Essai Ducati 750 SS Moreparts
La Desmo du retour de Mike Hailwood
V-Twin desmo à 90°, 749 cm3, 73 ch, 180 kg à sec
La plupart des amateurs de course sur route vous diront que Mike Hailwood n'est pas revenu à la compétition moto après la course automobile. Et qu'après avoir quitté le monde des Grands Prix en 1967, il a fallu attendre son retour et sa légendaire victoire sur le Tourist Trophy de l'Ile de Man en 1978. Et que c'était alors la première fois qu'il pilotait une Ducati à V-Twin desmo. Mais rien de tout cela n'est vrai.
Genèse
On se souvient à juste titre de Mike the Bike comme l'une des plus grandes légendes du sport moto. C'est même pour beaucoup le plus grand pilote de tous les temps. Et on fête un triste anniversaire cette année, puisqu'il est mort il y a tout juste 40 ans, le 23 mars 1981. Deux jours plus tôt, Mike avait emmené ses deux enfants Michelle et David en voiture pour aller déguster un Fish & chips. Sur le chemin du retour, ils furent heurtés par un camion qui effectuait un demi-tour, à un endroit où c'était interdit de le faire. Son fils David a survécu avec seulement quelques blessures mineures, mais Michelle est décédée sur le coup et son père s'est éteint à l'hôpital deux jours plus tard.
C'était moins de deux semaines avant son 41e anniversaire et même pas trois ans après son retour légendaire en course moto le 3 juin 1978 lorsqu'il s'était imposé avec une vitesse record devant l'équipe usine Honda sur le TT Formula 1 au guidon de sa Sports Motor Cycles Ducati 900. La légende veut que ce retour à la compétition ait eu lieu onze ans après sa dernière course sur l'île britannique - çà, c'est vrai - et sept ans après sa dernière course internationale de moto. Ça, c'est moins le cas. Et la Moreparts Ducati 750SS désormais exposée en permanence dans la collection de la fédération locale Motorcycling Australia (MA) en est la preuve.
Car en octobre 1977, l'année précédant ses exploits sur le Tourist Trophy, Hailwood s'est associé à son compagnon australien Jim Scaysbrook pour piloter une Ducati 750SS de production dans les Castrol 6 Hours à Amaroo Park, la course la plus prestigieuse d'Australie de l'époque, une décennie avant l'arrivée des Grands Prix à Phillip Island.
Et pourtant, il avait un pied droit définitivement endommagé depuis son accident au Nürburgring en 1974 au volant d'une McLaren. Cet accident a mis fin à sa carrière prometteuse de 50 courses en Formule 1. Mais cette année-là, il a prouvé qu'il n'avait rien perdu de son talent à moto en permettant au duo de terminer sixième au classement général et deuxième de la catégorie 750, juste derrière le pilote d'usine BMW Helmut Dähne sur sa R90S et devant la légende néo-zélandaise Graeme Crosby sur une Kawasaki Z1 900.
Mike a également couru deux fois de plus sur la même moto appartenant à la casse moto Moreparts de Nouvelle-Galles du Sud, remportant un top dix avec Scaysbrook lors des 3 heures d'Adélaïde en mars 1978, trois mois seulement avant sa victoire au TT. Un peu d'échauffement !
En selle
Une Ducati 750SS Moreparts est du coup, une moto historique, à plus d'un titre. Et quand, Motorcycling Australia a acheté la moto au numéro de châssis DM750SS-076096 équipée du moteur no. 075811, j'ai eu la possibilité d'en prendre le guidon à l'occasion du Broadford Bike Bonanza. Parrainé par Honda, l'événement se déroulait sur l'étroite piste du Victorian State Motorcycle Complex au nord de Melbourne. C'est d'ailleurs là que la Ducati est désormais exposée de manière permanente dans le musée de MA.
Cette 750 SS, c'est une vraie bouffée de nostalgie. Et quand je dis çà, c'est très personnel, car j'ai justement débuté ma carrière de pilote sur cette moto. Enfin, ma 750 SS verte et argentée était un des premiers modèles de V-Twin desmo à carter rond avec un sélecteur de vitesse au pied droit. Alors que ce modèle de 1977 à carter carré avait vu su son sélecteur déplacé à gauche, comme l'exigeait le pied droit de Hailwood. Sinon, mis à part la déco bleu et jaune du sponsor Golden Breed, les deux motos étaient presque identiques. MA avait même mandaté le spécialiste Ducati Brook Henry de reconstruire le moteur de la Moreparts, le même homme à l'origine des motos Vee Two Australia qui m'ont offert une plateforme pour de nombreuses victoires dans les années 1990 lorsque nous avons couru ensemble.
Quelques tours de Broadford au guidon de la Moreparts 750SS m'ont permis de retrouver la même position de conduite allongée que sur ma propre moto, mais sans que mes bras se calent dans le creux profilé des flancs du réservoir en fibre de verre. La Moreparts, plus récente, reprend en effet le même réservoir métallique que celui de la 900SS.
Essai
Mais elle dispose du même moteur coupleux et sans vibration, délivrant sa puissance de manière toujours aussi linéaire avec une montée en régime supplémentaire de 7.200 tr/min à 8.000 tr/min, la même boîte de vitesse à 5 rapports très précise et le même rythme mélodique décalé du moteur, exprimé à travers les iconiques silencieux Conti.
Et ce n'est pas tout. La Ducati Moreparts possède la même direction paresseuse, mais contrôlable, que mon ancienne moto qui vous fait attendre avec impatience les grandes courbes cahoteuses où les quatre cylindres japonais sont rapidement en difficulté, mais au prix de devoir préparer son changement de direction bien en amont à cause de l'empattement long de 1.530 mm et à l'angle de chasse de 29° de la fourche Marzocchi de 38 mm de très bonne facture (pour les normes de l'époque). Peut-être aussi à cause du poids à sec de 180 kg, assez lourd pour un V-Twin, les 750SS Ducati ont toujours été à l'aise sur les routes abîmées quand l'art du réglage des suspensions et du design des cadres était encore peu compris. La Moreparts ne fait pas exception, ignorant les bosses de Broadford en toute impunité.
La même puissance de freinage de référence (pour l'époque) est également présente et correcte grâce aux deux disques en fonte Scarab de 278 mm saisis par les étriers noirs à double piston de première génération de Brembo. Bien que l'on doive les serrer assez fort par rapport aux normes modernes pour les faire fonctionner, ils arrêtent la moto correctement. Cependant, en ajoutant la qualité du frein moteur desmo, on obtient la possibilité de dépasser les motos plus légères et plus petites dans les virages serrés.
Vraiment, rien ne freinait aussi bien qu'une Ducati à l'époque grâce à ça et au simple disque arrière Lockheed de 230 mm. Mieux encore, ils ne perdent pas d'efficacité malgré les freinages répétés à Broadford ou Amaroo Park. On peut également utiliser beaucoup de frein moteur car même en le faisant bourdonner à 7.500 tr/min lorsque l'on passe au rapport inférieur, il ne fait pas dribbler la roue arrière. Et c'est assez rare pour le souligner, notamment à côté des autres moteurs de ce type.
Mais il est tout de même plus avisé de n'utiliser que le frein arrière fortement en ligne droite pour aborder en virage, puis relâcher la pression sur le levier pour passer une vitesse plus bas alors que l'on arrive au point de corde. Il n'y a vraiment pas besoin d'embrayage à glissement sur cette moto !
La Moreports 750 SS a le même tableau de bord que j'avais à l'époque avec sa paire de cadrans ronds séparée par un trio de voyants qui vous font face lorsque que vous vous couchez derrière la bulle du mini carénage protecteur. On y croise aussi le bouton noir de l'amortisseur de direction fixé au triple té de fourche supérieur, mais que nous avons toujours laissé desserré pour éviter d'alourdir davantage la direction.
Le compteur fonctionne toujours comme il le doit selon les règles des Castrol 6 Hours. Les 205 km/h affichés dans la ligne droite des stands de Broadford parait logique, a contrario des 230 km/h affichés dans la ligne droite supérieure avec l'aiguille approchant la barre des 7.500 tr/min sur le dernier rapport quelque peu optimistes. Ma moto plus généreusement préparée n'a finalement été flashée qu'à 224 km/h en descente à Highlander dans le Production TT.
Cependant, la Ducati Moreparts 750SS a malheureusement aussi en commun avec ma moto le seul trait dont je me serais bien passé, à savoir les problèmes de garde au sol avec ces échappements standard qui ont conduit à la collection de silencieux Conti bosselés que j'ai toujours quelque part dans mon garage. C'est ce qui m'a conduit à acheter une seconde 750SS - oui, je sais, pourquoi ai-je vendu la première ?! - en 1976, l'année où j'ai concouru dans l'Avon Production Championship au Royaume-Uni. L'Avon Production Championship est globalement une copie des règles des Castrol 6 Hours sans les échappements stocks, le règlement dans lequel je pilotais permettait d'utiliser ses silencieux hauts Imola et un léger niveau de préparation, mais aussi des amortisseurs plus longs qui ont résolu les problèmes de garde au sol. Ne pas faire frotter l'échappement du cylindre avant dans les virages à droite et de l'arrière dans ceux à gauche, ainsi que les boulons du raccord des silencieux est une préoccupation constante sur la 750SS de Hailwood.
Les pneus Bridgestone Battlax BT45 désormais chaussés sur la moto Moreparts offrent une adhérence plus que suffisante pour que j'entende et sente la limite de l'échappement qui frotte déjà sur l'asphalte. Waouh, ralenti Alan ! Tu ne peux pas te permettre d'abîmer ce glorieux modèle d'histoire moto qui a été si bien remis en état par MA pour le présenter à la génération actuelle... Donc je l'ai fait.
Conclusion
La victoire de Mike Hailwood au TT 1978 est considérée à juste titre comme l'un des plus grands exploits de l'histoire de la compétition moto. Et il fait désormais partie à juste titre du folklore de notre sport. Mais la Ducati Moreparts qu'il a pilotée aux antipodes en 1977 a joué un rôle clé dans cette évolution. Ainsi après avoir piloté les deux Sports Motor Cycles Ducati sur lesquelles il a couru pour son retour victorieux de 78 et sa décevante 5e place de 79, c'est un honneur d'avoir pu boucler le triplé. Merci à MA de m'avoir donné les clés pour le faire. Je suis content de l'avoir ramenée à la piste !
Points forts
- Précision
- Freinage
- Moteur
Points faibles
- Poids
- Vivacité
- Garde au sol
Commentaires
bonjour,
09-07-2021 10:02visiblement les motos sur les 2 photos d'époque en noir-blanc ne sont pas les mêmes, numéros clairs sur l'une, foncés sur l'autre. Les photos ne sont donc pas prises lors de la même course, ou alors il y avait deux machines???
louisou09 d'après le texte il y a une photo de 1977 et une de 1978 !
09-07-2021 12:34C’est vraiment une super série d’essais de moto de légende. Je découvre plein de truc d’une époque que je n’ai pas connue et la qualité des descriptions techniques nous fait plonger dans l’univers des paddocks. Merci
10-07-2021 08:44nostalgie, j'en ai eu une sur la route, pas de radars ni de permis a points a l'epoque. moteur formidable, j'ai jamais retrouve de telles sensations depuis, pour la partie mieux valait les grandes courbes que les epingles.
10-07-2021 12:05