Essai moto Kawasaki Ninja 1100SX SE
Vieilles marmites et bonne soupe
4-cylindres en ligne de 1.099 cm3, 136 ch, 113 Nm, 234 kg pleins faits, réservoir de 19 litres, 17.299 euros
Les Sport-GT, ou Sport Tourer selon l’appellation choisie par Kawasaki, sont une espèce qui fut en danger, mais qui reprend du poil de la bête depuis quelques années. Au commencement était la VFR 750. Et la VFR 750 était une déesse. Et elle régna sans partage sur la catégorie durant des décennies. Pardonnez cette paraphrase de l’évangile selon Saint-Jean, mais elle me paraissait nécessaire pour mettre en exergue l’importance de cette catégorie dans notre microcosme. Dans les années 80 et 90, Honda, avec cette VFR, proposait une certaine idée de la perfection. Une sportive confortable, ou une GT vraiment sportive, selon les points de vue, à la fois belle, efficace et terriblement désirable, qui fut un fantasme pour de nombreux motards de ma génération. L’équivalent d’une BMW GS aujourd’hui, pour vous donner une idée de son impact à l’époque. Au point que la concurrence a lâché l’affaire pendant longtemps, jusqu’à ce que Kawasaki revienne par la bande, en greffant à sa Z 1000 un carénage assez réussi pour lui offrir davantage de polyvalence. C’était en 2011 et son succès, tant commercial que populaire, ne s’est jamais démenti depuis. Même si les trails règnent désormais sur le secteur du tourisme à deux roues et que les ventes de Sport-GT restent en retrait, ce type de bécane ne manque pas de qualités.
L'essai vidéo de la Kawasaki Ninja 1100SX SE
Découverte
Au premier coup d’œil la Ninja 1100 SX ne va pas désarçonner les habitués de la marque. Et pour cause, à l’occasion de cette cinquième (déjà) génération, sa ligne n’évolue guère. On retrouve un dessin typiquement Kawa, agressif à souhait, avec un réservoir massif et un carénage enveloppant intégrant les clignotants. Quel dommage que ce souci du détail n’ait pas été conservé au moment d’ajouter la prise USB-C, disponible en série mais placée sur le demi-guidon gauche avec la discrétion d’une grosse verrue aplatie sur le visage d’un top-modèle.
La modification la plus importante concerne la mécanique, avec un bloc qui prend 56 cm3 pour afficher désormais 1 099 cc. Un accroissement que l’on doit à une course augmentée (l’alésage ne change pas) au bénéfice du couple. Subtil, le bénéfice, puisque l’on passe de 111 à 113 Nm… Plus sensible, mais pas vraiment dans le bon sens, on perd 6 ch pour afficher 136 canassons à l’écurie contre 142 auparavant. En fait, la Ninja 1100SX partage désormais la configuration de la Versys 1100 SE là où elle délivrait une vingtaine de chevaux supplémentaires par le passé. Et vive Euro5 +.
À part ça, le disque de frein arrière passe de 250 à 260 mm de diamètre, les ingénieurs ont alourdi les masses d’équilibrage en bout de guidon pour éliminer les vibrations, les cinquième et sixième rapports ont été allongés pour diminuer la consommation et le bruit sur les voies rapides, enfin, le quick-shifter a été amélioré pour plus de souplesse. Ah oui, j’ai failli oublier : si vous roulez avec un casque équipé d’un intercom, l’application Kawasaki (connectée à la moto), propose désormais une commande vocale identique à ce que l’on peut retrouver chez certains constructeurs automobiles. On disposera d’une sorte de conciergerie automatique qui répondra à vos demandes. Ainsi, si vous désirez prendre un café, il vous suffira d’éveiller le système au moyen d’un « Hey Kawasaki » et d’ajouter « J’aimerais faire une pause-café » et une douce (bien qu’artificielle) voix vous indiquera le lieu le plus proche, avant de vous guider jusqu’à lui. À noter que ce système est purement audio et n’est pas complété par un GPS intégré au tableau de bord.
La version SE que l’on teste aujourd’hui est une nouveauté facturée 1 800 euros de plus que le modèle de base, pour un tarif final de 17 299 euros. Elle est équipée en série d’un amortisseur Öhlins S46, d’étriers monobloc Brembo M4.32 et de poignées chauffantes. Ce qui va se révéler particulièrement utile.
En selle
Nos machines d’essai disposent de valises de 28 litres de contenance, très bien intégrées et proposées en option contre 593 euros. Pratique quand il s’agit d’y glisser le matos vidéo, un sac à dos et quelques paires de gants. Oui, parce que sur les hauteurs de Barcelone où nous nous trouvons, il règne un tout petit 9° à 8h du mat’ et les marshals qui nous guident promettent bien plus frais au début de notre périple. J’ai donc opté pour des gants hiver, une paire moins chaude et une vraie paire racing en espérant du mieux dans l’après-midi. Quand on a de l’espace de rangement, on peut soigner son petit confort !
En selle les bonnes surprises s’enchainent. D’abord on est assis assez bas pour être à l’aise lors des manœuvres. Et c’est l’un des gros plus de ces Sport-GT face aux trails tellement à la mode de nos jours. Pas le peine de frôler le double mètre pour faire demi-tour sans transpirer, le rayon de braquage est excellent, la selle accueillante et la position de conduite très naturelle.
Le tableau de bord est bien connu puisqu’il équipe de nombreux modèles Kawa depuis des années. Il s’agit d’un élément agréable à l’œil, en couleur, à la fois lisible et pratique, mais qui commence à dater. On l’aimerait un peu plus grand et un peu plus rationnel par moment. Par exemple, le mode Rider permet de choisir entre deux cartographies moteurs et différents niveaux d’assistance, mais une fois celui-ci sélectionné on ne peut plus accéder à certaines informations, comme les totalisateurs partiels. Ça reste un détail car, pour le reste, la Ninja se met en quatre pour vous être agréable.
Le 4-pattes s’éveille en douceur dans un feulement discret, la première passe dans un « clac » raisonnable, le levier d’embrayage (réglable en écartement, comme pour le frein avant) se révèle doux et précis et la Ninja 1100 SX SE s’élance sur le revêtement granuleux de notre hôtel comme si c’était un tapis persan.
En ville
À défaut d’un environnement réellement urbain (on est à San Fruitós de Bages, 9 000 habitants… pas vraiment une mégalopole), notre petit groupe part sur un rythme tranquille qui permet d’apprécier la souplesse de la mécanique tout autant que les progrès réalisés par le shifter. Ce dernier fonctionne désormais plus bas dans les tours, même si ça me hérisse toujours un peu le poil de l’utiliser presque au ralenti, mais la boîte de vitesses ne proteste pas. De toute manière, le gros bloc est hyper élastique et permet d’évoluer sur un filet de gaz sans à-coup, ni recourir à l’embrayage, alors que le châssis équilibré se glisse dans la circulation et change de direction en souplesse et avec un naturel désarmant. J’en profite pour (re)découvrir une position de conduite particulièrement réussie, avec un buste incliné vers l’avant « juste ce qu’il faut » et des jambes peu pliées, qui trouvent naturellement les repose-pieds.
En résumé, la prise en main se fait en un clin d’œil, la Ninja fait oublier ses kilos (234 pour cette version SE, 235 pour le modèle classique) et se laisse guider du bout des gants sans effort. Ajoutez une aptitude étonnante à gommer les imperfections de l’asphalte tout autant que les ralentisseurs qui nous barrent le passage et l’on comprend vite que cette 1100 s’adapte parfaitement aux exigences du milieu urbain. Reste qu’une Sport-GT est destinée à bouffer du kilomètre et c’est avec un plaisir non dissimulé, malgré un ciel de plomb et un mercure qui ne cesse de descendre, que l’on quitte la ville en direction des contreforts des Pyrénées.
Autoroute et voies rapides
Le tableau de bord affiche désormais quatre misérables degrés et je m’emploie à régler la bulle au plus haut. Une manœuvre délicate en roulant puisqu’elle implique de lâcher les deux mains simultanément. La droite pour appuyer sur un levier situé sous le tableau de bord pendant que la gauche redresse la bulle. D’ailleurs cette dernière ne remonte pas vraiment, elle se positionne plus à la verticale pour dévier davantage l’air vers le haut. Le résultat est plus efficace que ce à quoi je m‘attendais. La pression diminue de manière significative sur le buste et le casque, seul le bruit demeure trop présent autour de la tête, alors que les épaules restent un peu trop exposées. Pour les longs trajets ou les grands gabarits, le recours aux éléments plus larges et plus hauts proposés en options sera appréciable, mais pour le quotidien et les balades dominicales ça ira déjà très bien. La position de conduite est toujours aussi agréable et naturelle, alors que le travail effectué sur les demi-guidons porte largement ses fruits. Aucune vibration à l’horizon, ni dans les poignées, ni dans le réservoir, quel que soit le régime moteur.
Le nouvel étagement des deux derniers rapports se montre aussi pertinent, si les reprises en pâtissent un peu, l’agrément à haute vitesse en profite largement. Le quatre cylindres ronronne paisiblement aux allures légales, impliquant un niveau sonore raisonnable (au moins mécaniquement, côté bruits d’air sur le casque c’est autre chose) et une consommation qui l’est tout autant. Malgré la présence des valises, le comportement routier à haute vitesse n’appelle aucune critique. La Ninja 1100 est un rail en grandes courbes, elle ne bronche pas, y compris au passage des joints de dilatation lors du franchissement des viaducs. Bref, avec en plus une selle à l’assise confortable, on se verrait bien enchainer les kilomètres sur de longues distances avant que la fatigue ne se fasse sentir. Il en va tout autrement pour l’ennui et c’est avec joie que je vois notre marshal prendre la sortie suivante en direction des routes à virages.
Départementales
Reste que l’on navigue désormais en plein brouillard, avec un taux d’humidité qui recouvre l’écran du casque, tout comme l’asphalte, d’un film humide. Et comme le tableau de bord indique parfois 1° au creux de certains vallons, notre petit groupe est davantage en mode survie que « full attack ». Ce qui ne manque pas d’attrait pour essayer une machine qui doit s’adapter à toutes les conditions. La Ninja SX poursuit donc son récital, enroulant les virages en souplesse, préservant au maximum l’adhérence et permettant de rejoindre les points de corde sans forcer ni trembler, même avec un grip faiblard et une visibilité limitée. La connexion entre la poignée droite et le pneu arrière est excellente, même en mode Sport il n’y a ni à-coup ni brutalité, ce qui permet de gérer les gaz en toute confiance. La puissance est bien là, mais elle reste contrôlable, comme une réserve toujours disponible sans être violente. La boîte de vitesses est précise, le quick-shifter efficace et agréable, alors que la gestion du frein moteur préserve le grip de l’arrière au rétrogradage. Bref, malgré des conditions difficiles la Ninja 1100 SX permet de conserver un bon rythme sans effort.
Alors, quand nous arrivons à notre point photo/vidéo (1,7 km à parcourir trois fois dans les deux sens), sur un bitume sec, au moment où le soleil se montre et où la température remonte enfin, j’ai assez confiance pour hausser le rythme. Plusieurs choses sautent alors aux yeux. D’abord, les qualités du moulin, qui sait se faire rageur dans les tours et plein à mi-régimes. Ce n’est pas le plus démonstratif du marché, mais son efficacité ne fait aucun doute. Sans surprise le shifter est au top de sa forme quand on chatouille la zone rouge, alors que l’apport d’un bon amortisseur prend tout son sens. En préservant l’assiette de la moto, le Öhlins induit un comportement très sain, même à l’attaque et il favorise l’agilité de la bécane, malgré son poids et ses valises. J’oublie rapidement le gabarit de l’engin pour me faire vraiment plaisir, bien aidé en cela par l’excellente monte d’origine. Les Bridgestone S23 sont efficaces, même à basse température et montent vite en régime. Bref, le contrat est rempli.
Partie-cycle
L’un des très bons côtés des lancements presse Kawasaki est que la marque nippone ne vous infantilise pas mais, au contraire, vous laisse piloter en toute liberté. En clair, une fois les photos et les vidéos dans la boîte, le groupe file manger un morceau, on vous passe un GPS avec des routes sympas programmées et… rendez-vous à l’hôtel ! De quoi rouler au rythme de son choix en fonction du tracé et de la circulation. À ce petit jeu la Ninja 1100 SX a confirmé toutes les aptitudes dévoilées en matinée. C’est en passant au rythme supérieur qu’elle a laissé entrevoir quelques (petites) faiblesses. Mais d’abord il me faut poser le décor : Cent kilomètres de courbes en tout genre, permettant de passer d’une vallée à l’autre dans un décor superbe, avec des portions parfaitement revêtues et d’autres bien pourries.
À ce petit jeu le compromis offert par les suspensions est de tout premier ordre, préservant en permanence du confort tout en se révélant à la fois efficace et facile à exploiter. La position de conduite permet de se mouvoir à loisir, alors que le touché de route est excellent, procurant énormément de feeling et de retour d’information. On arrive alors aux limites de la garde au sol, sans pour autant que ce soit une entrave à la conduite sportive. L’équilibre reste impressionnant et, surtout, l’agilité de la balle verte m’a bluffé. Elle parvient à faire oublier son gabarit et son poids pour se révéler d’une efficacité surprenante. Les kilomètres s’enchainent alors à vitesse supersonique, sans fatigue excessive pour le pilote qui, de son côté, prend énormément de plaisir. Même en poussant le bouchon très loin la SX SE ne se désunit pas, elle reste saine et efficace en toutes circonstances. Bon, passé un certain rythme, son poids se fait forcément sentir, mais avant d’en arriver là...
Freinage
Le freinage montre alors les premiers signes de faiblesse. Ou plutôt l’ABS. Car le feeling du levier et la puissance ne sont pas en cause, mais quand la roue arrière s’allège lors des gros transferts de charge, l’ABS se déclenche à l’avant pour rétablir l’équilibre, allongeant ainsi les distances. Le disque arrière, de plus grand diamètre que sur la précédente version, ne change rien au feeling, il permet de resserrer les trajectoires avec précision et sans brutalité. L’ensemble est finalement efficace, homogène et en adéquation avec les ambitions de cette Ninja 1100.
Confort/Duo
Malgré mes demandes répétées, aucun membre du staff Kawa ne s’est porté volontaire pour s’assoir à l’arrière de ma monture. Je vais donc me contenter d’extrapoler par rapport à ce que j’ai constaté. D’abord le confort de selle est excellent, ce qui laisse présager de nombreuses heures au guidon sans lassitude. Ensuite la position est naturelle et la protection suffisante dans la plupart des cas (seul le bruit autour du casque est rapidement lassant). Enfin, le passager semble plutôt bien loti, avec un coussin assez large, long et moelleux pour que tous les gabarits s’y trouvent à l’aise, de solides poignées bien fichues et des repose-pieds qui semblent bien placés. Sans véritable test je ne vais pas m’aventurer plus loin, mais Kawasaki semble avoir fait les choses avec sérieux.
Consommation
Après une bonne journée de moto, alternant un peu de voies rapides (à allure légale), quelques traversées de villages, de la balade humide et des portions nettement plus rock’n’roll, la consommation moyenne affichée s’établit à 6,7l au 100 kilomètres. Plutôt raisonnable au vu des performances de l’engin, de son poids et de la trainée aérodynamique que laissent les valises. Avec un réservoir de 19 litres ça laisse espérer des étapes comprises entre 250 et 300 kilomètres.
Conclusion
J’avais achevé mon précédent essai, sur la Suzuki GSX-S 1000, en parlant des vieilles marmites dans lesquelles on fait les meilleures soupes. Et c’est exactement ce que j’ai ressenti au guidon de cette Ninja 1100 SX SE. La recette est éprouvée : un 4-pattes archi-connu, un châssis double poutre en alu, le tout assaisonné d’éléments de qualité (suspensions, freins, pneus), pour un résultat savoureux. Même avec l’électronique désactivée la Kawa s’est révélée une partenaire fiable et enjouée qui ne m’a jamais fait de coup tordu. La puissance, légèrement réduite, est largement suffisante pour s’amuser et le châssis étonnant. En fait, même sans la SX de base sous la main pour en avoir le cœur net, je ferais un effort financier pour le modèle SE tant j’ai été séduit par le compromis offert par l’amortisseur Öhlins et le feeling des freins. Les éléments de la version standard, dans ma mémoire en tout cas, ne proposaient pas autant d’agrément.
Alors, à 17 299 euros le morceau sans les valises, on peut regretter la disparition de la tension de chaine par excentrique (que j’adorais sur le précédent modèle), une prise USB-C disposée comme un cheveu sur la (bonne) soupe et un tableau de bord plus tout jeune. D’autant qu’en face, la Suzuki GSX-S 1000 GT, plus puissante et plus légère (mais sans Öhlins ni Brembo et avec des pneus en bois d’origine), est proposée à 15 199 €. Mais les chiffres ne font pas tout. Cette Kawa est une séductrice qui, au fil des kilomètres, est capable de procurer du plaisir en toutes circonstances et ça, ce n’est pas donné à toutes les motos.
Points forts
- Suspensions
- Moteur
- Freinage
Points faibles
- Protection
- ABS sensible à l’attaque
- Réglage de la bulle
La fiche technique de la Kawasaki Ninja 1100SX SE
Conditions d’essais
- Itinéraire : 218 kilomètres quelques villages traversés, un peu d’autoroute, mais surtout beaucoup de virages !
- Météo : froid et parfois humide le matin, autour de 10° par la suite
- Problèmes rencontrés : Aucun
Équipement de série Ninja 1100 SX version SE
- Trois cartographies moteur (Wet, Road, Sport) + un mode Rider
- Contrôle de traction (désactivable en mode Rider)
- Amortisseur Öhlins S46
- Réglage de précharge par molette déportée
- Connectivité avec commande vocale
- Prise USB-C
- Poignées chauffantes
- Cruise control
- Bulle réglable
Disponibilité/Prix
- Coloris : vert/noir – noir/gris
- Prix : 17 299 € (15 499 € la version standard)
- Disponibilité : Immédiate
Équipement essayeur
- Casque Shoei NXR2 Fortress TC-1
- Blouson Ixon Cortex
- Airbag In&Motion U04
- Jeans PMJ
- Gants Five RFX3 Evo
- Chaussures Gaerne G_Rocket Black
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