efficacité aérodynamique pour étendre l'autonomie à haute vitesse. C'est vrai qu'elle a une esthétique de sportive et partage l'ADN de la LS-218 dans un ensemble plus compact, mais elle ne dispose pas d'une position de conduite extrême et inconfortable pour une utilisation quotidienne [...]. La raison pour laquelle elle conserve ce design sportif, c'est qu'après avoir sculpté le carénage via des tests approfondis en soufflerie, notre analyse montre que la Strike est plus efficace sur le plan aérodynamique. Par rapport à d'autres motos électriques non carénée, elle assure une réduction de près de 30 % de la trainée aérodynamique à 110 km/h, ce qui en plus d'offrir une protection supplémentaire au pilote, se traduit par une amélioration significative du kilométrage.

L'aire de famille avec la LS-218 est indéniable
L'aire de famille avec la LS-218 est indéniable

En selle

Il n'y a qu'une seule façon de vérifier ces informations et c'est d'aller tester cette moto dans des conditions réelles. Près d'un an après être avoir été le premier motard à piloter le prototype de la Lightning Strike en dehors de l'entreprise sur les routes vallonnées au nord du bassin de Los Angeles, je suis retourné dans le Golden State pour monter son successeur prêt à la production, mais cette fois-ci au Sud de San Francisco et sur les routes asphaltées qui traversent la forêts de Redwood derrière le légendaire boulevard Skyline.

Le seul moyen de vérifier ces promesses c'est sur la route
Le seul moyen de vérifier ces promesses c'est sur la route

Le prototype essayé l'année dernière relevait plus du concept reprenant en grande partie la technologie du châssis de la LS-218. Il n'était tout simplement pas confortable à piloter avec des repose-pieds trop hauts par rapport à la selle inclinée vers l'avant et une position trop étirée qui rendait difficile le contrôle. Mais avec la production, tout a été résolu, principalement grâce à Shawn Higbee, l'ingénieur de développement qui a rejoint la société en mars. Higbee est un pilote de haut niveau et ancien champion de Formula USA Superbike. Plus important encore, Shawn dispose d'une véritable expérience en matière d'électrique puisqu'il a piloté une Zero dans le championnat américain TTXGP E-Bike. Son influence sur la Strike de série est immédiatement perceptible avec une position de conduite beaucoup plus rationnelle. La selle perchée à 813 mm est maintenant confortable et accueillante avec des repose-pieds repositionnés plus bas et plus en avant. Le cadre monocoque en aluminium remplissant la double fonction de boîtier de batterie se rétrécit à la base de la selle et du "réservoir", offrant un plus grand sentiment de contrôle, tout en permettant au pilote de 1.80 m de mettre les deux pieds à plat au sol à l'arrêt. Tout semble plus confortable et beaucoup plus maniable.

La selle a nettement progressée en terme de confort depuis le proto
La selle a nettement progressée en terme de confort depuis le proto

De plus, la position de conduite est plus droite avec les guidons bracelets assez larges, plus hauts et plus en arrière, bien que leur positionnement 20 mm derrière les tubes de fourche permette encore de se caler derrière la bulle sur les longs tronçons rapides de la route bordées de séquoias après avoir gravi les lacets de La Honda Road depuis Pescadero. On a ici plus la sensation de s'asseoir dans la moto, plutôt qu'être perché dessus comme auparavant. La position plus relevée permet d'éviter un appui excessif sur les bras ou les épaules et n'est donc pas fatigante.

Même chose pour l'ergonomie bien plus adaptée à une utilisation quotidienne
Même chose pour l'ergonomie bien plus adaptée à une utilisation quotidienne

Essai

En attendant que la carrosserie en plastique moulée par injection ne soit prête, c'est sur la version Carbon que j'ai pris la route, l'habillage en carbone étant réalisé dans l'usine de San Jose. La moto était également pourvue de l'ensemble de suspensions et de freins Brembo de la Carbon, mais avec le moteur de 150 V moins puissant que la normale et qui n'était équipée que du pack de batterie de 10 kW. Cela n'affecte pas les performances si ce n'est un poids en légère baisse et une autonomie moindre que je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de vérifier.

Notre version d'essai mélangeait le moteur de la standard au châssis de la Carbon
Notre version d'essai mélangeait le moteur de la standard au châssis de la Carbon

Mis à part ça, les performances de la Strike étaient pleinement satisfaisantes même sous 150 V. Le moteur n'a pas la rage de celui de la LS-218 que j'ai pu tester il y a 5 ans, mais l'énorme couple que celui-ci délivrait le rendait certes excitant, mais pas particulièrement agréable au quotidien. Ce soucis a été résolu par une toute nouvelle cartographie de l'accélérateur ride-by-wire sur la Strike qui ne disposait malheureusement ici que d'un seul mode de conduite contre les 3 attendus et qui seront ajoutés aux modèles déjà vendus.

Alors que le modèle est déjà livré, deux des trois modes de conduite manquent encore à l'appel
Alors que le modèle est déjà livré, deux des trois modes de conduite manquent encore à l'appel

On ressent toujours des frissons en ouvrant les watts en grands alors que la Lightning réagit instantanément. Mais en conduite normale l'accélération n'est pas aussi féroce que sur certaines autres motos électriques. Celle-ci ne se fait vraiment qu'au delà de 50 km/h. Ce choix a été fait pour favoriser la conduite au quotidien. Sur les premiers 50% d'ouverture de la poignée, on n'accède qu'à 30% du couple, mais plus on accélère, plus le couple devient important. Cette progressivité du couple et de la puissance rendent la Strike vraiment contrôlable et agréable à piloter, mais sans pour autant sacrifier les sensations dans les tours avec une accélération sensationnelle.

Douce à bas régime, l'accélération est toujours aussi puissante dans les tours
Douce à bas régime, l'accélération est toujours aussi puissante dans les tours

A l'inverse, la Strike se comporte également très bien à 40 km/h lors des traversées des villes forestières de Redwood où la principale source de revenu provient des excès de vitesse. Là, elle fait également preuve du meilleur comportement pour ne pas se faire entendre. Je n'ai pas eu de piéton traversant devant moi parce qu'il ne m'avait pas entendu cette fois, mais cela m'est déjà arrivé sur une moto électrique. Et c'est pour cela que l'UE va rendre obligatoire le bruit sur les électriques. En dehors des étriers Brembo qui crient lorsqu'ils sont utilisés à froid, il faut attendre la sortie de la ville pour que la Lightning émette le moindre bruit et là c'est enivrant car, comme la MotoCzysz, la Strike hurle lorsqu'on met la poignée dans l'angle et que la transmission fait entendre sa mélodie mécanique. L'absence de bruit de moteur est une critique récurrente sur les motos électriques. OK, mais au lieu de ça, on trouve un son passionnant de transmission qui rappelle celui d'un moteur suralimenté. C'est à la fois excitant et addictif.

Le freinage régénératif n'est plus un problème en courbe, mais ne peut pas être réglé
Le freinage régénératif n'est plus un problème en courbe, mais ne peut pas être réglé

Les talents de R&D de Shawn Higbee ont également permis de transformer la tenue de route de la Strike par rapport au prototype. Après avoir réglé la suspension Öhlins beaucoup plus douce que d'habitude pour une utilisation sur route, le résultat se montre accomodant sur l'asphalte rugueux de ces routes boisées et vallonnées, avec une qualité de conduite étonnamment bonne par rapports aux standards des sportives, sauf que ça n'en est pas une : j'avais oublié ! En sortant d'un virage serré, on peut jouer de l'accélérateur pour envoyer toute la puissance, alors que le couple est toujours présent. Le Pirelli arrière adhère parfaitement pour vous propulser littéralement en sortie de courbe. Pas de chichis, juste une belle sensation de puissance fluide et de performance sans effort, aussi enthousiasmante qu'agréable.

Partie cycle

Par rapport au prototype, la Lightning Strike parait désormais agile, mais toujours équilibrée, offrant un pilotage très intuitif sur les routes sinueuses. Honnêtement, on ne ressent pas les 206 kg de la machine à la façon dont elle tourne et encore moins quand on apprécie la facilité avec laquelle elle passe d'un angle à l'autre dans les virolos.

L'ensemble Öhlins TTX a été parfaitement réglé pour une conduite de tous les jours
L'ensemble Öhlins TTX a été parfaitement réglé pour une conduite de tous les jours

Freinage

Il est vrai qu'il faut serrer les disques Brembo avant 320 mm avec vigueur pour arrêter l'engin à grande vitesse. Mais ils assurent, avec le frein arrière placé à la pédale, parfaitement leur tâche, bien aidés par les paramètres de régénération au freinage désormais plus efficaces. Ce "frein moteur" était beaucoup trop élevé sur le prototype et il était difficile de maintenir sa vitesse en courbe sans devoir accélérer en milieu de trajectoire. A basse vitesse, il fallait même être prudent car la Strike devenait instable avec un élan brusquement réduit. Ce n'est plus le cas et les enchaînements de virage se font beaucoup plus facilement, même sans accélérer. J'aurais malgré tout apprécié la possibilité de pouvoir régler le niveau d'intervention. Il n'y a toujours pas d'ABS sur la moto, autrement dit elle n'est toujours pas disponible pour l'Europe. Mais ça arrive, en tout cas, c'est ce que promet Hatfield.

Le freinage Brembo assure ce qu'il faut pour contenir les ardeurs de la Strike, mais l'ABS se fait toujours attendre
Le freinage Brembo assure ce qu'il faut pour contenir les ardeurs de la Strike, mais l'ABS se fait toujours attendre

Conclusion

Malgré son apparence, la Lightning Strike n'est pas tant une pure sportive qu'une moto de tous les jours qui tente de se faire passer comme telle. Je comprend pourquoi Lightning a fait cela. Mais se concentrer sur son ADN sportif peut être une stratégie risquée alors que le marché des sportives s'effondre. Peut-être Hatfield aurait-il dû sortir tout de suite un roadster Naked qui montre clairement ce qu'il est. Le positionnement astucieux de la Zero ZR/F en tant que Ducati E-Monster sous stéroïdes et son succès commercial malgré un prix 50% supérieur à celui de la Strike montre ce que le marché recherche. Hatfield a confirmé qu'un roadster était en développement, mais celui-ci ne sera pas prêt avant 2021.

La Lightning Strike ne manque pas d'attirer les regards
La Lightning Strike ne manque pas d'attirer les regards

Ce manque d'ABS, l'absence de tout choix de modes de conduite et le package Showa/Brembo toujours pas montré pour la standard, montrent de façon évidente que la Lightning Strike est toujours en cours de développement même si déjà en production. J'ai hâte de piloter un véritable modèle Standard quand il sera totalement prêt. Cette étape supplémentaire sur le chemin entre le prototype et la version d'entrée de gamme est une dernière avancée prometteuse sur la voie de la moto électrique nouvelle génération selon Lightning, où performances et accessibilité sont combinées dans une machine abordable.

Points forts

  • Moteur dosable et vivant
  • Agilité
  • Suspensions
  • Ergonomie revue

Points faibles

  • Modes moteurs toujours pas disponibles
  • Pas d'ABS
  • Pas de réglage du freinage régénératif
  • Absence de bruit dangereuse en ville

La fiche technique de la Lightning Strike

Commentaires

Le Modérateur

On avait essayé le proto ! Et on vient d'essayer la version définitive et ultime de la sportive Lightning Strike ! De quoi rouler pour une année 2020 électrique ?

01-01-2020 12:55 
Picabia

Conception Américaine et fabrication en partie Chinoise, voila l'explication du prix.
Ce qui implique un processus industriel complètement différent de l'actuel où des nouveaux venus prendront vite une place dans le paysage moto

03-01-2020 23:21 
 

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