Essai KTM Freeride E-SM
La ville pour terrain de jeu
Après les versions E-SX et E-XC, le géant autrichien continue de décliner sa gamme électrique avec une version supermotard urbaine, que nous avons pu découvrir dans les environs de Madrid. Rencontre du troisième type avec un jouet nucléaire !
Parler d'un géant s'agissant de KTM n'est pas un vain mot. Avec 158.760 motos vendues en 2014, soit une progression de 28,2% par rapport à 2013 et un statut de premier constructeur européen, "l'ogre de Mattighoffen" n'en finit pas de grandir, tel un haricot magique. L'association avec Bajaj n'y est pas étrangère. Même si l'indien produit 3,5 millions de deux roues par an, ce qui le place deuxième constructeur mondial derrière Honda (!), il ne mange pas KTM pour autant. Seules les "petites" cylindrées 125, 200 et 390 y sont fabriquées. La répartition de la production reste stable: 2/3 en Autriche, 1/3 en Inde. Mais venons-en à la gamme Freeride.
Présentation
Sur une base commune, KTM a développé cinq modèles. Deux sont thermiques, une 350 4 temps et une 250 2 temps, les trois autres sont électriques: E-SX, E-XC et E-SM. Ces cinq machines ont en commun leur partie cycle, un gage de grande qualité. Les trois versions électriques partagent quant à elles, leurs batteries, leur gestion électronique et leur propulseur, un moteur à courant alternatif et aimants permanents.
Doté d'un rendement pouvant atteindre 92%, il délivre 42 Nm de couple dès 0 tr/mn et 11 kw en continu, ce qui rend la Freeride SM accessible aux titulaires du permis A1. Les propriétaires profiteront cependant d'une puissance crête de 16 kW, soit presque 22 chevaux. Petits veinards! La Batterie 2,6 Kwh est constituée de 360 cellules Samsung. Elle est amovible et pèse 28 kg.
Pour le reste, la moto, particulièrement dépouillée pour être la plus légère possible, 110 kg, bénéficie d'une finition et d'une qualité de fabrication remarquables. Très intelligemment conçue, elle dispose d'un accastillage de qualité, tant en freins qu'en suspensions. De la belle ouvrage donc. Mais il faut dire qu'à 11.825 € le morceau, c'est tout ce que l'on est en droit d'attendre, même si l'on sait que les batteries Lithium ion sont très chères et que les volumes de production de tels modèles n'ont rien de comparables avec ceux des motos thermiques. KTM ambitionne en effet, 1500 ventes électriques, tous modèles confondus pour 2015.
En selle
Dieu que c'est haut! Il vaut mieux ne pas être trop court sur pattes pour enjamber la E-SM. Juchée à 900 mm de hauteur, elle ne se laisse pas aborder facilement, mais une fois assis dessus, grâce à l'enfoncement des suspensions, un pilote de moins d'un mètre 70 pose quasiment les deux pieds à plat au sol. Une option – 25 mm est disponible. Précisons cependant que la moto est si fine, que « la corde » qui relie les deux côtés au sol est finalement beaucoup plus courte qu'il n'y parait. Et c'est là que le bât blesse justement, car la selle est si étroite que le confort d'assise est déplorable, malgré la qualité de la mousse et l'efficacité des suspensions aux grands débattements (250 mm). On a affaire à une vraie selle de TT, la même que sur les SX et XC, un sport qui se pratique debout et demande une selle étroite justement, pour une meilleure mobilité du pilote. Ce n'est pas fait pour être assis et cela n'a pas été conçu pour. Et si vous vous entêtez à y voir une moto pour être assis, la pression de contact deviendra très vite dérangeante et nettement sensible voire gênante au bout d'une vingtaine de kilomètres.
La position de conduite est en revanche très naturelle. En l'absence d'embrayage et de boîte de vitesses, toutes les commandes sont au guidon, y compris le frein arrière, façon scooter, ce qui ne pose aucun problème aux motards, bien au contraire. Le petit tableau de bord numérique indique la vitesse, lisible et dispose de deux trips en plus du kilométrage total, de la vitesse moyenne et du temps de roulage.
Derrière la colonne de direction, un autre afficheur indique le niveau de la batterie via des leds de couleurs. Les 3 vertes représentent chacune 20%, puis quand le niveau descend en dessous des 40%. La led basse orange prend le relais. À 20 % elle vire au rouge fixe, puis au rouge clignotant à 10 %. Vers 5% de capacité résiduelle, la puissance diminue sensiblement pour vous permettre de rentrer au ralenti. Au centre de cet afficheur trois leds rouges indique le mode de fonctionnement choisi.
Le premier que l'on peut qualifier d'économique délivre une puissance réduite avec de faibles accélérations et une vitesse maxi d'environ 65 km/h. Le second et le troisième permettent de disposer de la puissance maximum, avec cependant une réponse intermédiaire différente de la poignée d'accélérateur (à défaut de gaz!). Le mode 3 est le plus vif. Voilà, vous savez tout, on décolle?
Ville
Contact, sur le côté du phare avant, le tableau de bord s'allume, mais pour réveiller le moteur, il faut encore appuyer une fois sur le bouton de démarreur, afin d'éviter toute fausse manœuvre par inadvertance. En l'absence de bruit, on pourrait en effet tourner la poignée et voir la moto partir par surprise. On décolle en douceur et dans un silence relatif. Vers 35/40 km/h, les bruits de transmission et autres sifflement sont relativement importants.
Au feu rouge en revanche, c'est le silence total, le refroidissement liquide ne se fait pas du tout entendre. Lorsqu'il passe au vert et que l'on tourne franchement la poignée, les accélérations sont vives. 42 Nm, c’est le couple d’un 400 quatre temps ! On n'a aucun souci pour s'insérer dans le trafic. Les performances sont celles d'un scooter 125, avec une meilleure vivacité.
A l'arrêt en côte, on regrette cependant l'absence d'un frein à pieds, ou d'un frein à main par blocage des leviers. Le pilote est donc obligé de garder en permanence une main sur le guidon en tirant sur le frein, pour empêcher la moto d'avancer ou reculer.
Par ailleurs, les commandes sont douces et la moto très légère. On se faufile facilement, le guidon n'est pas trop large, les rétroviseurs efficaces. Assis en hauteur on domine la situation. Les piétons vous entendent plus ou moins arriver, selon que vous accélérez ou non. La prudence reste de mise, avec les voitures aussi. Mais globalement, tout va bien, la moto braque court et on saute facilement les trottoirs, voire plus si affinité!
Elle peut le faire, donc moi aussi; mais j’ai peur. Ceci dit, la qualité des suspensions WP autorise de nombreuses fantaisies.
Départementales
Sur petite route, la petite SM se révèle tout aussi à l’aise. Avec son braquet rallongé par rapport aux frangines TT, elle dépasse les 90 km/h (92 annoncés). Dans une légère descente, le compteur a affiché 98 km/h, les 100 doivent être possible… avec le vent dans le dos. Mais c’est dans les portions sinueuses qu’on se régale le plus de son agilité, de sa vivacité, en sautant d’une courbe à l’autre avec le bruit qui rappelle celui d’un 50 cm3 2 temps débridé, en beaucoup plus feutré. Le moteur prends 6600 tr/mn maxi, mais à l’oreille, on a l’impression de plus et c’est vraiment sympathique. Les Pirelli diablo Rosso II offrent un bon grip et l’on arsouille à cœur joie… tant qu’on peut, car à cette cadence, l’autonomie fond comme neige au soleil.
Autoroute… périphérique !
Avec sa vitesse maxi de 92, la E-SM vous emmènera sur le périph’, sans soucis, voire sur une autoroute interurbaine, pour un saut de puce en faisant bien gaffe aux camions… et à l’autonomie.
Freinage
Ici pas d’ABS, bien au contraire, l’arrière bloque facilement et on en profite pour bien mettre la moto en travers, en entrée de virage, à condition de bien maîtriser l’art... Si on se loupe un peu, la marge d’improvisation reste large, tant la moto est légère et maniable. Un jouet on vous dit ! La commande au guidon en lieu et place de l’embrayage est très naturelle, on s’y adapte immédiatement. Le frein avant est dosable quant à lui, mais à partir de 80/90 km/h, on commence à trouver qu’il manque de mordant. En fait, c’est le même qu’en TT et si dans cette fonction il permet un parfait dosage sans trop risquer de bloquer l’avant sur la terre, sur route, avec la roue de 17, il manque un peu de nerf en conduite sportive. Par contre, pour jouer et faire des figures à basse vitesse, il tient parfaitement son rôle.
Le petit étrier 4 pistons est superbe, mais le disque un peu trop petit. Ça manque de mordant.
Aspect pratiques
On a déjà parlé du confort de selle, mais l’autonomie est un autre sujet qui fâche. En usage assez intensif, avec 6 km de bourre mémorable à fond sur une petite départementale, notre moto n’affichait plus qu’une capacité résiduelle de 20% au terme de 30 km parcourus. Cela signifie qu’il nous restait environ 7 km à parcourir avant la panne sèche. Certes il convient de relativiser ce chiffre, car plus qu’avec un moteur thermique, l’autonomie varie énormément avec la vitesse et le type d'utilisation. Ainsi si l’on s’amuse à rouler à la vitesse maxi, en utilisant à plein les 11 kw du moteur, les 2,6 kwh de la batterie seront consommés en 14 mn, soit une distance parcourue d’environ 21 km. Mais en usage courant, en prenant soin de rester économe, on ira bien sûr beaucoup plus loin. KTM annonce entre 30 mn et 1 h 30 d’autonomie, mais dans tous les cas, n’espérez jamais plus de 70 km d’autonomie, même en ville sans passer le 50 et en accélérant gentiment.
A titre indicatif, une Zero motorcycle de base a une batterie de 8,3 kwh, voire 11, ou 13,5 et un chargeur intégré dans la moto. Le poids s’en ressent, il varie entre 171 et 205 kg. C’est presque le double de la KTM. Le prix quant à lui se situe entre 13 990 et 18390 €, avec une partie cycle, qui malgré de nets progrès n’est pas aux standards de KTM. C’est aussi à prendre en compte. Une approche très différente au final de la part du constructeur américain.
Avec la E freeride SM, vous pourrez tout de même aller au boulot, mais oubliez les wheelings et les 80 km/h ou plus… D’autant qu’il faudra penser à rentrer !, Car ici, le chargeur fourni avec la moto, n’est ni intégré, ni transportable. Cela signifie qu’avec la E-SM, il faut raisonner en aller/retour s’agissant de l’autonomie. Ça limite le rayon d’action ! La solution d’une batterie de remplacement à 3270 € ttc (et 28 kg) n’est guère plus envisageable.
Par contre, en 50 minutes de recharge, on retrouve 80% de l'autonomie sur une prise 10 ampères. Pour atteindre 100% de charge, comptez 1 h 20 mn. Notez aussi qu'au bout de 700 cycles charge/décharge,(environ 25 000 km !) la capacité résiduelle de la batterie sera réduite de 20%. Il faudra alors composer avec une autonomie moyenne tombée de 45' à 36'…. C’est le gros point faible de cette moto, qui la limite à un usage loisir urbain. Quant à faire ses courses avec, ou emmener un passager, ni comptez pas…
Dernier détail pratique. Avec un tarif d'environ 13 cts du KWh (en tenant compte de l'abonnement), 1 h de moto vous coûte environ 40 cts. Au chapitre entretien, vous n’aurez que les pneus, le kit chaîne, ainsi que l'huile de la transmission (15 cl toute les 50 h). Pas de moteur à refaire, de soupapes à régler, pas de bougie, ni de filtre à air et bien sûr pas d'essence !…
Bilan
Disponible dès mai 2015, contre 11825 €, la KTM E-Freeride SM nous a clairement amusés. C’est un jouet fabuleux, pour glisser, sauter, faire le zouave dans un skate parc, sur un circuit de karting, ou une zone industrielle … En silence et sans fumée ! Mais ses capacités se limitent aux purs loisirs, elle n’a pas d’autre vocation que de vous faire plaisir. Son champs d’action, comme son rayon d’action, sont limités. Il faut l’intégrer. Si ses capacités répondent à vos besoins ou à vos envies, elle ne vous décevra pas, à condition d’avoir le fessier bien tanné, ou de porter un cuissard de cycliste ! Avec cette E freeride SM, KTM continue de développer la 'E-mobilité" et visiblement ce n'est pas fini. Il y a fort à parier que l'on verra bientôt apparaître le concept de scooter électrique sportif KTM E-Speed, présenté au salon de Tokyo 2013 et censé entrer en production en… 2015 ! A Barcelone, le message a été clair, l'ADN de KTM c'est le sport et pas question de sortir des produits purement utilitaires. Mais rien n'interdit un scooter " bien saignant'...
Gare ! A force de faire le zouave, les ennuis finissent par arriver…
Points forts
- Comportement très joueur
- Belle finition
- Qualité des suspensions
- Absence de vibration
- Très peu de bruit, pas de fumée
Points faibles
- Autonomie
- Selle
- Chargeur extérieur
- Prix
La fiche technique de la Freeride
Infos pratiques
Tarifs pour moto + batterie + chargeur
- Freeride E-SM : 11 825 € TTC client conseillé
- Batterie supplémentaire : 3 270 € TTC client conseillé
- Chargeur supplémentaire : 800 € TTC client conseillé
Les motos seront disponibles fin mai.
Commentaires
uhm, j'espère qu'elle sera à l'essai chez KTM à Nantes
04-05-2015 18:23tom4