Histoire constructeur : Peraves
Aérodynamiques mais aussi très dynamiques, ces engins suisses qui prennent 52° d'angle
Ecomobile, Monotracer et Monoracer : trois modèles créés en une trentaine d'années
Sécurité. Aérodynamisme. Et une certaine vision du futur, sans doute. Voici les éléments qui animent le travail du Suisse Arnold Wagner quand, en 1982, ce pilote d'avion chez SwissAir présente son premier prototype de "moto" entièrement carénée. Moto, ce suppositoire en plastique ? Mais oui, car les mécaniques viennent de chez BMW et l'engin peut prendre de l'angle. Beaucoup d'angle. La majeure partie des brevets déposés par Wagner repose d'ailleurs sur le dispositif rétractable de bras et de roulettes qui assurent la stabilité à l'arrêt.
Quelques défis technologiques et bureaucratiques plus tard (en Suisse, l'administration a eu du mal à laisser cet engin se faire homologuer) et nous voilà en 1985. Il faudra deux ans pour que Wagner commercialise sa première machine : elle porte le nom d'Oekomobil sur les marchés germaniques, d'Ecomobile ailleurs. Du prototype à la commercialisation, le véhicule perd son moteur flat twin de BMW R100 pour un 4 cylindres longitudinal de K100, plus facile à intégrer dans la carrosserie.
Si la forme entièrement carénée et aérodynamique est novatrice, le concept remonte cependant aux années 1920. Le principe d'un deux-roues caréné dans sa partie inférieure et disposant de deux sièges de type automobile situés l'un derrière l'autre remonte en effet à l'anglais Alfred Morgan et en France, des véhicules identiques seront fabriqués et porteront le nom de "Monotrace". A l'époque, le pilote devait relever manuellement les deux roulettes latérales et la conduite de l'engin, lourd et inerte, n'avait rien de naturel. Le pilote devait d'ailleurs composer avec un volant et des pédales au plancher comme sur une automobile.
La Peraves Ecomobile se veut plus simple : le train avant reste celui de la BMW K100, de la fourche au guidon, tout comme le gros phare carré situé sous la bulle. Deux pédales commandent l'embrayage et les freins (qui sont couplés) tandis que les vitesses se changent par un levier à la main. Sous le guidon se trouve un bouton pour le relevage automatique des roulettes stabilisatrices, qui s'opère en 0,5 secondes. On peut les relever quasiment immédiatement, tellement la machine est bien équilibrée, mais également les conserver jusque environ 80 km/h. Une double sécurité empêche de relever les roulettes à l'arrêt comme de les utiliser à haute vitesse. Comme dans les avions en phase d'atterrissage (et de décrochage), une alerte retentit si, à très basse vitesse, les roues stabilisatrices ne sont pas encore sorties. L'Ecomobile dispose également d'un capteur d'inclinaison qui permet de sortir les roues en urgence si l'engin bascule sur le côté. Précisons que l'engin se conduit sans casque mais dispose de ceintures de sécurité.
La boîte de vitesses BMW se voit également dotée d'une marche arrière. Malgré les dimensions conséquentes de l'Ecomobile et notamment sa longueur de 3,70 mètres, le rayon de braquage est excellent et la moto fait demi-tour sur 8 mètres...
Cela peut paraître difficile à croire, mais les qualités dynamiques de l'Ecomobile font partie de ses points forts. Malgré le poids (près de 400 kilos), l'aérodynamisme (la surface frontale est faible et le Cx n'est que de 0,19 !) permet de consommer un bon litre de moins que la moto qui a donné son moteur (et avec le réservoir de 40 litres, les aptitudes autoroutières sont étonnantes), tandis que les aptitudes en courbe sont sidérantes : elles peuvent en effet prendre 52° d'angle et en toute facilité. La vitesse de pointe est de 240 km/h et le 0 à 100 est couvert en 6 secondes, soit plus qu'une bonne GTI.
En 1991, le rigoureux TÜV Allemand lui donne l'homologation européenne. Au tournant des années 1990, l'Ecomobile était vendue l'équivalent de 220.000 Francs en version de base (soit 4 fois plus qu'une grosse cylindrée japonaise), un tarif qui pouvait augmenter au gré des options, telles que le téléphone, l'ABS, la radio, ou l'indispensable climatisation. Selon les sources, environ 150 Ecomobile à moteur BMW K100 auraient été construites.
Deux Ecomobile font de la figuration dans le film futuriste de Wim Wenders "Jusqu'à la fin du Monde".
2007 : place au Monotracer
L'Ecomobile évolue peu tout au long de sa carrière et le next step vient de chez BMW, qui lance alors la K1200S. Son puissant 4 cylindres (avec 175 chevaux en version libre, elle était alors la BMW la plus performante de l'époque). Ainsi motorisée, l'Ecomobile devient Monotracer. On la reconnait avec ses optiques qui sont désormais intégrée à l'avant du carénage. Il a fallu de toute manière refaire tous les moules suite à un incendie dans l'atelier.
Le concept ne changeait pas : les modifications portaient sur des améliorations du châssis et de la carrosserie, avec l'utilisation de Kevlar pour la monocoque, qui recevait également des optimisations d'ordre aérodynamiques. La puissance supérieure du K 1200 permettait d'atteindre désormais 250 km/h en vitesse de pointe, tandis que quelques blocs ont été équipés d'un turbo, ce qui faisait grimper la puissance à 190 chevaux.
Enfin, le Monotracer a été également développé dans une version électrique, avec un moteur de 200 chevaux, qui garantissait jusque 250 kilomètres d'autonomie, en silence.
La Monotracer était vendue à partir de 50 000 €. Trop cher ? Toujours est-il que Peraves était en cessation de paiement en 2011.
Suite de l'histoire en République Tchèque
Mais cette banqueroute ne signifiait pas la fin de l'histoire. Car, en 2009, un accord avait été signé avec une entreprise en République Tchèque pour l'assemblage des machines. Et c'est elle qui a racheté le passif de la maison mère et qui poursuit l'aventure, dirigée désormais par Gustav Prochazka, tandis que Arnorld Wagner fait toujours partie de l'aventure.
La machine a évolué en Motoracer. On la reconnaît à ses "side-blades" (caches latéraux) façon carbone et très inspirés de ceux d'une Audi R8. Là encore, les évolutions techniques sont mineures : les évolutions se font dans le détail, avec un intérieur en cuir, un coffre dont la capacité a été portée à 55 litres et la coexistence au catalogue d'une version thermique et électrique.
Bref, l'histoire continue. Comme toutes les machines atypiques, celle-ci a son club de fan hardcore qui sont persuadés (à raison, peut-être), d'avoir la meilleure moto du monde. Et la fiabilité des composants font que l'immense majorité des machines produites roulent encore, certaines même avec des kilométrages impressionnants. Il paraît que l'essayer, c'est l'adopter. Et bien entendu, Peraves propose un stage de formation à tous ses clients.
Commentaires
la fin de la moto ! mais d'un autre coté faut bien évoluer
14-07-2016 10:43