Essai Kawasaki 750 H2 Mach IV (1972)
La fièvre H2 !
1971 : les motards français découvrent la Kawasaki 750 H2. Une étonnante fusée aussi élégante qu’agressive. Depuis, son aura demeure intacte et de ses échappements s’échappent fumet du deux-temps et parfum de toutes les légendes…
Découverte
Une beauté. Superbe, dans sa livrée bleue rehaussée de deux triples filets stylisant ses futures trajectoires. Ce look d’enfer, déjà inauguré un an plus tôt par sa petite sœur, 350 S2, prend vraiment toute sa dimension et peaufine ses proportions, plus équilibrées et encore mieux réparties sur la 750.
Son moteur, aux ailettes régulières et généreuses, est penché vers l’avant comme pour symboliser la dynamique pour laquelle on l’a conçu (et accessoirement, mieux refroidir…). Jusqu’aux typographies ornant le réservoir et les caches latéraux, elles aussi inclinées. La décoration, allant de l’avant du réservoir à l’extrémité arrière, allonge encore la silhouette de la machine. Et le tracé en S de ces filets donne l’impression de mouvement…
En selle
La moto essayée disposant d’un grand guidon, entre buste droit et bon positionnement des repose-pieds, le pilote se sent immédiatement « chez lui ». La selle est confortable et l’amortisseur de direction, d’origine, n’alourdit pas les mouvements de la barre.
Démarrage
La H2 ne possède pas de démarreur électrique, mais s’ébroue vraiment aisément. Il faut tout d’abord replier le repose-pied droit, faute de quoi ce dernier arrêtera le kick à mi-course. À froid, il est nécessaire d’appuyer sur la manette de l’enrichisseur et de prévoir un léger coup de gaz, afin de maintenir le moteur en action. Le jarret n’a plus alors qu’à se laisser descendre. Le moulin s’anime et déchire l’air d’un son qui surprendra toujours ceux qui n’ont jamais entendu démarrer de gros deux-temps. Puis, le temps de retomber au ralenti, c’est un ronflement grave entrecoupé d’une succession de bruits de casseroles qui illustre acoustiquement ce que certains théoriciens qualifièrent (sur leur planche à dessin !), d’équilibrage idéal. Au ralenti, c’est loin d’être convaincant ! A l’usage, le tricylindre atteint sa température de fonctionnement très rapidement.
Le premier rapport s’engage… Vers le haut ! Toutes les vitesses s’enclenchent ainsi. Si l’on souhaite retrouver le point neutre, c’est tout en bas qu’il se trouve. Il faudra bien garder ce détail en mémoire au moment de repartir au feu vert, faute de quoi, on entendra le moteur prendre ses tours en restant sur place et au point mort ! Il peut paraître curieux qu’il en soit ainsi sur la plus grosse des trois pattes Kawa, présentée en 72. En effet, si la 500 H1 Mach III apparue la première, avait la même disposition de sélection, la 350 S2 de 1971 possédait déjà une grille à la nouvelle norme : première en bas et les autres au-dessus. Bon, il faut donc « faire avec ». Une fois ce petit détail bien ancré, tout va bien.
Dès que l’on embraye, il convient de donner un peu de gaz pour décoller la machine et lui permettre de s’élancer. Le moteur est vif et sans être totalement exempt de couple (vu sa cylindrée unitaire importante), il préférera toutefois, tels ses frères cadets de plus petite cylindrée, une vive rotation de la poignée pour l’alimenter rapidement. Et concernant la musique, quelle symphonie ! Une disgracieuse cacophonie du ralenti au sifflement de turbine…
En ville
En circulation urbaine, l’utilisation des régimes intermédiaires sur un filet de gaz n’est pas des plus « confortables », le moteur ne demandant vraiment qu’à prendre des tours… En tel cas, la 750 H2 devient l’élastique le plus rapide d’un feu rouge à l’autre ! Même si, contrairement aux idées reçues elle s’en tire très honorablement en ville (si le guidon est relevé, avec des bracelets, c’est une autre histoire !), la balade sur parcours routier et plus particulièrement sur le réseau secondaire, s’avère être son terrain de prédilection et procure le plus grand plaisir…
Sur route
On conduira la H2 le plus souvent d’une accélération à l’autre. Une file à dépasser ? Une rotation de poignée droite et le tour est joué. En virages, les pots peuvent racler. Durant la carrière sportive de la H2, en critérium 750, les pilotes d’alors martelaient les échappements pour gagner de la garde au sol. Les plus intrépides sauront la pousser à ses limites, tant elle est taillée pour la bagarre. …
Hop !, il suffit de tourner la poignée pour sentir le moteur « s’énerver », comme s’il trépignait un bref instant avant de se lancer dans une montée en régime stridente le poussant irrésistiblement vers l’avant et… le rapport suivant. Méfiance, on a vite fait de se retrouver en roue arrière sans le faire exprès ! Même en cinquième, il reste possible de repartir assez vivement sans pour autant devoir rétrograder. Par contre, si l’on veut s’extraire plus vivement du trafic, l’utilisation du rapport inférieur replacera le moteur dans une plage de régime lui permettant une excellente capacité à bondir instantanément.
La 750 H2 fait finalement preuve d’un souffle impressionnant, mais aussi d’une réelle bonne volonté. D’autant que sa tenue de route, avec des pneumatiques d’aujourd’hui, reste saine si le revêtement n’est pas trop dégradé… Et même si ce n’est pas ce qu’elle fait le mieux, elle supporte tout à fait de rouler à allure raisonnable, pour autant que l’on réussisse à oublier le vrai plaisir procuré à chaque montée vers le rapport supérieur…
Sur autoroute
Absence de carénage et vibrations ne gênent guère le pilote, étant donné qu’il doit s’arrêter pour ravitailler tous les 100 kilomètres. Eh oui, l’appétit d’ogre de la H2 n’en fait pas une reine de l’autonomie et les 17 litres du réservoir d’essence sont vite engloutis à allure soutenue. Toutefois, d’une pompe à l’autre, les grandes courbes s’avalent sans trop d’ondulations de la croupe et aux allures légales son comportement autoroutier s’apparente à celui de machines bien plus modernes. Dotée du grand guidon, la position reste inconfortable à haute vitesse et de toute évidence, la Kawa préfère nettement s’ébrouer sur les routes que sur les rubans payants…
En duo
Le passager sera heureux de pouvoir se cramponner à une barre de maintien, très utile surtout si le pilote brusque quelque peu son missile. La selle est large et confortable. Les vibrations deviennent vite désagréables… Pour une courte balade, être à l’arrière d’une 750 H2 procure un grand plaisir. En revanche, entreprendre un long périple exigera de la part du transporté une méritante abnégation…
Freinage
Concernant le freinage, l’unique disque à l’avant pincé d’un simple piston et le tambour arrière font ce qu’ils peuvent pour calmer une telle furie. L’unique point (d’importance !), rappelant que cette moto a plus de… quarante ans !
Consommation
Un gouffre ! En roulant calmement aux vitesses autorisées, pas moins de 10 l/100. Les plus enragés de la poignée de gaz atteignent même allégrement les 17 l/100…
L’entretien d’une H2
La machine testée, complètement reconstruite au boulon près, tourne assez peu, mais sort régulièrement pour des balades. Son entretien se limite à surveiller les niveaux (huile du graissage séparé et niveau de boîte entre deux vidanges, suffisantes tous les 5 000 kilomètres environ). La tension de chaîne (à joints toriques, ce qui en accroît avantageusement la durée) et le graissage des câbles étant assurés régulièrement, la moto ne réclame rien de plus pour le moment ! En tout cas, de nombreuses motos plus récentes nécessitent un entretien plus fréquent et davantage onéreux que celui d’une H2 dont la réputation de fiabilité n’est pas usurpée.
Production
Fin 1971, les motards français découvrent la Kawasaki 750 H2 Mach IV, une sportive aussi belle qu’efficace. Si la H2 reste la plus désirée et surtout la plus connue du grand public, c’est avant tout parce qu’elle est la plus grosse et aussi la dernière moto à moteur 2 Temps et symbolise à elle seule la furie de la saga des « trois cylindres Kawa ». Elle termine sa carrière en 1975 après avoir été diffusée à 47500 exemplaires répartis dans le monde.
Chronologie
1972 : version H2
Le premier millésime livré à partir de janvier 1972 en bleu (mais aussi en vieil or, à partir du mois d’avril) développe 74 chevaux à 6800 tr/min et un couple maxi de 7,9 m.kg à 6500 tours. Son poids est d’environ 210 kg tous pleins faits. Le graissage est séparé et l’allumage électronique. La capacité du réservoir d’essence est de 17 litres et de 2 litres pour le réservoir d’huile. Sa vitesse de pointe est donnée pour 200 km/h.
1973 : version H2A
Sur le modèle suivant, distribué couleur vieil or sous nos latitudes à partir de mai 1973, aucune modification notable, hormis la décoration dont les filets et liserés deviennent rectilignes et soulignent désormais la typographie Kawasaki du réservoir.
1974 : version H2B
Le modèle 1974 change résolument de robe et de look. La forme et la décoration des réservoirs, caches latéraux et dosseret de selle sont redessinées. Désormais, la 750 H2 ressemble beaucoup à la 500. Son moteur est monté souple dans le cadre et le bras oscillant est allongé de cinq centimètres afin de limiter les délestages de la roue avant lors des accélérations. L’angle de chasse est diminué pour accroître la maniabilité de la moto. Si la puissance est amoindrie de trois petits chevaux, c’est au bénéfice d’un comportement plus homogène, plus coulé et finalement plus facilement utilisable. La 750 H2B reste aussi efficace et sans conteste plus confortable que les versions précédentes.
1975 : version H2C
L’ultime version de la 750 H2 ne sera pas importée chez nous, car les normes antipollution, la « chasse au gaspi » et autres symptômes très en vogue en cette période auront raison des derniers gros deux-temps. De plus, la 900 Z1 et son superbe bloc quatre cylindres à quatre-temps et double arbre en tête a rallié à sa cause de plus en plus de fans. Les H2C que nous aurons la chance de croiser viennent pour la plupart des États-Unis. Leur coloris et leur décoration évoluent et leur bras oscillant est à nouveau allongé. L’amortisseur de direction change de côté. Échappements et repose-pieds se voient équipés de silentblocs pour mieux filtrer les vibrations parfois destructrices.
Côté cote
En 1972, la 750 H2 était affichée à 11 200 F (soit 1 707 €), mais il faut pondérer ce chiffre avec le pouvoir d’achat du moment. En 1972, le SMIC, était de 675,98 € brut mensuel. Aujourd’hui, pour acquérir une Kawa H2 restaurée dans son intégralité ou en état d’origine (plutôt rare), il vous faudra débourser pas moins de 10 à 15.000 euros. Un tarif astronomique qui tient compte de la qualité de la restauration et des pièces remplacées. Les modèles strictement d’origine et en parfait état peuvent frôler les 20.000 euros.
En cas d’achat
Pour dégoter une H2, deux possibilités s’offrent à vous. Contre une belle somme, vous pouvez acquérir une machine restaurée en prenant soin de vérifier la qualité du travail et la provenance des pièces utilisées. La passion du propriétaire et des factures étayées sont toujours de bons indices. Prenez le temps de bien essayer la moto afin de traquer le moindre bruit suspect et de vérifier le bon fonctionnement de tous les organes.
Sinon vous pouvez entreprendre une restauration à partir d’une moto dans son jus si vous avez la chance d’en trouver une. Dans ce cas, devant la rareté et le coût des pièces, mieux vaut partir d’un modèle complet et d’origine. Les 750 H2 ont souvent été modifiées et maltraitées dans leur jeune temps.
Hormis l’entretien classique comme toute autre moto, la Mach IV nécessite un soin particulier et une surveillance de quelques éléments, comme les roulements de colonne de direction ou les bagues du bras oscillant. La boite de vitesses et l’embrayage n’étaient pas d’une grande fiabilité à l’époque ainsi que les joints spis du vilebrequin. Pour pouvoir pleinement exploiter le moteur de la Kawa 750 H2, la carburation doit être réglée parfaitement et régulièrement en fonction de l’essence utilisée.
Conclusion
Entre sa beauté magique et son parfum d’histoire, incontestablement la Kawasaki 750 H2 Mach IV a sa place pour l’éternité au grand parking du Panthéon de la moto !
Points forts
- Ligne magnifique
- Performances étonnantes
- Fiabilité/robustesse
- Deux-temps magique
- Moto historique
Points faibles
- Hors de prix
- Consommation très élevée
- Proie des aigrefins
- Deux-temps odorant
- Vibrations persistantes
Commentaires
Un seul reproche à faire pour tous ces essais: le journaliste-essayeur ne signe jamais de son nom ou pseudo. Pourquoi?
21-04-2014 10:58Sinon, l'essai c'était aux alentours du Castelet ? Ca serait bien de dire aussi ou cela a eu lieu ...
Merci pour cet article.
Le nom du journaliste est toujours indiqué en haut de chaque article. Il s'agit ici de Michel Bidault, très connu aussi pour ses livres
22-04-2014 09:07Je possède un H2 72 Candy Gold depuis 1974, il avait 2500 km à l'achat. J'ai fait de la route chargé comme une mule en duo, du circuit et l'ai restauré en 2002 pour ses 30 ans.
24-04-2014 14:29Pour moi, les essais par des journalistes ont toujours été bidons, il vaudrait mieux s'adresser à des vrais propriétaires, d'époque si possible et pas n'importe qui.
C'est sur qu'en étant assis au milieu de la selle, avec un grand guidon, les wheelings et les guidonnages sont garantis
Pour la consommation avec les potes en routes sinueuses, je ne donnerais que ma dernière consommation 11 litres pour 140 km et là j'ai fais 189 km avant de tomber sur réserve en duo avec grand guidon.
Avec le Bottelin Dumoulin multiposition, équivalent en position à des bracelets, je faisais maximum 14 litres aux 100 km en duo et à fond en permanence sur autoroute...
Je pense que pour faire 17 l/100km, soit la moto est déréglée, ou bien c'est en faisant des roues arrières et en tournant en rond autour du Bar à Joe
j'ai eu, jadis, après une 500 mach III (oui, la blanche)
17-09-2015 12:22la 750 était beaucoup plus "civilisée", tenait mieux la route (pas avec les pneus d'origine) freinait mieux mais pas beaucoup mieux, pour la conso, je sais pas, mais suivant l'utilisation ça pouvait devenir astronomique.
mon guidon était moins haut, celui-ci doit être un modèle US, et la moto était très confortable, autant pour le conducteur que pour sa passagère. J'ai fait beaucoup de route avec et jamais eu le moindre problème
moi mon H2 avec bracelet je prenais 230km compteur sur l'autoroute a 15 entre Argenteuil et la patte d'oie d'herblay et jamais dépassé 12 litres au 100 en tirant à fond dedans avec mon h1 je prenais 200 km compteur et 13 litres au 100 jamais plus , , c'était un des tout 1er h2 vendu en France je me souviens encore de son numéro de série qui est facile à retenir , 7572 un numéro de série très facile à retenir vous voyez ? sa dernière année de fabrication suivi de sa 1ere année de vente en France je l'ai retapé entièrement et revendu en 1985 , je l'avais acheté en 1977 à un gars que j'avais rencontré à la Bastille et je l'ai donc gardé 8 ans
22-05-2016 08:42Ah le H2! J'avais acheté la mienne en 75, c'était un modèle 72 bleue. Je suis passé de la 125 yam RD de 17cv à la moto à l'époque la plus puissante du monde! Je suis resté dessus...3 semaines et je suis tombé à 140...C'est le seul cas où j'ai gardé le moteur et jeté tout le reste, j'ai racheté l'épave et je l'ai remontée! Je suis une nouvelle fois allé au tas, un peu moins vite (120), un peu moins de casse, encore racheté l'épave et encore refaite. Après, je suis moins tombé!!!Quel régal que cette moto! La mienne était équipée de bracelets : j'ai pris 230 compteur avec un braquet long et...un peu de vent dans le dos. J'ai fait 50000km avant réalésage et pistons en 1ere cote et encore à peu près 20000km tout ça sans soucis majeurs. Les points faibles? Le freinage pas dimensionné pour les performances et le poids, les bagues de bras oscillant qui prenaient du jeu, la conso (je faisais environ 12l/100), les chaînes et pneus qui défilaient bon train. Hélas, je l'ai revendue, j'aurais bien voulu en racheter une autre, mais c'est cher. Je vais peut-être acheter une H2 nouveau modèle, comme ça la boucle sera bouclée (cher aussi!)
20-03-2020 23:02"Un gouffre ! En roulant calmement aux vitesses autorisées, pas moins de 10 l/100. Les plus enragés de la poignée de gaz atteignent même allégrement les 17 l/100…
23-03-2021 17:33Bien à l'abri derrière le bas des cylindres, les 3 carburateurs Mikuni de 30 mm sont aussi simples que... gourmands !"
N'importe quoi, sur autoroute à 130 km/h, on n'a pas besoin de tourner beaucoup la poignée de gaz et on consomme plutôt 8 l/100 km.