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Essai moto sportive Kawasaki H1R

La première deux-temps des Grands Prix 500

Moteur 3 cylindres, 498 cm3, 82 ch et 59 Nm, 134 kg à sec

Ironique, vraiment. Des quatre constructeurs japonais, Kawasaki a été le seul à tourner définitivement le dos aux Grands Prix deux-temps à la fin de l'année 1982 afin de porter toute l'attention de son département racing sur les quatre-temps vendus en version homologuée pour la route. C'est pourtant bien le constructeur qui était responsable de la moto la plus importante de l'histoire des GP 500 avec la H1R. Car c'est bien la Kawasaki H1R qui a inauguré l'ère moderne des technologies de compétition en faisant ses débuts sur la scène internationale et fête cette année un grand anniversaire. Car la 500 à trois cylindres deux-temps Kawasaki H1R H1R est bien née il y a 50 ans en 1970. Essai d'une légende.

Essai de la sportive Kawasaki H1R
Essai de la sportive Kawasaki H1R

Genèse

Le retrait de Honda des Grands Prix moto à la fin 1967 avait laissé les catégories 50 et 125 sous le contrôle de ses rivaux deux-temps, tandis que l'interdiction de la FIM sur les moteurs de plus de deux cylindres allait faire de même pour les 250 après le titre de Benelli en 1969 avec Kel Carruthers. La catégorie 350 était déjà inondée de Yamaha deux-temps, ne laissant que la catégorie 500 comme ultime forteresse de la suprématie des 4-temps. Mais c'était seulement parce que les Japonais n'avaient pas encore décidé de développer une moto pour ça. Et en 1970, ils l'ont fait.

La Kawasaki H1 Mach III de 1969
La Kawasaki H1 Mach III de 1969

Kawasaki avait déjà stupéfié le monde en 1969 en lançant la première moto de route deux-temps de grande capacité de l'ère moderne avec la H1 Mach III; une machine tout simplement stupéfiante et le premier vrai roadster de l'histoire. Inévitablement, elle s'est rapidement retrouvée sur les circuits après avoir gagné en crédibilité dans la rue en se montrant immédiatement compétitive et étonnamment fiable, ainsi que par sa vitesse impressionnante par rapport aux quatre temps de l'époque. Elle fut suffisamment performante pour remporter les 1000 km du Mans en 1969 pour passer de peu ensuite à côté du succès au Bol d'Or en terminant 2e, 3e et 4e après avoir cédé la tête de la course à la Honda 750 gagnante dans les dernières heures. Pour une société dont le plus grand succès sur la piste jusque-là avait été de remporter le titre GP 125 avec Dave Simmons la même année, ce fut une étape courte, mais inévitable pour développer le prototype de GP 500 que la Mach III semblait destinée à engendrer. Ce faisant, Kawasaki a changé le visage des Grands Prix pour toujours.

À moins de vous appeler Giacomo Agostini et parader en enchainant victoires et titres mondiaux sur les MV Agusta, vous deviez être satisfait de piloter un mono britannique basé sur les Matchless G50 ou Norton Manx si vous vouliez courir dans la catégorie 500 et ce jusqu'à la fin 1969. Ces motos étaient au moins 60 km/h plus lentes que la MV mais avaient l'avantage d'être moins chères à faire courir et plus facile à entretenir que les twins italiens Paton et Linto, seules autres options des pilotes privés. Vous aviez bien la possibilité de piloter une 350 2-temps suralésée, mais ce n'était pas une option viable. Le premier 2-temps à être monté sur un podium en 500 était la 360 Bultaco de Ginger Molloy qui avait terminé 3e du GP d'Espagne 69 à Jarama, mais avec seulement sept pilotes sur la piste.

Molloy lors de l'Ulster GP 1971
Molloy lors de l'Ulster GP 1971

Mais un an plus tard, le deux-temps est devenu une option. Molloy, un membre expérimenté du Continental Circus qui était son propre mécano, savait mieux que quiconque comment préparer une sportive 2-temps capricieuse et sujette aux crises, comme la rendre fiable et comment la piloter correctement. Il l'a fait en terminant deuxième derrière la MV d'Ago en Championnat du Monde 500 lors de la première saison de la Kawasaki H1R privée.

Découverte

Étroitement basées sur le roadster H1 Mach III, les 35 sportives H1R à refroidissement par air que Kawasaki a construit utilisent les mêmes moulages de carter, de cylindre et de culasse détachables. L'architecture du moteur de 498 cm3 comprenait trois cylindres refroidis par air coulés séparément, chacun avec un grand orifice d'admission et d'échappement unique, montés transversalement en ligne sur le carter et alimentés par un trio de carburateurs Mikuni VM35SC que la plupart des propriétaires ont fait passer à 36 mm.

La H1R telle qu'elle était livrée par Kawasaki
La H1R telle qu'elle était livrée par Kawasaki

La lubrification était assurée par le système d'injection typique de Kawasaki alimenté par un réservoir d'huile sous la selle et monté à l'extrémité droite du vilebrequin à 120 degrés. Des pistons forgés 20 grammes plus légers que ceux de la Mach III étaient montés sur le moteur de 60 x 58,8 mm dont la boite de vitesses à cinq rapports utilisait un embrayage à sec monté derrière les injecteurs d'huile. L'allumage électronique de la Mach III était remplacé par une batterie et trois bobines séparées. Mais la plupart des propriétaires, comme Molloy, installaient un système transistorisé Kröber qui permettait d'économiser du poids en se débarrassant de la batterie tout en évitant les ratés.

Le moteur 3 cylindres de 498 cm3
Le moteur 3 cylindres de 498 cm3

Délivrant 75 ch à 9.000 tr/min en stock, soit plus d'un tiers de plus qu'une Norton Manx ou qu'une Seeley G50 qui pesaient plus que les 135 kg à sec de la Kawasaki, le gros handicap de la H1R était sa consommation élevée de carburant avec près de 18 l / 100 km. La charge de carburant nécessaire pour satisfaire cette soif à l'époque où les règles FIM imposaient que les motos devaient tenir au moins une heure, était une vraie pénalité. C'était vrai non seulement en termes de poids et de temps perdu à faire des arrêts aux stands pour faire le plein, mais aussi parce qu'une moto présentant déjà des compromis dans la conception de son châssis ne voit pas sa maniabilité améliorée avec 30 litres de carburant à bord.

La largeur du moteur trois cylindres demandait à ce qu'il soit monté très haut dans le cadre inspiré par le Norton Featherbed afin de conserver une garde au sol acceptable, même sur les maigres pneus de course triangulaires de l'époque. Le vilebrequin était situé à 75 mm au-dessus de l'axe des essieux. Coller 22 litres d'essence dans le réservoir puis en ajouter 8,5 litres supplémentaires dans la partie arrière devait rendre la Kawasaki très exigeante dans les premiers tours de course ou après un ravitaillement. L'arrêt de la moto posait aussi un réel problème. Car le tambour à 4 cames de 280 mm de l'avant s'avérait insuffisant. La plupart des pilotes installaient un tambour Fontana 4 cames de 250 mm plus léger et plus efficace en 1970. La saison suivante, les freins à disques provenant généralement de Honda CB 500 et 750 devenaient monnaie courante.

La H1R est à l'origine munie de freins avant à tambour
La H1R est à l'origine munie de freins avant à tambour

50 ans après sa saison éclatante, la moto de Ginger Molloy est toujours vivante et roule encore en Australie sous sa forme originale grâce au fils de Kevin May qui a acheté la moto à Molloy en 1972. Brendan May a ainsi utilisé la Kawasaki de GP pour courir dans les courses historiques chez les novices avant de manquer de pistons et de casser le cylindre central, le poussant à ranger la moto et à passer sur une Yamaha 250 moderne. Mais l'essor galopant des courses Post-Classic en Océanie l'a poussé à la sortir de sa retraite et la remettre en état. En 1994, la H1R reprend ainsi la piste pour la première fois en 8 ans, permettant à Brendan de s'imposer plusieurs fois à Phillip Island puis en championnat. Trouver une moto d'époque dans un état aussi proche de ses origines est quelque chose de rare. Elle est ici presque identique à celle équipée du kit H1R-A installé en 1971 et qui permettait notamment de pousser la puissance jusqu'à 80 ch à 9.500 tr/min.

La H1R de Molloy, conservée quasi à l'identique 50 ans après
La H1R de Molloy, conservée quasi à l'identique 50 ans après

En selle

La position de conduite rappelle plus une 125 qu'une 500 avec un carénage supérieur maigre et des guidons très abaissés qui ne laissent que d'effet de levier pour l'emmener en virage, mais aident vraisemblablement à présenter un profil relativement mince tout en vous incitant à vous tenir couché loin derrière la petite bulle.

La H1R offre une position vraiment extrême
La H1R offre une position vraiment extrême

Outre les casses et problèmes d'embrayage rencontrés, Brendan m'a assuré que la moto avait été très fiable durant tout le temps où il l'a pilotée, grâce aux pistons de courses modernes et l'huile Bel-Ray. Pourtant, je n'ai pas réussi à me persuader de retirer ma main que je gardais sur le levier d'embrayage, juste au cas où !

Essai

Enfin, c'est quand je n'avais pas encore décidé de ne plus m'accrocher à la dernière place que la puissance est soudainement arrivée en force. Ne vous y trompez pas, piloter cette moto demande une compétence que je n'ai pu que partiellement acquérir lors de mon essai sur le circuit de Phillip Island.

Le premier truc est de la démarrer. L'action de l'embrayage est très rigide. Il est donc assez difficile de le mettre en route et il faut un vrai talent pour faire correspondre l'ouverture de l'accélérateur au régime, ce qui fait des départs à la poussette un véritable défi, même si la pratique doit aider. Une fois que la moto est démarrée - OK j'avour avoir demandé à Brendan de le faire - il est également compliqué de le faire partir. Il te faut plus de pratique Alan !

L'embrayage de la Kawasaki est très dur et ne facilite pas les choses
L'embrayage de la Kawasaki est très dur et ne facilite pas les choses

Le problème est qu'une carrière d'essais sur les GP modernes à deux temps ne m'avait pas préparé au degré de brutalité qu'il fallait infliger à l'embrayage de la Kawasaki pour faire monter le régime et chanter le moteur. C'est une moto de l'époque où un levier d'embrayage était votre passeport pour la victoire, délivrant la puissance immédiatement plutôt qu'en douceur.

Déjà, il n'y a aucune puissance en dessous de 7.000 tr/min et pour la faire avancer il faut faire tourner le moteur à 8.000 tr/min ou plus. Mais lorsque l'aiguille du compteur atteint cette marque sur le cadran, il vaut mieux alors se tenir fermement. La Kawa se précipite soudainement vers l'avant à mesure que la puissance augmente. Et si vous êtes sur l'angle à ce moment-là, en sortant par exemple d'un des virages lents de Phillip Island, il faut se préparer à ce que le pneu arrière Avon se balade sur l'asphalte à la recherche d'adhérence et que votre rythme cardiaque grimpe en flèche. C'est en faisant cette erreur que vous apprenez qu'il faut impérativement redresser la Kawasaki avant d'accélérer fort ou de passer un rapport, tout en essayant de ne pas faire descendre le régime en dessous de la bande de puissance. Mais puisque la zone rouge est à 10.000 et que vous n'avez qu'une boite à cinq rapports, c'est plus facile à dire qu'à faire.

Le moteur délivre ici 80 chevaux à 9.500 tr/min
Le moteur délivre ici 80 chevaux à 9.500 tr/min

De retour aux stands, Brendan m'a donné de précieux conseils :

"La ligne rouge de 10.000 tr/min ne concerne que la H1R standard alors que ce moteur amélioré à moins de puissance à bas régime, mais il est sûr un peu plus haut."

Ok patron, je l'ai fait. Et maintenant je peux croire que l'incroyable vitesse mesurée à Bathurst à 276 km/h est vraie, car a) elle carbure mieux à haut régime et changer à 10.500 et plus permet de rester plus facilement au-dessus de la barrière des 8.000 tr/min et b) la Kawasaki est extrêmement rapide, pas seulement selon les standards de 1970. Je veux dire, vraiment. Echanger une Manx contre ça a dû être comme piloter un Concorde après un avion à turbopropulsion. L'avenir nous attendait et il s'appelait Kawasaki.

La H1R est vraiment rapide et pas uniquement par rapport aux standards de l'époque
La H1R est vraiment rapide et pas uniquement par rapport aux standards de l'époque

Partie cycle

La partie inférieure du carénage est relativement bulbeuse, mais elle ne touche pas facilement et la maniabilité est même plutôt bonne, dans le contexte d'il y a 50 ans. Le centre de gravité haut la rend gênante dans les virages lents où elle bascule assez soudainement malgré l'angle de chasse assez ouvert et le gros réservoir bombé qui la rendent difficile à piloter.

Elle passe les bosses, comme celle à l'intérieur de Lukey Heigts, comme n'importe quelle moto à double amortisseur de l'époque le fait. La Kawasaki semble alors relativement contrôlable, du moins avec la faible charge de carburant avec laquelle je roule. Les amortisseurs Koni qui remplacent les Kawa d'origine sont plus longs de 10 mm. Si cela corrige le problème de garde au sol, ce n'est pas le cas du sous-virage qui reste une caractéristique principale de la maniabilité de cette moto. Ça pousse sur l'avant et part vers l'extérieur quand j'essaie d'accélérer en milieu de courbe et je dois alors faire un effort soutenu pour la remettre sur la trajectoire. Le fait que le pneu Bridgestone 110/80-18 était trop gonflé n'a peut-être pas aidé, en particulier avec la fourche plutôt sensible qui était à la peine sur chaque bosse.

La Kawasaki a une fâcheuse tendance à sous-virer
La Kawasaki a une fâcheuse tendance à sous-virer

Tenez vous bien et saisissez ce gros réservoir avec vos coudes et vos genoux tout en gardant l'accélérateur ouvert, ou tracez une trajectoire plus douce et essayer de maintenir la moto le plus droit possible en courbe, en freinant fort avant de prendre de l'angle, puis en accélérant au point de corde, comme avec une voiture de course. Freinage tardif, accélération précoce et courte transition sont les clés pour piloter rapidement une moto comme celle-ci.

Freinage

Assurez-vous simplement de freiner fort jusqu'au dernier moment avec l'embrayage enclenché pour descendre deux ou trois rapports en même temps. Aborder MG ou Siberia est une question de timing et de jugement. Les disques de Honda CB500 que Molloy a installé sur la moto n'ont que peu de mordant comme deux de ma Harley XR750-TT sur laquelle j'ai finalement installé un tambour Fontana. Les disques sont peut-être plus légers que le tambour japonais d'origine, mais ils ne permettent pas à la moto de s'arrêter si bien et, selon Brendan, Molloy a regretté ce changement. Je sais pourquoi ! Et je confirme.

Le freinage manque clairement de puissance en comparaison des performances de la moto
Le freinage manque clairement de puissance en comparaison des performances de la moto

Conclusion

Je suis certain que Ginger Molloy n'a pas regretté de piloter la Kawasaki pour devenir l'homme qui a inauguré l'ère moderne du développement des motos de Grands Prix. Grâce à Brendan et Brad May, ce précieux morceau d'histoire de la compétition moto peut encore être vu en action aujourd'hui, préservé dans son écrin d'origine d'il y a 50 ans. L'histoire revit !

La Kawasaki H1R
La Kawasaki H1R

Points forts

  • Puissance
  • Maniabilité

Points faibles

  • Train avant
  • Freinage
  • Poids haut

La fiche technique de la Kawasaki H1R

Commentaires

1364

Merci Alan pour cet édifiant essai ! clin d'oeil

05-10-2020 20:06 
 

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